Ne me jetez pas de pierres pour avoir pris autant de temps avant de publier…presqu'une année complète s'est écoulée! Et chaque mois qui a passé je me disais que je devais me reprendre et écrire, mais l'inspiration et la motivation n'y était pas, j'avais trop en tête pour me concentrer. Un déménagement, une grossesse et un mois avec bébé plus tard, me voilà de retour! J'espère que vous apprécierez ce nouveau chapitre : )
Chapitre 27
Le Pays d'Émeraude
L'excitation d'Elizabeth était à son comble lorsque le navire accosta à Cork. Un brouillard léger recouvrait la ville à peine éveillée et c'est avec délice qu'elle observa ce nouvel environnement. Les multiples bateaux, les routes de pierre, les rues étroites, les grands immeubles étroits et cheminées fumantes donnaient une allure un peu austère, très citadine. De grands panneaux annonçaient le nom des grandes compagnies de l'endroit, visible de loin pour tous les visiteurs arrivant par la mer.
Lorsqu'ils arrivèrent près des quais, Lizzie remarqua que déjà beaucoup d'hommes étaient au travail, criant des ordres à droite et à gauche alors que les navires marchands étaient chargés et déchargés. De loin, ils avaient l'allure d'une colonie de fourmis grouillante de vie.
-'Qu'est-ce que c'est?' demanda Lizzie, curieuse, en voyant les nombreux barils et caissons. 'Que transporte-t-ils?'
-'Du bœuf salé, du porc et du beurre.' Répondit Darcy en observant à son tour. 'Cork est un grand fournisseur de l'armée britannique. Ils sont aussi en demande pour le lin, le coton et la laine. Et, bien sûr, ils sont les experts de la bière brune.'
Il pointa un écriteau très visible où l'on pouvait lire : Beamish and Crawford Brewery. Il était difficile de manquer cette affiche ainsi que l'immense usine car une odeur permanente de malt flottait dans l'air et Elizabeth fronça légèrement le nez. Puis Darcy l'emmena de l'autre côté du bateau afin de lui pointer un large espace, beaucoup plus loin, remplit de navires de guerre. 'Voici Cork Harbour. Lors de la Guerre d'Indépendance américaine, Cork a été insurpassable dans sa collaboration, abritant de nombreux navires. Je ne serais pas surpris si cet endroit servait à nouveau d'ici quelques années.'
Lizzie jeta un coup d'œil inquiet vers son mari. 'Napoléon?'
Darcy hocha la tête. 'Nous avons beau avoir réduit à presque rien la Seconde Coalition l'an dernier, le fait est que les risques que d'autres conflits se développent n'est pas à prendre à la légère. Napoléon ne restera pas en Égypte très longtemps et je crains que son implication dans la République Française ne le pousse à voir toujours plus grand et plus loin. Je crois que les gens savent que sans lui et Lazare Carnot, les soulèvements sont voués à l'échec. La France n'a plus d'argent pour supporter ses troupes, mais ce ne sera pas toujours ainsi. Il faut se préparer au pire, Lizzie, car cette histoire est loin d'être terminée, peu importe la vanité de nos compatriotes anglais.'
Elizabeth ne commenta pas. Elle ne s'y connaissait pas en politique et n'avait jamais vraiment été consciente des guerres et conflits. Ce n'était pas qu'elle n'avait pas d'intérêt, mais elle avait du mal à entendre parler de guerres, batailles et tueries sans se sentir profondément bouleversée des conséquences qui en résultaient. Et puis de toute manière, aucun homme ne voulait discuter de ces choses en présence de femmes, puisqu'à leurs yeux la nature fragile du sexe féminin ne leurs permettaient pas d'entendre parler de ces choses sans les faire défaillir.
-'Je dois avouer que je ne m'attendais pas à cela.' répondit Lizzie, songeuse. 'C'est si…urbain. J'imagine que les villes du nord de l'Angleterre doivent un peu ressembler à cela, non?'
Darcy eut un sourire. 'Oui, mais il ne faut pas que tu oublies que cette ville est très anglaise, tout comme Dublin. Ceci est un endroit clé pour le commerce, il va de soit que ce ne soit pas le « Pays d'Émeraude » auquel tu t'attendais. Soit patiente, Elizabeth, bientôt tu verras qu'il y a beaucoup plus à ce pays que cette petite ville marchande.'
Elle lui fit un sourire, confiante que le meilleur restait à venir. Lorsqu'ils mirent pieds à terre, Darcy se dirigea vers une voiture conduite par deux chevaux noirs. Il discuta un moment avec le cocher, puis invita la jeune femme à le suivre dans une petite auberge. Ils mangèrent pendant que leurs bagages étaient chargés dans le wagon les accompagnants et, lorsque tout fut prêt, ils prirent la route principale menant à l'extérieur de la ville.
-'Combien de temps jusqu'au domaine?' demanda Lizzie, ne tenant pas en place. Maintenant que Cork et les banlieues étaient derrière eux, les plaines verdoyantes de l'Irlande avaient rapidement remplacé la brique et la pierre, offrant une vue spectaculaire sur les terres fertiles. Des murets de calcaire délimitaient les pâturages pour les vaches, moutons et les terres cultivées, donnant au paysage une allure de puzzle à grande échelle. La couleur de l'herbe était vive, parsemée par-ci par-là par des amoncellements de cette pierre si commune en Irlande. L'air était frais, le ciel clair. Des fleurs sauvages poussaient par milliers, ajoutant une note de couleur à ce vert si frappant, embaumant l'air d'une promesse d'un bel été.
-'Ce n'est pas très loin.' Répondit Darcy avec un sourire, voyant l'éclat dans les yeux de sa femme. 'Cependant, nous allons nous arrêter chez des amis, les Calberts, pour quelques jours. Ce sont nos voisins, malgré les miles qui nous séparent, et j'aimerais que tu puisses voir Evergreen Place le soir, juste au moment où le soleil se couche. C'est un spectacle délectable.'
-'Ce pays est magnifique.' Souffla Elizabeth, ébahie. Elle ne pouvait expliquer le sentiment qui l'habitait, cette sensation d'être surpassée par ce qu'elle voyait, impressionnée, séduite et intimidée à la fois.
Darcy répondit en serrant sa main. Lizzie le trouva plus détendu qu'à son habitude, plus souriant. Elle ne pouvait s'empêcher de le regarder avec admiration, avec amour. Il était si beau ainsi! Elle pouvait voir qu'il aimait cet endroit par la manière qu'il avait de regarder autour de lui, ayant parfois cette étincelle de reconnaissance, cette parcelle de souvenirs qui dansaient dans ses yeux. Elizabeth observa le paysage et son époux à intervalle, aussi charmée par ces deux spectacles.
Lorsqu'ils arrivèrent chez les Calberts, la nuit commençait à tomber. L'air était lourd et humide et les nuages menaçants. À peine furent-ils descendus qu'une pluie torrentielle éclata et couvrit l'horizon comme un rideau. Heureusement pour eux et les domestiques, une large arche protégeait une partie l'entrée et c'est au sec qu'ils pénétrèrent dans le petit manoir et que les bagages furent déchargés et menés à l'intérieur.
Elizabeth se sentit nerveuse à l'idée de rencontrer de nouvelles personnes, mais elle réalisa bien vite qu'elle n'avait pas à avoir peur puisque seul un homme et sa fille les accueillirent. La jeune femme, environ du même âge qu'elle-même, était d'une pâleur laiteuse. Son visage était couvert de tâches de rousseurs et ses cheveux, roux, faisaient ressortir le vert pomme de ses yeux. L'homme de la maison, Mr Calbert, était un homme approchant la soixantaine, contrastant étrangement à côté de la jeunesse de sa fille. Il avait les cheveux poivre et sel, des favoris fournis et des petits yeux sombres. Son sourire était chaleureux lorsqu'il s'avança pour serrer la main de Darcy, lui claquant l'épaule familièrement.
-'Ah, Darcy, je suis heureux que vous ayez pensé à nous rendre visite!' s'exclama Mr Calbert de sa voix grave et portante. 'Il y a des années que nous avons eu le plaisir de vous voir, comment allez-vous, la santé est bonne?'
-'Excellente, et la vôtre?'
-'Vieillissante, malheureusement! Seigneur, à quand remonte votre dernier voyage? Huit ans?'
Darcy approuva. 'Oui, pour les funérailles de mon père.'
Mr Calbert claqua de la langue, l'air désolé. 'Un brave homme, votre père. Je ne l'oublierai jamais.'
-'Mr Calbert, permettez-moi de vous présenter ma femme, Mrs Elizabeth Darcy.'
-'Que le diable m'emporte, vous avez là une femme des plus exquises!' s'exclama leur hôte avec emphase, la faisant rougir. 'Enchantée, Mrs Darcy, c'est un plaisir de rencontrer celle qui a su dérober le cœur de ce vieux garçon.'
Darcy éclata de rire, contaminée par la bonne humeur de son ami. 'Toujours aussi charmeur. Je devrais peut-être la surveiller, de peur qu'elle ne me redonne le mien pour dérober le vôtre.'
-'Ne vous inquiétez pas mon cher! Mes jeunes années sont derrière moi et je n'ai qu'une seule envie maintenant, vivre mes vieux jours dans la paix et la tranquillité. Une femme aussi belle que la vôtre est comme un cheval sauvage; il faut de la patiente et du temps pour l'apprivoiser et je n'ai ni l'un ni l'autre pour essayer à nouveau!'
Puis il se tourna vers sa fille et lui fit signe d'avancer. 'Vous reconnaissez ma fille, Vivianne?'
Darcy sembla surprit. 'Notre dernière rencontre remonte à si longtemps, vous n'étiez qu'une enfant.'
Vivianne eut un petit rire. 'Ce temps est révolu, Mr Darcy, et je me dois aujourd'hui de me conduire en jeune femme respectable et d'oublier les aventures où j'allais me cacher dans les pommiers.'
Elle fit ensuite une révérence devant Elizabeth. 'Je suis enchantée de vous rencontrer Mrs Darcy, bienvenue à Ballyhara Manor. Vous devez être affamée après ce long voyage, le dîner sera bientôt servi. J'imagine que vous désirez tous les deux vous rafraîchir avant le repas?'
-'Volontiers.'
Ils furent alors conduis à leur chambre à l'étage, où ils s'empressèrent de se changer. Darcy était impatient de retrouver son hôte afin de rattraper le temps perdu et Lizzie, malgré la brève rencontre, était curieuse d'en apprendre d'avantage sur la femme de la maison.
Elizabeth n'eut pas de mal à bien s'entendre avec Miss Calbert. Elle était si chaleureuse et ouverte que les conversations défilèrent sans problème pendant toute la soirée.
-'Vous avez un manoir magnifique, Miss Calbert.' dit Elizabeth, en toute sincérité, jetant un coup d'œil à la pièce dans laquelle elle se trouvait. Sur le manteau de la cheminée se trouvait un portrait qui attirait son attention depuis son entrée dans le grand salon; une femme rousse, d'une grande beauté, aux traits similaires que son interlocutrice, mais avec de légères différences qu'elle n'aurait pu identifier d'où elle se tenait.
-'Vivianne.' Corrigea la jeune femme avec un sourire. 'Je ne suis pas habituée aux formalités, vous m'en excuserez. Je préfère mon prénom à ce titre impersonnel.'
-'Soit, nous serons donc Vivianne et Elizabeth.' Approuva la brunette avec un sourire. 'Il me fait réellement plaisir de vous connaître, je dois avouer que je craignais me sentir seule ici, je ne savais pas à quoi m'attendre. Mon mari me disait que c'était plutôt isolé comme endroit, sans grande activité sociale.'
-'En effet, ce coin n'est pas réputé pour ses salons ou ses activités mondaines, et je crois que c'est ce qui fait son charme. Pour une vie plus mouvementée, vous devrez vous rendre à Dublin.'
Elizabeth eut un léger rire. 'Oh! Je ne suis pas pressée de retourner dans les griffes de la société, je serai très bien ici.'
-'L'Angleterre ne vous manquera pas trop, donc?'
-'Non, pas pour un moment…J'ai enfin l'impression de pouvoir respirer ici, de sortir d'un étau qui m'a trop fortement serré. Il y a tant de mystères et de beautés à voir, je ne crois pas pouvoir me lasser d'un si bel endroit.'
Miss Vivianne éclata d'un rire clair. 'Oui, des mystères, il y en a énormément et le peuple irlandais est très attaché à son folklore. Une très riche histoire habite cette île, une vie entière ne serait pas assez pour découvrir tous ses secrets.'
Lizzie se sentit aussitôt intéressée. 'À quoi ressemble le folklore ici?'
-'Les contes et légendes sont aussi nombreux que les étoiles, Mrs Darcy, mais la plupart parlent de fées et de créatures étranges, de l'Autre Monde, de passages magiques, de Cu Chulainn et de changellings, de la nature, de superstition et de règles étranges. Une culture compliquée à comprendre et longue à apprendre lorsqu'on ne vient pas d'ici. Même après toutes ces années, je n'en sais qu'une infime partie. Bien sûr, mon père me défend de me mêler au peuple irlandais.' Ajouta-t-elle d'un air un peu pincé, comme si cela l'agaçait particulièrement. 'Il n'a jamais compris l'appel que ma mère avait pour son peuple et ne comprends pas celui que je ressens depuis que je suis toute petite. Il nie totalement le fait que ma mère était irlandaise; à ses yeux, elle a été anglaise dès le moment où il lui a passé la bague au doigt et l'a emmené vivre ici.'
Elizabeth cacha tant bien que mal sa surprise, ce à quoi Vivianne répondit par un sourire triste. 'Ce n'est pas une notion que mon père veut que je partage, mais je n'en ai pas honte et je n'ai plus cinq ans. Je ne considère pas mon sang salie par mes origines, bien au contraire, malgré ce que peut en dire la société.'
-'Je n'aurais jamais osé penser cela.' Répondit aussitôt la maitresse de Pemberley, sincère. 'Avec tout ce que l'on entend en Angleterre sur l'Irlande, cette nouvelle est seulement surprenante. Je suis surprise que votre père ait su renverser les préjugés de ses compères et faire à sa guise.'
Vivianne eut l'air sombre pendant un moment. 'Il a abandonné bien des choses en mariant ma mère. Il n'est retourné que très rarement en Angleterre par la suite et plusieurs de ses « amis » n'ont plus jamais voulu lui adresser la parole. Et il s'est produit la même chose avec ma mère; elle a été reniée. En brisant cette barrière qui les séparait, mes parents se sont retrouvés seuls.'
-'C'est affreux…'
-'Malheureusement, c'est ainsi que les choses se passent. Deux peuples différents, deux fiertés trop bien ancrées pour espérer un rapprochement quelconque.'
Lizzie fronça les sourcils. 'Pourtant, ils vous acceptent ici. Vous vivez dans ce manoir depuis votre naissance, sûrement avez-vous une place dans ce pays?'
Vivianne eut un sourire triste. 'Ballyhara est sécuritaire pour moi, mais en dehors de ces terres, il est préférable d'éviter les zones peuplées d'Irlandais. Je ne crois pas qu'ils attaqueraient ouvertement les Anglais, mais le fait est qu'ils détestent tout ce qui concerne la Grande-Bretagne et cela est clair dans leur yeux.'
-'Mais pourquoi tant de haine?' s'emporta Elizabeth, touchée par cette histoire et peinée de savoir cette nouvelle amie emprisonnée dans une maison, entre deux peuples qui ne veulent pas d'elles. Quelle vie de solitude cela devait être!
Les yeux de la jeune femme s'animèrent. 'Une longue rivalité qui dure depuis des centaines d'années déjà. Cependant, je crois que le coup de grâce s'est passé l'année précédente; le soulèvement a été un massacre et les rebelles ont eu du mal à l'accepter. L'amertume et la rancœur est présente dans tous les cœurs des natifs et leur haine envers les Anglais est à son apogée.'
Elizabeth se rappelait vaguement avoir entendu Darcy parler de cet évènement. 'Est-ce la raison pour laquelle je n'ai vu aucun Irlandais depuis notre arrivée? Ils nous fuient?'
Miss Vivianne fut soudainement très sérieuse. 'Vous fuir? Oui et comme la peste! Feriez-vous autrement si un peuple étranger venait un jour pour vous chasser de vos terres, vous les voler et vous interdire non seulement d'en posséder, mais aussi de pratiquer ouvertement votre religion? Comment réagiriez-vous si tous vos droits légaux vous étaient retirés? Si vous étiez traité en moins que rien, au même rang qu'un animal? Que seul un mince espoir de reprendre ce qui est réellement vôtre motive vous et vos proches à vivre même si toutes rébellions sont vouées à l'échec?' Elle sembla prendre conscience du ton de sa voix et se calma, ajoutant : 'De toute manière, vous n'en verrez pas beaucoup ici car ils ont été chassés à l'Ouest afin de laisser de la place pour les Big Houses. Un luxe que les riches aristocrates aiment se payer même s'ils foulent rarement ce sol. Pardonnez ma passion, Elizabeth, mais la condition des Irlandais une cause qui me tient particulièrement à cœur.'
Lizzie, qui avait été muette devant ce discours enflammé, était un peu déboussolée. 'Votre agitation est bien normale, je n'étais pas du tout consciente que la situation était ainsi.'
-'Sans vouloir vous offenser, les Anglais ne portent pas attention à ces détails habituellement.' Répondit la jeune femme un peu sèchement. 'À quoi bon se soucier de la vermine? D'un peuple moins évolué et nettement moins intelligent? Vous ne trouverez pas beaucoup de compatriotes partageant mon opinion, et si mon père m'entendait, il me réprimanderait sur le champ malgré le fait qu'il partage mon avis sur le sujet. Cependant, je ne peux pas ignorer les conditions horribles dans lesquelles les Irlandais sont obligés de vivre et les fautes commises à leur égard. C'est aberrant. Et si mon père est apte à l'oublier, ma conscience n'est pas ainsi faite. Je le dois à ma mère, qui a grandi ici et qui m'a enseigné ce respect de la vie et de l'humain en tant qu'humain et non en tant que race. On ne peut définir une personne par son sang, seulement par son cœur.'
La jeune fille prit une grande inspiration, puis retrouva son sourire et ses fossettes. 'J'ai eu la chance d'apprendre un peu de la langue lorsque j'étais plus jeune car j'avais beaucoup de temps libres et pas beaucoup de compagnie. Mes demi-frères ne sont jamais venus ici, ils sont toujours restés en Angleterre; je crois qu'ils n'approuvaient pas le choix de notre père lorsqu'il s'est remarié avec ma mère. Compte tenu de la situation et de la solitude que celle-ci nous imposait, nous avons passé beaucoup de temps ensemble, ma mère et moi, et elle m'a enseigné tout ce qu'elle pouvait sur son peuple, sur sa famille, sur l'endroit où elle a grandi. Je crois que mon père en était conscient, mais a toujours fait comme s'il ne le savait pas, par respect pour elle je suppose. Je crois que le fait que je sois une fille l'a grandement soulagé lorsque je suis né; si j'avais été un garçon, les choses auraient été beaucoup plus compliquées pour moi. Heureusement, une femme n'a que peu d'importance aux yeux des grands hommes et je n'aurai pas à faire ma place en société. En fait, le seul problème sera de me trouver un mari.'
Elizabeth poussa un léger soupir. 'Votre situation est en effet bien délicate.'
-'Oui, aucun bon parti digne de la situation de mon père ne voudra de ma main vu l'origine de ma mère. Un homme de moins bonne famille pourrait outrepasser ce détail, mais serait refusé par mon père, qui ne souhaite pas que j'épouse un homme en-dessous de ma situation.'
-'Mais peut-être qu'un homme, digne de votre père, s'éprendra de vous et demandera tout de même votre main?' encouragea Lizzie avec forte conviction, trahissant ainsi son besoin de rassurer non seulement son interlocutrice, mais également sa propre personne.
Vivianne répondit avec un petit rire cristallin. 'Oh, ma chère, je ne suis pas si naïve. Je sais bien que l'entourage de votre mari était contre sa décision de vous épouser et qu'il l'a fait malgré tout, mais ma situation est bien différente. Je ne fréquente aucune société, je n'ai donc pas de contacts pouvant m'aider à rencontrer des hommes éligibles, alors mes chances sont minces de pouvoir m'en sortir aussi facilement. Je suis du genre réaliste, je ne me fais pas de fausses idées.'
Elizabeth voulut commenter cette remarque, mais leur hôte les interrompit soudainement.
-'Ciel! Avez-vous vu l'heure?' s'exclama Mr Calvert, jetant un coup d'œil à la grande horloge dans le coin de la pièce. Il était passé minuit. 'Je crois que nous avons assez accaparé nos invités, Vivianne, laissons-les se reposer un peu, ils ont fait un long voyage!'
Elizabeth fut déçue que la soirée ait passé si vite et c'est avec regret qu'elle regagna sa chambre que Darcy et elle partageait pour la nuit. Son époux semblait heureux et de bonne humeur, et c'est avec entrain qu'il parlait de la journée du lendemain.
-'J'avais oublié à quel point la compagnie de cet homme était agréable.' Dit-il en se déshabillant alors que Lizzie était déjà sous les couvertures. 'Mon père et lui étaient de très bons amis et je n'ai pas de mal à comprendre pourquoi. Son humeur est contagieuse, ses discussions passionnantes. Je me rappelle des étés que je passais ici, j'ai si souvent grimpé aux arbres et couru dans les champs pendant que mon père et Mr Calvert prenaient un verre sur la terrasse ou partaient pour de longues promenades à cheval. Cette propriété est magnifique, plus encore que notre propre résidence à Evergreen Place.' Il s'interrompit soudainement, l'air piteux. 'Je suis désolée, Lizzie, je viens de réaliser que je ne t'ai pas accordé beaucoup d'attention ce soir alors que nous sommes supposé être en lune de miel. Je suis désolé.'
Elizabeth eut un petit rire. 'Ne t'excuse pas, Will, ce n'est pas grave. Je suis très heureuse d'avoir rencontré Vivianne, sa compagnie est tout aussi agréable que semble l'être celle de Mr Calvert. Nous avons tout l'été pour être ensemble alors je ne t'en veux pas de rattraper le temps perdu.'
-'Vous êtes la plus compréhensive des femmes, Mrs Darcy, je ne vous mérite pas!' dit-il en se glissant près d'elle, l'attirant contre son corps. 'Si je ne l'avais pas déjà fait, je braverais le monde entier pour vous avoir comme femme.'
Lizzie ne put s'empêcher de glousser en sentant ses mains agripper sa taille, tirant sur le coton blanc de sa robe de nuit. 'Will! Dois-je croire que l'air de l'Irlande vous rend aventureux?'
-'Peut-être.' Murmura-t-il suavement en l'embrassant juste derrière l'oreille. Il se retira brusquement, affichant un air faussement honteux. 'À moins que vous ne soyez trop fatiguée, ma très chère épouse, pour partager un moment d'intimité avec votre ingrat de mari.'
Elle lui frappa le torse sans grande force, rougissant de plaisir. 'Ne dis pas de sottise, Will.'
Darcy haussa un sourcil, un sourire en coin se dessinant sur ses lèvres. 'Permission accordée alors?'
-'Avec plaisir.'
Ils restèrent un moment chez les Calvert et c'est avec une curiosité grandissante que Lizzie apprit à connaître son hôtesse. Elle considéra rapidement cette dernière comme une amie et chaque jour qui passait semblait empreint de nouvelles choses à apprendre et découvrir. Miss Vivianne était cultivée et intéressante, et elle adorait les promenades elle aussi, ce qui ne manquait pas de plaire à Elizabeth. Elles passaient de longues heures à marcher sur le domaine de Ballyhara Manor, explorant les moindres recoins qu'il avait à offrir, et la maitresse de Pemberley buvait les paroles de sa compagne comme de l'eau tant son intérêt pour ce pays mystérieux grandissait avec les jours qui passaient.
C'est donc avec une légère déception que Lizzie reprit la route au bout d'une semaine, impatiente de découvrir sa maison pour l'été, mais triste de quitter une si bonne compagnie.
-'Nous nous reverrons.' Promis Vivianne en lui serrant les mains, sincère. 'La route n'est pas si longue et je serais heureuse de vous recevoir à nouveau, Mrs Darcy.'
Sur ces mots, ils se quittèrent et les Darcy montèrent à bord de leur voiture afin de reprendre la route.
Ils arrivèrent rapidement à Evergreen Place, mais Darcy fit attendre le cocher au détour d'une légère pente escarpée, derrière de gros rochers voilant la vue. Il sortit de la voiture et marcha un peu plus loin, laissant la jeune femme seule. Il faisait presque sombre maintenant, et frais, et Elizabeth resserra le châle qui recouvrait ses épaules. Elle était impatiente de voir cette demeure qui plaisait tant à son mari et il lui sembla qu'une éternité s'écoula avant qu'il ne vienne la chercher enfin. Le soleil perçait la pénombre grandissante et donnait une couleur orangée au ciel. Lizzie eut un sourire en voyant Darcy vérifier une dernière fois que le moment était idéal, puis il lui prit la main et l'invita à le suivre. Il l'emmena là où il avait fait son inspection quelques minutes plus tôt et l'aida à monter sur une roche plate, l'agrippant solidement à la taille et l'attirant vers lui par le fait même.
Elizabeth retint son souffle devant ce tableau magnifique, où le contraste des couleurs chaudes du couché de soleil et celles des paysages froids et verts de l'Irlande donnait une allure féérique à cette propriété qui, réalisait-elle avec peine, était sienne. Elle ne pouvait croire la chance qu'elle avait de posséder d'abord Pemberley, dans toute sa splendeur, puis Evergreen Place, un endroit un peu plus modeste, mais avec un charme presque irréel tant par sa simplicité que par son emplacement.
Le manoir était de forme rectangulaire, à trois étages, et était couvert de vignes luxuriantes sur la moitié de la façade avant et sur la totalité de la façade est. L'allée menant jusqu'à l'entrée était étroite et en pierre beige, avec quatre marches délimitant les jardins de la terrasse. Des fleurs multicolores décoraient les plates-bandes bien entretenues et des rosiers longeaient les chemins. Leur parfum embaumait l'air et chatouillait délicieusement l'odorat de la jeune femme.
Pour accéder au domaine, la voiture descendit une pente légèrement abrupte, puis vira sur le chemin à droite lorsque le terrain s'aplani. De grands arbres se dressaient comme des soldats au garde-à-vous tout le long de la route menant à la demeure, puis s'arrêtaient brusquement pour laisser l'œil se régaler du grand espace déboisé et verdoyant qu'offrait Evergreen Place.
Elizabeth n'avait qu'une hâte; visiter les lieux. Cependant, il était tard maintenant et elle savait qu'il serait impossible pour elle de sortir de la maison. De plus, elle était fatiguée et affamée, et c'est avec soulagement qu'elle apprit que le dîner serait servi dès leur arrivé. Elle remonta donc l'allée de pierre au bras de son époux, observant les vignes abondantes et les fenêtres impeccables. Des domestiques s'affairaient déjà à débarquer les bagages et à les emporter à l'étage. Dès son entrée dans la demeure, Lizzie remarqua à quel point c'était différent que Pemberley. Les servants, bien que tout à fait convenable, ne semblaient pas aussi stoïques. Plusieurs lui sourirent sans gêne en s'inclinant et c'est avec plaisir qu'elle répondit, heureuse de cet accueil chaleureux.
Le diner fut servi rapidement et Elizabeth se régala de plats divins. Ici, l'étiquette ne semblait pas de mise et il n'y avait aucun tape-à-l'œil. La vaisselle était fine sans être ornée, la nourriture de qualité sans être extravagante et les services peu nombreux. Elle apprécia l'intimité de ce repas et sa simplicité, qui lui rappelait les repas de Longbourne. Vu le nombre limité de domestiques, aucun d'eux ne restaient dans la salle à dîner pour les observer manger d'un air impassible. Si quoi que ce soit était nécessaire, ils n'avaient qu'à sonner une petite cloche.
Darcy et elle ne s'attardèrent pas dans le salon, et montèrent rapidement se coucher. Aucune raison n'eut à être donnée pour ce retrait hâtif, ils faisaient comme ils le souhaitaient. Ils se retirèrent donc dans leur chambre, fatigués mais excités d'être à un nouvel endroit. Lizzie ne manqua pas de remarquer l'air songeur de son mari et elle l'interrogea sur son humeur en lui apportant une coupe de vin, s'assoyant à ses côtés près de l'âtre.
-'Cela fait si longtemps que je suis venu ici,' répondit Darcy d'une voix empreinte de nostalgie. 'La dernière fois était à la mort de mon père. Il voulait que son corps repose ici, loin de l'Angleterre, et j'ai veillé à ce que ce souhait se réalise il y a huit ans maintenant. Il adorait cet endroit.'
Son regard était fixé sur les flammes. Même en plein été, il faisait frais ici.
-'Je peux facilement comprendre cet attachement.' Répondit doucement Elizabeth, posant une main sur la sienne. 'De revenir ici doit raviver certains souvenirs, j'imagine.'
Darcy eut un sourire. 'Oui, beaucoup. De mon enfance surtout, j'aimais l'accompagner dans ses voyages et il ne m'en donnait pas toujours l'occasion. Mais ce sont des bons souvenirs que ces murs contiennent, des images joyeuses et du bon temps passé loin de tout. À cet âge, j'appréhendais le futur qui m'attendait et mon père a toujours été très compréhensif. Cela peut sembler difficile à croire, mais je n'ai pas toujours été un homme si…en confiance. J'ai été jeune; j'ai voulu voir le monde. J'ai voyagé, j'ai étudié, j'ai voulu qu'on me prenne au sérieux et j'ai cherché l'approbation de mon entourage. J'imagine que la mort de mon père a renforcé ce besoin en moi d'être le pilier de ma famille. Je me suis préparé à ce moment en douceur, depuis mon enfance, et venir ici me permettait de me libérer de mes obligations. Il comprenait cela. Ces moments passés ensemble en cet endroit nous rapprochait beaucoup.'
Elizabeth serra doucement sa main, lui offrant un sourire compatissant. 'J'imagine que c'est difficile pour toi de revenir ici.'
Darcy secoua la tête. 'Non, en fait c'est tout le contraire. Je pensais que ce serait ainsi, mais je me sens…bien. Nostalgique, oui, mais je suis soulagé d'être ici, comme si je pouvais respirer à nouveau.'
Lizzie pencha la tête sur le côté, caressant les cheveux bruns de son époux. 'Je suis heureuse de te savoir à l'aise, Will, j'aurais eu du mal à vivre un été entier ici si j'avais su que tu n'y étais pas bien.'
-'Je crois que nous aurons plutôt du mal à partir.'
-'En effet, je crois que cette solitude et cette paix nous sied parfaitement. Nous devrions considérer ne jamais retourner en Angleterre!'
Darcy eut un petit rire. 'Et Georgie? L'emmener ici réduirait considérablement ses chances d'un bon parti.'
Elizabeth haussa un sourcil. 'N'est-ce pas ce que tu souhaitais? Qu'elle ne sorte pas en Société avant quelques années encore?'
-'Ahhh, si j'écoutais ma conscience égoïste, elle n'aurait jamais de mari et vivrait ses vieux jours à Pemberley sous ma tutelle. Cependant…'
-'Cependant elle deviendra rapidement une femme et voudra fonder sa propre famille, dans sa propre maison…' termina Lizzie, percevant la note sombre de son ton. 'Elle ne t'oubliera jamais, Will, et viendra souvent te rendre visite. Peut-être trouvera-t-elle un domaine près du nôtre et les visites seront donc nombreuses.'
-'Quoi qu'il en soit, elle est trop jeune pour que je pense à cela maintenant. Je ne vais pas me morfondre alors que je suis en vacance, dans un magnifique havre de paix, avec la plus belle femme qui existe sur la terre.' Déclara-t-il en l'attirant à lui, l'asseyant sur ses genoux. Ses mains glissèrent sur sa taille, caressèrent son dos et ses hanches.
-'Eh bien,' gloussa Lizzie en devinant aisément l'idée derrière ses gestes. 'Vous ne perdez pas de temps, Mr Darcy!'
-'J'ai perdu assez de temps en Angleterre.' Murmura-t-il, embrassant son cou, tout près de son oreille.
Loin était l'idée pour elle de protester.
Lizzie se réveilla le lendemain d'une transe délicieuse. Le corps engourdit de sommeil et de passion, elle s'étira allègrement et fût surprise d'entendre son mari grogner près d'elle lorsqu'elle le heurta par inadvertance. Le soleil était haut déjà et rarement Darcy avait-il fait la grasse matinée. Il se tourna vers elle, ses yeux entrouverts à peine, et lui dit : 'Qu'ai-je donc fait pour mériter un tel traitement?'
Lizzie eut un petit rire et se pressa contre lui, trouvant sa place parfaitement au creux de son bras. 'Avez-vous bien dormi?'
-'Jusqu'à ce réveil brutal, oui.' Plaisanta-t-il en lui embrassant le front. Il s'étira à son tour, poussant un long soupir de contentement. 'Je ne me rappelle pas la dernière fois où j'ai flâné au lit. Je devrais me méfier d'y prendre goût.'
Elizabeth haussa les épaules. 'Je ne m'y opposerais pas. Pour une fois que je vous ai toute à moi, je ne m'en plaindrai pas.'
Darcy eut un sourire. 'Restons ainsi un moment encore alors.'
Toute la journée le couple ne se quitta pas une seconde. Pas une fois le maitre de la maisonnée demanda à être seul pour s'occuper de la paperasse qui l'attendait dans son bureau. Du matin au soir, il ne s'occupa que de sa femme, l'emmena en promenade dans les jardins, puis à cheval sur les grands chemins, et ils dinèrent sur la terrasse et veillèrent tard, à discuter et rire, profitant de ces moments de solitudes si rares en Angleterre.
Elizabeth aimait cet autre homme, ce Darcy qui souriait à tout moment et éclatait d'un rire sincère. Elle était heureuse d'enfin avoir du temps avec lui, du temps précieux où il agissait comme un jeune marié. Les jours passèrent où il ne changea pas d'attitude, où son humeur était au beau fixe et son attention entièrement sur elle. Lizzie savait qu'elle se devait de profiter de chaque seconde, de chaque baiser volé derrière un arbre, de chaque caresse furtive sur son corps lors des promenades, des sourires coquins et des regards langoureux. Toutes les nuits Darcy était avide d'elle, passionné, affamé. Il était libre comme il ne l'avait jamais été, fougueux, téméraire. Elle fondait dans ses bras, ne se lassait pas de ce corps qu'elle aimait tant et de ces baisers dont elle avait si souvent rêvé. Et c'est exactement ce qu'elle avait l'impression de vivre, un rêve, un magnifique rêve où enfin elle vivait cette romance dont les livres font si souvent mention. Et elle adorait cela.
Ses moments préférés ne se résumaient pas seulement à ceux partagés dans la chambre à coucher, mais aussi lorsque Darcy s'ouvrait à elle sur son passé, sur ses attentes pour l'avenir, pour Pemberley, pour Georgiana. C'était comme si une fenêtre s'ouvrait sur ses pensées et qu'elle avait enfin droit de voir au creux de son âme, lui faisant apprécier encore plus cet homme qu'elle avait épousé. Elle s'ouvrit à son tour, ne haussant aucune barrière sur ses opinions et ses pensées, complètement en confiance. Ils se redécouvraient, enfin.
Un jour, alors qu'ils étaient à l'extérieur dans le jardin, Darcy la conduisit près d'un vieux saule pleureur, imposant dans son feuillage fourni et son tronc massif. Les branches de cet arbre étaient si nombreuses et feuillus qu'elles formaient un écran opaque tout autour de sa circonférence, produisant ainsi l'effet que seul un grand mur de feuilles se trouvait à cet endroit.
Lizzie ne put décrire la sensation qui l'assaillit lorsqu'elle pénétra dans ce sanctuaire naturel. Sous le saule, à l'abri des regards, elle avait l'impression de se trouver dans un autre monde. Elle n'entendait rien d'autre que le bruissement du vent dans les feuilles et le mouvement que cela produisait donnait l'impression que le monde autour d'elle valsait et ondulait.
Darcy l'avait prévenu de ce qui l'attendait à cet endroit. Il avait attendu plusieurs jours avant de le faire, mais ce matin il avait annoncé qu'aujourd'hui il souhaitait visiter la tombe de son père.
La tombe se trouvait un peu sur la gauche; de grandes racines l'entouraient, la camouflant presque du regard. Elizabeth n'osa pas imaginer le temps et la sueur qu'il fallut pour creuser à cet endroit. La croix celtique était gravée, énonçant le nom complet du défunt et l'année de sa mort. Il y avait aussi une inscription sur le cercle de la croix, mais elle n'arrivait pas à lire.
-'C'est de l'irlandais.' Répondit Darcy lorsqu'elle demanda la signification de toutes ces lettres étrangement associées. 'Mon père a fait faire cette croix à l'insu de tous et j'ai dû faire traduire pour savoir ce qu'il y avait inscrit. Ces mots veulent dire : À jamais tien, si Dieu le veut.'
Elizabeth hocha la tête en signe de compréhension. Elle ne formula pas ce qu'elle avait en tête à voix haute, mais elle ne put s'empêcher de se demander pourquoi son beau-père avait insisté pour se faire enterrer ici, en Irlande, et de graver sa tombe dans cette autre langue si méprisée des Anglais. Elle savait, selon les dires de son époux, que le défunt Mr Darcy adorait ce pays d'Émeraude, mais était-il naturel de pousser si loin cette adoration? À sa demande, sa dépouille avait été transportée jusqu'ici et malgré la tombe à Pemberley, le corps de l'ancien maitre des lieux résidait en Irlande et non là où il se devait. Peu de gens était au courant de ce fait; en fait, elle-même l'avait appris que ce matin-là. Ce n'était pas à elle de juger les dernières volontés du paternel de son époux et elle ne posa donc pas de question.
Lorsqu'ils sortirent du cercle de feuilles et de branches et revinrent dans le monde normal, le ciel s'était couvert de nuages sombres. Imprévisible, la température en Irlande n'avait pas manqué de surprendre le couple plus d'une fois. Repérant un gazebo non loin de là, ils se précipitèrent vers l'abri à toute vitesse, juste à temps pour ne pas se faire prendre par le torrent de pluie qui déferla sur le domaine. Resserrant son châle autour de ses épaules, Lizzie songea au fait que ce pays n'était pas très clément d'un point de vue météorologique et que malgré le soleil, le vent était toujours frais et vif, la pluie imprévisible. De la voir ainsi tomber la fit sourire car cela lui rappelait qu'elle était à l'étranger, dans une aventure toute particulière, et elle ne pouvait demander mieux. Elle tendit la main pour sentir les gouttes d'eau sur sa peau. Darcy la pressa contre lui, la réchauffant de sa chaleur. Le front contre sa joue, elle se blottit contre lui avec délice. Pour la première fois depuis un long moment, elle se sentait profondément heureuse. Comment ne pouvait-elle pas l'être? Ici, elle se sentait libre, chez elle. Ici, Darcy était un mari attentif et amoureux, avide d'elle, tout à elle. Il n'y avait pas de visite, pas de convenances strictes, pas d'œil indiscret, pas de ragots, pas de Société. Ici, ils étaient simplement Fitzwilliam et Elizabeth.
(-*-)
Voilà! Soyez indulgentes mesdames, je suis un peu rouillée! Et j'avoue avoir oublié quelques détails de mon histoire…mais je vous ai fait attendre assez longtemps et j'espère que ce nouveau chapitre ne sera pas trop différent des autres, et surtout, j'espère que tout est cohérent!
Je promets de ne pas prendre autant de temps pour publier le prochain chapitre, ma pause est terminée et malgré un bébé qui n'aime pas dormir, je trouverai le temps de reprendre l'écriture, ça me manque!
