J'ai eu du mal avec ce chapitre-ci; je ne peux plus compter les fois où les évènements ont changés et/ou j'ai réécrit certains passages. Je ne suis pas entièrement satisfaite, mais c'est le meilleur que j'ai pu faire. J'espère qu'il vous plaira tout de même!

P.s. Ne soyez pas surprises si Darcy et le Colonel Fitzwilliam se tutoient. J'aime lorsque les personnes proches (par exemple Georgiana et Darcy ou Lizzie et Jane) sont familiers entre eux, surtout s'ils se connaissent depuis leur enfance. Aussi, Mr Bennet tutoie sa fille car je voulais créer une certaine hiérarchie entre eux (puisqu'il est le père, il a le droit, en quelque sorte, de la traiter en « inférieure ». Je ne dis pas cela dans un sens péjoratif, mais plutôt dans un sens de pouvoir). : )

Chapitre 19

Au bord du gouffre

Londres en plein mois de janvier n'avait rien d'attrayant. Darcy regardait d'un air pensif les fenêtres illuminées des maisons de son quartier alors que sa diligence se frayait un chemin sur la rue déserte. Plusieurs d'entre elles laissaient entr'apercevoir des groupes de gens en tenue de soirée, coupe de vin à la main, riant, dansant, buvant. Les femmes resplendissaient dans leur robe de soie importée, les cheveux remontés et ornés de peignes d'ivoire, de rubans, de perles, de fleurs. Les hommes, impeccables, entouraient les dames comme s'ils étaient les maîtres de l'Univers, requérant leur attention et essayant de les impressionner à l'aide de phrases habillement tournées.

Combien de fois Darcy avait-il assisté à ce genre de soirée? Combien de fois avait-il dû endurer les repas incessants, les danses sans fin? Ces gens, ils les connaissaient. Pas personnellement, mais il savait reconnaître dans les gestes les plus communs la stricte éducation des bourgeois. La Saison n'était pas sa période favorite et chaque année il souhaitait qu'elle se termine dans les plus brefs délais. Il n'avait jamais été doué pour la socialisation; pourtant il avait socialisé. Il avait toujours détesté les phrases toutes faites que l'on disait sans les penser; pourtant il les avait dites. Il côtoyait des gens qu'il n'appréciait pas parce que cela était attendu de lui. Ses amis, ses fréquentations, ses gestes, ses mots…tout était contrôlé par cette rigide étiquette qu'il s'imposait afin d'être à l'image de ce que les autres attendaient de lui. Il avait enduré cela sans un mot, machinalement, patiemment, et ce pendant des années.

Et voilà où les choses se compliquaient. Pendant ces années, il avait agi comme cela sans se rebeller. Il n'avait jamais ressenti la moindre injustice ou impatience, seulement un grand sentiment d'ennui. Il était né dans ce monde bourgeois et avait grandi pour être à son image, mais ce n'était pas un monde dans lequel il aimait vivre. Son bonheur, il l'avait toujours trouvé à Pemberley, dans ses voyages ou dans ses études. Il était heureux hors de la vie sociale grouillante d'activités et de faire-accroire, lorsqu'il était dans le calme et la simplicité. Cependant, s'il voulait garder le nom de sa famille intact, il n'avait d'autre choix que de subir les désagréments qu'imposait son rang.

Certains auraient pu croire qu'Elizabeth était la cause de ses problèmes actuels. Ne fallait-il pas s'y attendre, puisqu'il avait marié une femme de petite bourgeoisie? N'était-elle pas trop vive et sauvage pour un homme aussi strict et droit que Fitzwilliam Darcy? Ne semblait-il pas tourmenté, depuis qu'elle était dans sa vie? Si ce genre de commentaires étaient parvenus aux oreilles de Darcy, il aurait certainement réagit avec ardeur. Cependant, les commérages n'ayant jamais eu grands intérêts pour lui, il n'en entendit pas un mot. Pris au piège dans ses propres pensées, il était sourd aux rumeurs qui circulaient à son sujet. Étant de nature réservée, personne ne pouvait comprendre que le problème ne venait pas d'Elizabeth, mais bien de lui.

Oh, Lizzie…Pourquoi s'entêter autant? Pourquoi demandait-elle de lui plus que ce qu'il pouvait offrir? Était-il possible pour des époux de partager plus qu'un amour platonique? Pouvaient-ils réellement s'unir dans les plaisirs de la chair sans y trouver faute? Toute sa vie on avait attendu de lui qu'il se comporte en maître bon et juste, en homme fiable et fort, dont le comportement est exemplaire. Il n'avait pas appris à être lui-même, à se révéler et à nourrir ses impulsions. Depuis toujours chaque envie hors de l'ordinaire avait été réprimée dans les plus brefs délais et seul son amour pour Elizabeth avait su briser sa volonté de fer.

Avait-il vraiment à choisir entre ses devoirs et sa femme? Certes, une bonne discussion avec elle était probablement la meilleure des solutions…cependant, Darcy souhaitait éviter cela à tout prix. Il détestait se l'admettre, mais il avait besoin de sentir qu'il contrôlait tout autour de lui et l'attitude d'Elizabeth à son égard était tout sauf soumise. Elle n'était certainement pas femme à se laisser mener par le bout du nez et cette provocation, cette manière de se défendre était à la fois frustrante et délicieusement séduisante. Il évitait les disputes car il savait qu'il était incapable de résister à la manière dont Lizzie lui tenait tête. Même en images elle avait le don de déclencher en lui un véritable feu de forêt; sa silhouette à la lueur des flammes, son corps se dessinant contre la lumière. Ses cheveux le matin, encore en bataille après une nuit de sommeil passée l'un à côté de l'autre. Ce regard si espiègle alors qu'elle refermait avec impatience la porte de leur chambre.

De leur chambre…Lizzie n'avait pas partagé son lit depuis un bon moment, la colère et l'orgueil les empêchant tous les deux de se pardonner leurs erreurs. Que ne ferait-il pas pour retrouver l'espace d'un instant la chaleur de l'étreinte de son épouse!

La diligence s'arrêta finalement devant la propriété de Darcy et ce dernier en sortit, plongé dans ses pensées. La soirée était avancée, mais il n'avait pas envie d'aller se coucher. Un grand feu brûlait dans le salon et l'envie de calmer ses nerfs avec un verre de brandy était alléchante. Il s'arrêta devant la table à liqueur et hésita un moment.

-'Et bien, Fitzwilliam Darcy, tu en fais une tête.'

Assis dans un fauteuil près des flammes était assis le Colonel Fitzwilliam et Darcy sursauta lorsqu'il en prit connaissance.

-'Et toi, Richard Fitzwilliam, n'as-tu pas appris à signaler ta présence dans la maison dans laquelle tu es cordialement reçu?' grommela-t-il, un peu honteux d'avoir été surpris de la sorte.

-'Aïe, je te prends à un mauvais moment, ton humeur est exécrable.'

Darcy soupira, pris place en face de lui, et se frotta les yeux. 'Je ne dors pas très bien ces temps-ci.'

-'Cela est évident.'

-'J'espère que ta présence ici n'est pas pour me faire remarquer l'état dans lequel je semble être, cousin, car tu sauras que mon miroir me rappelle à chaque matin et soir ce à quoi je ressemble.'

Le Colonel fronça les sourcils. 'Est-ce si sérieux? Fitz, tu me sembles au le bord de l'épuisement. Que se passe-t-il?'

Il n'avait pas du tout envie d'aborder le sujet. 'Rien, Richard, ne t'en fais pas. Je vais bien.'

-'Peut-être devrais-tu voir un médecin…'

-'Je ne suis pas malade, je t'assure. Le problème n'est pas physique.'

-'Oh-oh. Un problème de conscience?'

-'Je suis certain que tu n'es pas venu pour m'analyser. Que me vaux l'honneur de cette visite?'

Le Colonel haussa les sourcils. 'Un cousin n'a-t-il pas le droit de visiter sa famille? Darcy, nous sommes presque frères. Tu peux bien te confier à moi.'

-'Il n'y a rien.' Répondit Darcy d'une voix agacée. 'Je dors mal, voilà tout.'

-'Pourquoi?'

-'Parce que.'

Richard soupira. 'Soit. J'aborderai le sujet plus tard. Il y a une réelle raison à ma visite et c'est pour discuter de l'avenir de Georgiana.'

-'Oui, j'allais justement t'écrire à ce sujet.'

-'Maintenant qu'elle est sortie, il est évidant que les choses seront moins faciles à gérer. Sous une tutelle, nous avions au moins l'assurance qu'elle était entre de bonnes mains et loin des influences de la société.'

Darcy prit une grande inspiration. Ce sujet avait été un autre de ses soucis dans les dernières semaines. Le retour de la Saison signifiait que Georgiana serait officiellement invité à assister à toutes sortes de soirées où elle serait courtisée par les jeunes gentlemen. 'Elle est encore trop jeune.' Murmura Darcy, incapable de se résoudre à cela. Georgiana était sa petite sœur et il avait veillé sur elle depuis sa naissance. De la jeter dans les griffes du loup lui semblait inhumain. 'Si seulement elle pouvait attendre encore quelques années…'

Le Colonel hocha lentement la tête, l'air songeur. 'Je suis de cet avis aussi. Elle n'est pas prête. Cependant, avons-nous vraiment le choix? Les hommes s'enligneront pour elle et nous aurons à choisir quel parti est le plus convenable.'

Darcy sentit son cœur se serrer à cette pensée. Jamais il n'aurait cru que ce temps viendrait si vite. 'Je ne peux me résoudre à la laisser partir.'

-'Je sais, il le faudra bien pourtant.'

-'Elle est encore si jeune…' répéta Darcy d'une voix lasse. 'Et seule. Il me semble injuste de l'obliger à prendre part à des soirées où elle n'a pas envie d'aller et ce, sans personne pour la supporter.'

-'Il est vrai que Georgiana est très réservée. Et timide. De paraître en public en solo ne sera certainement pas une épreuve facile. Heureusement, elle a Elizabeth avec elle… pour le moment. Cela ne devrait pas durer très longtemps, par contre.'

Darcy lui jeta un regard froid. 'Qu'est-ce que cela signifie?'

Pris au dépourvu par son ton agressif, le Colonel leva les mains en signe de paix. 'Oh, Fitz, je n'avais pas de mauvaises intentions en m'exprimant ainsi. Je voulais seulement dire que, une fois qu'Elizabeth sera en famille, il ne lui sera plus possible d'accompagner et surveiller Georgiana.'

-'Oh.'

-'Ciel, cousin, je ne t'ai jamais vu réagir de cette manière.' Puis, le visage de Richard s'éclaira. 'Est-ce cela qui te tracasse? Elizabeth est-elle en famille?'

Darcy poussa un grognement. 'Non, elle ne l'est pas.'

-'Et c'est donc cela qui te tracasse?'

-'Non, pas du tout.'

-'Alors tout va bien avec Elizabeth?'

Darcy ne répondit pas et garda ses yeux obstinément rivé sur les flammes.

-'Ton manque de réaction me confirme que j'ai raison.' Poursuivit le Colonel d'un air pensif. 'Quelque chose ne va pas entre ta femme et toi et si ce n'est pas une question d'héritier, c'est tout de même quelque chose qui touche une corde sensible. Et comme tu ne souhaites pas en parler, je suppose que c'est un sujet qui habituellement n'a pas lieu d'être discuté.'

Darcy eut un léger sourire. Richard avait toujours eu cette facilité à lire en lui; après tout, ils n'avaient pas tant d'âge de différence et ils avaient pratiquement grandi ensemble. Si quelqu'un le connaissait bien, c'était lui.

-'Ah! Une réaction! Je suis donc sur le bon chemin. Alors, quelque chose s'est passé entre Elizabeth et toi qui te rend aussi joyeux qu'un tombeau. Quelque chose qui te gruge. Quelque chose que même ton précieux contrôle n'arrive pas à tenir en laisse.' Il l'observa un moment. 'Certains devoirs n'ont pas été observés, n'est-ce pas?'

Cette fois, c'est un regard surpris que Darcy jeta à son cousin. 'Depuis quand joues-tu les devins?'

-'Est-ce que j'ai raison?'

-'…peut-être…'

Richard eut un bref rire. 'Ne sois pas si étonné, Fitz, je n'ai pas de mérites car ton état parle pour toi. Seul un homme en manque de plaisirs peut être aussi à cran, impatient et drainé d'énergie.' Le Colonel fit une pause, puis ajouta avec une certaine hésitation : 'Tu sais, si Elizabeth ne veut pas te …servir…il y a plusieurs alternatives.'

Pour la première fois en un très long moment, Darcy se sentit rougir. 'Ne t'avise plus jamais de me conseiller une solution du genre, Richard.'

-'Quoi? Ce serait tout à fait naturel…presque tous les hommes ont des maîtresses.'

-'Comment peux-tu me proposer une telle chose?' s'emporta le maître de Pemberley, offusqué. 'Jamais je ne lui manquerai de respect en cherchant une alternative, dussai-je souffrir jusqu'à la fin de mes jours! J'aime ma femme plus que ma propre personne et l'idée de la souiller de cette manière me dégoûte plus que je peux l'exprimer. C'est Elizabeth ou rien.'

Un silence malaisé s'installa, que le Colonel brisa au bout de quelques secondes. 'Je ne voulais pas t'offenser, Fitz. Pardonne mes mots. J'oublie parfois que vous êtes différents, elle et toi.'

Darcy passa une main dans ses cheveux. 'Jamais je ne ternirai Lizzie de la sorte,' Ajouta-t-il après un moment. 'Et ce peu importe les difficultés que certaines…impulsions…provoquent.'

-'C'est tout à ton honneur…' concéda son cousin. 'mais cela ne règle pas ton problème.'

Darcy s'impatienta. 'Le problème ne vient pas d'elle, Richard, il vient de moi.'

-'De toi?'

-'Oui.'

-'De toi?'

-'Encore une fois : oui.'

-'Mais…comment est-ce possible?'

Il haussa des épaules. 'Je ne sais pas.'

-'Mais…mais…Elizabeth est magnifique.'

-'Voilà bien le problème!'

-'Attend une petite minute, tout cela ne fait pas de sens. Tu ne veux pas ou tu ne peux pas?'

Voyant où il voulait en venir, Darcy se redressa quelque peu. 'Ce n'est pas une question de vouloir ou pouvoir, mais de conscience.'

Le Colonel Fitzwilliam éclata de rire, ahuri. 'Ne me dis pas que ta conscience te suit même dans ce domaine?'

Darcy ne répondit pas. Son cousin se pencha alors vers lui. 'Darcy, ne vois-tu pas à quel point cela est ridicule?'

-'Non.'

-'Moi oui. Ciel! Une femme consentante et un mari trop prude! Eh bien, j'aurai tout vu!'

-'Crie le plus fort, que tous l'entendent.' Marmonna furieusement Darcy, puis il ajouta d'une voix plus posée : 'C'est une question de propriété.'

-'Et qu'en pense Elizabeth?'

-'Si elle partageait mon opinion, nous serions assis ici tous les deux.'

Le Colonel secoua la tête d'un air incrédule. 'Tu es vraiment perdant dans cette histoire.'

-'Je ne sais pas, je n'ai pas encore décidé.'

-'Je vais t'éviter une migraine : tu es dans le tort.'

-'Mais- '

-'Il n'y a pas de mais. Si tu arrêtais pour quelques instants de toujours vouloir être l'image parfaite de la société alors que tu devrais être toi-même, tu réaliserais peut-être que tu passes à côté de beaucoup de choses. Darcy, je te connais depuis toujours. Je te considère comme mon frère et je sais qui tu es derrière ce masque de rigidité et d'honneur. Tu n'as pas à avoir honte de ce que tu veux ou souhaite. Crois-tu vraiment que les gens respectent ce qu'ils prêchent? Ou qu'ils suivent à la lettre ce que la société proscrit? Bien sûr que non! C'est la peur d'être jugé qui les pousse à se conformer, en public, aux convenances. Cependant, ils sont très différents une fois seuls. Tu sais que la plupart des hommes ne sont pas fidèles et tu acceptes ce fait sans te poser de question. Toi tu as la chance d'avoir une femme que tu aimes et qui souhaite partager ton lit le plus souvent possible, et ce en toute propriété, et tu trouves le moyen d'y voir un affront?'

-'Je…et bien…'

Richard le coupa. 'Mon ami, tu es un idiot si tu ne saisis pas cette occasion pour créer avec Elizabeth une complicité que très peu de couples ont la chance de vivre. Ne fais pas l'erreur de surestimer ta femme; elle est fière et forte, mais les refus répétitifs auront raison d'elle et si pour l'instant elle est prête à te pardonner tes erreurs, un jour il sera trop tard.'

Darcy en avait assez. Il n'aimait pas être dans le tort et son cousin semblait lui jeter toutes ses fautes à la figure. 'Ne devions-nous pas discuter de l'avenir de Georgiana?'

Le Colonel eut un sourire, puis acquiesça. 'En effet.'

-'Que proposes-tu?'

-'Pour l'instant, Elizabeth et toi êtes avec elle alors nous avons un moment de sursis.'

-'J'aimerais mieux trouver une excuse pour l'exclure pendant quelques années encore…'

Richard approuva. 'Si des occasions se présentent pour le faire, nous les saisirons. Cela ne change pas que nous devrions être préparé à toutes éventualités.'

-'Je suis aussi de cet avis.'

-'Darcy, ne crois-tu pas que la solitude commence à lui peser? Je sais qu'elle aime Elizabeth comme sa propre sœur, mais elle n'est pas du même âge et certainement pas au même point dans sa vie. Elle aurait besoin d'une compagne, d'une vraie amie avec qui elle saura évoluer.'

-'Pourquoi pas Anne?'

-'Anne? Lady Catherine, notre chère et adorable tante, refuse de laisser sortir sa fille de Rosings Park. Elle est bien trop frêle de toute manière et chaque fois que Georgiana revient de ses visites, elle semble plutôt soulagée et non triste d'avoir quitté sa cousine.'

-'Nous avons certainement une relation qui fera l'affaire. Je me pencherai sur la question, Richard, mais pas ce soir. Je n'ai pas la tête à cela.'

-'Hmm, pas de doute qu'elle est occupée ailleurs.'

Darcy lui jeta un regard noir. 'Je suis certain que tu as veillé à ce que ta chambre soit prête alors je ne te montrerai pas le chemin, tu le connais déjà.'

-'En effet, j'y ai veillé personnellement afin que tu ne puisses me jeter dans la rue.'

-'Il n'est pas trop tard.'

-'J'ai peur.' Se moqua le Colonel en mettant ses mains derrière sa tête et ses pieds sur un tabouret.

-'Avec raison.' Répondit Darcy, souriant malgré lui. 'Je vais me coucher. Nous en reparlerons demain.'

Il monta à sa chambre et ferma derrière lui, appuyant sa tête contre le bois sombre. Il était épuisé; épuisé de ses doutes, de ses questionnements. Épuisé de se battre contre lui-même, de s'arracher à sa femme, de réfréner ses envies. Il avait besoin d'elle. Il avait besoin d'Elizabeth comme il avait besoin d'air et de rester si loin d'elle lui pesait tant que la douleur en devenait physique. Les mots de son cousin résonnaient dans sa tête comme un écho sans fin. Ce qu'il avait dit était vrai; il acceptait, sans approuver, la conduite des hommes qui frayaient hors du lit conjugal car cela était considéré comme normal. Pourquoi trouvait-il anormal de partager le lit de sa femme, avec qui il avait été uni devant Dieu, alors que c'était ce qu'il y avait de plus approprié?

Darcy aurait aimé ne pas ressentir cette frustration, cette obsession de la posséder. Cette faiblesse l'irritait à un point inimaginable et les efforts qu'il déployait chaque jour depuis des semaines pour se raisonner étaient colossaux. Pourtant rien n'y faisait. Abandonner était une solution envisageable, mais il en était incapable; son orgueil et sa fierté l'empêchait de libérer en lui un homme qu'il ne connaissait pas. Darcy soupira bruyamment, se retrouvant exactement là où il avait été toutes les autres nuits. Encore une fois, son conflit intérieur ne manquerait pas de l'empêcher de dormir.

Lorsque le sommeil le gagna enfin, ce ne fut que pour être écourté brusquement. On tambourina sur sa porte aux petites heures du matin et quelques instants plus tard le Colonel Fitzwilliam pénétra dans la chambre sans attendre d'invitation à entrer.

-'Richard, j'espère que tu as une excellente raison pour ce dérangement.' Gronda Darcy en se redressant dans son lit, frottant ses yeux encore engourdis de fatigue. 'Par exemple, que ma maison est la proie des flammes.'

-'Mon cher Fitz, je ne me ferais pas prier pour échanger ta maison en feu contre la nouvelle que je détiens présentement.'

Darcy observa le visage de son cousin plus attentivement. La lueur de la chandelle qu'il tenait dans ses mains se reflétait sur son visage tiré et inhabituellement grave. Aussitôt alerte, le maitre de Pemberley se leva. 'Parles, je t'écoute.'

-'Mon frère et sa famille sont décédés.'

Darcy encaissa la nouvelle comme une gifle. 'Quoi?'

-'Mère m'a écrit à l'instant afin que je retourne à Glencestershire, sur la propriété familiale. Une dépêche a été envoyé tard hier soir et je viens de la recevoir.'

-'Que s'est-il passé? Un accident?'

Colonel Fitzwilliam hocha lentement la tête; jamais Darcy ne l'avait vu aussi sérieux. Il n'avait pas l'habitude de le voir autre que jovial et cette nouvelle attitude le déboussolait. Certes, une telle annonce ne s'apprend pas sans affecter l'attitude d'une personne, mais il semblait que quelque chose de plus profond accablait son cousin. Richard et son frère, Edouard, n'avait jamais été très proches. Un grand écart d'âge les séparait et, comme Edouard était l'héritier de Greenfield Park, une tension avait toujours existé entre eux. Richard avait été envoyé au collège très jeune et puis au collège militaire. Il ne passait que très rarement ses vacances dans le Glencestershire, n'appréciant pas l'atmosphère tendu régnant dans sa famille. Darcy n'aurait pas été jusqu'à dire que Richard était jaloux de son frère, cependant le style de vie que tous deux vivaient n'étaient pas le même. Edouard avait été marié à Lady Beatrice d'Eggleston – vieille fille, taciturne et hautaine – quelques jours après ses trente ans, l'union étant regardé comme très favorable compte-tenu du titre de noblesse de chacun. Richard, dans sa malchance d'être né deuxième fils, n'avait pu espérer un aussi bon parti. S'il souhaitait se marier, il se devait de trouver une femme avec de l'argent et il pouvait être certain que son rang ne serait pas aussi élevé que le sien. Mais qui voudrait d'un second fils?

Ainsi donc, Edouard avait hérité de la propriété et des titres lors de la mort d'Edouard Père, plus d'une dizaine d'années auparavant. Richard avait été envoyé à l'armée presqu'aussitôt, chassé de Greenfield Park sans ménagements. Darcy était persuadé que la source de la rancune de son cousin envers son frère venait du fait qu'il ne s'était plus jamais senti chez lui dès le moment où le nouvel Earl avait pris possession de l'endroit.

-'Ils se dirigeaient vers Londres pour y passer la Saison et ont empruntés un chemin abrupt près d'une falaise.' Expliqua Richard au bout d'un moment. 'Il avait fait tempête la veille et la glace était recouverte de neige. La diligence a glissé et est tombé. Aucun survivant.'

Darcy expira bruyamment. Il n'avait jamais eu d'affection particulière pour Edouard, mais il était tout de même de la famille. 'Les enfants y étaient aussi?'

Richard eut une expression douloureuse. 'Je les ai vus il y a quelques jours à peine. J'ai passé les Fêtes avec eux à Greenfield Park. J'avais donné une poupée à Catherine et un cheval de bois à Edmond. Ces jouets doivent reposer avec eux au fond de ce foutu ravin.'

Darcy connaissait l'affection de son cousin pour les enfants. Son neveu et sa nièce était certainement les seules raisons pourquoi il s'efforçait de retourner sur la propriété familiale. 'Je suis désolé. S'il y a quoi que ce soit que je puisse faire…'

Le Colonel approuva silencieusement puis commenta d'une voix lasse : 'La mort d'Edouard apportera beaucoup de changements, des changements auxquels je ne me sens pas prêt à faire face.'

Darcy réalisa soudainement ce qui lui avait échappé. 'Il ne reste que toi pour héritier de Greenfield Park.'

Richard acquiesça d'un air sombre. 'Je suis officiellement Earl.'

-'Tu n'en es pas heureux.'

-'L'ironie est loin de me faire rire. J'ai passé ma vie à me contenter d'être deuxième et les rancunes que j'entretenais envers cette infortune position ont depuis longtemps été remplacées par un calme contentement. J'ai abandonné les idées de grandeur et apprivoisé la liberté que cela m'apportait. J'avais enfin fait la paix avec moi-même et voilà qu'on me rappelle pour m'emprisonner dans une cage doré.'

-'Ce n'est sûrement pas si mal.'

Richard lui jeta un regard perçant. 'Tous s'attendront à ce que je remplisse les souliers d'Edouard. Mais je ne suis pas Edouard. Je n'ai pas la patience ni l'envie d'endurer les règles d'étiquette sévères et les bals et les soirées mondaines et les cérémonies. Je n'ai pas envie de me faire imposer un mariage dans lequel je ne serai pas heureux.'

-'Bien sûr, le mariage est de mise, pour créer l'héritier…'

Richard eut un rictus. 'Ah, Darcy, tu mènes une vie de rêve; tu es maître de ta maison, tu es fortunée, tu as une femme merveilleuse que tu as épousé sans demander l'avis de quiconque et tu auras un héritage pour tes enfants. Oui, tu es un homme fortuné, Darcy, très fortuné.'

Ce dernier ne répondit pas.

-'Si seulement je pouvais trouver un dixième de l'amour qu'Elizabeth et toi éprouvez l'un pour l'autre,' poursuivit Richard en soupirant. 'Je pourrai alors peut-être supporter la vie qui m'attend. Mais je n'ai aucune assurance de cela. Je n'ai pas le choix; je suis enchaîné à mes devoirs.'

-'Comme nous le sommes tous.' Marmonna Darcy, songeur.

-'Toi? Enchaîné à tes devoirs? Ne me fais pas rire. Tu n'es pas enchaîné, tu t'enchaînes toi-même. Si je ne te connaissais pas mieux, je pourrais croire que tu n'as aucun défaut. Tout est toujours fait parfaitement dans les règles. Si j'avais la chance d'avoir une femme comme la tienne, je ferais en sorte que tout le monde sache qu'elle est mienne.' Il fit une pause et, inspirant profondément, ajouta : 'Dieu fait étrangement les choses, ne trouves-tu pas?'

-'Parfois il est difficile de comprendre les chemins qu'Il nous fait emprunter.' Répondit silencieusement Darcy. 'Cependant, il ne faut pas se laisser abattre par les épreuves qu'Il nous envoie. Tu sauras triompher de celle-ci, Richard, n'aie pas de doutes.'

-'Comment peux-tu en être si sûr?'

-'Le Seigneur ne nous envoie jamais des épreuves que nous ne sommes pas capables de surmonter.'

Le Colonel sourit tristement. 'Ton père disait cela.'

-'Oui, une leçon qui m'a toujours suivi depuis la première fois où je l'ai entendu.'

-'Je vais devoir me la répéter souvent. Je sens que les prochaines années seront particulièrement pénibles.'

Darcy lui jeta un regard de côté. Déjà il remarquait une différence frappante chez son cousin; il était si sombre et austère, si grave… 'Tu ne sais pas ce que l'avenir te réserve. Peut-être trouveras-tu dans cette nouvelle vie une autre sorte de paix.'

-'Je l'espère bien, mon ami, je l'espère bien…' Puis, comme s'il était résolu, le Colonel se leva. 'Je me dois d'écourter ma visite ici, Fitz. Je dois aller à Greenfield Park.'

-'Je veillerai à ce tout soit prêt dans la demi-heure.'

-'Merci…Darcy?'

-'Oui?'

-'Rends moi un service, veux-tu?'

-'Bien sûr.'

Richard posa une main sur son épaule. 'Rentre chez toi. Parle à ta femme. Ne fais pas l'erreur de la prendre pour acquis alors qu'elle pourrait t'être enlevée si facilement.'

Darcy l'observa un instant, plus touché par ces mots qu'il ne pouvait le dire. Un étrange pressentiment l'envahit; pourquoi avait-il l'impression qu'un voile venait de s'abattre sur lui?

Lorsque son cousin fut parti, Darcy fit atteler son propre cheval et prit la direction de Pemberley. Il ne savait pas encore ce qu'il allait dire à Lizzie et redoutait l'imminente rencontre, mais une promesse était une promesse et il ne pouvait s'y dérober. De toute manière, il devait annoncer la nouvelle de la mort d'Edouard et le faire par lettre, alors qu'il n'en avait pas envoyé depuis son arrivée à Londres, lui semblait inapproprié.

Le voyage jusqu'à Pemberley était d'un peu plus de deux jours et demi. La température avait été mauvaise toute la semaine précédente et ce ne fut qu'au début de la deuxième journée de son voyage que le soleil réapparut enfin. Darcy accueillit la chaleur avec soulagement; malgré les gants doublés, le foulard de laine et son chapeau, la fraîcheur poignante de l'hiver n'avait pas manqué de le transpercer et il avait dû faire de nombreux arrêts pour se réchauffer. Une journée ensoleillée signifiait des haltes moins fréquentes et il lui restait encore soixante-quinze miles avant d'atteindre sa propriété. Il avait hâte de rentrer chez lui et de retrouver la familiarité des lieux et ce même s'il n'était pas particulièrement pressé de retrouver Elizabeth. La longue conversation qu'il s'était promis d'avoir avec elle n'était pas un prospect qu'il affectionnait spécialement. Il lui semblait qu'une éternité s'était écoulée depuis qu'il l'avait quitté à Netherfields.

Darcy atteignit Lambton en fin d'après-midi du troisième jour. Il aurait aimé aller directement à Pemberley, mais Malek avait perdu un fer et le forgeron avait affirmé qu'une heure au moins était requise avant qu'il soit prêt à reprendre la route. Darcy prit donc place dans la petite salle à manger de l'auberge et attendit.

Ses doigts pianotaient avec impatience sur la table de bois. Depuis la veille au soir il avait une drôle de sensation au creux de l'estomac, une sensation qui n'était pas vraiment douloureuse, mais très désagréable. Il avait passé la nuit à se tourner et se retourner sans trouver la cause de sa nervosité et toute la journée cette agitation l'avait suivi. Son cœur battait drôlement; pourquoi sentait-il que quelque chose n'allait pas? Darcy regarda sa montre. Encore quarante minutes à attendre.

Il refusa toute nourriture, incapable de manger. Il se contenta de méditer, l'air sombre, en comptant les secondes. À un moment, ses oreilles captèrent une conversation et il sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque lorsqu'il prit conscience de qui le couple discutait.

-'…la pauvre…'

-'Cette idée de sauter à l'eau pour sauver cette petite fille!'

-'Je vous l'ai toujours dit, mon cher, cette Mrs Darcy n'est pas comme les autres. J'ai même entendu qu'elle fréquentait parfois les cuisines pour faire connaissance avec ses domestiques…'

-'Que me dites-vous!'

-'Je vous assure que c'est la vérité!'

-'Il n'est pas surprenant que son mari ait jugé préférable de rester à Londres.'

-'Si cette pneumonie dégénère, comme le médecin semble le croire, il est probable que Pemberley devra se trouver une autre maîtresse…'

Darcy se redressa brusquement, renversant sa chaise sur le fait même. Les regards se tournèrent vers lui, mais il les ignora, s'adressant au couple directement.

-'Qu'avez-vous dit?' demanda-t-il d'un ton sec sans prendre la peine de s'introduire convenablement. 'Qu'avez-vous dit à propos de ma femme?'

-'Mr D-darcy?' balbutia la dame, les yeux ronds comme des soucoupes.

-'Dites-moi!' s'emporta-t-il en frappant la table avec son poing, la panique l'emportant sur sa patience.

-'Mr Darcy, calmez-vous.' S'interposa l'homme en posant une main sur son épaule.

Il se dégagea aussitôt. Il arrêta un jeune garçon des cuisines au passage. 'J'ai besoin d'un cheval. Maintenant.'

-'Mais monsieur, je ne travaille pas-'

-'J'ai dit MAINTENANT!'

Il prit la poudre d'escampette. Darcy se retourna vers la femme, qui se recroquevillait contre le torse de son époux à présent. 'Vous avez parlé de Pemberley et de Mrs Darcy. Dites-moi tout ce que vous savez, à l'instant.'

Elle s'éclaircit la gorge, effrayée, et répondit d'une voix tremblante : 'Le docteur est à son chevet depuis la nuit dernière. Semble-t-il que Mrs Darcy ait tenté de sauver une fillette de la noyade et qu'elle ait développée une fièvre si violente qu'elle n'est plus consciente depuis…'

Darcy sentit sa gorge se serrer. Son cœur battait furieusement dans sa poitrine, propulsant l'adrénaline dans ses veines. Ses mains tremblaient; ses pensées se bousculaient. Il prit brusquement congé de ses interlocuteurs et sortit à l'extérieur, incapable de rester en place. S'il fallait qu'il court jusqu'à Pemberley, il le ferait. S'il fallait qu'il vole, qu'il tue, qu'il brave la plus mortelle des tempêtes, rien ne l'empêcherait de se rendre auprès de sa femme. Lizzie! Sa Lizzie! Elle avait besoin de lui! Pourquoi n'avait-il pas été averti? Pourquoi personne ne lui avait envoyé de message? Arriverait-il trop tard?

Cette seule idée lui fit l'effet d'une douche froid. Alors qu'il s'apprêtait à jeter à bas de son cheval un homme qui passait par là, le jeune garçon qu'il avait envoyé aux écuries apparut avec une jument. Sans même le remercier, Darcy se hissa promptement sur la selle et talonna les reins de l'animal.

Le vent siffla, le froid lui brûla les joues et le front. Son foulard, remonté sur sa tête, lui protégeait à peine les oreilles. Il ignora l'air glacial de la nuit, la chaleur émanant du cheval étant suffisante pour que la course ne soit pas insupportable. Darcy poussa la jument à garder une cadence effrénée et ne ralentit pas l'allure même lorsque la respiration de l'animal se fit sifflante. Il franchit les grilles de Pemberley au galop après un moment qui lui parut interminable. Se jetant à bas de la bête, il se mit à courir jusqu'à la porte d'entrée, qu'il ouvrit avec fracas. Mrs Brown, surprise, sursauta et renversa la cruche d'eau qu'elle tenait dans ses mains. Un des domestiques s'offrit pour prendre le manteau de son maître, mais celui-ci se dégagea de l'attention qu'on lui portait.

-'Où est ma femme? Où est-elle?'

-'Dans sa chambre, Monsieur.'

Ses bottes maculées de boue et de neige marquaient le tapis de larges traces sombres alors qu'il montait quatre par quatre les escaliers menant au premier étage. La peur lui nouait les entrailles; qu'allait-il trouvé derrière la porte de la chambre de sa femme? Pourtant, cela ne l'empêcha pas de franchir le dernier corridor à la course et il ouvrit la porte avec fracas, haletant, ses yeux se dirigeant aussitôt vers la forme immobile au milieu de la pièce.

Allongée sur son lit, la peau dangereusement grise, se trouvait sa Elizabeth.

-'Lizzie!' Il se jeta à son chevet, soulagé de voir sa poitrine monter et s'affaisser. 'Lizzie, tu m'entends?'

Il prit une de ses mains dans la sienne, anormalement chaude contre sa paume. Le corps entier de la jeune femme était secoué de spasmes et sa respiration saccadée était râpeuse. Les couvertures avaient été mises de côté et son corps, bien que vêtu de sa robe de nuit, était trempé par la sueur abondante qui la recouvrait.

-'Oh, Lizzie…' murmura-t-il en caressant ses joues humides et brûlantes. Le soulagement qu'il avait ressenti en la voyant toujours vivante fut bien vite remplacé par de l'inquiétude en constatant la gravité de son état.

Soudainement, les yeux d'Elizabeth s'ouvrirent, cherchant à faire le focus. Darcy pouvait voir à quel point ils étaient injectés de sang et hors de ce monde, loin dans les hallucinations provoquées par la fièvre. Pendant l'espace de quelques secondes, elle sembla le trouver, ses pupilles fixant les siennes, mais ils roulèrent bientôt dans leur orbite et Darcy paniqua de voir les tremblements s'intensifier.

-'Docteur, que se passe-t-il?'

Celui-ci prit aussitôt la place de Darcy et ausculta son pouls. 'Mrs Reynold, le bain est-il prêt?'

-'Oui, docteur. On apporte la glace à l'instant.'

-'Bain? Quel bain?' Darcy remarqua la grande bassine de cuivre qui se trouvait dans la pièce. Elle avait été remplie d'eau et plusieurs femmes apparurent chargée de grands seaux remplis de neige et de glace.

-'Qu'allez-vous faire? Vous ne la plongerez pas là-dedans?'

-'Je crains que nous n'ayons pas d'autres choix, Mr Darcy, il faut absolument que la fièvre régresse.' L'avertit le médecin d'une voix ferme, conscient que sans l'accord du maître de Pemberley, il ne pouvait rien faire. 'Si vous voulez que votre femme ait la moindre chance de s'en sortir, je conseille fortement de faire comme je dis. Nous risquons de perdre Mrs Darcy si nous n'agissons pas au plus vite. Je vous demanderais de bien vouloir sortir pendant que nous procédons.'

-'Il est hors de question que je sorte de cette pièce, je reste avec elle, peu importe ce que vous allez lui faire. Elle a besoin de moi.'

-'Maître Darcy, ce n'est pas convenable…' commença Mrs Reynolds d'une petite voix.

-'JE RESTE AVEC ELLE!' explosa-t-il violemment, faisant sursauter la vieille intendante. 'Elle est MA femme! Ne me parlez pas de convenances alors qu'elle est peut-être en train de mourir!' Il prit à nouveau les mains d'Elizabeth. 'Lizzie? Lizzie, écoute-moi. Tu auras froid, mais n'aie pas peur, je suis là. Tiens bon, tiens le plus longtemps que tu peux.'

-'Mr Darcy…Le temps presse.'

Il jeta un coup d'œil au médecin qui relevait ses manches, puis déboutonna rapidement son manteau pour faire de même. Qu'on lui empêche de soigner sa femme et il allait montrer qui était le maître de cette maison. 'Que dois-je faire docteur?'

-'Prenez-lui les jambes. Voilà, soulevez-la doucement.' Lui intima le médecin, soulevant le corps d'Elizabeth le plus délicatement possible. 'Amenez-la au-dessus de la bassine. Nous descendrons lentement.'

Darcy obéit et déposa doucement les pieds de son épouse dans l'eau glacée. Elizabeth sursauta au contact du liquide et une longue plainte s'échappa de ses lèvres lorsque ses jambes s'enfoncèrent parmi les blocs de glace. Lorsque le reste du corps suivit, Lizzie poussa un cri déchirant et elle se débattit du plus fort qu'elle put. Le docteur conserva sa grippe sur ses épaules en la forçant à rester immergée jusqu'au cou. Ses yeux s'ouvrirent brusquement, fiévreux, et roulèrent dans tous les sens, son regard brumeux observant des images que personne ne pouvait voir.

Darcy regarda sa femme alors qu'elle arquait son corps, cherchant désespérément à sortir de l'étau dans lequel elle était prisonnière. L'envie de l'arracher des mains du médecin était insupportable; comment pouvait-il lui faire subir ça? Comme pouvait-il l'observer hurler de douleur sans rien faire? Il ne se rendit pas compte qu'il murmurait le nom de sa femme encore et encore, priant, priant et priant pour que la fièvre descende.

Puis Elizabeth s'adoucit. Son corps devint inerte, sa longue robe de nuit flottant autour d'elle comme un drapeau immaculé levé pour annoncer la reddition.

(-*-)

Et non! Ce n'est pas fini encore :P

Pas mal comme petit coup de pied au derrière pour réveiller un mari trop strict, non? ;)

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