Enfiiiiin de retour ! Voici le chapitre 41 tant attendu, merci de votre patience et compréhension : ) Bonne lecture!

Chapitre 41

Miss Catherine Bennet

Longbourne lui parut bien petit tout à coup lorsque Kitty revint chez elle l'été où sa nièce décéda. Elizabeth avait chassé tout le monde de Pemberley dans sa tristesse et la jeune fille avait alors prit la route avec ses parents afin de laisser les Darcys gérer seuls la profonde douleur qui les accablait. Il avait été très difficile pour elle de la voir ainsi; Lizzie, son symbole de force et de vivacité, avait disparue sous une façade dure et froide. Les nombreuses lettres que Kitty lui envoya restèrent sans réponse et au bout d'un moment elle cessa de lui écrire, impuissante face à ce silence.

Dès leur arrivée à Longbourne, tous avaient repris leur train de vie quotidien sans même mentionner l'évènement tragique auquel ils avaient été témoin, excepté Mrs Bennet qui s'en plaignit de manière exubérante à toutes ses relations. Une fois le sujet épuisé, elle trouva un autre drame dans sa vie afin d'obtenir la continuelle attention dont elle avait tant besoin, jetant aux oubliettes cette nouvelle maintenant désuète. Même leur père évitait de mentionner sa favorite; pas une seule fois il ne demanda à Kitty, dont il savait la correspondance directe avec Pemberley grâce à Georgiana, comment elle se portait. Marie n'avait de yeux que pour sa bible et son piano et Lydia, qui n'avait pas assisté au baptême, était encore trop fâchée d'avoir été laissé derrière pour ressentir la moindre empathie. Cela chamboula profondément Kitty qui, réalisant à quel point sa famille était indifférente face à la douleur d'Elizabeth, songea à sa propre place dans ce tableau. Personne ne pensa à elle qui au fil des mois à Pemberley s'était grandement rapprochée des Darcys et ressentait leur tristesse comme si elle était la sienne. Elle avait attendu la venue de cet enfant avec impatience elle aussi, avait tenu Anne dans ses bras alors qu'elle n'avait que quelques heures, l'avait vu faire son premier sourire. Personne ne comprenait pourquoi elle était si affectée par tout cela et personne ne cherchait à comprendre de toute façon; Kitty était à nouveau une ombre dans la maison. Elle n'était pas plus remarquée que le papier peint démodé du grenier.

Kitty ne s'était pas attendue à ce que sa vie à Longbourne soit si pénible. Elle réalisa rapidement qu'elle ne se sentait plus chez elle dans la maison qui l'avait vu grandir. Pire encore, elle lui rappelait constamment la personne qu'elle avait été. Elle avait si honte de ses souvenirs... Elle avait été si malheureuse! Si envieuse et amère! L'absence d'amour et la continuelle comparaison entre sa soeur cadette et elle n'avait pas manqué de lui faire développer un sentiment d'infériorité dès son plus jeune âge. Elle s'était longtemps crue bête et sans intérêt; à force de les entendre, elle avait fini par croire les remarques blessantes de son père et n'avait jamais essayé de les démentir. Mr Bennet avait toujours eu une faible pour ses deux ainées, en particulier Lizzie, et cette attention spéciale envers cette dernière avait rendu Kitty incroyablement jalouse. Comme elle lui en avait voulu! Une jalousie qui se décupla lorsqu'elle annonça son mariage avec Mr Darcy, un homme possédant une fortune doublement plus grande que celle de Mr Bingley. Coincée à Longbourne sans possibilités de divertissements à cause des étourderies de Lydia, l'injustice de la situation lui avait pesé lourdement sur le coeur. Partagée entre son admiration et l'envie maladive qu'elle éprouvait pour ses soeurs, Kitty avait entretenu sa misère jour après jour. Forcée d'endurer les plaintes incessantes de sa mère, les conversations insipides de Marie et les lettres remplies des extravagances de Lydia, elle avait été rapidement plongée dans un état dépressif. Lorsqu'elle avait reçu la lettre de Lizzie lui demandant de venir passer du temps à Pemberley, cela avait été comme apercevoir le soleil après une longue tempête.

Oh comme sa vie avait changé à partir de ce moment! Dès sa première semaine dans le Derbyshire elle s'était senti libérée comme jamais auparavant. Pour la première fois de son existence elle avait envie d'être une meilleure personne. Elle avait envie d'être à la hauteur d'Elizabeth et de Jane, qui se comportaient toujours avec tenue et élégance. Elle réalisa que son comportement éloignait les gens et que son tempérament impudent était répulsif. Il lui avait fallu beaucoup de travail, mais au fil des jours, des semaines, des mois, elle s'était senti devenir une toute nouvelle Catherine Bennet.

Georgiana y était pour beaucoup. Douce, gentille, attentive, elle avait su mettre Kitty à l'aise dès la première journée où elles s'étaient rencontrées. Il était impossible pour la jeune fille d'être jalouse de la cadette Darcy car sa personnalité si timide et réservée, ainsi que sa constante envie de plaire aux gens, l'empêchait de ressentir quoi que ce soit de négatif à son égard. Georgiana, qui avait longtemps été seule et sans amies proches, miroitait son propre besoin d'affection. Il ne fut pas long avant qu'elles deviennent inséparables; elles partageaient tout, même leur chambre, et il n'était pas rare que leurs fous rires résonnent dans les couloirs de Pemberley jusqu'aux petites heures du matin. Toujours prête à complimenter les talents et l'intelligence de Kitty, Georgiana avait réussi à la faire reprendre confiance en elle et à l'aider à cultiver ses talents. Modeste de nature, elle ne considérait jamais que son éducation plus extensive la rendait plus intéressante; au contraire, elle se plaisait à partager ses connaissances avec patience et ne manquait jamais de pointer l'esprit rapide et vif de sa nouvelle meilleure amie.

Pemberley représenta alors pour Kitty un endroit rempli d'affection, de rires et de complicité. Cet environnement était si différent de celui auquel elle avait été habituée que sa vision du mariage et de la famille s'altéra complètement.Élevée à penser en termes de beauté et d'argent, elle avait réalisé qu'une union heureuse résidait dans l'amour et le respect des partenaires plutôt que dans les biens matériaux. Autrefois elle aurait choisi un homme riche et influant sans même y penser deux fois. Cependant, quelques mois dans le Derbyshire avaient été suffisants pour qu'elle se promette de ne pas se marier par intérêt et d'attendre de trouver la personne qui la complèterait, comme Jane et Elizabeth l'avaient fait.

Kitty avait été surprise de retrouver en Mr Darcy la figure paternelle dont elle avait tant besoin. Malgré sa nature fière et discrète, l'époux de sa sœur était un homme généreux et bon, attentif aux moindres besoins des gens qu'il affectionne. Si d'abord elle avait eu du mal à discuter avec lui par peur de passer pour une ignorante, il avait su la mettre à l'aise en abordant des sujets qui l'intéressait et en proposant des façons d'agrandir ses champs de connaissances sans mettre l'emphase sur ses lacunes. Cet intérêt sincère à son égard et sa dévotion à ce qu'elle se sente comme un membre de la famille n'avait pas manqué de la toucher, n'ayant jamais ressenti la moindre affection de la part de Mr Bennet. Ainsi, il n'était pas difficile pour Kitty de se motiver à enrichir son esprit car elle avait envie de se parfaire autant que de plaire à ses bienfaiteurs.

Songer à Pemberley lui permit de tenir le coup pendant son séjour à Longbourne. Kitty avait de si bons souvenirs de l'endroit qu'elle passait parfois des heures à rêvasser aux longues étendues verdoyantes du domaine, aux jardins gorgées de fleurs et au lac chatoyant. Ce passe-temps amoindrissait l'exaspération que provoquait son quotidien; la personnalité excentrique de sa mère et l'attitude déplaisante de sa sœur cadette drainaient son énergie. Un fossé s'était creusé entre Lydia et elle depuis son départ pour Brighton et Kitty ne pouvait s'empêcher de ressentir une profonde pitié pour Lydia qui, à 18 ans, se retrouvait abandonnée par son mari avec un enfant à nourrir. Cela la bouleversait de voir à quel point les choix de cette dernière avaient été désastreux; elle était ruinée, forcée de vivre sur la charité de ses parents et de l'argent de ses soeurs, qu'elle quémandait sans retenue. Kitty ne comprenait pas pourquoi ces épreuves n'avait pas réussi à lui faire comprendre l'humilité. Ne retirait-elle donc rien de ce qui lui était arrivé? Elle poursuivait sa vie comme elle avait toujours été: naïve, bruyante, écervelée. À cela s'ajoutait une amertume qui se manifestait par une méchanceté accrue. Elle était sèche et directe, parfois même cruelle dans ses propos, surtout envers Kitty, ne manquant jamais de la rabaisser quand bon lui semblait. Elle utilisait sa situation déplorable comme excuse et gagnait la sympathie des gens en mentant sur les réelles raisons de l'abandon de Wickham, son histoire changeant d'une fois à l'autre. Car Lydia, dans son attitude désinvolte, avait tendance à raconter plus que ce qu'elle devrait dire et son étourderie lui faisait oublier les précédentes versions racontées. Cela affecta grandement sa crédibilité et elle seule ne s'en rendait pas compte. De plus, elle était si vulgaire dans sa manière de s'exprimer que Kitty en rougissait de honte.

Le seul point positif de la présence de Lydia à Longbourne était la petite Edwina. Autant sa mère était inadéquate dans son rôle, autant l'enfant était un exemple d'obéissance et de gentillesse. Elle avait hérité de la beauté de ses parents, mais pas de leurs personnalités débraillées. Au contraire, elle démontrait une insécurité qui la rendait craintive et il n'était pas rare qu'elle soit si silencieuse que l'on oublie sa présence. Kitty avait du mal à accepter l'indifférence de sa soeur pour sa propre fille; alors qu'Edwina ne cherchait que l'affection de sa mère, cette dernière rejetait les demandes de câlins avec impatience et l'envoyait jouer un peu plus loin en lui disant de la laisser tranquille. En voyant cela, Kitty comprit que Lydia n'était pas plus mature que sa propre enfant et que sa nièce n'aurait jamais l'amour qu'elle méritait. Elle prit alors comme habitude de s'occuper d'Edwina afin de lui donner l'affection dont elle avait tant besoin et se surprit à développer un réel attachement pour elle. Lydia fut bien heureuse que ce fardeau lui soit enlevé et au bout d'un moment elle ne se soucia même plus de s'interroger où sa fille se trouvait, comme si la responsabilité avait enfin été transférée à quelqu'un d'autre et que les contraintes d'être mère ne la concernait plus.

Kitty aimait les enfants et il n'était pas difficile d'aimer Edwina. Elle avait un si grand besoin d'amour qu'une journée avait suffit pour qu'elle adopte sa tante et y trouve réconfort dans ses bras. Kitty lui donnait toute l'attention dont elle avait besoin et découvrit une nouvelle facette de sa personnalité, soit une intelligence vive et une curiosité débordante. Nombreuses furent leurs expéditions dans le petit jardin à la recherche de papillons ou de petits insectes, les aventures dans la jungle qu'était la forêt et les après-midis passé à regarder les poissons et les grenouilles dans l'étang. Le sentiment d'utilité qu'elle ressentait en s'occupant d'Edwina était la seule chose qui la gardait saine d'esprit, mis à part sa correspondance avec Georgiana.

Puis, un matin froid d'automne, Kitty reçut enfin la lettre qu'elle avait tant attendue.

Elle ne put contenir sa joie lorsqu'elle lut le message d'Elizabeth et elle se précipita dans le bureau de son père pour avoir la permission de retourner à Pemberley. Il la lui donna avec un haussement d'épaule et elle referma la porte derrière elle avec un sourire si grand qu'il lui faisait mal. Sans plus attendre, Kitty monta à l'étage, ouvrit son coffre à la volée et jeta toutes les robes qu'elle possédait sur son lit afin d'en faire une inspection minutieuse. Il lui restait quelques semaines pour enjoliver ses tenues et, même si sa garde-robe n'était pas très garnie, elle savait qu'elle se débrouillerait pour revamper ce qu'elle possédait déjà. Elle n'osa pas demander de l'argent à ses parents pour de nouvelles tenues comme l'aurait fait Lydia. Plutôt, elle décida qu'elle irait à Merryton dès que possible afin d'investir le peu d'argent de poche qu'elle avait dans du fil, des rubans et du tissu.

Alors qu'elle voyait en revue une robe d'un bleu très pâle, elle sursauta lorsqu'elle entendit une voix derrière elle.

-'Cette couleur est affreuse.' commenta Lydia d'un ton dédaigneux, appuyée sur le cadrage de la porte avec les bras croisés. 'J'espère que tu ne comptes pas porter ça en public, tu seras la risée de tout Londres.'

Kitty entendit la jalousie dans la voix de sa soeur et ne laissa pas sa hargne l'affecter. 'Je la trouve très joli moi. Avec quelques broderies sur l'encolure, un ruban à la taille et des fleurs en tissu, elle fera une robe d'après-midi plutôt adéquate.'

Elle voyait déjà le résultat dans sa tête. Ses doigts parcoururent le fin tissu de mousseline avec délicatesse, imaginant les vignes, les fleurs et les abeilles qu'elle allait y faire apparaitre.

-'Londres. Évoluer dans le cercle social des Darcys. Comme s'ils allaient vraiment te laisser être l'une de leurs.'

Kitty l'ignora.

-'Il n'y a pas si longtemps tu les détestais.' Renchérit la cadette Bennet, cherchant la confrontation.

-'Eh bien j'ai changé d'idée.' répondit obstinément Kitty, agacée par la présence de sa soeur et de son entêtement à faire éclater sa bulle de bonheur. 'Ils sont bien meilleurs que toi et moi, Lydia, et on fait bien de prendre exemple sur eux.'

Lydia eut un rire moqueur. 'Lizzie? Un exemple? Laisse-moi rire un peu. Elle a épousé l'homme le plus désagréable d'Angleterre parce qu'il est riche. Au moins moi je me suis mariée par amour.'

Kitty se tourna vers elle, l'air sérieux. 'Tu te trompes. Non seulement ils sont réellement amoureux l'un de l'autre, mais Mr Darcy est un homme respectable que l'on gagne à connaître. De plus, tu devrais lui être reconnaissante avec tout ce qu'il a fait pour Wickham.'

-'Tout ce qu'il a fait?' s'exclama-t-elle, indignée. 'Tu veux rire, Kitty? Il nous a traité comme de la vermine! Avec tant de condescendance et de mépris!'

Kitty regarda sa soeur d'un air béat. Était-elle vraiment inconsciente de tout ce que Mr Darcy avait fait pour eux? Ignorait-elle réellement à quel point elle devait tout à cet homme? Et soudainement, cela la frappa : Lydia ne comprendrait jamais. Tout comme leur mère, elle vivait dans un monde où la réalité était façonnée comme de la glaise par les drames, où le quotidien se devait d'apporter son lot de scandales afin d'échapper au mortel ennui qu'elle éprouvait. Elle ne verrait jamais que ce qu'elle voulait bien voir, ne comprendrait jamais que ce qu'elle voulait comprendre.

Le calme qui envahit soudainement Kitty lui rappela à quel point elle avait changé. Elle regarda sa soeur non pas avec impatience ou insuffisance, mais avec compassion. 'Tu seras ta propre perte, Lydia.'

Lydia fut prise de court par cette étrange quiétude. Elle était habituée à de grandes disputes, à des cris, des mots lancés pour heurter la sensibilité de l'autre. La nouvelle maturité de Kitty ne lui plaisait pas, comme son visage le trahissait, car elle ne pouvait rien tirer de sa bienveillance.

Elle se renfrogna. 'Lizzie finira bien par se lasser de toi et tu verras que j'ai raison. Ne pense pas que son monde t'acceptera à bras ouvert. Tu n'es qu'une bête Bennet.'

Les mots lui firent mal, mais elle ne mordit pas à l'hameçon. 'Je dois me mettre au travail alors si tu ne veux pas m'aider, j'aimerais un peu de tranquillité.'

-'Moi? T'aider à te parer pour te pavaner devant la Société londonienne comme une pimbêche? Autant mourir.'

Sur ce, elle tourna les talons et disparut. Kitty secoua légèrement la tête pour chasser les paroles de sa soeur et se mit au travail.

Le jour de son départ fut à la fois doux et amer. Kitty était fébrile de rejoindre Lizzie et Georgiana à Londres, mais dès qu'elle passa le seuil de la porte pour monter à bord de la voiture arborant l'emblème des Darcys, son regard se posa sur le visage de sa nièce et son coeur chavira. Lydia tenait l'enfant aussi éloignée d'elle qu'elle le pouvait et cette image lui fit si mal qu'elle douta momentanément de son choix. Elle s'accroupit à la hauteur d'Edwina, qui voulut se réfugier dans ses bras, mais un brusque rappel à l'ordre de sa mère l'en empêcha.

-'Sois bien sage, d'accord?' lui dit-elle doucement, caressant son visage avec sa main gantée. 'Tu me manqueras beaucoup.'

-'Tu n'es pas obligé de partir.' répliqua Lydia d'un ton bourru. 'Edwina a pleuré toute la nuit quand elle a su que tu partais jouer avec les riches plutôt que de rester ici avec elle.'

Kitty serra les dents. 'Avais-tu réellement besoin de lui faire du mal seulement pour me faire sentir coupable? Après ce que Wickham a fait, ne crois-tu pas que ta fille aurait besoin de compassion et non d'être utilisé comme un pion dans tes mesquineries?'

Sa sœur haussa les épaules. 'Ce n'est qu'une enfant, elle ne comprend rien.'

-'Alors c'est que tu ne la connais pas.'

-'Tu ne sais absolument pas ce que c'est d'être mère alors tu n'as aucun droit de me dire cela.' répondit sèchement Lydia. 'Le jour où tu auras un enfant, tu sauras quel enfer c'est. Cependant, je doute que ce jour arrive car avec ta disposition tu as autant de chance que Mary de te trouver un époux.'

-'Edwina mérite ce qu'il y a de mieux.' s'exclama Kitty avec passion, ignorant l'insulte. 'Elle mérite de l'attention et de l'amour.' La cadette Bennet roula les yeux. 'Tu ne la mérites pas, Lydia. Un jour tu te retrouveras seule, complètement seule.'

-'Aucune chance. Je ferai ma propre vie, tu verras. Une vie encore meilleure que vous toutes réunies.'

Kitty eut un étrange pressentiment. Ces mots semblaient puérils en surface, mais l'intensité du regard de Lydia lui donna l'impression qu'elle avait quelque chose en tête. Jusqu'où la mènerait son amertume et sa jalousie?

Mr Bennet s'éclaircit la gorge. 'Allons bon, suffit les adieux. Il est temps de partir, Kitty.'

La jeune fille hocha la tête puis s'adressa rapidement à Edwina. 'Je penserai à toi tous les jours.' Elle aurait aimé lui promettre qu'elle lui écrirait, mais elle savait que Lydia ne prendrait pas la peine de lui lire ses lettres. 'N'oublie pas que tu es une admirable petite fille.'

Elle déposa un baiser sur sa joue et, avec un dernier regard, monta dans la voiture et fila dans la campagne du Hertfordshire les joues inondées de larmes.

(-*-)erma la e aurait besoin d'

Londres était une ville tellement excitante pour une fille venant de la campagne. Kitty n'y était pas souvent allé et les seules fois avait été pour visiter son oncle et sa tante à Cheapside, un quartier bien différent de celui où se trouvait la maison des Darcys. La grandeur des lieux n'avait rien à voir avec Pemberley, mais ils étaient si bien situés qu'elle pouvait marcher dans toutes les directions et trouver un endroit intéressant à visiter, un parc où se balader ou des magasins à explorer. Georgiana se chargea de lui faire connaitre tous ses endroits préférés et Kitty découvrit Londres sous un nouveau jour.

Dès leur arrivée les invitations fusèrent de tous les côtés. Kitty ne s'était pas attendue à être aussi engagée et il ne fut pas long avant qu'elle rencontre presque la totalité des connaissances des Darcys. Georgiana et elle avait toujours de la compagnie et elle ne pouvait se rappeler une soirée où toutes les danses n'avait pas été réquisitionnées. Bien sûr, elle ne se faisait pas d'idées. Les hommes s'intéressaient surtout à sa meilleure amie qui, avec ses 30 000 livres de dote et ses connections, se trouvait être un parti très intéressant. Cela ne la dérangeait pas outre-mesure; elle était la première à reconnaître les charmes de la cadette Darcy et savait que quiconque obtiendrait sa main serait plus que chanceux de l'avoir pour femme. Cependant, elle ne s'était pas attendue à autant de sollicitation sociale et malgré les nombreuses heures de travail sur sa garde-robe, elle se trouva rapidement inadéquatement équipée pour faire face à leur emploi du temps chargé. Il était difficile pour elle de paraître auprès de Georgiana et Lizzie, qui semblaient avoir une réserve infinie de robes, alors qu'elle devait faire la rotation avec les siennes. Elle était trop fière pour demander la charité à sa sœur et elle se raisonna en songeant qu'elle avait au moins la chance de participer à tous ces évènements.

Ce raisonnement lui aurait suffit si cela n'avait pas été de Lord Nathaniel Escott. En effet, son lien avec la famille Hemsworth, des amis des Darcys depuis deux générations, faisait en sorte que leur chemin se croisait souvent et, plus d'une fois, le jeune homme l'avait invité à danser et avait engagé la conversation avec elle. Il n'y avait rien dans ses manières qui laissait sous-entendre une quelconque attraction, mais il était si gentil, patient et drôle qu'elle ne pouvait s'empêcher de rechercher sa présence à toutes les soirées auxquelles elle assistait. Il n'était pas particulièrement beau, mais il avait un charme qui lui plaisait, un petit quelque chose qui adoucissait ses traits durs lorsqu'il lui souriait. Kitty, intimidée par le titre et la fortune qu'il possédait, se demandait souvent pourquoi Lord Nathaniel daignait lui adresser la parole; après tout il était l'un des meilleurs prospects de Londres et elle n'était que la banale fille d'un gentleman.

Cependant, il lui fut difficile de garder cela en tête au fur et à mesure que la Saison avança. Georgiana et Lizzie, aux aguets des moindres détails, finirent par la convaincre que les attentions de Lord Nathaniel ne semblaient pas complètement désintéressées. À partir de ce moment, Kitty eut du mal à tenir la promesse qu'elle s'était faite de ne pas se plaindre de sa garde-robe. Comment bien paraître aux yeux d'un futur comte, probablement habitué d'être entourée de toutes les richesses possibles, alors qu'elle n'avait que les mêmes robes désuètes? Cela provoqua chez elle une certaine frustration, un combat constant entre sa fierté et son humilité. De plus, même si ces attentions étaient bel et bien dans le but de la courtiser, comment pouvait-elle considérer cette option alors qu'elle lui semblait tout simplement impossible? Et pourtant…Imaginait-elle ces doux regards chaleureux? Rêvait-elle lorsqu'elle avait l'impression qu'il laissait sa main plus longtemps que nécessaire sur la sienne lorsqu'ils dansaient? Et ces sourires, qu'il semblait n'adresser qu'à elle? Cette manière de s'enquérir de sa santé et d'être honnêtement intéressé par la réponse? Nombreuses furent les nuits où elle resta éveillée à débattre ces pensées contradictrices, incertaines de ses propres sentiments, mais indubitablement flattée par l'idée qu'un homme aussi important puisse rechercher sa compagnie.

Le vent tourna pour Kitty quelques jours avant le dernier bal de la Saison. Elle savait que Lord Nathaniel serait présent parmi les invités car il lui avait non seulement fait promettre de lui réserver une danse, mais ses parents étaient les hôtes de ce qui serait la plus extravagante des soirées de la Saison. Cela lui mit une pression supplémentaire, elle qui n'avait jamais rencontré Lord et Lady Escott, et Kitty avait beau regarder l'ensemble de ses tenues, elle ne savait pas du tout comment en transformer une afin de la rendre à la hauteur des invités qui seraient présents. Malgré les taquineries de sa sœur, elle ne pensait pas quelque chose de spécial s'y passerait, mais plutôt elle avait envie de profiter pleinement du dernier évènement auquel elle assisterait à Londres. Après tout, elle ne savait pas combien de temps elle resterait avec les Darcys; elle était une invitée et ne voulait surtout pas s'imposer, mais elle mentirait si elle niait qu'elle redoutait de quitter cette famille qui lui semblait être devenue la sienne.

Si Elizabeth sentit son conflit intérieur ou si ce fut une simple coïncidence, Kitty ne chercha pas à savoir. Elle était beaucoup trop heureuse pour poser la question lorsque sa soeur lui donna une de ses plus belles tenues, une robe d'organza rouge brodée de fils d'or. Le simple fait d'avoir une robe neuve à porter était suffisant pour lui redonner un élan de confiance et c'est avec une excitation nouvelle qu'elle se prépara pour le dernier bal de la Saison.

Cette journée-là, elle était si nerveuse qu'elle ne pouvait s'empêcher de se questionner sur sa tenue. Elle n'avait jamais ressenti une si grande anxiété de bien paraître et elle blâmait un peu Georgiana de lui avoir rappelé que la couleur préférée de Lord Nathaniel était le rouge. Une fois la graine semée dans son esprit, elle se surprit à la faire fleurir malgré elle. Cet innocent commentaire la chamboula et elle se mit soudainement à croire qu'il y aurait peut-être quelque chose de différent ce soir-là. Kitty ne fut pas déçue de son reflet lorsqu'elle fut fin prête. Comme elle était plus petite que sa soeur, elle avait eu assez de tissu après les altérations pour se faire un bandeau assorti auquel elle avait ajouté une seule plume blanche. Ses cheveux étaient rassemblés en chignon à l'arrière de sa tête et quelques boucles encadraient son visage ovale. Le châle que Lizzie lui avait prêté pour l'occasion était d'un blanc crème avec, aux extrémités, un joli motif paisley de couleurs vives. Le bracelet en or de Georgiana scintillait à son poignet et, fière de son allure, Kitty pénétra dans la salle de bal de Lord et Lady Escott avec une assurance qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant.

Il ne fut pas long pour que Lord Nathaniel vienne réclamer la danse promise et elle accepta avec plaisir, heureuse d'être la première à qui le jeune héritier s'intéresse. Son coeur battait la chamade alors qu'ils faisaient les premiers pas et elle se délecta de chaque seconde, consciente que ses joues étaient roses et que ses yeux étaient brillants, et que les yeux de son cavalier ne la quittait pas une seconde. Pour la première fois de sa vie, elle se sentait en position de force, gracieuse et charmante. Pour la première fois de sa vie, elle savait qu'elle n'était pas une insipide fille Bennet.

La soirée était si agréable qu'elle en était ivre de bonheur. Elle ne fit aucunement un spectacle d'elle-même comme elle l'aurait fait avec Lydia auparavant; au contraire, elle fut plus sollicitée que jamais. Chaque danse lui fut réclamée; chaque conversation fut intéressante. Lord Nathaniel resta à ses côtés presque toute la soirée et elle fut surprise, et quelque peu déçue, lorsque Lady Escott s'imposa en exigeant que son fils lui fasse le plaisir d'être son cavalier pour la dernière danse. Ne pouvant refuser, le jeune homme obéit et jeta un dernier coup d'oeil à Kitty avant de prendre sa place, aussi désappointé qu'elle. Alors qu'elle pensait avoir à se retirer pour laisser l'espace aux couples qui s'alignaient, elle fut abordée par Lord Escott.

-'Puis-je me permettre, Miss Bennet?'

Intimidée, elle fut incapable de se désister et se laissa diriger sur la piste. Elle espérait qu'elle ne lui marcherait pas sur les pieds. La musique retentit et tout le monde s'activa à l'unisson.

-'Avez-vous apprécié votre temps à Londres, Miss Bennet?' lui demanda-t-il afin d'engager la conversation.

-'Énormément, oui.' répondit-elle d'une voix un peu instable.

-'Je ne crois pas avoir connu un printemps aussi chaud depuis des années.'

-'Je suis d'accord.'

-'Et avez-vous de la famille à Londres, excepté les Darcys, Miss Bennet?'

Kitty devint méfiante. Elle n'aimait pas la manière dont il prononçait son nom. De plus, son soudain intérêt sur sa vie lui semblait étrange.

-'J'ai un oncle et une tante, Mr et Mrs Gardiner.'

-'Ah, oui. Ils habitent Cheapside, n'est-ce pas?'

-'Oui, exact.'

-'Il est avocat?'

-'Oui.'

-'Une noble profession.'

Encore une fois, Kitty ne fut pas en mesure de déterminer la sincérité de ses mots. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle afin de trouver un regard encourageant, mais Mr Darcy et Lizzie n'était pas dans la pièce et Georgiana était engagée avec Mr Parker.

-'Et votre père, quelle est sa profession?' demanda Lord Escott, dont la manière de danser avait une rigidité légèrement déconcertante. Alors que son fils gardait sa main dans la sienne jusqu'au tout dernier instant, le père, lui, la touchait le moins possible.

Kitty se sentit rougir. 'Il n'a pas de profession. Il possède Longbourne, dans le Hertfordshire.'

-'Ahhh.'

Lord Nathaniel lui-même semblait confus de voir son paternel danser avec elle. Lady Escott attira aussitôt son attention et le contact fut brisé.

-'Miss Bennet, je me dois d'être franc avec vous.' déclara soudainement son cavalier.

Elle avala avec difficulté, mais il ne lui laissa même pas le temps de répondre avant d'ajouter :

-'Mon fils est à un âge où l'amour et le désir est une seule et même chose. Un rien l'impressionne. Il ne sait pas encore résister à la beauté des femmes et, je le crains, il ne connait pas son propre coeur. J'ai été jeune moi aussi et je sais ce que c'est d'être attiré par les yeux d'une jolie jeune fille.'

Kitty se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux. 'Lord Escott, je-'

-'Vous comprendrez donc,' poursuivit-il en la coupant sec. 'Que les mots qui suivent son dans votre propre intérêt: ne cherchez pas les attentions de mon fils. Vous n'en retirerez qu'un coeur brisé. Ou pire encore.'

L'audace de ses mots la laissa sans voix. Kitty aurait aimé être comme Lizzie et savoir répondre dans ce genre de situation, mais elle était incapable de se défendre.

-'Mon fils est conscient des règles à respecter vis-à-vis de sa situation et je serais peiné qu'il vous utilise sans donner suite à vos espoirs. Ainsi donc, je vous mets en garde. Je suis convaincue que vous avez une série de talents indiscutables, mais votre place ne sera jamais dans la famille Escott.'

Il lui jeta un regard entendu. Kitty se sentit si humiliée que ses yeux se remplirent de larmes et elle balbutia ses excuses avant de s'empresser de quitter la piste de danse. Elle ne vit pas le petit sourire satisfait de Lord Escott ni le regard confus de son fils alors qu'elle faisait son chemin parmi les invités à la recherche d'un visage familier qui saurait la sauver de cette horrible mortification. Elle garda sa contenance aussi longtemps qu'elle le put et fut incapable d'expliquer la raison de son agitation à Georgiana, qui avait suivi son amie sans hésitation la seconde où elle avait brisé la formation.

-'Je dois trouver Lizzie.' fut la seule chose qu'elle sut répondre. Prononcer ne serait-ce qu'un seul mot concernant ce qui venait de se passer aurait des conséquences désastreuses. Elle devait attendre d'être dans le confort de sa chambre, entre ses couvertures, la tête dans son oreiller, pour laisser libre-court aux sentiments qui menaçaient d'éclater à la vue de tous.

Ils trouvèrent Elizabeth et Darcy dans une autre pièce, seuls. Kitty ne remarqua même pas les yeux rougis de sa soeur ni la pâleur de son visage. Elle n'avait qu'une seule envie: rentrer.

-'Lizzie?'

-'Que se passe-t-il? Es-tu souffrante?'

-'Peut-on partir?'

-'Oui, bien sûr, mais Kitty-'

-'Maintenant? Je veux partir, Lizzie. S'il-te-plait, amène-moi loin d'ici.'

(-*-)

Voilàààààà.

C'était intéressant d'être dans la tête de Kitty, je pense que je vais lui accorder quelques chapitres dans un futur proche. Je lui réserve un avenir bien particulier!

Je sais, les chapitres sont longs à être publiés et je sais que j'ai toujours la même excuse : je manque de temps. Et je dois avouer que j'ai parfois envie d'écrire autre chose que de me concentrer seulement sur cette histoire. Je suis le genre de personne qui a besoin de plusieurs projets en même temps et je suis la vague de l'inspiration quand elle arrive. Cet été je me suis surtout concentré sur mon livre, mais je promets que je vais publier le chapitre 42 plus rapidement que le 41 et ce malgré mon retour aux études. J'avoue avoir eu un peu de mal avec les temps de verbes sur ce chapitre, le constant changement entre souvenirs et présent m'a plus d'une fois fait douter de mon français! Alors pardonnez les erreurs que cela a pu causer, j'ai fait de mon mieux pour bien réviser ce chapitre, mais j'ai l'impression qu'il y en a encore qui m'ont échappé…

Merci pour tous les bons commentaires, cela me fait toujours un velours de savoir que vous aimez toujours mon histoire après tout ce temps. Votre fidélité me donne chaud au cœur!

Sur ce, à bientôt j'espère!