ATTENTION : Je tiens seulement à dire que ce chapitre comporte une scène plus M que d'habitude et j'espère que vous ne serez pas trop choquée par les pensées/agissements de notre petit couple favori. Sur ce, vous êtes avertis! Bonne lecture : )

(-*-)

Chapitre 17

Dilemmes et Provocations

C'était inacceptable. Qu'est-ce qu'il lui avait pris? Comment avait-il pu laisser les choses dégénérer à ce point? Lui qui se vantait de son contrôle, il était bien puni; non pas par le léger mal de tête qui lui martelait le crâne, mais par la culpabilité qui lui rongeait le ventre.

Darcy attacha furieusement sa cravate, serrant un peu plus que d'ordinaire. Dans la pièce d'à-côté, encore endormie, se trouvait Elizabeth. Il n'osa pas jeter un coup d'œil vers sa forme – nue, comme pour lui rappeler quel brusque personnage il avait été – de peur qu'elle se réveille et croise son regard. Il ne pourrait pas supporter de la voir déçue et humiliée. Bon sang, qu'avait-il fait!

Darcy prit une grande inspiration, pinçant l'arête de son nez avec son pouce et son index. Peut-être ne devrait-il pas réagir si fortement à cette situation… Pourquoi alors lui semblait-elle si horrifiante? Pourquoi ne pouvait-il pas raisonner cette rage au fond de lui? S'il regardait les choses logiquement, il n'avait pas fait grand-chose de mal. Il avait bu un peu plus que d'habitude, soit. Aucun homme d'Angleterre n'avait pas un jour passé par-là et c'était presque pardonnable étant donné l'occasion. Son état lui avait fait confesser assez fervemment son amour à sa femme, certes, et c'est bien le seul point qu'il ne regrettait pas. Cependant, il avait aussi pris Elizabeth sans même songer une seconde à sa pudeur et ça, c'était une autre histoire.

Oh, si ça ne pouvait être que cela! Il se sentait affreusement honteux d'avoir agi ainsi envers elle, mais un fait beaucoup plus grave provoquait en lui ces remords. Darcy n'osait formuler cette pensée tant elle la terrifiait; elle semblait si absurde et impossible! Et, surtout, il ne voulait pas lui donner raison. Car le problème ne résidait pas seulement dans le fait qu'il avait fait l'amour à sa femme d'une manière très peu conventionnelle, quoi qu'assez grave en lui-même pour le faire châtier, mais surtout dans le fait qu'il avait apprécié l'expérience.

Comment pouvait-il penser une chose pareille! Darcy aurait aimé se donner une bonne claque au visage pour se ressaisir. Comment pouvait-il avoir aimé ce comportement si répréhensible? Et pourquoi ne pouvait-il pas chasser l'idée d'un vague coup de main? Car peu importe la force qu'il exerçait à se faire croire qu'il avait détesté cela, la vérité était qu'il avait réellement trouvé en cet échange passionné un plaisir qu'il n'avait jamais vécu auparavant. Même les souvenirs qui lui revenaient en tête à présent, alors qu'il était bel et bien sobre, allumait en lui le désir de recommencer. Et c'est cela qui le frustrait le plus, de ne pouvoir chasser de ses pensées le corps de sa femme, exposée, archée, prête à le recevoir. C'était la manière dont elle avait mordu sa lèvre pour retenir ses cris alors qu'il était en elle, l'observant avoir du plaisir qu'il lui administrait. Sa poitrine qui se soulevait, ses seins nus découverts. L'intérieur de ses cuisses contre ses hanches, sa grippe contre sa taille. Ses cheveux sur le couvre-lit comme un éventail sombre.

Darcy frissonna. Pourquoi n'arrivait-il donc pas à reprendre le contrôle de ses pensées? Il savait que ce qu'il avait fait était mal, inacceptable. Alors pourquoi est-ce que son corps se languissait de répéter l'expérience? Pourquoi ne pouvait-il pas éteindre le feu qui le consumait? Incapable de faire face à sa femme, il sortit de la chambre sans faire de bruits et descendit vers les écuries. Là, impatient, son étalon à la robe de jais piaffait dans sa stalle. Darcy ressentit aussitôt un soulagement; voilà ce qu'il lui fallait. Une longue randonnée à cheval allait certainement lui remettre les idées en place.

Chevaucher Malek avait toujours été une activité qu'il appréciait non seulement pour l'exercice que cela lui procurait, mais aussi pour cette sensation de liberté et de paix qui l'envahissait dès que l'animal se mettait en branle. C'était comme si toutes ses pensées se taisaient et que seul un grand vide prenait place dans son esprit, apaisant ses émotions. Autour de lui, la campagne anglaise était terne et grise. Une rosée glacée faisait briller les feuilles mortes jonchant la route et les grandes branches des arbres ressemblaient à des rameaux de cristal brillants. La fumée des maisons qu'il croisait sur son chemin s'élevait vers les nuages en de minces colonnes sombres, ajoutant au paysage pittoresque une allure sinistre. L'automne faisait lentement place à l'hiver.

Darcy s'arrêta en haut d'une petite colline et observa le spectacle qu'offrait le Hertfordshire. La partie sud de l'Angleterre offrait de beaux coins de pays et même si les environs n'étaient pas aussi agréables à l'œil que le Derbyshire, Longbourne et Netherfields étaient tout de même bien situés. D'où il se tenait il lui était impossible de voir la grande bâtisse de brique rouge de son meilleur ami, ayant chevaucher trop loin, mais plus bas le village de Merryton s'éveillait doucement. De petites formes emmitouflées se promenaient dans la large rue principale, se saluant mutuellement avant de presser le pas afin de retrouver la chaleur de leur foyer. Il était encore tôt et c'est avec un pincement au cœur que Darcy se demanda si Elizabeth était réveillée.

Il n'avait pas le choix. Il devait surmonter cela. Il ne pouvait pas laisser des instincts si primitifs gagner sur sa conscience, c'était tout simplement inacceptable. S'il devait souffrir en silence, soit, il le ferait. Conserver l'intégrité d'Elizabeth était plus important à ses yeux que sa souffrance et cette mince consolation lui donna le courage de rebrousser chemin. Oui, il saurait refréner ces ridicules idées qui l'assaillaient. Il vaincrait ce feu en lui, anéantirait ses remords et retrouverait le Darcy au comportement irréprochable qu'il avait l'habitude d'être.

Cependant…

Oh, ne pouvait-il pas faire taire cette petite voix en lui? Chaque fois qu'il se convainquait qu'il prenait la bonne décision, elle revenait en force. Était-ce vraiment de si ridicules idées? Était-ce vraiment proscrit par la société? Après tout, ce n'était pas un sujet courant entre gentlemen dans les soirées mondaines. Bien sûr, il avait entendu ses camarades à l'école se vanter de leurs prouesses au lit. Combien de fois avait-il écouté Wickham narrer ses aventures nocturnes à qui voulaient l'entendre? Et il n'était pas le seul…la plupart des jeunes bourgeois faisaient l'expérience des maisons closes. Pourquoi n'y avait-il jamais été? Il avait été si concentré sur ses études que les activités du genre lui avait semblé bien superflus… Pourtant, s'ils le faisaient tous, était-ce vraiment si réprimandable? Et combien d'hommes prenaient maîtresses? Non pas qu'il approuvait de ce genre de chose; au contraire, il ne pouvait concevoir faire de même. Si les autres hommes n'avaient aucun scrupule à déshonorer ainsi leur femme, lui n'allait certainement pas salir sa conscience ainsi. Cependant, si auparavant il n'avait pu comprendre pourquoi le sexe masculin ressentait le besoin de frayer, il lui semblait aujourd'hui que la réponse était plus évidente.

Darcy n'avait jamais ressenti un si fort besoin de posséder une femme, sa femme. Les pulsions qui battaient en lui était telles qu'il crut qu'elles allaient le consumer jusqu'à ce qu'il ne reste de lui qu'un tas de cendres. La raison de ces écartements résidait-elle là, pour les infidèles? Incapable d'être satisfait des relations avec leur épouse, ils devaient aller voir ailleurs pour soulager leurs ardeurs? Il ne pouvait pas les blâmer de le faire, c'était tout simplement un enfer. Pourtant, Darcy ne pouvait s'imaginer dans les bras d'une autre femme et il était hors de question qu'il le fasse. Peu importe l'inconfort que cette situation lui procurait, jamais il ne s'abaisserait à agir ainsi. Si les autres hommes n'étaient pas assez forts pour résister aux plaisirs charnels, il en était autrement pour lui et il était déterminé à le prouver.

Netherfields fut en vue plus vite que Darcy ne l'aurait souhaité. Lorsqu'il pénétra à nouveau chez les Bingleys, il trouva Charles dans la bibliothèque, les rideaux tirés et une compresse d'eau froide contre son front. Amusé par cette image, Darcy s'arrêta devant la porte et cogna trois fois contre le bois. Bingley sursauta et poussa un grognement sourd. 'Vous l'avez fait exprès Darcy, n'essayez pas de le nier.'

-'Je ne le ferai pas. Comment allez-vous?'

Son ami fit une grimace. 'J'ai déjà été mieux.'

-'Et Jane? Et Charlie?'

-'Je suis passé les voir ce matin. Jane se remet très bien, le médecin dit qu'il y a peu de chances qu'il y ait quelconques complications, puisque tout s'est déroulé à la perfection.'

-'Le contraire m'aurait étonné.' Pour Darcy, Jane et Bingley étaient bien les seules personnes qu'il considérait beaucoup trop douces et simples pour qu'il leur arrive quoi que ce soit d'hors de l'ordinaire. Ils se complétaient bien et Darcy fut soudainement heureux d'avoir changé d'avis quant aux sentiments de l'aîné des Bennett. Comment avait-il pu être aveugle à l'amour sincère qu'elle portait à son meilleur ami? 'Et le bébé?'

Un grand sourire s'étendit sur le visage du rouquin. 'Il est merveilleux. Ce sentiment en moi est indescriptible, Darcy, je n'aurais jamais pensé que la venue au monde de mon fils me remplirait d'une telle fierté. C'est comme si la signification de ma vie venait de changer.'

Darcy ne laissa pas voir son étonnement. Il savait que Bingley était impressionnable, mais il y avait dans ses paroles et son regard une intensité qu'il n'avait jamais vue auparavant. 'Et je suppose que c'est une bonne chose?'

-'Je sais ce que vous pensez, mon ami, je peux voir à votre visage que vous ne comprenez pas de quoi je parle. Cependant, je vous jure que mes mots ne sont pas exagérés; Charlie a à peine vingt-quatre heures de vie et déjà j'ai envie de lui montrer tout ce que je sais. J'ai envie de lui offrir le monde, de le voir grandir pour devenir un grand homme. Jane en est si fière. Il me ressemble, selon elle.'

N'ayant eu qu'une brève vue de l'enfant, qu'il avait trouvé plutôt fripé comme un vieil homme, il ne pouvait approuver les dires de Bingley et il se contenta de sourire légèrement. 'Il a vos cheveux, cela est certain.'

En effet, Charlie était né avec une tignasse rousse comme les feuilles en automne. Le nouveau père se gonfla d'orgueil. 'Oui, en effet. Je ne crois pas me vanter lorsque je dis qu'il est le plus beau bébé que cette terre ait porté.'

Darcy eut un petit rire. 'Vous êtes un homme béni, alors.'

-'Effectivement, je le suis.'

-'Je suis heureux pour vous, Bingley, sincèrement.'

-'Merci. Je viendrai vous le présenter en bonne et due forme tout à l'heure, lorsque la nourrice aura fini de le nourrir. Jane est impatiente de le reprendre et moi aussi. D'ailleurs, il doit être temps d'y aller.' Bingley se leva avec peine, poussant un long soupir. 'Cette journée serait parfaite si seulement je n'avais pas ce mal de tête atroce. L'idée semblait bonne hier, mais aujourd'hui elle l'est beaucoup moins. Heureusement, Jane est si fatiguée qu'elle ne semble pas avoir remarqué l'état dans lequel je suis. Avec un peu de chance j'aurai retrouvé toute ma vigueur lorsqu'elle sera bien reposée.'

-'Pensez à votre enfant, cela semble vous donner un coup de fouet propice à vous faire oublier votre mal.'

Charles éclata de rire, puis s'interrompit en faisant la grimace. 'Vous avez raison, tout semble secondaire à côté de Charlie.' Il prit la direction de la porte et, comme s'il se souvenait soudainement de quelque chose, se tourna vers son meilleur ami. 'Oh, Darcy. Pour répondre à votre question, oui, le fait que mon fils ait changé la signification de ma vie est une bonne chose. C'est même la meilleure chose qui me soit arrivée. C'est comme si soudainement tout ce qui est superficiel n'a plus d'importance; ce qui m'importe est le bonheur de ma famille et l'avenir de mon enfant. Ma vie, je la leur donne. Et d'aimer de tout son être est le sentiment le plus satisfaisant qu'un homme puisse ressentir.'

Sur ces mots il sortit, laissant derrière lui un Darcy surpris…et confus.

(-*-)

Quelque chose n'allait pas, elle le savait.

Elizabeth jeta son chapeau et ses gants sur son lit, puis déboutonna son spencer d'un geste impatient. Comment avait-elle pu croire que cela pourrait durer? Darcy était redevenu le même homme qu'avant, distant, poli, respectueux. Il était même pire. Depuis cette matinée le lendemain de leur nuit passionnée il avait redoublé de courtoisie à son égard, mais aucun rapprochement physique n'avait été fait. Elle qui avait cru pouvoir revivre une expérience de la sorte, elle était bien déçue; non seulement refusait-il de la toucher, mais il avait même été jusqu'à s'excuser de son comportement. Elle avait été si surprise de ce geste qu'elle était resté muette comme une carpe et elle n'avait pas eu le temps de se ressaisir avant qu'il ne quitte la pièce pour aller à la bibliothèque. Que s'était-il passé? Pourquoi agissait-il ainsi? Lizzie savait, elle en était convaincue, que Darcy avait apprécié cette soirée malgré son ébriété. Pourquoi alors se comportait-il comme s'il avait fait quelque chose de mal? Ç'avait été si magique! Comment pouvait-il condamner cela? Elle était sa femme! Sûrement, agir ainsi envers son épouse n'était pas un crime. Pourquoi ne voyait-il pas que c'était tout naturel et, surtout, libérateur? Oh, elle savait quel effet elle faisait sur son mari. Ne la regardait-il pas avec cette lueur dans les yeux lorsqu'il pensait que personne ne l'observait? N'avait-il pas cette intensité dans le regard, si ardant qu'il semblait un message en lui-même de combien elle lui plaisait? Darcy, sans même s'en rendre compte, lançait une multitude de messages. Comment était-elle supposé comprendre ce qu'elle devait faire alors que ses yeux l'incitaient à le rejoindre et ses manières la repoussait à une distance respectable?

Plus de deux semaines s'étaient écoulées. Deux semaines où il ne l'avait pas une fois attiré à lui. Il dormait toujours à ses côtés, près du bord, le dos tourné. Le matin, il était le premier à se lever et disparaissait avant même qu'elle ouvre les yeux. Le soir, il venait la rejoindre très tard, si tard qu'elle était déjà endormie lorsqu'il prenait place près d'elle. Il passait ses journées dans la bibliothèque, à cheval ou avec Bingley et se retrouvait rarement seul avec elle. Il avait toujours cet air déterminé et bientôt de larges cernes apparurent sous ses yeux. Lorsqu'Elizabeth avait tenté de l'interroger sur sa santé, il avait détourné la conversation sur un autre sujet, soit celui d'un imminent voyage à Londres après Noël. Voyage qu'il ferait seul.

Lizzie tenta de rassembler ses pensées. Si durant la première semaine le comportement de Darcy avait été curieux, voir déconcertant, la deuxième n'avait pas laissé place à autre chose qu'une colère grandissante. Maintenant qu'elle avait goûté à ce fruit défendu, comment pouvait-elle retourner à sa vie quotidienne comme si rien ne s'était passé? Ce qu'elle avait vécu ne pouvait être effacé – et elle ne le voulait certainement pas – et le comportement de Darcy la blessait profondément. Avait-elle fait quelque chose de mal? Avait-elle été mauvaise d'une quelconque façon? Était-elle la seule à ressentir ce besoin, cette soif de lui? Lizzie avait senti une connexion à ce moment, un lien si fort que son cœur lui avait fait mal. Elle s'était sentie proche de lui, comme si elle avait été incomplète toute sa vie et que tout d'un coup elle était entière.

-'Ce n'était pas mal.' Murmura-t-elle furieusement, comme pour soutenir sa certitude. 'C'était parfaitement naturel.'

Abigaëlle, qui rentrait à ce moment avec une robe fraîchement lavée pour l'après-midi, fronça les sourcils en voyant sa maitresse, le regard sombre, assisse d'une manière très peu gracieuse sur le fauteuil près de la fenêtre.

-'Une tempête en vue?' demanda la jeune femme d'un ton désinvolte.

-'Non, le ciel est clair.'

-'Je parlais de vos émotions.'

Elizabeth tourna un regard surpris vers Abby, qui ne souriait à personne en particulier. Elle observa sa suivante pendant un moment alors qu'elle déposait délicatement le vêtement sur le lit, prenait son chapeau et ses gants pour les ranger.

-'Peut-être.' Finit-elle par avouer et le seul fait de le dire sembla apaiser son ressentiment. Était-ce anormal de vouloir se confier de ce genre de choses? Elle n'avait pas osé aller voir Jane, de peur de la choquer avec ses propos, et elle n'avait certainement pas pu en parler avec Darcy, qui l'évitait à tout moment. Abigaëlle était la seule personne qui l'écouterait sans la juger. 'Abby.' Dit-elle soudainement, décidée à soulager sa conscience. La concernée cessa son travail et attendit, les mains croisées à l'avant de sa robe. 'Je peux compter sur votre totale discrétion, n'est-ce pas?'

-'Vous savez bien que oui, Mrs Darcy.'

Elizabeth soupira, le cœur soudainement battant. 'Croyez-vous qu'un homme et une femme peuvent partager des moments de…enfin…vous voyez ce que je veux dire…sans qu'il y ait un devoir quelconque d'impliqué?'

Haussant les sourcils, Abigaëlle répondit : 'Vous voulez dire, qu'ils aient des relations par plaisir?'

Lizzie se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux, mais elle approuva brièvement, n'osant pas rencontrer son regard.

-'Quelle réponse voulez-vous, celle que je devrais répondre ou celle qui exprime mon opinion?'

-'La vôtre.'

Abby pesa ses mots. 'Je suis d'avis qu'un homme et une femme décident eux-mêmes de ce qui se passe derrière la porte de leur chambre. Je ne crois pas qu'il y ait de mal à partager une relation plus…épanouie…entre deux époux si c'est ainsi qu'ils le souhaitent.'

-'Exactement! C'est exactement ce que je me dis et William n'est pas –' Elle s'interrompit, consciente qu'elle en disait beaucoup trop. Pourtant, le regard amusé d'Abigaëlle l'encouragea à poursuivre. 'William ne semble pas partager cet avis.' Termina-t-elle sombrement. 'Je ne comprends pas ce qui s'est passé. L'autre fois, il était si…si passionné et maintenant c'est à peine si l'on partage un moment seul à seul. Il a honte de ce qu'il a fait, j'en suis certaine.'

-'Il n'était pas sobre, n'est-ce pas?'

Elizabeth tourna vers elle un regard étonnée. 'Comment savez-vous cela?'

-'Oh, je me rappelle bien cette soirée. Je ne crois pas avoir entendu Mr Darcy parler autant depuis que je suis à votre service.'

-'Oui…disons que le brandy a quelque peu altéré son comportement.'

-'Les hommes en boisson ont tendance à baisser leur garde et à faire ou dire des choses qu'habituellement ils garderaient pour eux.'

Lizzie expira brusquement. 'Je ne sais pas quoi en penser. Je ne sais pas si je devrais réagir de cette manière. Est-ce moi le problème? Pourquoi est-ce que je ne trouve rien de mal à ce qui s'est passé?'

Abigaëlle eut un sourire. 'Je sais que nous ne venons pas du même monde, Mrs Darcy, mais d'où je viens il est tout à fait naturel de partager des moments du genre avec son mari ou sa femme tant et aussi longtemps que les deux respectent les désirs de l'autre. En fait, je crois que réfréner ses…pulsions…peut entraîner de pires conséquences.'

Elizabeth se mordit la lèvre, soudainement inquiète. Et si la pression devenait trop forte pour Darcy? Jusqu'où irait-il? Se rendrait-il malade à essayer de combattre son désir pour elle? 'Vous croyez qu'il y a un moyen de lui faire comprendre?'

-'Connait-il la position dans laquelle vous vous trouvez? Peut-être a-t-il peur de brimer votre intégrité…'

-'De quelle manière puis-je faire lui faire part de mon consentement? Il ne veut pas en discuter avec moi.'

Abby réfléchit quelques instants. 'Je crois que la seule solution est de le confronter. De l'obliger à avoir la conversation en étant un peu plus ferme que d'habitude.'

-'D'accord. Le confronter.' Murmura la maitresse de Pemberley pour elle-même, soudainement déterminée. 'Cependant, j'ai essayé d'aborder le sujet assez directement et chaque fois il arrive à détourner la conversation. De toute façon, il n'est jamais seul avec moi et il est hors de question que je provoque une scène en public.' Elizabeth poussa un long soupir. 'Je trouverai bien un moyen. Merci Abby, vous ne pouvez savoir à quel point cette conversation était rassurante. J'espère ne pas vous avoir trop offensé par mon audace.'

Celle dernière se leva, un sourire satisfait sur ses lèvres. 'Je suis heureuse d'avoir pu vous aider, Mrs Darcy. Vous savez bien qu'il m'en faut beaucoup plus pour être choqué…Et vos secrets iront avec moi dans ma tombe.' Elle se dirigea ensuite vers le vestiaire puis ajouta, avant de disparaître: 'Si j'étais vous, je crois que j'essayerais d'adoucir les choses avec du brandy. Cela semble avoir fonctionné la première fois, alors pourquoi pas une deuxième?'

(-*-)

Le baptême, qui s'était déroulé une semaine après la naissance de Charlie, avait été un joyeux moment pour la famille. Wickham ne s'était pas présenté, comme l'avait prédit Lydia, et ainsi la confrontation tant redouté de tous les partis n'eut pas lieu. C'est dans le calme que l'enfant fut baigné et béni, sous les yeux vigilants de son père et ceux sérieux de son parrain. Lizzie, qui était la marraine, avait tenu l'enfant dans ses bras pendant un long moment et avait été heureuse de constater que, contrairement à Edwina, Charlie ne pleurait pas du tout. Il se contentait de contempler son visage avec des yeux émerveillés et curieux. Trop occupée à l'observer, Elizabeth ne vit pas les sourcils froncés et le regard étrange que lui jetait son mari.

Décembre était bien entamé lorsque Lizzie trouva enfin le moyen de mettre un plan à exécution. Les préparations de Noël allaient bon train à Netherfields et elle n'était pas trop déçue de ne pas être à Pemberley cette année. Jane, qui venait tout juste de sortir de son mois de convalescence, avait exprimé le souhait de passer un réveillon tranquille et comme Bingley prenait tous ses désirs pour des ordres, la fête qui se préparait était réservée au groupe très minime composé des Bingley, des Hurst, des Bennett et des Darcy. Presqu'un mois s'était écoulé depuis la conversation qu'elle avait eu avec Abigaëlle et Elizabeth n'avait rencontré aucun succès dans ses tentatives de confrontation. Chaque fois qu'elle avait essayé de forcer la conversation avec Darcy, celui-ci avait coupé court à tout argument d'une voix autoritaire.

Ironiquement, ce fut Caroline Bingley qui l'inspira. Les sœurs de Charles étaient présentes depuis la naissance de l'enfant et ne semblaient pas pressées de repartir. Il était pénible pour Lizzie d'être en présence de ces deux femmes, surtout Caroline, qui ne cessait de la regarder d'un air moqueur. Elle savait que cette dernière était consciente du froid qui la séparait de son mari et il lui semblait que la vieille fille redoublait d'efforts pour attirer l'attention de Darcy. Elle s'asseyait à ses côtés au souper, discutaient en baissant la tête près de la sienne, souriait beaucoup trop et avait même osé l'inviter à faire une promenade. Heureusement, Darcy ne mordait pas à l'hameçon et gardait toujours une distance respectable entre elle et lui. Cependant, cela ne manqua pas d'irriter Elizabeth et elle savait qu'elle avait du mal à le cacher.

Cette soirée-là, l'avant-veille de Noël, ils étaient tous rassemblés dans le grand salon de Netherfields. Lizzie n'avait pas dit un mot depuis le souper, travaillant machinalement sur sa broderie. Elle jetait parfois des coups d'œil à Darcy, assis de l'autre côté du divan, et ne pouvait ignorer ce regard sombre et tourmenté qui semblait habiter ses yeux. Il était pâle, mais déterminé. Ses sourcils étaient froncés, mais rien ne laissait paraître le dur combat qu'il menait en lui. Occupée à faire ces observations, elle ne vit pas Caroline Bingley venir auprès d'elle pour admirer son travail.

-'Oh, Elizabeth, vous avez la main si délicate!' s'exclama-t-elle et Lizzie sursauta vivement. 'Quelle bonne idée de broder des lapins, c'est tout à fait original.'

-'Ce sont des abeilles.'

-'Vous êtes sûre? Et bien.' Elle la délaissa pour se diriger vers Jane afin d'observer Charlie, profondément endormi dans les bras de sa mère. Le visage de Caroline s'adoucit en le contemplant. 'Oh, Jane, jamais n'ai-je vu d'enfant plus beau que celui-ci!'

-'Oui, n'est-ce pas?' approuva aussitôt Bingley, fier comme un coq. Il n'avait pas quitté les côtés de sa femme depuis qu'elle était descendue, surveillant Jane et l'enfant comme s'ils étaient deux fragiles pièces de porcelaine.

Le cœur d'Elizabeth se serra, comme à chaque fois qu'elle voyait les Bingley s'émerveiller sur le nouveau bébé. De voir Jane enceinte avait éveillé en elle un drôle de sentiment qu'elle n'avait pas vraiment réussi à cerner et maintenant qu'elle la voyait avec son enfant c'était encore pire. Elle sourit malgré elle en voyant le petit bailler dans son sommeil.

-'Mr Darcy, ne trouvez-vous pas qu'il ressemble à Mr Bingley senior?' demanda soudainement Caroline, tentant d'attirer son attention. Il n'était pas difficile de voir que cette dernière tirait une joie malicieuse de voir le couple Darcy si distant l'un envers l'autre. Lizzie ne manqua pas de remarquer la position que Caroline avait adoptée; postée derrière Jane, penchée légèrement vers l'avant pour regarder le bébé, elle exposait ainsi une partie de son anatomie déjà très peu couverte.

-'Il y a certainement une ressemblance, en effet.'

-'Ne trouvez-vous pas que ce cher ange possède la rondeur des joues de Mrs Darcy? Oui, oui, c'est un trait tout à fait typique de votre sœur, Jane, mais ne vous inquiétez pas, cela disparaîtra avec le temps.'

Elizabeth, estomaquée, la fixa d'un air farouche. Non seulement se permettait-elle de l'insulter ouvertement devant sa propre famille, mais elle osait aussi provoquer Darcy, son mari, en pensant qu'elle s'en sortirait si facilement? Elle s'interrompit dans ses pensées. Provoquer. Voilà ce qu'elle devait faire ! Elle devait lui faire face, l'attirer à elle, le tenter d'une telle manière qu'il ne puisse pas refuser de lui parler…ou mieux encore, de la prendre.

Clamant un léger mal de tête, Lizzie quitta le groupe quelques minutes seulement après avoir eu cette brillante idée. Elle regagna sa chambre d'un pas décidé et appela Abigaëlle.

-'J'ai besoin d'une bouteille de brandy et d'un verre. Discrètement, cela va sans dire. Il faut aussi attiser le feu, je veux que la pièce soit un peu plus sombre. Apportez deux chandelles de plus, que vous déposerez sur les tables de chevet. Sortez une nouvelle robe de nuit, la plus légère que vous pourrez trouver, et apportez-la moi.'

Abby fit une légère révérence, surprise, avant de disparaître par la porte de service. Elle revint quelques instants plus tard avec ce que sa maîtresse lui avait demandé et Elizabeth l'observa alors qu'elle déposait la bouteille de cristal sur la petite table dans le coin de la pièce et que ses mains habiles tisonnaient le feu.

-'J'ai pris la liberté de faire couler un bain.' Dit la jeune fille lorsqu'elle eut terminé. 'Et j'ai fait rajouter quelques huiles essentielles, de la bergamote et de la rose, et du lait. Vous verrez, ça rend la peau très douce.'

-'Vous savez, Abby, parfois je me demande comment vous pouvez être si perspicace.' S'étonna Lizzie en se dirigeant vers son vestiaire.

-'Disons que j'ai un bon sens de l'observation.' répondit cette dernière en rosissant, flattée du compliment.

Après s'être nettoyé avec minutie, Lizzie revêtit sa robe de nuit et s'installa devant sa commode.

-'Puis-je suggérer quelque chose?' demanda la jeune fille avec un regard espiègle. Intriguée, Elizabeth hocha vivement la tête. 'Vos cheveux. Ne les tressez pas, laissez-les libres.'

Abigaëlle se chargea d'enlever les pinces puis, après les avoir humidifié avec un peu d'eau, elle les travailla avec ses mains pour raviver les boucles. Sa crinière sombre cascadait gracieusement sur ses épaules et Lizzie devait s'avouer que l'image qu'elle projetait n'était pas repoussante du tout. Elle se pinça les joues pour y ajouter un peu de couleurs.

-'Croyez-moi, telle que je vous connais, les couleurs viendront d'elle-même dès que la porte se refermera derrière Mr Darcy. Tenez, une goutte de parfum derrière chaque oreille et vous êtes fin prête.'

Darcy mit du temps à monter, comme à son habitude. Lorsque dix heures sonna, Elizabeth entendit ses pas dans le couloir et la poignée de porte grincer doucement. Assise dans le fauteuil près du feu, qui s'était considérablement tamisé depuis qu'elle était montée, Darcy ne semblait pas l'avoir remarqué. Le cœur battant, elle avala avec difficulté, essayant d'humidifier sa bouche soudainement sèche.

-'Bonsoir, William.'

Darcy sursauta violemment. 'Par tous les noms, Elizabeth, vous m'avez fait une de ces peurs!'

Il ne fallait pas qu'elle perde contenance. Il fallait qu'elle joue le jeu, qu'elle l'attire dans ses filets. Il n'y avait pas de place pour l'hésitation, seulement la détermination. Et elle était déterminée à avoir son mari, maintenant.

-'Puis-je vous offrir à boire?' lui demanda-t-elle d'une voix doucereuse en lui pointant la table derrière lui. Elle se leva, forçant ses mains à arrêter de trembler.

Darcy se retourna, resta figé un moment, puis redirigea son regard vers sa femme. 'Quel genre de plaisanterie est-ce cela?'

Il semblait fâché. Et nerveux. Elle n'avait pas de châle pour lui couvrir les épaules et elle savait que sa chemise de nuit était presque transparente à la lueur des flammes. Il ne manqua pas de le remarquer, ayant du mal à ne pas descendre les yeux vers sa silhouette.

-'J'ai pensé que cela pourrait aider à vous détendre.' Répondit-elle en se dirigeant vers la carafe pour lui verser un verre.

Il le refusa. 'Elizabeth, je ne sais pas à quel jeu vous jouez, mais je peux vous affirmer que je ne trouve pas cela très amusant. Couvrez-vous, vous allez attraper froid.'

Lizzie eut un petit sourire. 'Au contraire, il fait chaud.' Mentit-elle, espérant qu'il ne viendrait pas toucher ses mains et ses pieds. Seul son visage l'était, certainement rosit par cette timidité qu'elle empêchait fermement de transparaître dans son attitude. 'Je vous attendais, Will. J'ai pensé que l'on pourrait…'

Elle s'approcha de lui, mais il recula d'un pas en levant la main. 'Que faites-vous?'

Elle haussa les sourcils, réellement surprise. Il semblait…paniqué? 'Asseyez-vous.' Lui ordonna-t-elle gentiment et il s'exécuta, méfiant. Elle s'agenouilla devant lui et se pencha pour lui retirer ses bottes, exactement comme la dernière fois. Elle avait pris soin de ne pas attacher les rubans sur le devant de sa chemise, révélant un plongeant plus que prononcé sur sa poitrine. Elle l'entendit se racler la gorge.

-'Vous êtes tendu.' Remarqua-t-elle après un moment et, levant les yeux, rencontra son regard fiévreux. Elle posa ses mains sur ses genoux, remontant lentement sur ses cuisses; avant même qu'elle ait pu bouger de quelques centimètres, Darcy interrompit son mouvement brusquement en posant ses mains sur les siennes.

-'Elizabeth. Ne faites pas cela.'

-'Pourquoi?'

-'Ce n'est pas…Je ne peux pas, c'est tout.'

Darcy avait peine à respirer. L'odeur de ses cheveux et de son parfum semblait l'étourdir alors qu'il fixait son visage avec une intensité bouillonnante. Il avait pris une boucle de ses cheveux entre ses doigts, tout près de son visage, et elle frissonna en sentant sa caresse, aussi légère qu'une plume, lui frôler la joue.

Était-ce une invitation? Elle leva des mains hésitantes afin de dénouer sa cravate et cette fois il la laissa faire.

-'Lizzie…' souffla-t-il, comme un avertissement, lorsqu'elle déboutonna le col de sa chemise. Elle effleura sa peau; elle était brûlante.

Elle y était presque, elle le sentait. Elle pouvait voir que le contrôle de son époux fléchissait, que ses instincts gagnaient la bataille. Après autant de temps sans l'avoir, Elizabeth savait que Darcy brûlait pour elle autant qu'elle brûlait pour lui. Elle avait besoin qu'il la possède, qu'il ne puisse résister à la prendre, à la faire sienne. Elle voulait voir son pouvoir sur lui briser toutes les barrières qu'il tentait si péniblement de garder élevées.

Les mains de Darcy se refermèrent sur son visage et il l'attira à lui, l'embrassant prudemment. Elizabeth, insatisfaite, entrouvrit ses lèvres, forçant le baiser à s'approfondir. Soudainement, il voulut la repousser, mais elle insista. Il la repoussa une seconde fois.

-'Lizzie.' Marmonna-t-il d'une voix rauque, ses mains retenant son visage à quelques centimètres du sien. Puis, se dégageant brusquement, il se leva afin de se réfugier dans le coin de la pièce, près de la table. Le verre qu'elle lui avait servi était toujours là; il le prit et fit cul sec.

Elizabeth soupira de frustration; la mission s'avérait plus difficile qu'elle ne l'aurait cru. Pourquoi ne cédait-il pas à la tentation? Elle devait déchaîner la tempête et ne pas le laisser reprendre ses esprits sinon tous ses efforts allaient être vains. Elle qui avait fortement espéré ne pas avoir à se rendre jusque-là, elle n'hésita pas une seconde à faire le saut. Retirant rapidement sa chemise de nuit, elle marcha vers lui d'un pas lent. Darcy lui tournait obstinément le dos.

-'William.' Lui dit-elle d'une voix ferme. 'Regarde-moi.'

-'Non.'

-'Pourquoi?'

-'Lizzie, pourquoi me faire cela? Pourquoi –' Il s'était tourné tout en parlant, mais s'interrompit aussitôt en voyant la tenue d'Ève d'Elizabeth. Ce fut comme si on l'avait frappé à l'estomac; il eut un mouvement de recul et dû prendre appui sur la table, incapable de détourner son regard du corps de sa femme.

-'Je…je…'

Son cœur battait la chamade. Jamais de sa vie ne s'était-elle exposée ainsi, nue comme un ver, et la sensation était très étrange. D'un côté, elle savait que ce qu'elle faisait était totalement inapproprié pour une femme de son rang. D'un autre, de braver l'interdit lui apportait des frissons d'excitation agréables, une sensation de pouvoir qui irradiait tout au long de sa colonne.

Darcy ne détourna pas le regard. Elle non plus. Elle avança de quelques pas, très sérieuse. 'Embrasse-moi, Will.'

Elle descendit ses mains contre ses bras et le força à entourer sa taille. Les ongles de Darcy s'enfoncèrent dans sa peau. 'S'il-te-plait.' Souffla-t-elle, levant des yeux suppliants vers lui.

Il abandonna. Poussant un grognement sourd, Darcy l'attira à lui brusquement et plaqua sa bouche contre la sienne.

Tout se passa très vite.

Un moment ils s'embrassaient avec fougue, pressés l'un contre l'autre, comme s'ils étaient affamés et que seuls leurs baisers pouvaient les rassasier. Un autre ils se battaient avec le reste de la chemise de Darcy, trop impatients pour réaliser que, logiquement, le vêtement ne pouvait être retiré si le propriétaire en question ne libérait pas ses bras pour y faire passer les manches. Darcy soupira de soulagement lorsque son torse entra en contact avec la peau de sa femme et il enfouit son visage dans son cou, inspirant profondément, son étreinte si forte qu'Elizabeth s'en sentit étourdie.

-'Will…' murmura-t-elle, à bout de souffle.

Tout d'un coup, elle se retrouva là où Darcy s'était tenu, assise sur la table alors qu'il l'embrassait comme si sa vie en dépendait, ses doigts s'attaquant aux boutons de son pantalon. Puis, alors que Lizzie jubilait de sa victoire, prête à revivre cette passion qu'elle avait goûté plus d'un mois plus tôt, Darcy sembla avoir un moment de lucidité. Il se retira brusquement et s'éloigna, s'arrêtant près de la fenêtre, et même dans la pénombre Elizabeth pouvait voir ses épaules monter et s'affaisser comme s'il venait de courir plusieurs miles sans s'arrêter. Il serra les poings et frappa le mur violemment.

Lizzie sursauta, saisie, essayant tant bien que mal de comprendre ce qui venait de se passer. Un long moment s'écoula avant qu'une déception l'envahisse et qu'elle consente enfin à bouger. Elle ramassa sa chemise de nuit et l'enfila, lentement.

-'Je suis désolé, Lizzie.' Dit Darcy au bout d'un moment. 'Je suis horrifié de mon comportement, je ne sais pas ce qui m'a pris.' Son poing, toujours sur le mur, était si serré que ses jointures étaient blanches.

Elizabeth poussa un long soupir. 'C'est ma faute.'

-'C'était…inacceptable.'

-'Will, ce n'était rien.'

-'Rien?' répéta-t-il, en colère. 'Ce n'était pas rien! Vous prendre, comme ça sur une table, sans honte, ce n'est pas rien. Je vous assure que cela ne se reproduira plus. Vous êtes ma femme. Je me dois de vous respecter, de respecter votre pudeur, votre intégrité, votre – '

Lizzie l'interrompit. 'Cela suffit, Will. Je ne sais pas ce qui me déçoit le plus, qu'après une année de mariage tu éprouves toujours le besoin de me vouvoyer ou bien le fait que tu ne m'aies même pas demandé si le respect de ma pudeur et de mon intégrité était réellement ce que je voulais.'

Darcy parut décontenancé, mais Elizabeth ne lui laissa pas le temps de réfléchir qu'elle se dirigeait déjà vers le lit. C'était si désappointant! Pourquoi devait-il tant se soucier de sa réputation? Personne d'autre qu'eux n'était au courant de ce qui se passait dans leur chambre à coucher alors pourquoi respecter les convenances dans ce domaine aussi? Elle l'avait vu dans ses yeux, dans ses gestes; il se privait de ce qu'il souhaitait vraiment. Pourquoi ne voyait-il pas que c'était ce qu'elle désirait?

-'Lizzie.'

Elle ne se retourna pas. Ses mains plaçaient les couvertures inutilement.

-'Lizzie.' Répéta-t-il, plus sévèrement cette fois.

Elle tourna la tête vers lui, son regard glacial. 'Oui?'

-'Je ne comprends pas.' Lui dit-il, sérieux. 'Il est irraisonnable de songer que je puisse agir de la sorte envers vous. J'ai trop de respect à votre égard, ne comprenez-vous pas? Quel genre d'homme serais-je si je laissais mes envies prendre le dessus sur tout le reste?'

Elizabeth roula. 'Ce n'est pas du respect, Will. Du respect comme celui-ci doit être témoigné à sa famille, à ses relations, à ses connaissances. Je suis ta femme. Je ne suis pas comme toutes les autres. Ce qui est inconvenable en société n'est pas exécuté en société; ce qui est convenable dans un couple marié est établi par le couple en question et non par tous ceux qui les entourent.'

-'D'où tenez-vous cela?'

-'De nulle part! Je tiens ça de mon propre sentiment. Je t'aime, Will, ne comprends-tu pas cela? Je t'aime et j'ai besoin de sentir que tu m'aimes aussi, que je suis plus à tes yeux que ces stupides convenances! Le bonheur n'est pas répréhensible, n'est-ce pas? Et je suis heureuse dans tes bras, lorsque je sens que tu me désires et que tu laisses ton cœur parler à la place de ta tête.'

-'À entendre votre description, j'échoue lamentablement dans mon rôle de mari.' Même si ses paroles avaient été prononcées sur un ton neutre, il était blessé.

Elizabeth s'en sentit coupable, mais sa déception était plus forte que sa culpabilité. 'Ce n'est pas ce que j'ai dit.'

-'C'est ce que vous insinuez.'

-'Non, ce que j'insinue est que j'ai l'impression que ton amour pour moi est contrôlé par tout sauf ton cœur et il n'est jamais très gratifiant de savoir que le sentiment que porte un homme à notre égard est suivi selon les règles strictes de la société.'

Darcy secoua la tête. 'Vous êtes irrationnelle. Vous oubliez votre position, votre devoir.'

-'Je me fous de mon devoir, William!' s'exclama furieusement Elizabeth. 'Ce que je veux c'est de sentir que je vaux quelque chose à tes yeux, que je compte plus que n'importe quelles convenances, que tes devoirs sont moins importants que moi, que je suis une priorité dans ton cœur ET ta tête!'

Le visage de Darcy se ferma. 'Vos propos sont très futiles, Madame, et très égoïstes. Vous oubliez que vous possédez tout ce dont une femme peut rêver d'avoir.'

-'Je n'ai jamais souhaité tout ça. Je ne l'ai jamais demandé. Tout ce que j'ai toujours voulu était de me marier par amour. Le reste m'importe peu.'

Darcy se redressa, leva la tête de cet air hautain qu'elle détestait tant. 'Je ne peux vous offrir ce que vous me demandez. J'en suis désolé.'

Elizabeth reçut cette réponse comme une gifle. Embarrassée d'avoir été si honnête avec lui, voilà qu'elle recevait ce refus d'une manière si drastique que s'en était une insulte à son amour-propre. Lui tournant le dos, elle ajouta : 'Bonne nuit, Mr Darcy. J'espère que vous appréciez la solitude car c'est ce qui vous attend, ici ou à Pemberley.'

-'Elizabeth, soyez ra-'

-'Si vous dites le mot «raisonnable» une fois de plus, Mr Darcy, je vous jure que ce soir est la dernière fois que vous voyez mon visage.'

Darcy se tut. Puis il fit une légère révérence et sortit prestement, ses pas un peu trop brusque trahissant sa colère. Lizzie soupira à nouveau, prenant sa tête entre ses mains. Que se passait-il donc? Pourquoi Darcy ne comprenait-il pas? Et pourquoi ne pouvait-elle pas se contenter de tout ce dont les autres femmes se contenaient, d'un amour platonique? Elle aimait Darcy plus que n'importe qui, elle l'aimait tant que la rage l'envahissait lorsqu'elle n'avait pas l'opportunité de lui montrer. Elle avait envie qu'il le sache, qu'il le sente, que ses sens et ses pensées ne puissent pas douter une seconde de ses sentiments pour lui. Elle avait besoin d'exprimer cet amour, d'évacuer la force avec laquelle elle l'aimait. Mais comment le pouvait-elle alors que les conventions les emprisonnaient comme des oiseaux sauvages en cage?

(-*-)

Alors? Pas trop déçues? Je sais, Darcy n'est pas resté un longtemps l'homme décontracté et amoureux qu'on adore, mais je crois tout de même que ce chapitre est très fidèle au personnage qu'il est. Il faut voir l'évolution de ses pensées, c'est là que les changements se font majoritairement. Les actions suivront ensuite : )

J'ai vraiment besoin de votre avis…Était-ce trop M? Devrais-je ne pas trop m'aventurer sur ce terrain? Je ne dis pas que tous les chapitres auront une scénette du genre, mais quelques-unes de temps à autre me semblerait plus réaliste. Présentement, ils n'arrivent pas à s'entendre, mais il va y avoir un moment où, lorsque Darcy aura baissé sa garde et Lizzie calmé ses caprices, cela sera inévitable. Enfin, vous pourrez lire un article sur mon Livejournal à ce sujet prochainement.

Reviews toujours appréciés : ) A bientôt j'espère!