Avertissement : ce chapitre comporte une scène côté M!

J'étais incertaine de si oui ou non je devais inclure une scène plus explicite dans cette histoire et j'ai longtemps débattu l'idée avant de publier le chapitre, d'où mes quelques jours de retard sur la date prévue que j'avais inscrite sur livejournal. Même si je doute encore un peu de ma décision, je crois que la scène n'est pas intensément graphique et reste conforme au côté romantique.

Chapitre 24

Tout feu tout flamme

Le souper fut pire que le bref entretien qu'ils avaient tous eu dans l'après-midi. La présence de Kitty à Rosings Park ne semblait pas plaire du tout à Lady Catherine et encore moins de voir que Georgiana et elle partageait une si proche amitié. La vieille femme fit donc assoir Anne entre les deux adolescentes, Kitty le plus loin possible d'elle-même, face à Elizabeth, qui elle n'était même pas assise près de son mari. Richard était à sa droite, Darcy près de la maitresse de maison, et l'atmosphère était si lourde et silencieuse que même les domestiques se regardaient entre eux, incertains, zyeutant les convives comme si une tempête allait bientôt se déclencher.

Vêtue d'une de ses plus belles robes, rafraîchie et joliment coiffée, Lizzie pouvait au moins se réconforter dans la pensée qu'elle s'affichait bien et que Lady Catherine ne pouvait rien dire sur sa toilette. Elle était toujours de mauvaise humeur après la brève discussion qu'elle avait eu avec son époux, mais c'est posée et souriante qu'elle prit place à table. Elle était consciente que Darcy avait besoin de temps pour digérer la nouvelle des fiançailles de ses cousins et, malgré son mécontentement et sa crainte qu'il ait oublié sa promesse, Elizabeth décida de ne pas se prendre la tête avec la tournure des évènements.

Lorsqu'il fût temps pour tout le monde de passer au salon, Anne, qui semblait pâlir au fur et à mesure que la soirée avançait, s'excusa et monta se coucher. Lady Catherine, ne supportant pas la présence de Kitty, décida qu'il était temps pour les jeunes demoiselles de se retirer tôt, la journée et le voyage ayant été longs. Seuls restèrent donc Elizabeth, Darcy, Richard et Lady Catherine. Le grand divan fut partagé entre neveux et tante et Lizzie, qui n'avait nulle envie de s'assoir et prendre part à la conversation, fit semblant de s'intéresser aux grandes toiles ornant les murs de la pièce.

-'Il est très mauvais pour la santé de ne pas rester sur place après le repas.' Commenta Lady Catherine, assez fort pour qu'Elizabeth entende, mais assez bas pour donner l'illusion que ses mots n'étaient que pour les oreilles des deux hommes. 'Mauvais pour la digestion et pour la ligne, c'est ce que mon médecin m'a dit. À mon avis, cette habitude se remarque.'

Lizzie se mordit la lèvre pour ne pas répliquer. Elle jeta tout de même un coup d'œil discret à son reflet dans le miroir sur le mur; non, sa silhouette n'était pas différente. Les traces de sa maladie étaient disparues maintenant et elle avait retrouvé ses rondeurs féminines que son mari appréciait tant.

-'Voulez-vous un peu de musique, ma tante?' demanda Richard afin de détourner la conversation.

-'Et qui nous délectera d'une pièce? Vous, Richard? Vous n'avez pas touché à un piano depuis vos huit ans!'

-'J'avais pensé à Mrs Darcy, bien sûr.'

Lady Catherine se renfrogna. 'Mes goûts musicaux sont très fins et je ne crois pas que mes oreilles puissent supporter autre chose que les meilleures prestations.'

-'Ma femme est une musicienne douée, mais je crains qu'elle ne veuille point se donner en spectacle après une si longue journée.' Répondit Darcy. Il avait toujours eu l'habilité de supporter les subtils commentaires de sa tante avec un grand sang-froid et encore une fois Elizabeth fut surprise, et légèrement agacée, de cette contenance. Était-elle la seule à ne pouvoir contrôler son tempérament devant un tel comportement?

-'Ne parlons plus de musique, voulez-vous?' s'imposa aussitôt Lady Catherine sur un ton impatient. 'Pourquoi ne pas discuter de vous, Richard, et de votre nouvelle position en tant que Earl. Bien que je regrette votre très aimé frère, je trouve que ce rôle vous sied parfaitement et vous devez certainement apprécier les libertés que cela vous apporte.'

Lizzie et Darcy échangèrent un regard alors que le Colonel faisait de son mieux pour afficher un sourire sur son visage sombre.

-'Que cette femme manque de tact!' Songea Elizabeth, indignée. Sous le masque de son cousin elle pouvait voir la douleur d'un homme qui était maintenant seul au monde. Cette cage dorée n'était pas une porte de sortie vers la liberté, mais un emprisonnement dans le strict monde de l'aristocratie.

-'Je ne peux nier le fait que ma situation s'est améliorée.' Admit Richard avec délicatesse. 'Cependant, je suis nouveau à ce rôle alors que mon frère est né pour supporter ce titre.'

-'Supporter?' s'exclama Lady Catherine, surprise. 'Je ne crois pas que «supporter » soit un mot approprié dans cette situation, ne trouvez-vous pas Fitwilliam? C'est un privilège, une bénédiction de Dieu!'

-'Les grands rôles entrainent les grandes responsabilités.' Répondit Darcy, qui avait hérité du titre de maître de Pemberley à sa sortie de l'université et qui avait dû, à un jeune âge, apprendre à gérer une grande propriété. Pour Elizabeth, déjà le rôle de son mari lui semblait des plus difficiles; elle ne pouvait imaginer les hauts et les bas qui attendaient Richard. 'Et, lorsque l'on est jeté dans la cage aux lions sans grande préparation, peu importera les habilités naturelles du sujet il sera difficile de ne pas voir l'épreuve comme insurmontable pendant un moment.'

-'Vous sous-estimez votre cousin, Fitwilliam.' Reprocha Lady Catherine. 'Richard est bien capable de remplir ce rôle, sans grande préparation. C'est dans le sang. Son père était Earl.'

Les derniers mots avaient eu un sous-entendu que Darcy ne manqua pas de remarquer. Des trois enfants –Lady Anne, Lady Catherine de Bourg et Earl Edouard de Glencestershire – la mère de Darcy était celle qui avait fait le moins bon mariage. Certes, sa position était enviable aux yeux de la société en général, mais son titre était beaucoup moins reluisant comparé à ceux de son frère et de sa sœur. Compte tenu de la situation –soit que Richard était fiancé à Anne – il était évidant que Lady Catherine triomphait de l'avantage qu'elle avait maintenant en mariant sa fille à un homme possédant fortune et titre, et non seulement une fortune.

Remarquant le léger changement dans l'expression de son mari, Elizabeth décida qu'il était temps de laisser les hideuses peintures pour se joindre à la conversation. 'Le sang ne fait pas l'homme.' S'interposa-t-elle un peu durement. 'L'intégrité, l'ouverture d'esprit, l'honneur et la discipline sont les qualités d'un grand homme et d'un bon maître.'

Darcy et Richard eurent un petit sourire, mais Lady Catherine n'apprécia pas qu'on la contredise.

-'Ce genre de qualités ne se trouvent pas chez les hommes dont le sang n'est pas pur.' Répliqua-t-elle froidement. 'Vous êtes trop jeune pour juger, Mrs Darcy, et il est souvent préférable de s'abstenir de commentaires lorsque l'on ne sait rien du monde.'

-'Ma tante, je suis d'accord avec ma femme.' La défendit Darcy. 'Elle a raison; pour avoir vu le monde, je peux appuyer ses dires : le sang ne fait pas l'homme. Un paysan peut être intègre, honorable et discipliné tout autant qu'un Earl ou qu'un Lord. Dieu ne dit-il pas que nous naissons tous égaux? Les qualités et les défauts sont formés par notre situation, notre jeunesse, notre éducation. Et parfois la chance fait toute la différence.'

Darcy s'était levé et s'était assis près d'Elizabeth, qui posa sa main sur la sienne, et pendant un moment Lady Catherine sembla déboussolée. Lizzie, quant à elle, jubilait. C'était la première fois que son époux prenait ouvertement sa défense et elle en ressentait une telle fierté qu'elle en avait presque les larmes aux yeux.

Puis, reprenant sa contenance, Lady Catherine changea de sujet une nouvelle fois.

-'Mr Collins nous a servi un très agréable sermon dimanche dernier sur les grâces de Dieu. Je suis moi-même très généreuse envers les plus démunis, bien sûr, et je serais certainement beaucoup plus disponible si je n'avais pas à m'occuper d'Anne. Je me dois de surveiller sa santé fragile et je regrette de ne pouvoir participer plus activement à aider la société.'

-'Une fois qu'Anne sera au Gloucestershire, vos souhaits risquent d'être exaucées. Vous serez libre de faire ce que vous voulez.' Commenta Elizabeth, songeant à quel soulagement cela serait pour Anne de quitter cette mère stricte et contrôlante.

Un silence s'installa. Lady Catherine ne put cacher sa surprise et fixa la jeune femme d'un air hébété. 'Je vous demande pardon?'

Réalisant qu'elle venait de dire une bêtise, Lizzie ne sut comment se rattraper. Darcy ne lui avait pas dit de garder le secret, mais elle avait lu entre les lignes que ce n'était pas à elle de révéler qu'ils savaient tous la vérité. Puis, décidant que prétendre ne servait à rien, elle jeta un regard sûr d'elle à sa tante par alliance : 'Le mariage entre Anne et Richard sera une grande annonce dont la haute société raffolera. Je serais très heureuse de participer à cet heureux évènement et quelconque aide dont Anne aurait besoin, il me fera un plaisir de la lui donner.'

La déception et la colère de Lady Catherine était palpable. 'Je ne sais pas par quel moyen vous avez appris cette nouvelle, mais je suis étonnée de votre audace à divulguer un si grand secret publiquement.'

-'Publiquement? Ne sommes-nous pas en famille?'

Lady se pinça les lèvres et ses yeux devinrent deux fentes menaçantes. 'Cette nouvelle était privée. Avez-vous espionnée, petite impertinente?'

Darcy se leva. 'Je vous prierais de rester respectueuse, Lady Catherine. Et cette nouvelle, c'est moi qui lui en ai fait la confidence. Richard me l'a annoncé à mon arrivée et je suis consternée de constater que vous n'avez pas pensé à nous faire part de cet évènement avant. Après tout, nous serons les chaperons d'Anne pendant sa sortie et ses mois de fiançailles, et je crois que la bonne étiquette requiert que nous sachions ce qui se passe dans notre propre famille, surtout lorsque nous sommes concernés.'

Lady Catherine resta bouche-bée; pour la deuxième fois de sa vie, Darcy venait de la remettre à sa place. Il ne fut pas long pour que la surprise soit remplacée par l'air hautain qu'elle portait habituellement. 'Je voulais vous faire la surprise, voilà tout, mais je vois que mon futur gendre n'a su résisté à la tentation de vous dire par lui-même cette nouvelle, et je ne peux exprimer la grande déception que je ressens présentement.'

-'Ma tante, c'est tout de même mon mariage.' intervint Richard. 'Et j'ai pris la liberté d'en aviser Darcy car il me semblait tout naturel d'annoncer cette nouvelle à mon plus proche cousin et meilleur ami. Si je vous ai offensé, je m'en excuse. Cependant, je crois que c'est mon droit de mettre en confidence qui bon me semble pour un sujet si personnel.'

Voyant qu'elle ne gagnerait pas la bataille, Lady Catherine fit un geste négligeant de la main. 'Bien sûr, bien sûr.'

Elizabeth eut du mal à ne pas laisser son sentiment de victoire paraitre sur son visage. Il était si rare qu'elle gagne contre Lady Catherine! Mais ce sentiment fut de courte durée; le Colonel se leva et s'excusa de la compagnie présente en entrainant Darcy dans la pièce d'à côté pour une discussion privée.

Elizabeth les regarda partir, paniquée, certaine que la suite allait tourner au désastre. Quelle idée de la laisser seule avec cette sorcière! Cette tournure des évènements ne semblait pas plaire non plus à l'hôtesse car elle afficha un air renfrogné dès qu'ils eurent tourné le dos. Elizabeth espéra que leur discussion ne durerait pas trop longtemps.

Le silence s'étira pendant un moment. Lizzie fit de son mieux pour ne pas croiser le regard de Lady Catherine, et vice-versa. Chacune d'elle se contenta d'observer les détails de la pièce du salon comme si c'était une activité d'un intérêt capital. À dire vrai, Elizabeth ne pensait pas grand-chose de cette pièce sur-décorée, démodée et tape-à-l'œil. Dès sa première visite elle avait remarqué que les goûts de la propriétaire n'étaient nullement semblables aux siens. Les peintures étaient sombres et austères; les tapis de Wilton trop colorés; trop de meubles; trop de détails doré sur le bois; pas assez de fleurs ou d'éléments simples et naturels. Bref, il y avait tant à voir qu'elle en était étourdie.

Au bout d'un moment, le malaise devint si présent que même Lizzie s'avoua que le silence était peut-être pire que de discuter avec sa tante. Peut-être était-ce le sentiment de confiance que lui avait apporté la victoire peu de temps auparavant, mais elle se sentit soudain d'humeur à faire la conversation, songeant que parler ferait peut-être paraître l'absence des hommes moins longues.

-'Avez-vous des nouvelles de Mr et Mrs Collins? Il y a longtemps depuis notre dernière correspondance et j'ose espérer qu'elle se trouve bien. J'irai sûrement la visiter demain.'

-'Mrs Collins n'est pas en état de recevoir.' Répondit Lady Catherine. 'Il serait inapproprié de lui rendre visite.'

Elizabeth haussa les sourcils. 'Mrs Collins et moi sommes amies depuis notre plus tendre enfance, je crois donc que la relation que nous entretenons me permet d'être près d'elle, peu importe sa situation.'

Lady Catherine eut un rictus. 'Bien sûr, comme d'habitude vous ferez à votre tête. Et je ne doute pas que vos conversations seront tout aussi extravagantes que votre personnalité.'

-'Je vous demande pardon?'

-'Oh, ne faites pas comme si vous ne saviez rien! Vous me pensez aveugle? Je suis scandalisé que votre propre état ne vous ait pas prévenu de faire le voyage jusqu'ici et il est aberrant que vous assistiez à la Saison.'

D'où est-ce que cela venait? De quoi l'accusait-elle encore?' Je ne vois pas du tout ce que vous voulez dire.'

-'Allez-vous pousser votre effronterie jusqu'à me faire prononcer des mots peu dignes d'une conversation avec une femme de mon rang? Ces rondeurs ne sont pas trompeuses.'

Elizabeth plissa les yeux. Insinuait-elle vraiment ce qu'elle pensait qu'elle insinuait? 'Vous vous trompez, Lady Catherine. Je ne sais de quelle bouche vous tenez cette fausseté, mais je ne suis pas enceinte.'

La vieille dame inspira brusquement, choquée. 'Quel langage!'

-'Je suis navrée que la vérité vous déplaise.'

-'Jeune fille, vous êtes obstinée et beaucoup trop directe. Ce n'est pas le genre de conversation que vous devriez avoir. Votre mère ne vous a-t-elle enseigné à bien parler?'

-'Non, c'est mon père qui m'a enseigné à parler juste lorsque l'occasion s'y prête et à user du sarcasme dans toutes les autres.'

-'Oh! N'avez-vous pas honte de vous adresser à moi ainsi?'

-'Lady Catherine, croyez-moi lorsque je vous dis que je vois clair dans votre jeu. Me pensez-vous aveugle aussi? Mon mari vous apprécie peut-être assez pour vous respecter, mais je peux vous affirmer que votre comportement n'échappe ni à lui ni à personne ici présent.'

-'Ceci est scandaleux.'

-'Vous avez bien raison, votre comportement est scandaleux.' Renchérit Lizzie avant qu'elle ne puisse en ajouter. 'Vous me traitez avec dédain et prétention. Vous me détestez parce que William m'a préféré à votre fille. Vous me haïssez parce que vous pensez que je ne suis pas digne de lui et que je ne souhaite que sa fortune; et bien détrompez-vous. J'aime mon mari de tout mon être. Nous sommes heureux ensemble et c'est ce qui m'importe. Que vous brandissiez les fiançailles d'Anne au Colonel Fitzwilliam sous notre nez m'importe peu, en fait, je ne pourrais en être plus indifférente.'

Lady Catherine lui jeta un regard noir. 'Vous êtes jalouse, voilà tout. Et à votre place, j'aurais honte. Si ce que vous me dites est vrai, vous n'avez pas réussi en un an et demi de mariage à enfanter un héritier. Vos deux sœurs ne sont-elle pas déjà mères? Quelques mois leur ont suffi pour faire leur devoir. Je crois que Fitzwilliam a misé sur le mauvais cheval en choisissant la seule des Bennett qui n'a pas la capacité d'enfanter.'

Lizzie fut si violemment surprise de ce commentaire qu'elle en resta bouche-bée.

-'Vous faites moins la maline maintenant, n'est-ce pas?' dit Lady Catherine, triomphante. 'Vous savez très bien que votre infertilité pèse sur les épaules de votre mari, pourquoi y aurait-il autant de tensions entre vous? Oh, je suis au courant de tout, j'ai mes sources. J'ai entendu toutes les histoires vous concernant. Je connais mon neveu beaucoup plus que vous pouvez le connaître, et je sais que sa conscience lui pèse. Prendre votre défense n'est que naturelle, puisqu'il vous a épousé, mais je suis certaine qu'au fond de lui il regrette amèrement la décision qu'il a prise en voyant qu'après autant de temps aucun enfant ne remplit les nurseries de Pemberley.'

Elizabeth se leva en serrant les poings. 'Vous oubliez votre place, Lady Catherine.'

-'Est-ce la vérité qui vous choque ainsi, Mrs Darcy?'

La jeune femme dût faire de grands efforts pour ne pas gifler ce visage ridé et hostile. Une rage si intense bouillait en elle! Comment osait-elle dire cela? 'Vous ne connaissez pas William, pas du tout même. Vous ne savez pas comment il pense, pourquoi il agit comme il le fait, et vous êtes aveugle à l'amour que nous avons l'un pour l'autre. Nos disputes ne regardent personne d'autre que nous-même et nos actions passées non plus. Aujourd'hui, nous sommes unis et c'est ce qui compte à nos yeux.' Elle prit une grande inspiration. 'Il est vrai que nous n'avons pas d'enfants encore, mais je suppose que ce n'est qu'une question de temps encore avant que cela se produise. Lady Anne, ma belle-mère, n'a-t-elle pas mis du temps à enfanter William? Et combien d'années séparent Georgiana et mon époux?'

Même si ce qu'elle disait faisait du sens, elle ne pouvait plus maintenant se débarrasser du sentiment d'échec qui l'assaillait. Elle savait que Lady Catherine ne disait cela que pour lui faire du mal, mais son but avait été atteint et ses desseins de vengeance fonctionnaient à merveilles. Lizzie n'était pas mère encore, après autant de temps dans son mariage. Jane et Lydia avaient toutes deux eu un enfant; Charlotte était déjà enceinte de son deuxième. Le doute s'immisça lentement dans son esprit et elle se demanda si au fond elle n'avait pas quelque chose qui clochait chez elle.

-'Ma sœur avait des problèmes de santé, ce qui n'est pas votre cas. Si vous passiez un peu moins de temps à vos excentricités et un peu plus à faire de vous une maitresse digne de Pemberley, peut-être y arriveriez vous. Cependant, je crois que Dieu vous puni pour vos ambitions, il n'y a pas d'autres explications à votre situation.'

-'J'en ai assez entendu.' Siffla Elizabeth entre les dents. 'Je n'endurerai pas vos mesquineries plus longtemps.'

Sur ces mots, elle tourna les talons et sortit de la pièce. Elle monta rapidement les escaliers et s'enferma dans sa chambre en claquant la porte. Peu lui importait si elle faisait un spectacle d'elle-même. Peu lui importait si elle n'agissait pas en grande dame. Que Lady Catherine brûle en Enfer! Cette femme n'était rien d'autre qu'une vieille chipie qui ne souhaitait que la rabaisser et l'insulter. Comment osait-elle lui dire de telles choses? Comment osait-elle lui dire qu'elle manquait à son devoir? Et que Dieu la punissait? C'était insensé! Elle avait tort sur toute la ligne. Beaucoup de femmes n'enfantaient pas dans la première année. Beaucoup de femmes prenaient leur temps à être mère. Elle n'était pas différente des autres…

Alors pourquoi ce doute dans son esprit?

(-*-)

Lorsque Darcy revint dans la pièce, Elizabeth n'y était plus et Lady Catherine semblait furieuse. Dès qu'elle le vit, elle s'exclama : 'Et bien, ce n'est pas trop tôt! Si vous saviez quelle scène je viens d'endurer, cela est inacceptable! Je vous ai toujours dit, Fitzwilliam, que cette femme avait beaucoup trop de caractère pour faire une épouse convenable. Elle est incapable de prendre la critique constructive!'

Le sang de Darcy se glaça dans ses veines. Qu'avait bien pu dire sa tante pour qu'Elizabeth craque à ce point? 'Critique constructive?' demanda-t-il d'une voix calme, contrôlant son exaspération.

-'Je ne peux répéter de vive voix les mots de votre femme, Fitzwilliam, tout était beaucoup trop choquant et inapproprié. Je n'ai jamais vu un comportement aussi peu digne d'une dame. Et de croire qu'elle a pris la place de ma chère sœur, j'en suis complètement scandalisée! Si elle –'

Darcy l'interrompit avant qu'elle ne puisse en ajouter plus. 'Elizabeth a tout d'une grande dame, Lady Catherine, et je me demande bien ce que vous avez pu lui dire qu'il l'ait provoqué au point de la faire monter à sa chambre en moins de dix minutes.'

Lady Catherine ouvrit grand les yeux, indignée. 'Moi? Je n'ai rien dit de mal et si quelqu'un avait à quitter cette pièce en furie, c'était moi! J'ai été insulté d'une manière inimaginable! Mais j'ai été éduqué correctement et j'ai tenu bon, malgré les mots disgracieux de Miss Bennett!'

-'Mrs Darcy.' La corrigea Darcy entre les dents. 'Et connaissant ma femme, elle n'aurait pas réagi aussi fortement à moins d'avoir été fortement contrariée. Je suppose que je ne saurai rien de vous, j'irai donc à elle pour avoir de plus ample information. Bonne nuit.'

Darcy quitta la pièce, fulminant. Ils étaient à Rosings Park que depuis quelques heures et déjà sa tante et son épouse s'étaient disputées au point de ne plus vouloir s'adresser la parole. Qu'avait-elle bien pu dire pour que Lizzie soit si troublée? Elle ne perdait pas contenance facilement, surtout devant Lady Catherine, et il s'inquiétait des paroles qui avaient pu être prononcées. Il monta donc à l'étage et cogna à la porte de la chambre de sa femme.

-'Je n'ai pas pu m'en empêcher, Will.' soupira Lizzie en le voyant entrer, l'air sombre. 'Cette femme est si…est si…Hmph!'

Il la vit serrer les poings et il s'inquiéta du regard au fond de ses yeux. Certes, il pouvait y lire de la colère; mais il y voyait aussi une inquiétude, un trouble grandissant.

-'Provenant de ma tante, cela ne m'étonne guère.' Commenta-t-il doucement, conscient que de la forcer à revivre la scène en la racontant n'était pas la meilleure des idées.

-'Oh, je sais bien ce qu'elle a dû te dire.' Répliqua sèchement Elizabeth, le visage rougissant. 'Elle a dû te dire à quel point j'étais une épouse médiocre, une femme avec trop de paroles et de caractère, qui ne remplit pas ses devoirs correctement.'

Elle évitait son regard, ce qui alerta Darcy. 'Elle a effectivement mentionné que votre caractère était trop fort, mais elle n'a pas mentionné le fait que vous ne remplissiez pas vos devoirs. Je n'ai pas voulu entendre sa version car je ne crois pas pouvoir avoir la vérité de sa bouche.'

Elizabeth se tourna vers lui, étonnée. Puis, maugréant de frustration, elle s'exclama : 'Elle a un don incroyable de m'insulter et de viser directement là où cela fait mal. Ce n'est pas ma faute! Je ne fais pas exprès! Je ne peux pas commander cela à ma guise.'

-'De quoi parles-tu donc?'

Elle hésita un moment, puis céda. 'Que je n'aie pas réussi à te donner un héritier.'

Quelques secondes s'écoulèrent. Était-ce seulement cela? 'Un héritier? Mais…nous en avons déjà parlé. Chaque chose en son temps, n'est-ce pas? Nous étions d'accord sur ce point, tout était très clair.'

Elizabeth roula les yeux. 'Tu dis cela seulement pour m'épargner des remords. Je sais que mon devoir est de te donner un héritier et jusqu'à maintenant, je n'ai pas réussi.'

-'Lizzie, mon amour, regarde-moi.' Dit-il tendrement. 'Cela m'importe peu. Nous sommes jeunes encore et je ne suis pas pressé d'être père. J'étais sincère et je le suis encore aujourd'hui.'

Elizabeth s'énerva brusquement. 'Mais il faudra bien un jour que cela arrive! Jane et Lydia et Charlotte sont déjà mères! Cette idée m'obsède de plus en plus, Will, je n'arrive plus à m'en débarrasser.'

Il ne comprenait pas pourquoi elle s'en faisait tant pour si peu. Certes, ces choses étaient réservées aux femmes et il n'y connaissait pas grand-chose, mais il savait aussi que ce n'était pas toujours une question de mois, mais bien souvent d'années. 'Ne porte pas attention à ce que Lady Catherine te dit, tu sais très bien qu'elle ne cherche qu'à trouver un point faible chez toi.'

Darcy observa alors que sa femme faisait les cents pas devant l'âtre. 'Et bien, cela fonctionne parfaitement…Je n'arrive pas à croire qu'elle soit de ma famille maintenant. Et de me dire que je vais devoir l'endurer jusqu'à la fin de ses jours, je ne peux le concevoir. Que Richard marrie Anne la mettra beaucoup plus souvent dans notre chemin et nous ne pourrons pas l'éviter comme nous l'avons fait depuis notre mariage. Elle trouvera toujours le moyen de m'insulter et de me rabaisser et elle cherchera continuellement à rendre ma vie un enfer. Quoi?' s'exclama-t-elle sèchement tout à coup, à l'intention de son mari. 'Pourquoi souries-tu comme ça?'

Darcy ne put s'empêcher de la toiser du regard. Le reflet des flammes dansaient sur sa robe de soirée et lui rappelait cette première nuit où elle s'était glissée dans sa chambre, en chemise, et s'était arrêtée près du feu. Cette image avait été si sensuelle que sur le moment il était resté figé, en transe devant cette image presque divine. Son esprit formait des images d'elle à présent, allongée sous lui, son corps ondulant contre le sien, ses yeux fermés alors que sa bouche entrouverte trahissait sa respiration haletante, ses mains s'agrippant à sa taille avec force. Sans parler de la douceur de sa peau, de l'odeur de ses cheveux…

Elizabeth le fixa pendant un moment avec un drôle d'air, reconnaissant la couleur du désir dans ses yeux. Elle était surprise d'un tel revirement de situation, mais elle ne bougea pas lorsqu'il l'attira à lui. L'esprit de Darcy lui criait que cela était inacceptable, qu'il ne devait pas transgresser cette ligne. Les tourments habituels l'assaillirent lorsque son corps ressentit la tension de ses instincts primitifs s'amplifier. L'inconfort de telles pensées était insupportable, la chaleur atroce. Son corps réclamait sa Lizzie, exigeait de la prendre sans plus tarder.

Il en avait assez. Peu lui importait les convenances. Elizabeth Darcy était sa femme et il avait fermement l'intention de faire valoir son droit de mari à quiconque lui reprocherait sa conduite, surtout si cette personne était son propre esprit.

(-*-)

Elizabeth retint son souffle. Que se passait-il? Un moment elle était en train de rager contre Lady Catherine et l'autre elle se retrouvait dans les bras de Darcy, son corps pressé contre le sien.

-'Will…' murmura-t-elle, si étonnée qu'elle ne pouvait mettre ses pensées en ordre, sentant les mains de son mari contre ses courbes, cherchant à soulever sa robe afin de toucher sa peau. 'Les rideaux…les portes…et…si…quelqu'un…'

Darcy poussa un grognement en étouffant ses paroles de baisers insistants. Elle se débattit quelque peu en riant, le repoussant doucement, sans grande fermeté.

-'S'il-te-plaît…' dit-elle en fermant les yeux, consciente que si elle ne le lui faisait pas faire maintenant, il serait trop tard. Son cœur battait la chamade, son corps réagissait avec force. Était-ce un rêve? Darcy était-il vraiment là, à l'embrasser avec passion, à la vouloir avec une force sans précédent? Elle aurait aimé pouvoir chasser son raisonnement et de le laisser lui faire ce qu'il souhaitait sans tenir compte de tout le reste, mais l'idée qu'ils soient surpris par Abby ou un domestique ou n'importe qui d'autre avait de quoi la faire hésiter.

Heureusement, Darcy sembla penser comme elle. Il se détacha brusquement, ferma les rideaux d'un coup sec, puis traversa la pièce en trois enjambées pour verrouiller la porte principale, et en deux autres pour fermer la porte de service. Il revient aussitôt vers elle et l'empoigna avec tant de force qu'elle en eut le souffle coupé.

Darcy cherchaient à nouveau à la déshabiller. Elizabeth répondit avec le même empressement, dénouant sa cravate et déboutonnant sa chemise. Les mains de son époux avait du mal à retrousser les épaisseurs de tissus, à trouver ce qu'il cherchait si ardemment. Soupirant d'exaspération, il la retourna prestement, cherchant des doigts l'endroit où il pourrait dégrafer sa robe.

-'Il faut que-' voulut lui expliquer Lizzie, mais son impatience fut telle qu'il déchira le tissu d'un coup sec. La jeune femme poussa un cri de surprise, que Darcy étouffa en la retournant à nouveau, emprisonnant sa bouche avec la sienne. Ils valsèrent ensuite à travers de la pièce, les vêtements tombant un à un sur le sol, heurtant et renversant tout sur leur passage, afin de rejoindre le lit.

Ciel, qu'il était beau! Lizzie avait du mal à détacher ses lèvres de celle de son mari afin d'observer ce corps qu'elle adorait et que ses mains exploraient avec avidité. Darcy était si insistant qu'elle avait du mal à suivre sa cadence, sentant sa grippe sur sa taille, sur ses cuisses, ses fesses, son dos. Sans quitter sa bouche, il se débarrassa de son dessous, puis il lui enleva sa chemise. Ils tombèrent à la renverse sur le matelas et le lit protesta sous le poids. Le contact de leur peau brûlante augmenta ce feu en elle avec une telle force que Lizzie l'attira à elle avec ses jambes, le forçant à franchir cette barrière qui transformerait souffrance en plaisir.

Plus rien n'existait autour d'eux. Ni Rosings Park, ni Lady Catherine, ni domestiques, ni convenances. Ils étaient seuls. Ils étaient étourdis, ivres l'un de l'autre, et plus rien, ni pensée ni devoir, ne pourrait les empêcher de consumer leur amour.

Un grognement de plaisir s'échappa de la gorge de son mari alors qu'il obéissait à l'ordre de sa femme et c'est avec difficulté qu'elle retint le sien, se mordant la lèvre avec force. C'était comme jamais auparavant. Isolés des autres invités par de simples murs, le couple subit un supplice à ne pas laisser s'échapper certains sons qui auraient pu réveiller la maison entière, étouffant leurs gémissements contre la peau de l'autre, enlaçant férocement leurs bouches pour camoufler leurs respirations haletantes. Lorsqu'ils s'animèrent trop vivement et que le lit lui-même menaça de les dénoncer par le grincement des pattes sur le plancher, Darcy empoigna sa femme par la taille et la souleva sans cérémonie, la plaquant contre le mur – ce qui ne se révéla pas être la meilleure des idées – puis jura sous son souffle.

-'Par terre.' murmura Elizabeth en pointant le tapis d'un coup de menton. Voyant le regard choqué de son mari, elle ajouta. 'Cela ne me dérange pas, Will.'

-'Lizzie, je ne peux pas considérer une telle chose.' Haleta-t-il, perplexe. 'Quel genre d'homme prend sa femme à même le sol?'

Elle poussa un grognement d'exaspération. 'Préfériez-vous que l'on arrête à l'instant?'

-'Bien sûr que non.'

-'Alors taisez-vous et allons-y.'

Darcy éclata d'un rire silencieux, reprenant là où ils s'étaient arrêtés. Percevant son malaise d'un endroit si peu commun pour ce genre d'activité, mais n'étant elle-même pas le moins du monde affectée par ce léger détail, elle obligea son époux à lui laisser prendre les rênes. Elle n'allait certainement pas le laisser éteindre le brasier qui s'était allumé en elle.

À sa plus grande surprise, cette position lui apporta de nouvelles sensations qu'elle n'avait jamais expérimentées auparavant. Entièrement en elle, Darcy l'encourageait à aller plus vite, éveillant dans ses entrailles des vagues de plaisir intense. Sa respiration s'accéléra. Ses mouvements prirent de la vitesse. Elle agrippa les bras de son mari qui, les doigts enfoncés dans la chair de ses hanches, l'intimait à poursuivre sa cadence. Le sang battit à ses temples, transformant leurs soupirs et saccades en bourdonnement à ses oreilles. Darcy se tendit sous elle, resserrant sa poigne. Elle retint son souffle, son dos s'arquant et sa tête se renversant vers l'arrière, se laissant envahir par l'extase qui la secoua soudainement. Un léger gémissement s'échappa d'entre ses lèvres.

Puis, le feu s'estompa graduellement.

Tremblante, engourdie par ce qu'elle venait tout juste de vivre, elle n'osait pas bouger de peur de s'effondrer contre le torse de son mari. Il l'attira à lui et ils restèrent ainsi, étendus l'un contre l'autre, calmant leur cœur battant et leur souffle irrégulier.

(-*-)

Alors voilà…j'espère que je n'ai pas choqué toutes mes lectrices :P Mais bon, je pense qu'il est normal qu'un échange de ce genre se produise à un moment ou un autre dans l'histoire (en fait, peut-être que certaines d'entre vous dites : «ENFIN! » et je crois que vous avez raison ;)

Votre opinion est toujours appréciée : ) Merci à toutes celles qui prennent la peine de m'en écrire, et vous êtes nombreuses, c'est très motivant !