Désolée d'avoir fait tarder ce chapitre, mais le mois d'août a été des plus mouvementé pour moi car j'ai décidé de déménager et je n'avais que trois semaines pour tout préparer! Mais bon, je vous épargne mes longues excuses et vous présente sans plus attendre le chapitre 23 : ) Bonne lecture!

Chapitre 23

La Vengeance de Lady Catherine De Bourgh

Darcy ne savait pas quoi en penser. Cela faisait presque deux ans maintenant qu'il n'avait pas eu des nouvelles de Lady Catherine de Bourgh et connaissant son caractère rancunier il avait eu très peu d'espoir de réconciliation. Depuis qu'il avait annoncé ses fiançailles à Elizabeth elle ne lui avait plus adressé la parole ni entretenu la correspondance qu'ils avaient eu pendant plus de quinze ans. Georgiana lui avait confirmé la complète indifférence de leur tante en lui confiant que pas une fois, lors de ses visites, n'avait-elle entendu son nom être prononcé. C'était tout comme si le couple Darcy n'existait pas à ses yeux. La surprise de Dacy n'était donc pas infondée et il ne put s'empêcher de se méfier de la raison pour laquelle Lady Catherine avait subitement changé d'opinion.

Ses yeux se posèrent à nouveau sur le papier qu'il tenait dans ses mains; la lettre n'était en aucun cas élogieuse et allait comme suit :

Mon cher neveu,

Beaucoup de temps s'est écoulé depuis votre dernière visite et, la Saison approchant, il est indispensable que vous preniez le temps de venir à Rosings Park pour une courte visite. Ma très aimée fille, Anne de Bourgh, héritière de mes titres, se joindra à vous pour la suite de votre voyage vers Londres afin d'être, elle aussi, présentée à la Court. Même si ma santé est parfaite, mon âge ne me permet pas de l'y accompagner et je compte donc sur vous, son cousin par le sang, pour y voir.

Je vous attends donc dans les plus brefs délais, en compagnie bien sûr de votre sœur Georgiana.

Bien à vous,

Lady Catherine de Bourgh

Certes, quiconque lisant le parchemin de qualité n'aurait rien trouvé hors de l'ordinaire si ce n'est qu'un message d'une tante à son neveu, poliment écrite. Cependant, Darcy fulminait de voir que Lizzie n'avait pas été adéquatement invitée comme cela aurait dû être. Cette insulte, quoi que subtile, n'échappait pas au maître de Pemberley; si sa tante avait réellement passé l'éponge, elle n'aurait pas eu l'audace d'être si impolie envers sa femme. Alors, qu'est-ce qui pouvait bien la pousser à lui écrire? Lady Catherine n'était pas une femme sotte; elle savait très bien que Darcy ne viendrait pas sans Elizabeth. Si cet affront était intentionnel alors pourquoi les inviter? Quelque chose clochait dans cette histoire et Darcy se jura d'y voir dès qu'il serait à Rosings Park.

Il attendit d'être à l'étage dans leur chambre pour montrer la lettre à Elizabeth, qui ne sembla pas affectée par l'absence de son nom. Elle sembla cependant surprise de l'invitation. 'Il serait utopique de croire qu'elle voit maintenant que c'est l'amour qui nous unit et non un différent d'intérêts, je suppose?'

-'En effet, cela serait irréaliste.'

-'Hm.'

-'Nous ne sommes pas obligés d'y aller, Elizabeth. Nous pouvons aller directement à Londres.'

Lizzie eut un rire sarcastique. 'Oui, bien sûr, je suis certaine que cela ne l'offensera pas. Et les conséquences en seraient désastreuses.'

-'Elle nous a ignoré pendant deux ans, je ne vois pas ce que cela pourrait faire de plus.'

-'Je parlais de toi, William.' Répondit sa femme en lui jetant un regard entendu. 'Je ne suis pas prête à passer la Saison avec ta conscience qui te remet sans cesse sur le nez que tu n'as pas été respectueux envers la sœur de ta mère, la seule relation qu'il te reste du côté maternel, excepté Anne et Richard.'

Darcy soupira, sachant très bien qu'Elizabeth avait raison sur ce point. Une partie de lui souhaitait ne pas se soucier de sa tante, de partir directement pour Londres sans avoir à s'arrêter à Rosings Park où il était certain de découvrir une facette caché de cette histoire, mais une autre, cette partie qui le ramenait toujours à l'ordre et l'obsédait presque continuellement, lui rappela qu'il ne pourrait pas s'en sortir si facilement s'il manquait à son devoir. 'Nous n'avons donc pas le choix.'

-'Je ne crois pas, non.'

-'Lizzie, je crains le motif derrière cette invitation.' Dit-il soudainement après un moment de silence.

Son épouse haussa les sourcils. 'Pourquoi? Anne est en âge, il est grand temps qu'elle soit présentée. D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi elle ne l'a pas été auparavant…vingt-six ans me semble plutôt avancé pour faire ses débuts…'

-'C'est exactement ce qui me tracasse. De plus, Anne n'est pas plus en santé qu'elle ne l'a été dans les dernières années. Pourquoi maintenant?'

-'Crois-tu réellement que Lady Catherine cache quelque chose derrière tout ça?'

-'Je ne sais pas. Espérons que non.'

(-*-)

Une telle nouvelle ne vint pas sans remuer les choses à Pemberley. Faire le détour pour visiter Rosings Park signifiait partir sur-le-champ afin d'arriver à temps pour la Saison à Londres la semaine suivante. Les bagages furent fait en vitesse et le reste de leurs possessions qui les suivrait jusqu'à leur maison de ville resta derrière pour le moment et seraient envoyés le plus tôt possible afin d'y être avant leur arrivée. Une dépêche avait été envoyé en vitesse afin de répondre à l'invitation, à laquelle Darcy n'avait pas manqué d'inclure la présence de sa femme et sa belle-sœur, et cela lui procura une certaine satisfaction. D'avoir deux Bennett sous son toit ne manqueraient pas d'agacer sa tante.

Les diligences firent bonne route et presque trois jours entiers furent requis pour se rendre à destination. Fatigués, endoloris et plutôt de mauvaise humeur, Elizabeth, Georgiana, Kitty et lui mirent pieds à terre devant l'immense demeure de Rosings Park. Une lignée de domestique les attendait patiemment et chacun fut débarrassé de leurs effets aussitôt qu'ils eurent franchis la grande porte d'entrée. Bien sûr, Lady Catherine ne les accueilli pas en personne; elle attendait au salon, comme à son habitude. Cependant, Darcy fut surpris de voir Richard Fitzwilliam débarquer dans la pièce et le saluer plutôt sombrement.

-'Que fais-tu ici?' s'étonna-t-il après lui avoir serré la main, non sans remarquer le peu d'empressement et de jovialité de la part de son cousin.

Le nouvel Earl ne répondit pas. Il accueillit ses cousines avec un baise-main et une phrase polie, ce qui ne manqua pas d'alerter le maître de Pemberley. Il échangea un regard inquiet avec Elizabeth, qui n'avait pas vu Richard depuis avant l'accident qui avait bouleversé sa vie, et il vu qu'elle partageait son opinion. Certes, son manque d'enjouement était compréhensible; qu'il l'ignore ainsi était tout à fait inattendu.

-'Je suis certain que vous voulez vous rafraîchir dans vos chambres respectives.' Dit le Colonel en les invitant à monter à l'étage. 'Vos domestiques vous montreront vos accommodations.'

-'Par ici je vous prie.' Lui indiqua un jeune valet en s'inclinant, pointant vers la gauche après avoir monté une première volée de marches.

-'Madame, si vous voulez bien me suivre.' Demanda poliment une jeune demoiselle en faisant signe à Elizabeth de la suivre au deuxième étage, là où Kitty et Georgiana avaient leur chambre.

Darcy resta stupéfait un moment et avant même qu'il ait pu comprendre ce qu'il se passait, son épouse était dirigée loin de lui, un étage plus haut, hors d'accès. Elizabeth lui jeta un regard suppliant, réalisant soudainement l'affront qu'il leur était fait, et Darcy dût faire un effort pour garder le contrôle de lui-même.

-'Où emmenez-vous ma femme?' demanda-t-il plutôt durement.

-'Ce sont les ordres de Lady Catherine.' Répondit-il le domestique sans broncher. 'Veuillez me suivre s'il-vous-plaît.'

Il obéit sans pouvoir répliquer et s'installa dans la pièce qui lui avait été désignée, non sans noter qu'elle différait de la chambre qu'il avait l'habitude d'occuper auparavant. N'avait-il pas toujours été traité en invité d'honneur lors de ses visites à Rosings Park? N'avait-il toujours pas eu la plus belle chambre, celle avec vue sur le grand parc et les jardins? Après s'être rapidement rafraîchit, il rejoignit Elizabeth dans sa chambre.

-'Il faut faire quelque chose.' Dit-elle d'une voix furieuse. 'Offrir deux chambres à un couple est un luxe hors du commun, mais les offrir séparées par un étage est un affront.'

-'Je sais.' Répondit Darcy, les lèvres pincées. 'Et connaissant ma tante, je ne crois pas que cette situation sera facilement réglée.'

Elizabeth soupira. 'Cela fait presque trois semaines que nous n'avons pas été seuls tous les deux.'

Il savait ce qu'elle impliquait. Les trois derniers jours n'avaient pas été des plus intimes puisque Kitty et Georgiana avaient partagé les chambres dans les auberges où ils avaient logés en chemin. Étant donné la saison plutôt avancée et que les réservations que Darcy avait faites n'étaient que pour la semaine prochaine, les places étaient limitées et chères, et toutes les bonnes auberges étaient remplies d'aristocrates et bourgeois se rendant à Londres. C'était même une chance qu'ils aient pu en trouver qui avait une chambre de libre; le maître de Pemberley s'était refusé à laisser sa famille fréquenter un endroit moins reconnu, préférant une chambre bondée à un lit de moindre qualité.

-'Je sais, Lizzie, mais ce n'est que pour quelques jours.' La rassura-t-il. Il ne lui avoua pas qu'il brûlait de l'avoir pour lui seul et qu'il était impatient de retrouver leur intimité. Cependant, la situation lui empêchait d'être un tant soit peu aventureux car ses pensées étaient centrées sur un tout autre problème; cette invitation devenait de plus en plus louche. Premièrement, la requête de sa tante était des plus inattendus vue la condition de sa cousine, qui n'avait jamais démontré d'intérêt pour Londres et sa société. De plus, le traitement qu'ils subissaient ne reflétait pas un pardon. Et un autre détail avait capté son attention et ravivé ses doutes : la présence de Richard. Les multiples tâches et responsabilités du nouvel Earl l'avait tenu occupé ces dernières semaines et Darcy, qui habituellement voyait régulièrement son cousin, ne l'avait croisé que quelques fois à Londres. Alors que pouvait-il bien faire ici alors que tant de choses l'attendaient dans la grande ville? Pourquoi prenait-il le temps de rendre visite à Lady Catherine, qu'il n'affectionnait pas particulièrement, et ce sans même l'avertir à l'avance de sa présence?

-'À quoi penses-tu?' Elizabeth l'interrompit dans ses pensées, son regard curieux tourné vers lui.

Il s'éclaircit la gorge. 'J'ai peine à croire que Lady Catherine s'est enfin décidé à lancer Anne en société. Il est vrai qu'elle n'est plus si jeune et maintenant qu'elle n'a plus d'engagement envers la famille Darcy, Lady Catherine se doit de la marier correctement. Je suppose que nous sommes ici afin de lui servir d'escorte. Richard est un Earl maintenant, il a de l'influence. Lady Catherine veut certainement introduire Anne dans ses nouveaux cercles et ainsi lui obtenir un bon parti. Son nom, le nôtre et celui de Richard fait d'elle une excellente prise.'

Elizabeth fit une légère moue. 'Pour une femme qui a besoin de notre aide afin de propulser sa fille en société, elle nous traite plutôt misérablement.'

Darcy haussa un sourcil moqueur. 'Misérablement? Ma chère, vous êtes à Rosings Park et même si votre chambre est l'une des plus petites, elle est tout de même plus grande que celle que vous aviez à Longbourne.'

Lizzie ne put s'empêcher de rire. 'Je suppose que ma rancune contre Lady Catherine m'aveugle sur certaines choses.'

-'Cependant, je crois que tu as raison,' commenta-t-il plus sérieusement. 'Elle ne nous traite pas convenablement, vu les circonstances.'

-'À quoi penses-tu?'

-'Je ne sais pas encore, mais je sens que ce ne sera pas long avant que l'on découvre ses intentions.'

-'En attendant, toute cette mascarade est plutôt pathétique.'

-'Ce n'est que pour quelques jours.' Répéta Darcy d'une voix douce. 'Ensuite, nous serons chez nous.'

(-*-)

Ils descendirent au salon, où les attendait, dans toute sa richesse et prétention, Lady Catherine. Elle les regarda entrer avec un air hautain, sans se lever, et salua froidement son neveu.

-'Vous me semblez bien pâle, Fitzwilliam. Êtes-vous malade?'

-'Je revenais tout juste de Londres lorsque votre lettre m'est parvenue, Lady Catherine.' Répondit poliment Darcy. 'Nous avons fait trois longues journées de route afin de répondre à votre invitation et je crois tout naturel que cela se remarque.'

-'Richard a fait le même chemin et plus encore et pourtant il me semble vibrant de santé.'

Darcy jeta un coup d'œil à son cousin, qui avait l'air de tout sauf en « vibrant de santé ». La pâleur de sa peau et son air monotone n'étaient certainement pas les caractéristiques d'une personne au mieux de sa forme. En fait, il avait l'air bien pire que lui-même et c'était une évidence.

-'Ah, mais Richard est un homme de la milice.' Répliqua-t-il avec un sourire. 'Et il est connu que les militaires sont beaucoup plus robustes que les autres hommes.'

Sa tante ne les avait pas invité à s'assoir et n'avait pas adressé la parole à Elizabeth, qui ne pouvait parler tant et aussi longtemps que Lady Catherine ne l'y invitait pas. Darcy sentait l'impatiente de sa femme, qui se tenait tout près de lui, sa main sous son bras, et il fut soulagé de voir que son visage ne trahissait rien. Elle souriait bonnement comme elle souriait à n'importe quel hôte ou invité, mais il savait qu'à l'intérieur elle bouillonnait.

-'Que pensez-vous d'une promenade dans vos jardins?' demanda-t-il d'un ton courtois. 'Après autant de temps passé assis, mon épouse et moi serions enchantés de pouvoir nous dégourdir les jambes.'

Lady Catherine fit une grimace. 'Ce temps de l'année est beaucoup trop frais pour les promenades et j'ai toujours dit qu'une demoiselle ne devrait pas prendre trop d'air, cela est très nuisible pour sa santé. Et son teint. Sûrement, Fitzwilliam, vous ne pouvez considérer emmener Miss Bennett à l'extérieur. Elle me semble plutôt maladive elle aussi, le soleil ne ferait qu'empirer son état d'exténuement déjà fortement avancé.'

-'Miss Bennett n'a pas exprimé l'envie d'une promenade, en effet, et elle semblait plutôt fatiguée lorsque nous sommes arrivés. Elle se repose présentement avec Georgiana à l'étage. Mrs Darcy, quant à elle, me semble en pleine forme. Peut-être est-ce la luminosité de cette pièce qui trompe l'oeil?

C'était un jeu auquel il savait jouer. Sa tante pouvait bien dire ce qu'elle voulait, il serait prêt à recevoir ses commentaires avec une réplique des plus polies et directes. Jamais auparavant il n'avait usé de cette répartie envers Lady Catherine; il avait seulement enduré les longs moments qu'il avait passé avec elle en approuvant ses dires et en la contredisant le moins possible. En fait, il laissait souvent le soin à Richard de faire la conversation car ce dernier avait un réel don pour entretenir une discussion en ayant toujours l'air intéressé. Sauf que son cousin n'était ni intéressé ni joyeux aujourd'hui et la tâche lui revenait donc tout entière.

-'Oh, mais Fitzwilliam, vous savez bien qu'avec la condition d'Anne, les rideaux doivent être fermés.' Répliqua Lady Catherine d'un ton de reproche. 'D'ailleurs, où est-elle? Victor! Annoncer ma fille!'

La dernière fois qu'il l'avait vu, c'était lors de sa visite où il avait appris qu'Elizabeth avait refusé de promettre de ne pas l'épouser. Lorsque Anne pénétra dans la pièce, Darcy fut frappé de voir que rien de sa constitution n'avait changé. Elle était maigre et d'une blancheur grisâtre, au visage sans intérêt et cernés. Elle tenait toujours un mouchoir dans sa main car elle ne semblait pouvoir se débarrasser d'un rhume qu'elle conservait depuis plusieurs années déjà. Elle n'avait que vingt-six ans et pourtant semblait beaucoup plus vieille.

-'Anne, je suis bien heureux de vous revoir ma chère cousine.' S'exclama Darcy en la voyant et il s'avança pour embrasser sa main, puis sa joue. Elle sembla vouloir se casser sous sa poigne.

Contrairement à sa mère, Anne de Bourgh n'entretenait aucune haine envers son cousin d'avoir choisi une autre femme qu'elle pour épouse. Elle répondit donc à son salut avec respect et s'adressa ensuite à Elizabeth, qu'elle avait toujours trouvé des plus fascinantes.

-'Bienvenue à Rosings Park, Mrs Darcy.' Dit-elle de sa petite voix enrouée en faisant une légère révérence. 'Il y a longtemps depuis votre dernière visite.'

Lady Catherine s'éclaircit fortement la gorge et Anne rougit jusqu'à la racine de ses cheveux, baissant la tête.

-'Ma fille, ne restez pas ainsi debout trop longtemps, ne songez-vous donc pas à votre santé!' lui reprocha-t-elle durement et Anne obéit aussitôt.

-'Devrais-je sonner pour le thé?' proposa la jeune fille à voix basse.

-'Oui, il serait plus que temps.' Puis Lady Catherine se tourna vers Darcy et dit d'une voix mielleuse. 'Anne est une parfaite femme de maison, comme je le lui ai appris. Elle fera une excellente épouse.'

Un silence s'installa. Darcy et Elizabeth était toujours debout devant elle et Richard, à l'arrière, regardait par la fenêtre. Anne avait sonné la cloche et attendait le domestique. Lorsque le silence s'étendit et devint malaisant, Lady Catherine concéda et les invita à s'assoir. Darcy savait que le silence était pire pour elle que beaucoup d'autres choses.

-'Oh, mais ne songez-vous donc pas à mes pauvres muscles? Je me fais un torticolis à lever la tête ainsi! Prenez place, voyons, je n'ai plus l'âge de faire des concessions. Fitzwilliam, venez près de moi je vous prie.' Ajouta-t-elle lorsque le couple Darcy voulut prendre place sur le grand fauteuil. Lady Catherine pointa de sa main voilée de dentelle noire la chaise près d'elle, un petit sourire aux lèvres. Pas une fois son regard ne s'était posé sur Elizabeth depuis le début de leur entretien et aucun mot n'avait été prononcé directement à elle. Le maître de Pemberley savait que sa femme fulminait intérieurement; son dos était droit, fier, ses mains gracieusement posées sur ses cuisses. Sa toilette simple et ses cheveux remontées et bouclés rehaussaient sa beauté déjà évidente et Darcy ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine fierté en la voyant faire face à ce vautour qu'il devait appeler sa tante. Il encaissa tout de même ce nouvel affront et vint s'asseoir sur la chaise près d'elle – et loin de sa femme.

-'Mon cher Fitzwilliam…' lui dit-elle d'une voix navrée en l'observant de plus près, sa voix trop basse pour que quiconque d'autre puisse l'entendre. 'Si vous saviez ce que j'ai entendu! Je ne porte pas vraiment attention aux rumeurs, bien sûr, mais peine m'est-il que de vous voir si épuisé et désenchanté me laisse croire qu'elles sont vraies. Votre situation est si désolante! J'espère que les regrets ne vous accable pas trop.' Elle lui jeta un regard sous-entendu.

Darcy eut un sourire forcé. 'Ma situation me plait énormément, au contraire, bien que Pemberley me manque déjà et que j'aurais souhaité y rester plus longuement.'

-'Oui, bien sûr, ma sœur a bien veillé à ce que Pemberley soit de la plus grande classe, il est donc normal que cela vous manque. Nous avons décoré cette demeure toutes les deux, votre mère et moi, et je dois vous avouer que mon aide n'était pas de trop. J'ai un goût assuré en ce qui concerne l'architecture, la peinture et les arrangements. Ah, Richard, mais ne restez pas si loin de nous devant cette fenêtre, venez prendre place ici, avec nous. On croirait que vous souhaitez être partout sauf ici!'

Darcy observa son cousin alors qu'il se dirigea – non, ou plutôt se traîna – jusqu'au sofa, où il voulut prendre place près d'Elizabeth. Aussitôt Lady Catherine poussa une petite exclamation.

-'Oh, nul besoin d'être si timide, Richard! Nous sommes en famille.'

Il hésita un moment, puis alla s'asseoir près d'Anne. Cette dernière rougit, donnant un peu de couleur à son visage pâle. Aucun ne souriait.

-'Voilà qui est bien mieux.' Annonça Lady Catherine, satisfaite. 'Oh, mais pourquoi ces airs d'enterrement? Nous sommes en de jours joyeux, les enfants, souriez un peu.'

Les deux échangèrent un regard et, à la grande surprise de Darcy, il reconnut de la pitié dans leurs yeux. Il trouvait d'ailleurs étonnant que Richard obéissent sans rouspéter les ordres de leur tante; il ne s'était jamais gêné pour prendre la place qui lui plaisait lors de réunion sociale et ce malgré les recommandations de la maîtresse de la maison. Et connaissant l'opinion que son cousin avait de sa femme, il trouvait surprenant qu'il ne profite pas de l'occasion pour s'asseoir près d'elle.

-'Ce silence est si pesant! Fitwilliam, votre compagnie est habituellement plus agréable.'

Il sourit, mais ne répondit pas. Quelque chose clochait, il le savait. Pourquoi Lady Catherine avait soudainement décidé de lever le drapeau blanc en signe de paix? Pourquoi, si paix voulait-elle, prenait-elle un malin plaisir à insulter sa femme? Pourquoi cet air triomphant, cette hypocrisie si bien dissimulée? Quelque chose se tramait, son instinct le lui criait.

-'Richard? N'est-ce pas que la compagnie de Fitzwilliam est plutôt ennuyante aujourd'hui?' insista-t-elle lorsqu'elle vit que personne ne répondait.

Le nouvel Earl jeta un regard compatissant à son cousin. 'Nul doute que Darcy a ses raisons pour sa discrétion aujourd'hui, ma tante. Peut-être devrais-je lui offrir quelque chose à boire?'

Lady Catherine fit la grimace, mais les dispensa d'un mouvement de la main. Lorsque les deux hommes furent au fond de la pièce, près de la table à liqueurs, Richard poussa un long soupir. 'Je suis désolé Darcy. J'aurais aimé que les choses se passent autrement.'

-'Que veux-tu dire?' dit-il à voix basse, imitant son interlocuteur.

-'Tout ceci. Cette mascarade. Cette vengeance de très mauvais goût.'

Alerte, Darcy se rapprocha, les doigts serrés sur son verre. 'Vengeance?'

Jetant un discret regard derrière lui, Richard se confessa : 'Anne et moi allons nous marier.'

Il lui fallut quelques secondes pour que l'information fasse son chemin. 'Quoi?' balbutia Darcy.

-'C'est arrangé. Anne sera ma femme à la fin de la Saison.'

-'Oh…je…quoi? Attends, quoi? Je ne comprends pas. Toi? Épouser Anne?'

Richard hocha la tête en signe d'approbation. Darcy jeta un coup d'œil à sa cousine, si pâle et maladive, si chétive. 'Mais…Pourquoi?'

-'Je suis Earl, Darcy. Je ne peux pas choisir qui j'épouse. La société s'attend à ce que je me marrie afin d'assurer ma descendance et tu sais bien que les titres sont importants. Anne a une fortune et un titre, elle est de mon sang, c'est l'alliance parfaite aux yeux de tous. Et Lady Catherine ne peut pas en être plus enchantée.'

Darcy but une gorgée de son breuvage pour ne pas dire quelque chose qu'il allait regretter. Richard et Anne? Mais quelle idée! Anne était à peine assez forte pour sortir de sa maison, comment pourrait-elle supporter les soirées mondaines, les apparences publiques, l'enfantement? À quoi sa tante pouvait-elle bien penser? Elle qui séquestrait sa fille depuis sa naissance, voilà qu'elle s'apprêtait à la lancer en société sans se soucier des conséquences?

-'Je sais ce que tu penses, Darcy.' Commenta Richard. 'Et je le pense aussi. Cependant, je n'ai pas le choix. Je dois me ranger à la volonté de ce monde. Je ne suis plus un second fils; je suis un Earl. J'ai des responsabilités et me marier en est une.'

-'Oui, je sais…mais Anne? Je suis sûr que tu peux trouver un autre bon parti en Angleterre, sûrement n'y a-t-il pas seulement elle éligible à être la femme d'un Earl?'

Richard haussa les épaules. 'Même s'il y en avait, notre chère tante ne peut le concevoir. Elle a écrit à la Court pour proposer elle-même la candidature de sa fille et faire valoir ses droits, ses avantages et son pédigrée. Elle insiste. Elle s'acharne. Et vu les liens que nous avons, tout le monde voit cet alliance comme avantageuse. Je n'ai plus la liberté de choisir pour moi-même Darcy, je dois m'y faire.'

-'Richard! Fitwilliam! Pourquoi restez-vous aussi loin?' s'exclama Lady Catherine de l'autre côté de la pièce. 'Il faut nous inclure dans votre conversation!'

-'Nous arrivons, ma tante.' Répondit Darcy, puis, se tournant vers Richard, il murmura rapidement : 'Il y a sûrement un moyen de t'accorder un délai.'

-'C'est impossible. Tout est préparé. Anne sera présentée à la Court la semaine prochaine comme ma fiancée et le mariage se tiendra à Londres à la fin mai.'

-'Sûrement-'

-'Darcy, je n'ai pas le choix.' Coupa Richard d'une voix dure, puis, affichant un sourire que Darcy savait coûteux, il s'adressa à sa tante. 'Ne devrions-nous pas nous rafraîchir avant le dîner? Il se fait tard et je suis affamé.'

(-*-)

Darcy avait du mal à se faire à l'idée. Comment pouvait-il songer à marier Anne? Comment Richard pouvait-il s'abaisser à obéir à sa tante? Il n'avait jamais tenu compte de ses opinions et voilà qu'il devenait son pantin?

Le sentiment d'impuissance qui l'habitait le mettait en colère. Il connaissait trop bien la société pour oser espérer que Richard puisse s'en sortir. Qui plus est, si déjà son cousin avait donné sa parole et demandé Anne en mariage, il ne pouvait plus revenir sur sa décision. Cependant, même si Darcy savait qu'il n'avait pas d'autre choix que de l'accepter, il n'arrivait pas à s'y faire.

Après s'être rafraîchi et changé en vitesse, le maître de Pemberley ne prit pas le chemin du petit salon comme il devait le faire, mais monta à l'étage pour cogner à la porte de la chambre de sa femme. Abby le laissa entrer et Darcy tomba sur Elizabeth, encore en sous-vêtements, qui le regardait avec surprise.

-'Il s'est passé quelque chose?' demanda-t-elle d'une voix inquiète.

-'Il faut que je te parle. C'est important.' Répondit-il avec empressement, fermant derrière lui. 'Richard est fiancé à Anne.'

Les mains de Lizzie, qui s'acharnaient à brosser sa longue chevelure noire, s'arrêtèrent subitement. 'Quoi?'

-'Richard est fiancé à Anne.' Répéta-t-il, content qu'elle partage son abasourdissement. 'C'est lui-même qui me l'a dit tout à l'heure.'

-'Impossible.'

-'Et pourtant.'

-'Mais…pourquoi?'

-'Il n'a pas le choix.'

-'On a toujours le choix.' Répliqua aussitôt Elizabeth, sa voix dure. 'Tu as eu le choix, toi. Pourquoi pas lui?'

-'Je ne suis pas Earl.'

Lizzie eut un soupir d'irritation. 'Qu'importe son titre! Il devrait avoir le choix de marier la femme qui lui plaît. Et Anne…elle ne fera jamais une épouse idéale. Elle est si…si…'

Darcy soupira. 'Je le sais et il le sait. Cependant il est résolu.'

-'Résolu? Comment peut-il être résolu à être malheureux pour le reste de sa vie?'

-'Je ne sais pas, cela m'est impensable aussi. Peut-être jugeons-nous trop vite? Anne n'est pas une mauvaise personne, elle est de bonne compagnie lorsqu'elle n'est pas en présence de sa mère.'

Elizabeth ne sembla pas convaincue. 'Cela me semble difficile à croire…' Soudainement, elle eut l'air suspicieux. 'Crois-tu que c'est la raison pour laquelle Lady Catherine nous a invité ici?'

Elle venait de mettre en mots les pensées qu'il redoutait; cela était tout à fait le genre de sa tante de les accueillir à Rosings Park dans le but d'afficher qu'Anne avait maintenant un meilleur parti à épouser.

-'Je préfère ne pas m'imaginer que ce soit le cas. Cependant, Richard en semble convaincu.'

-'C'est une évidence.' Répliqua Lizzie d'une voix sèche. 'Quelle immaturité! Crois-t-elle vraiment se venger en agissant ainsi?'

Darcy était agacé par la probabilité de la situation. 'Il est certain que de t'avoir choisi plutôt qu'Anne a grandement affecté son orgueil et son silence des deux dernières années nous a prouvé que sa rancune était démesurée. Maintenant qu'elle a mieux pour sa fille, Lady Catherine a de quoi prouver au monde qu'elle remporte la guerre.'

-'Qui parle de guerre? Sait-elle qu'elle est la seule à la faire, cette guerre?'

Darcy haussa les épaules. 'Cela importe peu.'

-'Comment peux-tu être aussi indifférent à toute cette situation?' s'exaspéra Elizabeth en se levant. Elle fit signe à Abby, qui attendait tranquillement en retrait, de lui faire enfiler sa robe de soirée. 'Toute cette histoire est insultante.'

-'Que voudrais-tu que je fasse? Partir? Lui prouver qu'elle a raison? Que nous pensons réellement qu'elle est supérieure à nous et que nous ne pouvons le supporter?'

Lizzie fit une moue. 'Bien sûr que non.'

Darcy se mit face à elle et lui prit le visage entre ses mains. 'Ce ne sont que quelques jours à supporter sa compagnie. Notre indifférence et même notre bonne volonté à être heureux pour cette union la rendra furieuse. Il faut sourire, compatir et s'empresser à proposer notre aide.'

Les yeux de sa femme s'agrandirent. 'Tu veux que j'aide Anne à préparer son mariage?'

-'Je suis certaine que Lady Catherine trouvera tous les moyens de t'en éloigner, sois sans crainte. Je parlais seulement d'être empressée à proposer ton aide.'

-'Je n'ai aucune envie de faire comme si être ici et d'apprendre cette nouvelle était un grand honneur. Will, cette bonne femme m'insulte ouvertement. N'étais-tu pas là tout à l'heure lorsqu'elle a refusé de m'adresser la parole et m'a réduite au silence? Et de m'appeler Miss Bennett! Elle ne reconnait pas notre union, peu importe si Anne sera la femme d'un Earl cet été, et je ne crois pas pouvoir tolérer cela.'

Il l'embrassa doucement pour la calmer. Malgré sa propre indignation à la voir se faire traiter ainsi par sa tante, il savait qu'il devait conserver sa contenance pour lui apporter le soutien dont elle avait besoin. 'Tu es Mrs Darcy, devant Dieu et devant le monde. Peu importe ce qu'elle pense, mon cœur t'appartient.'

Il la sentit se détendre, mais toujours elle conservait cet air de mécontentement. 'Ce n'est pas ce qu'elle pense.'

Darcy savait ce à quoi elle faisait référence; n'avait-il pas passé une bonne partie de leur première année de mariage à l'éviter? N'avait-il pas été le responsable des rumeurs circulant à leur sujet? Lady Catherine avait eu vent – et s'en était sûrement fortement réjouie – des disputes qui avaient séparé les Darcy.

-'Ce n'est que pour quelques jours.' Répéta-t-il patiemment. 'Faisons-le pour Richard, au moins. Si Lady Catherine n'en vaut pas la peine, je pense que mon cousin mérite notre support.'

Elizabeth prit une grande inspiration puis hocha la tête, résignée. 'D'accord. Je serai sage et ne clouerai pas le bec de cette vieille sorcière.'

Darcy eut un sourire. 'Tout ira bien. Je dois me sauver maintenant,' dit-il en lui embrassant le dos de la main. 'Nous allons nous revoir au souper.'

Elle fit à nouveau une moue. 'Nous sommes mariés et n'avons même pas droit à une chambre adjacente, c'est ridicule.'

-'Je sais.'

-'Comment feras-tu pour me rejoindre, alors? Je ne peux tout de même pas descendre à l'étage.'

L'idée de la voir se faufiler par la porte de sa chambre vêtue de sa robe de nuit et le rejoindre dans son lit lui fit hausser un sourcil d'appréciation. Il se rappela à l'ordre aussitôt, répétant pour la quatrième fois : 'Ce n'est que pour quelques jours.'

Cette fois, Elizabeth roula les yeux et soupira bruyamment. 'Soit.' Elle retourna s'asseoir devant son miroir, le dos tourné à lui. 'Je dois finir de me préparer maintenant.'

Darcy quitta donc la pièce en silence, conscient que sa réponse avait déçu sa femme, encore une fois.

(-*-)

Eh voilà! Surprises? Choquées? Impatiente de savoir la suite? Reviews toujours appréciés : )!