Bonjour bonjour! J'ai un peu de retard sur ce chapitre et j'ai peur de vous décevoir un peu sur la longueur, mais c'est le mieux que j'ai pu faire avec le temps que j'avais! Bonne lecture : )

CHAPITRE 44

Un nouveau chapitre

(Kitty)

Kitty n'avait jamais assisté à une saison de chasse comme celle-ci auparavant. Malgré sa présence à Pemberley l'année précédente, la mort de sa nièce avait plongé la maisonnée dans un deuil qui s'était étalé jusqu'à la nouvelle année. Son beau-frère n'avait pas voulu y participer et Elizabeth, qui avait mis des mois à se remettre de cette perte, n'aurait pour rien au monde ouvert la grande demeure à des invités, encore moins eu envie de se déplacer.

Kitty était soulagée de voir sa sœur si souriante à nouveau. Depuis leur arrivée à Carlton, elle semblait s'être libérée du poids de son deuil et redevenait peu à peu la femme qu'elle avait toujours été. Elle avait retrouvé son mordant et c'était comme si un voile de noirceur se levait soudainement de sur leurs têtes. Auparavant, tout bonheur que Kitty avait ressenti avait été assombrit par la culpabilité. Comment pouvait-elle partager ouvertement ses moments de joie quand Lizzie se perdait dans son chagrin? Comment pouvait-elle se plaindre des petits malheurs qui l'accablaient alors que sa soeur avait à faire face à la pire épreuve qu'une femme peut subir dans sa vie? Ses propres émotions lui avait semblé puériles, insignifiantes même. Heureusement que Georgiana avait été là pour la laisser exprimer ses nombreux doutes et questionnements; sa meilleure amie était toujours toute ouïe, que ses problèmes soient futiles ou non. Maintenant que tout semblait rentrer dans l'ordre, Kitty n'avait plus à se censurer dans ses discussions. Et elle avait grande cause de s'exprimer.

Alors que la Saison à Londres avait été une déception au niveau de ses prospects, soudainement elle se retrouvait courtisée par de nombreux jeunes hommes. Certes, la position de ces derniers n'était en rien comparable à celle de Lord Nathaniel, mais ils étaient tout de même de compagnie tout à fait respectable. Kitty était quelque peu déconcertée par ce revirement de situation. Il était vrai qu'elle était mieux habillée que pendant son séjour à Londres maintenant qu'elle était sous la protection des Darcys. L'allocation plus que généreuse que lui avait donné sa sœur et son époux lui avait permis de refaire entièrement sa garde-robe avec des tenues dignes du rang dans lequel elle se déplaçait à présent. Cependant, cela n'était certainement pas suffisant pour améliorer ses chances de trouver un bon parti. Son nouveau statut représentait-il un avantage assez marqué pour qu'une alliance avec elle soit bénéfique à quiconque cherchait à agrandir son cercle? Après tout, elle n'était peut-être pas une Darcy par le sang, mais sa position privilégiée l'avait élevé au-dessus d'une simple relation en visite, lui conférant ainsi une connexion plus directe à la famille. En contrepartie, cela ne changeait aucunement sa situation…lors de son mariage, elle n'aurait rien d'intéressant à offrir à son mari.

Kitty ne s'attarda pas sur ce point bien longtemps. Pour la première fois de sa vie, elle sentait qu'elle était appréciée et reconnue. Pourquoi s'attarder sur ces détails insignifiants alors qu'elle pouvait profiter de l'attention que sa nouvelle situation lui apportait? Nul besoin d'empoisonner ses pensées avec ses doutes; elle profiterait de chaque moment, un grand sentiment de reconnaissance toujours présent dans son cœur.

Novembre marquait le début de la chasse aux renards et un grand nombre d'invités furent présents pour l'ouverture à Carlton. Bingley, dont la générosité n'avait pas de fin, ne s'épargna aucun trouble pour s'assurer de faire vivre un moment inoubliable à ceux qui s'étaient déplacés pour l'occasion. Non seulement il envoya quérir les meilleurs produits du comté, mais il s'assura également que chaque journée se termine sur un festin. Il avait fait venir un chef de Londres et ce dernier impressionnait certainement par ses pièces spectaculaires. Bingley n'avait pas lésiné sur les divertissements non plus; musique, danse, théâtre, promenades, soirée costumée et jeux de toutes sortes, aucun moment n'était laissé à l'ennui. Ce rythme effréné était étourdissant; l'organisation était d'une telle envergure que Jane avait besoin de l'aide de ses sœurs et de Georgiana pour tout gérer. Caroline Bingley s'était rapidement désintéressée de la tâche en voyant qu'elle n'aurait pas de poids dans les décisions à prendre et Mrs Hurst, étant indisposée, ne s'était pas déplacée cette année. Ainsi, le succès de la semaine reposait sur leurs épaules et Kitty fut surprise de la charge de travail que tout cela représentait. Chaque jour apportait son lot d'attentions, des broderies à faire sur un costume aux menus à établir pour satisfaire chaque palet, des pratiques de musique et de chant aux demandes de la part des invités qui occupaient toutes les chambres de la maison. Carlton débordait et les domestiques peinaient à fournir, allant et venant toute la journée en charriant bois, draps, vaisselle et pot de chambres, toujours à nettoyer derrière les hommes qui, sans se soucier de la boue sur leurs bottes, faisaient leur chemin partout dans la maison. Kitty était presque gênée des efforts supplémentaires que cela demandait aux femmes de ménages, sans parler des servants en cuisine qui s'échinaient devant les fourneaux du matin au soir sous une chaleur insupportable.

Kitty était dépassée par tout ce brouhaha. Elle n'était pas habituée au luxe ni à l'extravagance; ses parents avaient toujours été plus adeptes de participer aux soirées qu'à les organiser. Elle réalisa rapidement à quel point son éducation ne l'avait pas préparé pour ce genre de vie et elle ressentit une très grande admiration pour ses sœurs qui, malgré cette lacune, se débrouillaient bien au milieu de cette cacophonie. Bien que son cœur souffrait encore un peu du rejet de Lord Nathaniel, elle trouva du réconfort dans le fait qu'elle n'aurait probablement jamais supporté la pression qui incombe une femme noble. Après quelques jours à partager les tâches de Jane, elle se mit bien vite à l'évidence qu'elle n'avait pas l'étoffe d'être à la tête d'une grande maison. Le point positif d'une telle épiphanie fut la réconciliation qu'elle eut avec le fait qu'elle ne ferait probablement pas un mariage aussi avantageux que celui de ses sœurs aînées. Si vivre sous ce stress constant était le lot d'une femme mariée dans la haute société, elle préférait nettement une alliance plus modeste.

Ce fut une journée chaude et ensoleillée qui réveilla les résidants à Carlton le matin de la dernière chasse organisée sur la grande propriété. Kitty ouvrit les yeux faiblement, déjà fatiguée alors qu'elle n'était même pas encore complètement réveillée. Georgiana poussa un grognement sous ses couvertures; trop tôt. Il était simplement trop tôt. L'horloge annonçait neuf heures, mais les jeunes filles s'étaient couchées tard encore une fois.

-'Jane doit déjà nous attendre.' Marmonna Kitty en se trainant hors du lit. Elle s'échoua sur la chaise devant sa coiffeuse en poussant un long soupir. 'Jamais je n'aurais cru dire cela, mais…j'ai hâte que ce soit fini. Toutes ces soirées sont éreintantes.'

Georgiana afficha un sourire moqueur, ses longs doigts fins affairés à dénouer sa tresse blonde. 'Je croyais que tu les adorais.'

-'Trop est comme pas assez. Et pui, il y a quelque chose de vraiment démotivant à tout organiser.'

-'Organiser serait plus amusant si je n'avais pas toujours l'impression que je pourrais tout gâcher.'

Kitty eut un sourire compatissant. 'Malheureusement, je crois qu'il faudra s'y habituer... Toi plus que moi.'

-'J'ai été préparé à cela toute ma vie et pourtant je ne me sens pas prête du tout.'

-'N'as-tu pas hâte d'avoir ta propre maison? Ta propre famille?'

Georgiana haussa les épaules. 'Non…je suis bien comme je suis. Vous êtes ma famille et Pemberley est ma maison, pourquoi voudrais-je quitter une situation qui me comble déjà?'

-'Il est vrai qu'il est difficile d'envisager quitter Pemberley. Je n'y suis pas née et pourtant je m'y sens attachée comme si c'était le cas. C'est un merveilleux endroit où vivre.'

-'Parfois je me demande…Pourquoi est-ce les femmes qui ont à se déraciner afin d'accommoder leurs époux? Il me semble injuste que nous soyons les seules à devoir abandonner nos noms et la vie que nous avons toujours connue afin d'entrer dans une famille et demeure qui nous sont étrangères.'

Kitty pondéra un moment. Elle n'avait jamais porté attention à ce genre de détail; elle avait toujours accepté ce fait comme étant universel et irrévocable. Et puis, elle n'avait pas d'affection particulière pour Longbourne; avant Pemberley, l'idée de quitter la maison familiale était un prospect excitant auquel elle avait hâte de se soumettre. Cela n'était pas le cas de Georgiana, qui aimait tout du domaine où elle avait grandit et qui était terrifiée à l'idée de le perdre.

-'Je ne tiens pas spécialement à mon nom, mais je comprends ta réticence face à quitter Pemberley.' Dit-elle après un moment. 'Ce ne sera pas facile pour moi lorsque le jour viendra alors je n'ose pas imaginer l'épreuve que ce sera pour toi. Mais nous devons nous marier un jour, non? Quelle autre option s'offre à nous?'

-'Le célibat?'

-'Ne veux-tu pas d'enfants?' demanda Kitty en fronçant les sourcils.

-'Je ne sais pas…Et toi?'

-'Je crois, oui. Je n'y avais jamais vraiment songé avant de prendre soin d'Edwina l'automne passé, mais j'ai réalisé qu'en fait, j'ai envie d'être mère un jour.'

-'Je ne savais pas que tu songeais à cela.' Commenta sa meilleure amie, visiblement surprise.

-'Oh, ne t'inquiète pas, je ne pensais pas réaliser ce projet dans un avenir proche.' dit Kitty avec un petit rire. 'Je dois d'abord me trouver un époux et je ne compte pas me marier avec n'importe qui. J'ai eu ma leçon avec Lord Nathaniel; je serai plus prudente la prochaine fois.'

-'Un chat échaudé craint l'eau froide…' ajouta Georgiana en hochant la tête. 'J'ai le même problème.'

-'Tous les hommes ne sont Wickham…Je suis certaine que Mr Parker est tout à fait respectable.'

Elle haussa les épaules. 'Oui, probablement. Cependant, je ne veux tout de même pas me lancer trop vite dans cette histoire. Mon frère semble déterminé à le mettre dans mon chemin à chaque occasion. Il l'a même invité pour le bal de Noël.'

-'Vraiment? Moi qui croyait que Mr Darcy ne l'appréciait pas.'

-'Ce n'est pas une question de l'apprécier ou non. Le match serait idéal et il le sait.'

Kitty fronça les sourcils. 'Mais tu ne veux pas te marier.'

Georgiana soupira. 'Ce n'est pas que je ne veux pas me marier. Seulement, pas maintenant. Je n'ai rien contre Mr Parker, il est un parfait gentleman et il fera certainement un excellent époux, mais…'

-'Mais tu ne l'aimes pas.'

-'Comment le pourrais-je? Je ne le connais pas. Les seuls moments que nous avons ensemble sont pendant que nous dansons et comme je suis timide, j'ai l'impression que l'on parle de la pluie et du beau, mais rien d'autre. J'espère seulement que Fitzwilliam n'est pas en train de négocier le reste de ma vie sans me demander mon opinion.'

Kitty remarqua la mine déconfite de Georgiana et prit place près d'elle pour la réconforter. 'Je suis sûre que non. Ton frère respecte trop tes sentiments pour t'imposer quoi que ce soit.'

-'Je l'espère.'

Voyant que le sujet assombrissait son humeur, Kitty détourna la conversation. 'Aujourd'hui me semble une excellente journée pour une promenade en landau, qu'en penses-tu? Il ne serait pas compliqué de faire atteler les chevaux. Peut-être pourrions-nous même avoir un panier repas pour la route. Avec des couvertures ou des chaises, nous pourrions faire un pique-nique.'

Son amie eut un sourire taquin. 'Tu vois, tu n'es pas si mauvaise en organisation finalement.'

Lorsque les deux jeunes filles arrivèrent dans le salon privé de Jane, cette dernière était assise à une table avec plusieurs papiers devant elle. Elle leva des yeux remplis de doutes et d'hésitation vers les nouvelles venues et ces sentiments furent bien vite remplacé par du soulagement.

-'Je ne vous remercierai jamais assez de m'aider pour ceci, encore une fois.' S'exclama-t-elle en les invitant à prendre place. 'J'ai tant de choses à faire! Où est Lizzie?'

-'Je croyais qu'elle serait déjà là.' Répondit Kitty en fronçant les sourcils. 'À moins que Mr Darcy n'ait eu mieux à faire que de chasser ce matin.'

-'Kitty!'

-'Quoi?'

Georgiana pinça les lèvres pour camoufler son fou rire. 'De toute façon, je ne crois pas qu'il ait manqué la partie de ce matin. Il aime particulièrement la chasse aux faisans.'

-'Faisans?'

-'Pour faire changement.' Expliqua Jane. 'Carlton est particulièrement bien stocké. Enfin, de ce que Charles m'a dit.'

Georgiana secoua la tête. 'Je ne comprendrai jamais l'attraction de tuer un animal. Ce sport me semble si cruel.'

L'hôtesse de la maison était d'un esprit plus pratique. 'Cela diminue grandement les coûts pour la nourriture lorsque les prises sont bonnes. Le renard n'est pas un animal que nous mangeons; je serai heureuse que le chef puisse utiliser les faisans pour le repas de ce soir. Il est très talentueux, mais ses idées originales requièrent toujours des ingrédients plutôt dispendieux. Parfois j'ai le vertige en voyant les chiffres!'

Kitty s'éventa un peu avec l'un des papiers sur la table. 'Quelle chaleur! Et pourtant nous sommes en Novembre. Nous ne pouvons pas laisser une belle journée comme cela nous passer sous le nez, qu'en dis-tu Jane?'

Cette dernière écouta son idée avec attention et la déclara idéale. Elle donna les instructions pour que l'activité soit préparée et c'est avec fébrilité que les invités de la maison accueillirent la surprise. Lorsque toutes furent à l'extérieur et installées dans les landaus, Elizabeth manquait toujours à l'appel.

-'Où est Lizzie?' s'inquiéta Jane en regardant autour d'elle. 'J'espère qu'elle va bien.'

À ce moment même Elizabeth apparut, marchant d'un pas vif. Cependant, elle ne prit pas place près de ses sœurs. Un garçon d'écurie apparut avec son cheval et l'aida à monter en selle.

-'Tu ne montes pas avec nous?'

-'Non, Kitty, j'ai besoin de bouger, mes jambes fourmillent. Désolée.' Elle positionna les rennes dans ses mains d'un geste impatient. 'Où sont les hommes aujourd'hui, Jane?'

-'Quelque part à l'est,' répondit-elle. 'Mais pourquoi— Lizzie, attends!'

Elizabeth ignora son appel et s'élança sur le chemin, prenant de l'avance sur le groupe. Il ne fut pas long avant qu'elle disparaisse à travers les champs, hors de vue. Kitty, Jane et Georgiana échangèrent des regards surpris, mais n'en firent pas de cas. Elles étaient habituées aux humeurs particulières de leur soeur et ce n'était pas la première fois qu'elle s'éclipsait ainsi. Avec un haussement d'épaule, Jane donna le signal aux cochers et les landaus se mirent en branle.

(Elizabeth)

Elizabeth ouvrit les yeux avec peine. Darcy avait fait son possible pour ne pas la réveiller, mais elle remarqua aussitôt que sa chaleur n'était plus contre son dos.

-'Il est trop tôt.' Protesta-t-elle dans un marmonnement. 'Laisse les autres y aller et reste avec moi.'

Darcy apposa un baiser sur son front. 'Et manquer la chance de battre Bingley? Jamais! J'ai une réputation à conserver.'

Lizzie poussa un grognement. 'Ah, le fameux pari.'

-'Ce sera un vingt livres facilement gagné, crois-moi. Bingley est peut-être un bon tireur, mais il manque de rapidité. Je serai celui qui rapportera le plus d'oiseaux.'

Elizabeth observa son époux s'habiller à travers ses yeux à demi fermés. 'Tu es bien sûr de toi.'

Il lui fit un grand sourire. 'En effet.'

Elle ne put s'empêcher de rire devant son excitation évidente. Il y avait longtemps qu'elle ne l'avait pas vu aussi fébrile; l'automne avait toujours été sa saison favorite et la chasse un sport qu'il affectionnait particulièrement.

-'Il me faudrait beaucoup plus que vingt livres pour me faire sortir de mon lit à cette heure.' Commenta-t-elle en remontant la couverture jusqu'à son cou. 'Heureusement que la semaine se termine bientôt. Charles a certainement vu grand cette année; même Pemberley me semblait moins de travail.'

Darcy lui jeta un regard compatissant. 'J'imagine qu'aider Jane est éreintant. Recevoir autant d'invités n'est pas une mince affaire, heureusement que tu es là pour lui donner un coup de main.' Il revint auprès d'elle, chassant une de ses longues mèches sombres de son visage. 'Repose-toi aujourd'hui si tu le peux. Tu as l'air fatiguée.'

-'Rien qu'une bonne grasse matinée ne saura guérir. Cependant ce lit est bien froid sans toi; mon sommeil serait beaucoup plus réparateur dans tes bras.'

-'Bien essayé, ma chère Mrs Darcy.' Répondit-il en déposant un dernier baiser sur ses lèvres. 'Mais rien ne me fera manquer cette partie. Rendors-toi; on se voit cet après-midi.'

-'Hm-mm.' Elle dérivait déjà vers le sommeil, incapable de ne pas répondre à son appel.

Lorsqu'elle se réveilla à nouveau, le soleil était bien haut dans le ciel. Elle sonna pour Abby, se tirant hors du lit avec peine. Lorsque sa suivante se présenta avec son usuelle jovialité, Lizzie bailla rondement.

-'Bon matin, Mrs Darcy. Je me dois de vous avertir, Mrs Bingley, Miss Bennet et Miss Darcy ont organisé une promenade en landau et le départ est pour dans une heure.'

Elizabeth resta stupéfaite. 'Quelle heure est-elle? Ciel! J'ai dormi plus que je ne le pensais! Tu aurais dû venir me réveiller, on va me croire incroyablement fainéante.'

Abby déposa délicatement la robe qu'elle transportait sur une chaise près du feu. 'Vous avez besoin de votre sommeil, cela me semblait plus important de vous laisser dormir.'

Lizzie capta son sourire espiègle et ne put s'empêcher de sourire à son tour. 'Rien ne t'échappe, on dirait.'

-'Je suis à votre service depuis un moment déjà, Madame. Je ne serais pas une très bonne employée si je ne remarquais pas ce genre de détail.'

-'Nul besoin de préciser de rester discrète je suppose?'

-'Bien sûr, Mrs Darcy, votre secret est bien gardé avec moi.'

Elizabeth posa une main sur son ventre, là où l'enfant qu'elle portait faisait tout doucement son nid. Il avait été difficile pour elle de ne rien laisser paraitre lorsque son temps du mois était venu sans apporter avec lui les inconvénients usuels. Darcy avait été si excité par la chasse qu'il n'avait même pas remarqué qu'elle n'avait pas été indisposée depuis plusieurs semaines déjà. Lizzie n'avait pas eu besoin d'attendre très longtemps avant d'être certaine qu'elle était enceinte; elle le savait. En son for intérieur, elle savait que ses prières avaient été exaucées.

-'Comment vous sentez-vous?' demanda Abby alors qu'elle remontait ses cheveux en un chignon simple.

La maitresse de Pemberley bailla à nouveau. 'Je dormirais toute la journée. Mais je n'ai pas de nausées, Dieu soit loué. Je n'aurai pas besoin de tes infusions au gingembre cette fois.'

-'Mr Darcy est-il dans le secret de votre condition?'

-'Je ne lui ai pas encore dit…je n'ai pas encore trouvé le courage de le faire. Je me sens tellement…fébrile et craintive à la fois. Mes émotions sont si contradictoires que je n'arrive pas à lui faire part de quoi que ce soit. Oh, si seulement je pouvais être certaine que tout ira bien!'

Abby resta silencieuse un moment, puis déclara : 'J'ai peut-être un moyen.'

Elizabeth la regarda avec intérêt. 'Comment?'

-'Ma mère, ma grand-mère et mon arrière-grand-mère pouvaient lire dans les lignes de la main. J'ai appris moi aussi les bases de cet art, mais je ne le pratique plus depuis longtemps.'

-'Pourquoi avoir arrêté?'

Un voile sombre passa sur le visage d'Abby. 'Il est parfois lourd de savoir le futur des gens, Madame. Et de voir que vous ne pouvez rien faire pour changer les évènements qui vont arriver.'

Lizzie fut troublée. Elle savait les arts divinatoires interdits par l'Église, mais comment pouvait-elle refuser lorsque cela pouvait lui apporter l'assurance que l'histoire ne se répèterait pas pour cet enfant?

Elle tendit la main vers sa suivante.

-'Êtes-vouscertaine, Madame?' insista cette dernière, l'air sérieux. 'Vous devez être consciente que je pourrais vous révélez des choses que vous ne souhaitez pas entendre.'

Lizzie répondit dans l'affirmative. Même si cela l'effrayait un peu, elle préférait savoir que de rester dans l'ombre. Ses craintes voilaient son bonheur; elle avait l'impression qu'elle ne pourrait pas s'attacher à cet enfant tant qu'elle ne saurait pas qu'il serait sain et sauf dans ses bras. Pourtant, l'idée même de le perdre lui était insupportable. Pas étonnant qu'elle n'ait pas pu partager la nouvelle avec Darcy encore; la complexité de ses émotions la paralysait.

-'Je dois savoir.'

Abby passa un long moment à observer sa paume. Son visage était si neutre qu'Elizabeth était certaine qu'elle était sur le point de lui annoncer une mauvaise nouvelle. Puis, après un moment, elle se prononça enfin.

-'Ne vous inquiétez pas, Mrs Darcy. Cet enfant vivra et plusieurs autres suivront.'

Lizzie soupira de soulagement, sa poitrine se gonflant d'espoir. 'C'est vrai?'

-'Oui, je ne vous mentirais pas.' Les doigts d'Abby glissèrent sur les lignes. 'C'est étrange, je vois ici un voyage, mais…vous semblez faire beaucoup de chemin sans quitter le même endroit.'

-'Cela ne fait pas de sens.'

-'Cela ne se produira pas avant de longues années, bien après la naissance de vos enfants. Et je vois…'

Elizabeth insista en sentant sa réticence. 'Oui?'

-'Je vois également une séparation et un long combat. Je ne sais pas si les deux sont reliés.'

-'Will?' murmura-t-elle, la gorge serrée.

-'Peut-être. Ou peut-être est-ce une séparation du monde que vous connaissez. Il y a réconciliation ici, mais je vois des grands changements dans votre vie. Des changements difficiles, mais qui mèneront à la réalisation d'un désir longuement souhaité.'

Lizzie hocha de la tête. Maintenant qu'elle avait l'information qu'elle désirait, elle était soudainement mal à l'aise d'en entendre plus sur son futur. Elle retira doucement sa main.

-'Merci, Abby.'

La suivante sourit, visiblement soulagée d'être porteuse de bonnes nouvelles. 'L'important est que vos enfants vivront, vous n'avez pas de craintes à vous faire à ce sujet. Pour ce qui est du reste, il y a tellement de facteurs qui entrent en compte qu'il est difficile d'avoir une idée précise de ce qui peut se passer. Ce que j'ai vu ne signifie pas que votre vie ne sera pas heureuse, seulement qu'elle aura des défis à relever, comme chacun d'entre nous.'

Bien que bouleversée par ce qu'Abby avait révélé, elle était rassurée d'entendre ces mots. Elle n'était pas certaine si elle pouvait croire en cette pratique, mais elle se surprit à avoir confiance dans les prédictions de sa suivante, à un point tel que soudainement elle ne tenait plus en place.

-'Je dois aller voir Will.' Dit-elle en se levant prestement. 'Quelle merveilleuse idée cette promenade, cela me donnera une excuse pour aller le rejoindre. Dès que tu auras fini, descends aux écuries pour que l'on prépare mon cheval.'

Elle enfila rapidement sa robe, impatiente maintenant de rejoindre son époux, mais Abigaëlle insista pour qu'elle mange un peu avant de partir.

-'Imaginez si vous tournez de l'œil lors de votre promenade? J'ai pris la liberté de demander à ce que l'on vous monte votre petit-déjeuner, il ne devrait pas tarder à arriver.'

Rassasiée, Lizzie rejoignit les autres femmes alors qu'elles s'installaient tout juste dans les landaus. Perle fut emmenée par un jeune garçon et Elizabeth ignora les murmures et les regards qu'on lui jeta lorsqu'elle prit place sur le dos de sa jument.

-'Tu ne montes pas avec nous?'

-'Non, Kitty, j'ai besoin de bouger, mes jambes fourmillent. Désolée. Où sont les hommes aujourd'hui, Jane?'

-'Quelque part à l'est, mais pourquoi – Lizzie, attends!'

Elle talonna sa monture, qui s'élança docilement vers l'avant. Elle ne poussa pas son cheval au galop, mais conserva un trot léger qui la sépara bientôt du reste du groupe. Elle n'emprunta pas la route principale, mais coupa à travers champs, familière maintenant avec le paysage de Carlton. Elle savait que cela ferait parler, mais ne s'en souciait pas le moins du monde. Elle aurait été incapable de supporter les conversations insipides alors qu'elle avait une mission bien plus importante en tête.

Elizabeth les entendit avant de les voir; des coups de fusils, des aboiements, des cris d'excitation. Son cœur battait si fort que ces bruits furent noyés par le tambourinement à ses tempes. Elle arriva à leur emplacement alors que les hommes se préparaient pour une nouvelle manche et il ne fut pas difficile pour elle de trouver son époux au milieu de la cohue; elle pouvait reconnaitre ses longues jambes musclés, son dos large et sa posture droite n'importe où.

En la voyant, il s'empressa de venir à sa rencontre.

-'Lizzie? Mais que fais-tu ici?'

Elle accepta son aide pour démonter et ne put s'empêcher de rougir en songeant qu'elle n'avait pas tout à fait sa place à cet endroit en ce moment, surtout pour ce qu'elle s'apprêtait à lui dire. Cependant, l'idée même d'attendre un moment plus propice lui était insupportable. Darcy remarqua le feu sur ses joues et lui prit les mains.

-'Tout va bien?'

-'Oui, oui, je devais seulement prendre un peu d'air.'

-'Miss Bingley te rend la vie dure?' plaisanta-t-il à voix basse.

-'Non, elle fait un travail admirable dans sa décision de m'ignorer complètement. En vérité, je devais venir te voir, j'avais besoin de te parler.'

Il eut alors un air moqueur. 'Si tu es venue jusqu'ici pour me convaincre à nouveau de laisser Bingley gagner au moins une fois, ton voyage aura été en vain. Une dernière manche et je serai une nouvelle fois proclamé vainqueur.'

Elizabeth roula les yeux, mais son sourire trahissait son amusement. 'Est-ce si important de gagner? Charles est notre hôte après tout.'

Darcy, qui avait repris son poste afin d'échanger son fusil vide pour celui que lui tendait son chargeur, eut un petit rire court. 'Hôte ou pas, cela est une question d'honneur, Lizzie.'

-'Et d'orgueil.'

-'Et de fierté.' La corrigea-t-il, son attention sur son arme. 'Rien ne me fera perdre cette manche, Elizabeth. Pas même toi. Je suis déterminé.'

-'Oh, vraiment?' dit-elle alors, sa voix empreinte d'espièglerie.

Darcy ne se tourna pas vers elle; il était hors de question qu'il se laisse distraire, peu importe les charmes de sa femme. 'Rien de ce que vous me direz ne me fera bouger, ma chère Mrs Darcy. Attention, les voilà!'

Darcy épaula son arme alors que les batteurs donnaient des coups de bâton dans les buissons afin de diriger les oiseaux vers les tireurs. Au moment où les bêtes s'envolèrent et que les coups de fusil résonnèrent dans la clairière, Elizabeth attendit que son époux ait le doigt sur la gâchette avant de dire :

-'Je suis enceinte.'

Le coup partit et manqua sa cible de plusieurs mètres. Darcy, ignorant les cris d'excitations de ses compères qui profitaient de ce qui devait être la plus fructueuse manche depuis le début de la saison, se tourna vers sa femme, complètement abasourdi.

-'Quoi?'

-'Tu as bien entendu, Will.'

Délaissant la partie, il traversa l'espace qui les séparait en deux grandes enjambées. 'Ce n'est pas une ruse?'

Elle éclata de rire. 'Non! Jamais je ne me permettrais de faire une plaisanterie d'un tel sujet.'

-'Et tu es certaine?'

-'Absolument certaine.'

Darcy étreignit sa femme avec force. 'Comment est-ce possible? Il aura fallu deux ans pour concevoir Anne, je ne m'attendais pas à ce que ce soit si rapide. Quelle nouvelle extraordinaire!'

-'Attention, Mr Darcy, ne me laissez pas vous déconcentrer de votre partie de chasse. Vous avez votre honneur à défendre, après tout.'

-'Au diable mon honneur!' s'exclama-t-il en riant. Il la serra fortement contre lui, traduisant dans ce geste simple tout le bonheur que cette annonce lui conférait. 'Comment te sens-tu?'

-'Bien. Mieux que la première fois, si cela est ce qui t'inquiète.'

-'Tu as parlé au docteur?' Lorsqu'elle lui répondit dans la négative, il ajouta : 'Mais comment peux-tu être certaine alors?'

-'Ce ne serait pas très civilisé de discuter de tout ceci en public, Mr Darcy.' Souffla-t-elle en pointant son chargeur d'un petit coup de tête.

-'Oh. Bien sûr, oui.' Se reprit-il en s'éclaircissant la gorge. La manche était finie maintenant et Bingley faisait son chemin jusqu'à eux.

-'Je suis certain d'en avoir tiré au moins douze! Quelle excellente partie!' s'exclama-t-il en s'arrêtant à leur hauteur. Les chiens rapportaient les proies et le décompte se fit. Voyant qu'aucun oiseau n'était dû à Darcy, Bingley tourna vers lui un regard interrogateur.

-'Mais où sont tes prises?'

Le maitre de Pemberley ne put s'empêcher de jeter un regard amoureux vers sa femme. 'Excellente partie, Charles. Je te dois vingt livres, que je te payerai avec plaisir.'

Darcy et Lizzie retournèrent ensemble à Carlton, euphoriques dans le secret qui les liait, décidant d'un commun accord de conserver leur bonheur seulement pour eux pendant un moment encore.

(-*-)

Je ne sais pas pour vous, mais chaque été je fais la même erreur. Je prévois faire une tonne de choses, profiter des vacances pour accomplir quelques-uns des millions de projets que j'ai en tête (j'exagère à peine haha), et chaque fois c'est la même chose : rien ne se fait. Mes vacances sont plus épuisantes que ma routine des trois autres saisons! Il y a toujours quelqu'un à voir, une activité à faire, des tâches dans la maison à accomplir et des engagements à tenir. À travers tout ça, mes mains sont impatientes de pianoter sur mon clavier d'ordinateur afin de poursuivre les aventures de mes protagonistes préférés. Parfois je songe même à une année sabbatique pour enfin terminer mon livre, qui avance bien malgré tout. Juin a été dédié à ce dernier, d'où mon retard ici sur fanfiction. J'ai pu prendre un peu de temps dans les derniers jours pour travailler sur ma fic et je suis heureuse d'avoir pu élaborer un plan plus précis pour la suite des évènements…en espérant pouvoir garder un rythme de publication décent, je vous souhaite une belle fin d'été et on se revoit au prochain chapitre!