Me revoilà enfin! J'ai ces chapitres depuis un moment, mais les révisions ont été plus difficiles à faire que prévu. Je m'accroche sur des détails, que je ne peux pas changer dans les chapitres qui ont été écrit il y a très longtemps et avec lesquels je dois maintenant faire avec. Bref! Bonne lecture : )
CHAPITRE 51
(Elizabeth)
Jamais Pemberley n'avait été aussi occupé, pas même pour les bals et les soirées mondaines qu'elle avait dû organiser dans ses années en tant que maitresse de maison. Pour soulager un peu les pauvres cuisiniers qui, en plus de nourrir la famille et ses invités, devaient faire deux repas par jour pour plus d'une centaine de gens, Elizabeth avait envoyé un de leurs hommes à Lambton pour engager quelques mains supplémentaires. Tout le monde mettait la main à la pâte; les hommes aptes aidaient au nettoyage des lieux sinistrés, les femmes de chambre se portèrent volontaires pour les travaux de couture, que Kitty prit en charge de superviser, et Georgiana, avec l'aide de Mrs Reynolds, assistait le Dr Baker dans ses nombreuses demandes puisque l'arrivée de son apprenti avait été retardée.
Elizabeth s'était d'abord étonnée du manque de soutien de la part de Vivianne; lors de sa visite chez les Calbert elle avait senti la fébrilité de la jeune fille à propos d'un possible séjour à Pemberley. Était-il arrivé quelque chose depuis pour qu'elle soit altérée à ce point? Était-elle réellement affectée par son voyage, comme elle l'avait répété maintes fois, ou était-ce quelque chose de plus sérieux?
-'Trouves-tu que Vivianne a changé?' demanda Lizzie un soir, alors que Darcy et elle venaient tout juste de se mettre au lit.
Son époux grogna en guise de réponse, visiblement déjà quasi endormi.
-'Mon intuition me dit qu'elle ne nous a pas tout dit.' Poursuivit-t-elle, songeuse. 'Comment était-elle à son arrivée?'
-'Anxieuse.' Marmonna Darcy. 'Et avec raison. Elle venait de traverser la moitié de l'Angleterre et ce Mr Levitt la harcelait avec ses questions.'
-'Toi qui la connais depuis que vous êtes enfants, ne trouves-tu pas que cela va à l'encontre de sa personnalité?'
Son mari poussa un long soupir. 'Je ne sais pas. Je n'ai pas pris le temps d'y réfléchir.'
Lizzie ne pouvait lui en vouloir; il était si préoccupé par la tâche colossale qui lui était imposée qu'il ne prenait guère de temps pour autre chose. En fait, elle ne l'avait jamais vu aussi distrait auparavant. Même ses inquiétudes usuelles sur sa condition avaient été mises de côté pour n'être que quelques questions matin et soir sur son état. Non pas qu'elle s'en plaignait; cette nouvelle liberté était exactement ce dont elle avait besoin pour gérer la situation de son côté.
-'Je ne crois pas qu'il soit hors de la normale qu'une jeune femme qui n'a jamais voyagé de sa vie soit quelque peu intimidée par sa première expérience, surtout lorsque son hôte oublie d'envoyer son homme pour la quérir. Je n'ose imaginer comment elle a dû se sentir lorsqu'elle a vu qu'elle était seule avec elle-même, loin des siens et de tout ce qu'elle connait. Cela me rappelle d'ailleurs que je dois écrire à Mr Calbert pour m'excuser de ne pas avoir su escorter Vivianne adéquatement jusqu'à Pemberley.'
Elizabeth se redressa sur ses coudes. 'Que veux-tu dire? Elle a fait le chemin jusqu'à Pemberley sans attendre notre homme?'
Darcy se passa une main sur son visage fatigué. 'Je sais, je sais. Je ne suis pas fier de moi d'avoir pu oublier un tel détail.'
-'Mais…Pourquoi est-elle ici?'
-'Je ne comprends pas.'
Elizabeth tenta de se remémorer la dernière lettre qu'elle avait reçue de la part de Vivianne. Elle se souvenait de la partie dans laquelle elle disait que son voyage devait être devancé, mais sachant que les Darcy étaient à Londres, pourquoi avait-elle pris le chemin de Pemberley avant même de recevoir la lettre qui lui annonçait leur itinéraire?
-'Tu as dit qu'elle était arrivée quelques jours après toi, non? Alors elle a dû quitter Bristol environ au même moment que tu es parti de Londres. Comment savait-elle où te trouver? Il est impossible que ma lettre l'ait rejointe assez rapidement pour qu'elle puisse prendre la route vers le Derbyshire.'
Darcy fronça les sourcils. 'Je n'avais pas pensé à cela. Peut-être est-ce un malentendu? Es-tu sûre de lui avoir dit que nous étions à Londres?'
Où était donc cette lettre? Elizabeth n'avait pas eu le temps de se pencher sur sa correspondance depuis son arrivée à Pemberley, mais elle était certaine de ce qu'elle avait lu dans sa dernière lettre. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier?
-'Il y a quelque chose d'anormal dans son comportement, Will.' Dit-elle lentement. 'Je ne sais pas quoi, mais je le sens.'
Ce dernier bailla rondement. 'Si tu le dis.'
Il posa sa main sur son ventre et sourit lorsqu'il sentit son enfant se déplacer lentement sous ses doigts. Lizzie se radoucit, suivant la courbe de son abdomen avec affection.
-'Il est si calme…Parfois je m'inquiète lorsque je ne le sens pas bouger pendant quelques heures, mais chaque fois il me fait signe avant de redevenir paisible, comme s'il sentait mon besoin d'être rassurée.'
-'Hm.'
Darcy avait déjà refermé les yeux, sa main toujours là où il l'avait posée. Lizzie n'insista pas; elle souffla donc la bougie et tenta de l'imiter.
Elle se réveilla quelques heures plus tard lorsqu'elle entendit du bruit dans le corridor. Elle se tourna vers Darcy qui, toujours profondément endormi, ne semblait pas avoir entendu la commotion. Doucement, elle se retira de sous le bras de son époux et se dirigea vers la porte, qui s'ouvrit avec un craquement. Un coup d'œil dans la pénombre lui révéla qu'il n'y avait personne, mais alors qu'elle allait retourner dans son lit ses yeux captèrent quelque chose sur le tapis.
Elizabeth se pencha pour ramasser la chandelle; nul doute qu'elle avait été allumée peu de temps auparavant puisque l'odeur de fumée flottait encore dans l'air. Elle observa le long corridor pour quelconque signe de vie et c'est à ce moment que Vivianne sortit de sa chambre.
-'Elizabeth! Je…Je…' Jetant un coup d'œil à l'objet dans ses mains. 'Oh! Vous l'avez trouvée. Merci.'
-'Incapable de dormir?'
La rouquine s'éclaircit la gorge et força un sourire. 'Non…Je crois que je suis plus chamboulée que je ne l'aurais cru de quitter l'Irlande. Moi qui avait si hâte, me voilà prise de malaise en songeant que je suis pas chez moi.'
Lizzie fronça les sourcils, sceptique. Pourquoi son ton était-il si forcé?
-'Vivianne…' commença-t-elle, sérieuse. 'Vous savez que vous pouvez me faire confiance. S'il y a quoi que ce soit qui vous tracasse, quoi que ce soit que vous aimeriez me dire, je suis là pour vous.'
La jeune fille détourna le regard un moment, visiblement mal à l'aise. 'Je vous remercie de vous soucier de mon bien-être, mais ne vous inquiétez pas pour moi. Je vais bien.'
-'Êtes-vous sûre?'
Une autre hésitation. 'Oui. Oui, je suis sûre.'
Elizabeth lui tendit la chandelle. 'Si vous veniez à changer d'avis, mon offre tient toujours.'
Elle referma derrière elle, mais ne retourna pas dans son lit. Quelques instants plus tard, elle entendit des pas discrets sur le tapis suivi du cliquetis d'une porte que l'on ferme très doucement. Lizzie sortit à nouveau de sa chambre, décidée à élucider le mystère derrière le comportement de son invitée, mais s'arrêta net en entendant des voix. Elle discerna celle de Vivianne, puis celle de Kitty. Son cœur fit un bond lorsqu'elle entendit celle d'un homme.
Elizabeth ne pouvait entendre ce qu'ils disaient et de toute façon l'entretien fut si bref qu'elle eut à peine le temps de se cacher derrière une table basse, empêchant de justesse de faire tomber le vase qu'elle accrocha au passage, avant que la porte s'ouvre et révèle les trois figures. Elle ne put distinguer les traits de la personne accompagnant les jeunes filles, mais Lizzie n'avait aucun doute qu'il s'agissait bien d'un homme. Elle ne les suivit pas, devinant leur intention de le laisser s'enfuir. Elle retourna plutôt dans sa chambre et, ne voulant pas réveiller Darcy qui avait besoin de son sommeil, resta un long moment à pondérer sur ce qu'elle venait de découvrir.
Les pièces du puzzle se mettaient lentement en place. Il était évident maintenant qu'il n'y avait pas eu d'erreur et que Vivianne avait délibérément pris la route de Pemberley pour échapper aux routes fréquentées près de Londres. Et il était également évident que Vivianne n'avait pas voyagé seule. Cependant, cela n'expliquait pas pourquoi il y avait un inconnu dans sa maison ni pourquoi la jeune fille avait jugé bon de dissimuler sa présence. Elle n'avait aucun doute qu'il était le fugitif recherché par Mr Levitt; ce qu'elle ne comprenait pas était l'implication de Vivianne dans toute cette histoire.
Elizabeth ne s'endormit pas avant longtemps et à son réveil le lendemain matin elle poussa un soupir de frustration en réalisant que Darcy était déjà parti et que l'horloge annonçait déjà presque dix heures. Elle s'habilla rapidement et ignora le repas qu'Abby lui apporta lorsqu'elle sut que la voiture était déjà attelée pour le transport des paniers jusqu'au campement.
Elle descendit aussi rapidement que son corps arrondi le lui permit, nouant son chapeau alors qu'elle marchait d'un pas vif jusqu'à la voiture où seulement Kitty attendait.
-'Lizzie! Nous étions certaines que tu avais changé d'avis lorsque nous ne t'avons pas vu au petit-déjeuner. Mais pourquoi es-tu à bout de souffle?'
-'Que sais-tu de l'implication de Vivianne avec ce rebelle?'
Kitty s'éclaircit la gorge, visiblement inconfortable. 'Je…je ne vois pas ce que tu veux dire.'
Lizzie haussa un sourcil inquisiteur. 'Kitty…s'il y a une chose que tu ne sais pas faire, c'est mentir.' La panique dans les yeux de sa cadette l'encouragea à creuser un peu plus loin. 'Je ne te forcerai pas à parler si tu n'en a pas envie, mais j'aimerais bien avoir une explication sur le fait que tu te trouvais seule, en robe de nuit, avec un homme hier soir.'
-'Rien d'inapproprié ne s'est produit!' se défendit-elle aussitôt et, réalisant qu'elle en avait déjà dit plus qu'elle ne voulait, ajouta avec un soupir : 'J'ai promis à Vivianne de ne rien dire.'
-'Donc Vivianne est de mèche avec ce fugitif et vous l'avez aidé à s'enfuir la nuit dernière.'
Sa sœur sursauta. 'Comment le sais-tu?'
-'Cela n'a que peu d'importance.'
-'Oh, Lizzie, je t'en supplie, ne dis rien! Je te promets qu'il y a une explication à tout!'
Devant une supplication aussi fervente, Elizabeth fronça les sourcils. 'Je ne doute pas un instant de tes bonnes intentions, Kitty, mais tu ne peux t'attendre à ce que je cache quelque chose d'aussi important à mon propre mari. Avec les hommes de Mr Levitt dans les parages et son insistance sur l'innocence de Vivianne, il n'appréciera pas les mensonges et les cachotteries.'
-'Personne ne doit savoir.' Insista Kitty en agrippant son avant-bras. 'Ni qu'il a été ici, ni où il est parti. Sa vie en dépend.'
Ses grands yeux bruns étaient remplis d'une telle peur qu'Elizabeth ne put s'empêcher de vouloir la rassurer.
-'Je ne dirai rien pour le moment, si cela est ton souhait, mais je dois savoir les détails.'
-'Je te dirai tout, dès que possible.'
-'Ce soir.' Insista Lizzie. 'Venez me voir Vivianne et toi dans ma chambre, avant le diner. Vous me direz tout ce que j'ai à savoir à ce mom— Kitty?'
Sa sœur avait affreusement pâli et Lizzie craignit qu'elle ne soit en train de faire un malaise. Elle remarqua alors que son regard était porté sur quelque chose par-dessus son épaule et elle se tourna pour voir ce qu'il en était. Au loin, un groupe marchait en direction du domicile familial. Il ne lui fallut que quelques secondes pour remarquer qu'ils trainaient un homme entre eux.
-'Lizzie!' murmura Kitty avec horreur. 'Il faut faire quelque chose!'
-'Ne dis rien. Laisse-moi faire la conversation.'
-'Tu as un plan?'
-'Non, pas encore, mais il viendra.'
Le groupe était assez près maintenant pour qu'elle distingue les visages qui le composaient. Le cœur battant, elle redressa les épaules et afficha ce qu'elle espérait être un air détaché et imposant. Cependant, toutes tentatives de rester de marbre devant la situation s'envolèrent lorsqu'elle réalisa qui se trouvait prisonnier des hommes de Mr Levitt.
-'Mr O'Shee!' s'exclama-t-elle, ne feignant aucunement la surprise dans son ton. 'Messieurs, qu'est-ce que cela signifie?'
-'Nous avons trouvé cet homme sur vos terres, madame. Nous le ramenons à Lambton pour être officiellement appréhendé par notre supérieur.'
L'esprit d'Elizabeth se mit à fonctionner rapidement. Toute cette histoire faisait beaucoup plus de sens maintenant; si Mr O'Shee était le rebelle recherché alors il n'était pas surprenant que Vivianne et son père aient voulu l'aider à s'enfuir. Cela la fit redoubler d'ardeur de trouver une issue à cette impasse.
-'Il doit y avoir une erreur.' Dit-elle avec un petit rire. 'Nous attendions cet homme depuis un moment déjà. Je suis heureuse de savoir que vous êtes sain et sauf, Mr O'Shee, quoique nous espérions pouvoir profiter de vos services il y a quelques jours déjà. Vous êtes-vous perdu en chemin? Vous n'avez pas visité Pemberley depuis un moment je crois.'
Les hommes échangèrent des regards incertains. Mr O'Shee, quant à lui, sembla comprendre aussitôt. 'Je crains que ma mémoire ne m'ait fait défaut, Mrs Darcy. Je me dirigeais dans la direction opposée, apparemment.'
-'Silence!' L'un d'entre eux grommela en le brusquant plus que nécessaire.
-'Je vous prierais de ne plus toucher à mon invité de cette façon.' S'exclama sèchement Elizabeth. 'Relâchez-le. Vous faites erreur sur la personne.'
-'Je crains que cela ne soit pas possible, madame.'
-'Et pourquoi donc?'
-'Cet homme est recherché par la police. Il doit comparaître devant la justice.'
-'Et quel est son crime?'
-'Madame, soyez assurez que notre dessein est de vous protéger, vous et votre famille, contre tout imposteur.'
-'Imposteur? Quelle idée ridicule.' Répondit Lizzie en roulant des yeux. 'Je connais cet homme depuis des années, messieurs, et je peux vous garantir qu'il n'est pas un imposteur ni même un rebelle. Maintenant, relâchez-le.'
Ils s'impatientaient. Elizabeth pinça les lèvres en songeant qu'ils n'auraient certainement pas eu l'audace de refuser son époux et ragea intérieurement que son sexe ait un impact sur son autorité.
-'Je vois.' Ajouta-t-elle froidement en voyant qu'aucun d'entre eux n'était prêt à lui obéir. 'Soyez assurés que Mr Darcy sera mis au courant de la situation. Dites à Mr Levitt de s'attendre à une visite de sa part très bientôt.'
Sur ces mots elle leur tourna le dos sans les saluer et indiqua d'un coup de tête à Kitty de la suivre.
-'Ne t'inquiète pas, Kitty, je n'ai pas dit mon dernier mot. Trouve Vivianne et dit lui ce qu'il vient de se passer.'
-'Lizzie, où vas-tu?' s'étonna sa sœur en voyant qu'elle prenait la direction des écuries.
-'Trouver mon mari, puisqu'il est le seul qui sera entendu ici semble-t-il.'
Elizabeth couvrit la distance jusqu'aux écuries en peu de temps. Elle ordonna qu'on prépare Perle, qui n'avait pas été montée par sa maîtresse depuis plusieurs mois. Le maître des écuries lui déconseilla vivement de suivre son plan, mentionnant discrètement avec un petit toussotement que cela était déconseillé vu sa condition, lui proposant alors d'atteler un buggy. Elizabeth accepta avec réluctance, consciente que cela signifiait qu'elle aurait à rester sur les routes plutôt que de piquer à travers champs.
Elle trouva Darcy une heure plus tard. Malgré les indications données, il avait été difficile de le localiser puisqu'il couvrait de grandes distances chaque jour. Laissant l'animal et le buggy derrière, elle due traverser la plaine qui la séparait de son époux, agacée par la lourdeur de son vendre qui ralentissait sa progression. Dès qu'il l'aperçut, Darcy la rejoignit à la course.
-'Lizzie!'
Pantelante, elle dût prendre quelques secondes avant de pouvoir parler.
-'Lizzie, que se passe-t-il?'
-'Tu dois revenir à la maison. Maintenant. Une affaire urgente est survenue.'
-'Pourquoi ne pas avoir envoyé un de nos hommes? Lizzie, tu m'avais promis de ne pas agir irrationnellement et –'
Elle l'interrompit aussitôt. 'Will, je vais bien. Cependant, nous devons retourner à la maison afin que tu puisses partir pour Lambton.'
-'Lambton?'
-'Je n'ai que quelques minutes pour tout t'expliquer, sans oreilles indiscrètes. Mr O'Shee a été intercepté par les hommes de Mr Levitt.'
-'Mr O'Shee? Le cousin de Vivianne? Mais pourquoi?'
-'Je n'ai pas les détails encore, mais je ne peux que deviner qu'elle est réellement impliquée dans cette histoire et que sa tentative de l'aider à s'enfuir a échouer.'
Darcy fronça les sourcils. 'Pourquoi Calbert a-t-il envoyé son neveu à Pemberley?'
-'Lorsqu'on y pense, nous sommes probablement sa meilleure chance. S'il est vraiment coupable de quelconque crime et qu'il était resté en Irlande, il aurait été appréhendé et exécuté, sans la moindre opportunité de se défendre. Sous ta protection, ce sera beaucoup plus compliqué. Nous pouvons le sortir de là, dire que nous l'attendions ici à Pemberley et qu'il y a erreur sur la personne.'
Darcy poussa un soupir de frustration. 'Ce sont des mensonges, Lizzie. Et j'avais espéré ne plus avoir affaire avec Mr Levitt pour un bon moment.'
-'Nous ne pouvons pas laisser Mr O'Shee dans cette impasse, Will. Ton père n'aurait pas hésité une seconde à aider le neveu d'un de ses meilleurs amis.'
Il se pinça l'arête du nez puis hocha lentement la tête. 'Tu as raison…Bon sang, comme si je n'avais pas assez à faire.'
Darcy monta à bord du buggy et prit les rennes pour le retour. Elizabeth resta silencieuse, camouflant tant bien que mal l'inconfort grandissant qu'elle ressentait. Son abdomen l'élançait, l'obligeant à respirer profondément par moment, mais elle ne laissa pas la panique l'envahir. Il était trop tôt pour que son bébé naisse et puis la douleur n'était en rien celle dont elle avait le souvenir lorsqu'elle avait mis Anne au monde. Cependant, elle ne pourrait pas accompagner son mari à Lambton, ce qui l'agaçait profondément. Elle était anxieuse que cette histoire se termine bien pour tous les partis, mais elle savait pertinemment que ce ne serait pas simple. Sans savoir pourquoi, elle sentait qu'il était important pour eux de sortir Mr O'Shee de cette impasse. Lorsqu'elle l'avait aperçu, elle avait été frappée à nouveau par la familiarité de ses traits, mais aussi par la détermination dans ses yeux. Elle ne connaissait pas tous les faits, ce à quoi elle remédierait dès que Vivianne et Kitty seraient de retour du campement, mais elle était convaincue qu'il y avait plus ici que ce qu'ils croyaient.
(Darcy)
Darcy maugréa en silence. Un fugitif à Pemberley! Et au pire moment possible. Il avait tant à faire sans avoir à se mêler d'histoires qui ne le concernaient pas. Pourquoi Mr Calbert l'avait-il envoyé ici? N'avait-il pas d'autres contacts, ayant plus de pouvoir, qui auraient pu s'occuper de le sortir d'affaire? Pourquoi avait-il fallu qu'il lui envoie, à lui, qui n'avait que peu de pouvoir contre la justice? Il surestimait certainement son influence dans la société. Après tout, sa relation avec Mr Levitt était houleuse au mieux, ce qui n'aiderait certainement pas cette cause. En fait, il était probablement le moins bien placé pour faire quoi que ce soit d'utile dans ce cas.
Darcy ne comprenait pas non plus pourquoi Mr Calbert ne lui avait pas fait part de ce détail avant, ne serait-ce que par une lettre ou par un message transmis de vive voix par Vivianne. Il semblait évident qu'il lui faisait assez confiance pour envoyer sa fille et son neveu afin qu'il leur offre sa protection, mais le silence dans lequel cette manigance avait été faite le blessait. Avait-il voulu utiliser son nom et sa position seulement pour lui offrir une porte de sortie, espérant que Darcy n'y verrait que du feu? Il n'aimait pas se sentir dupé et c'était exactement le sentiment qui l'habitait lorsqu'il descendit du buggy et aida sa femme à rentrer à l'intérieur de la maison.
Il aurait voulu parler à Vivianne et Kitty afin d'avoir la version extensive de l'histoire, mais les jeunes filles étaient encore au camp pour distribuer les paniers de provisions. Il aurait donc à faire face aux hommes de Mr Levitt sans savoir tous les faits, ce qui était moins qu'idéal. Comment préparer un bon plaidoyer si la moitié des informations lui manquait? En fait, Darcy était si agacé par la situation et la duperie dans laquelle tout cela avait été orchestré qu'il avait bien envie de ne pas s'en mêler du tout.
-'Tu n'y vas pas maintenant?' s'étonna Lizzie lorsqu'elle le vit se dévêtir de son manteau.
-'Je vais attendre le retour de Vivianne. J'ai besoin de plus d'informations.'
-'Will, je peux voir que tu es blessé par cette histoire et crois-moi, je ne comprends pas plus que toi ce qui se passe.' Lui dit-elle doucement. 'Mais nous ne pouvons pas prendre le risque de laisser Mr O'Shee avec Mr Levitt trop longtemps. Ils sont peut-être déjà en route au moment où on se parle. Tu dois y aller maintenant. Ramène-le à Pemberley et nous pourrons alors décider de la suite des choses. Pour le moment, le plus important est de le sortir des griffes de Mr Levitt. Tu ne dois pas—'
Elizabeth inspira brusquement, une main sur le bas de son ventre.
-'Lizzie?' s'inquiéta-t-il aussitôt. 'Que se passe-t-il?'
-'Ce n'est rien, seulement une petite douleur.'
-'Je savais que tu en avais trop fait.' Grommela-t-il, encore plus furieux maintenant. Si tout ce stress amenait son enfant à naître avant son temps, rien ne pourrait le convaincre de pardonner les complices du plan dans lequel il se trouvait involontairement impliqué. 'Viens, je t'accompagne à l'étage.'
-'Non.' Lui dit-elle en le repoussant. 'Je peux m'y rendre seule. Tu dois aller à Lambton. Ramène Mr O'Shee.'
-'Il n'est pas question que je quitte Pemberley maintenant.'
-'Je vais bien, Will. J'ai seulement besoin de me reposer.'
-'Je vais quérir le Dr Baker.'
-'Non. Lambton.' Lizzie insista fermement. 'Nul besoin du docteur. Will, si tu n'y vas pas tout de suite, je vais m'inquiéter pour Mr O'Shee et cela ne peut qu'aggraver mon état.'
Darcy plissa les yeux. 'Serait-ce du chantage, Mrs Darcy?'
-'Êtes-vous prêt à prendre le risque, Mr Darcy?'
Il la regarda un moment, faisant mine de réfléchir à ses mots, bien qu'il savait déjà très bien la réponse.
-'Soit. J'irai.' Céda-t-il enfin avec un soupir. 'Mais en échange, tu ne dois pas quitter ton lit de la journée. Ni celle de demain.'
-'Aujourd'hui seulement.'
-'Êtes vous prête à prendre le risque de négocier, Mrs Darcy?'
Elizabeth le jaugea du regard, comme il venait juste de le faire, et il en aurait rit si la situation n'avait pas été si sérieuse.
-'Soit. Aujourd'hui et demain.'
-'Et tu dois voir le Dr Baker.'
-'Will, nul besoin de—'
-'À prendre ou à laisser.'
Lizzie roula les yeux. 'D'accord. Maintenant va, avant qu'il ne soit trop tard.'
Darcy la laissa aux soins de Mrs Reynolds et Abby, puis enfourcha son cheval afin de remplir sa part du marché.
Le Lambton Inn n'était pas si achalandé aujourd'hui et il ne fut pas difficile pour lui de trouver les hommes de Mr Levitt. Heureusement pour lui, le chef des forces en Irlande n'était pas présent encore, ce qui donna espoir à Darcy de pouvoir libérer le détenu plus facilement. Les hommes se levèrent à l'unisson lorsqu'il fut annoncé par l'aubergiste et il utilisa toute sa prestance en espérant les intimider. Il balaya la pièce d'un regard hautain et s'arrêta sur le prisonnier, attaché à une chaise.
-'Messieurs.' Déclara-t-il froidement, inclinant la tête que très légèrement. 'Je ne crois pas devoir expliquer la raison de ma présence ici.'
Les hommes échangèrent des regards incertains et l''un d'eux se porta volontaire pour parler. 'Mr Darcy, nous ne faisons qu'exécuter nos ordres.'
-'Vos ordres? Et quels sont-ils?'
-'Eh bien…d'appréhender le fugitif.'
Il haussa un sourcil. 'Oui, cela je le savais. Ce que je me demande, c'est pourquoi vous avez cru bon de tenir sous observation un invité de Pemberley.'
-'Monsieur, cet homme répond exactement à la description de celui que l'on recherche.'
Darcy posa les yeux sur Mr O'Shee, qui observait la scène en silence. 'Un homme grand, avec des cheveux bruns et des yeux bruns? Ma foi, messieurs, je crains que vous ne deviez m'arrêter aussi. Je réponds parfaitement à ces critères.'
Le malaise dans la pièce s'intensifia. Comme personne n'osa répliquer, le maitre de Pemberley usa de sa voix la plus autoritaire.
-'Je ne passerai pas par quatre chemins, messieurs. Je n'ai ni le temps ni l'envie de débattre avec vous de l'innocence de cet homme et je souhaite retourner chez moi le plus rapidement possible afin de rejoindre ma femme qui, troublée par votre intervention, est présentement confinée au lit. Nul besoin de vous dire à quel point la détresse que vous lui imposez est mauvaise pour sa condition.'
Il exagérait peut-être un peu, mais comme il l'avait prévu, cela ramollit leur résolution.
-'Nos ordres sont clairs, Mr Darcy...Peut-être que si vous attendiez que Mr Levitt—'
-'Savez-vous à qui vous vous adressez?' Il détestait user de cette carte de notoriété, mais il n'avait pas le choix. Plus ils parlaient, plus ils trouveraient des raisons pour le garder et il n'avait certainement pas l'intention d'argumenter avec Mr Levitt.
-'O-oui, nous le savons très bien.'
-'Alors voilà ce que nous allons faire; je repars avec Mr O'Shee ici présent, duquel je me porte garant, et je vous donne ma parole qu'il ne quittera pas Pemberley avant d'avoir reçu la visite de Mr Levitt, durant laquelle nous discuterons de la suite des choses. Ainsi tout le monde y gagne; vous n'aurez pas à faire la gouvernante auprès d'un détenu et moi je peux recevoir mon invité en plus de rassurer ma femme sur le sort de notre ami ici présent. Avons-nous un accord, messieurs?'
Encore un silence durant lequel une conversation silencieuse se déroula entre les hommes présents.
-'Avons-nous votre parole qu'il ne quittera pas les lieux?'
-'Bien entendu. Vous avez ma parole de gentleman.'
Sans même attendre leur approbation, il fit les quelques pas qui le séparait de Mr O'Shee afin de dénouer la corde qui le tenait prisonnier à la chaise sur laquelle il était assis. Ce dernier massa aussitôt ses poignets, où la rougeur trahissait la tension avec laquelle il avait été attaché.
-'Messieurs, dites à votre supérieur que je l'attends à Pemberley demain matin s'il souhaite mettre les choses au clair avec moi.' Déclara Darcy, ouvrant la voie pour Mr O'Shee.
Il remit son haut-de-forme et en toucha la brime avant de sortir de la pièce, le jeune homme sur ses talons. Il marcha d'un pas vif vers son cheval et, échangeant une pièce avec le garçon d'écurie, lui demanda d'en atteler un autre pour son compagnon.
-'Il sera retourné d'ici la fin de l'après-midi.' L'assura-t-il.
Il eut du mal à contenir son impatience alors que l'animal recevait selle et bride pour son cavalier. Darcy ne pouvait s'empêcher de regarder les alentours, inquiet de croiser Mr Levitt et d'avoir à lui faire face sans être complètement prêt. Il avait pu faire entendre raisons à ces hommes sans trop de problème, mais il savait que l'histoire serait différente avec ce vieux bouc.
Dès que Mr O'Shee fut prêt, Darcy claqua la langue pour faire avancer son cheval, qui fit son chemin à travers la foule avec un peu de mal. Ce ne fut que lorsqu'ils furent à l'extérieur du village qu'il put enfin respirer et, pour plus de précaution, il piqua à travers les champs plutôt que de suivre la route.
Ils ne parlèrent pas pendant un long moment, puis Mr O'Shee brisa le silence.
-'Mr Darcy, je me dois de vous remercier pour votre intervention.'
Darcy avait peut-être secouru l'homme à ses côtés, mais cela ne l'empêchait pas de couver un certain ressentiment. 'Remerciez plutôt ma femme, c'est elle qui m'a supplié de vous secourir.'
-'Quoi qu'il en soit, je vous en suis reconnaissant. Nul doute que Vivianne vous a expliqué la raison de ma présence?'
-'Vous vous trompez. Je n'ai aucun détail sur la situation.'
Mr O'Shee, remarquant son ton glacial, hocha la tête. 'Je comprends votre colère.'
Darcy se tourna enfin vers lui. 'Vraiment, Mr O'Shee? Je viens de me porter garant de votre personne et ce sans savoir la nature de votre crime. Je n'ai que jusqu'à demain matin pour trouver un moyen de vous sortir de cette impasse, une situation dans laquelle je n'ai nullement envie d'être impliqué, mais dans laquelle je dois tout même me tremper par respect pour votre oncle et votre cousine. Tout ce que je sais c'est que vous êtes coupable des charges et qui plus est, vous avez mêlé les femmes de ma maison dans cette histoire.'
-'Bien que cela n'ait que peu d'importance, sachez que j'ai insisté auprès d'Henry de ne pas suivre ce plan. Je ne voulais pas vous impliquer dans mes problèmes, mais mon oncle n'a rien voulu entendre de mes plans. Selon lui, vous seul pouvez me sortir de cette impasse.'
-'S'il me faisait confiance pour vous sortir de ce mauvais pas, pourquoi ne m'avoir rien dit? Je n'ai reçu aucun message, aucune lettre.'
-'J'avoue avoir convaincu Vivianne de ne rien dire. Elle a en sa possession une lettre vous étant adressée, mais je lui ai demandé de ne vous la donner que si je me faisais prendre. J'étais en route pour l'Écosse, avec l'intention de ne pas vous importuner avec mes problèmes.'
Ces mots apaisèrent quelque peu les ressentiments de Darcy. 'Je ne vois pas en quoi je suis si spécial, Mr O'Shee. Je ne suis qu'un homme. Qu'importe ce que votre oncle ait pu croire, je n'ai rien contre la loi.'
-'Peut-être. Mais vous avez plus de pouvoir et d'influence que moi. C'est ma parole contre la leur et nous savons tous les deux qu'elle ne vaut rien à leurs yeux.'
Darcy ne répondit pas. Il avait raison, bien entendu; qui écouterait les dires d'un irlandais? Sans le nom Darcy derrière lui, c'était assurément la corde qui l'attendait.
-'Je suis désolé que vous ayez eu à intervenir, cela n'était nullement mon intention.' Ajouta Mr O'Shee après un moment. 'Bien que je ne regrette pas le geste qui m'a mené ici, je regrette de vous imposer ce fardeau. Vous avez déjà tant à faire, il est injuste de ma part de vous ajouter des soucis supplémentaires. Si vous voulez, je peux vous rapporter les faits comme ils se sont passés.'
Le maitre de Pemberley approuva d'un bref hochement de tête et écouta le récit du jeune homme sans broncher. Lorsqu'il eut terminé, sa colère avait fait place à la frustration contre Mr Levitt et ses tentatives de soumettre de pauvres innocents sous son autorité.
-'Je ne vous blâme pas pour ce que vous avez fait.' Darcy soupira finalement, plus calmement cette fois. 'Votre geste n'était pas celui d'un criminel, mais d'un gentleman.' Il remarqua la moue d'inconfort de son compagnon. 'Vous n'êtes pas un cavalier aguerri, à ce que je vois.'
-'Il y a un moment depuis que j'ai monté à cheval.' Avoua ce dernier avec une grimace. 'Bien que mon oncle m'ait procuré une monture et l'équipement nécessaire pour apprendre, je n'ai jamais été très fervent de ce passe-temps. Et puis, je n'évolue pas dans des cercles où l'équitation est très prisée.'
Darcy hocha lentement la tête. 'Mr Calbert a été très généreux envers vous, Mr O'Shee.'
-'Mrs Darcy est-elle réellement alitée par ma faute?' demanda-t-il après un moment, son inquiétude évidente.
-'J'ai peut-être extrapolé un peu sur la vérité.' Avoua Darcy avec un petit sourire. 'Elle est bien alitée, mais par précaution seulement. Ma femme a tendance à se surmener.'
-'Je ne pourrais me pardonner si quelque chose lui arrivait. Ou à votre enfant. Si j'avais su sa condition préalablement, jamais je n'aurais accepté de venir ici. Vivianne…Vivianne m'a dit pour votre fille. Je ne peux qu'offrir mes sympathies, bien que cela ne soit qu'une très mince consolation face à l'ampleur d'une telle tragédie.'
Darcy sentit son cœur se contracter douloureusement, comme chaque fois qu'il pensait à Anne. Cela faisait presque deux ans maintenant et pourtant la douleur était encore vive. 'Nous ne sommes pas les premiers, ni les derniers, à devoir vivre le deuil d'un enfant. J'imagine que Dieu avait de meilleurs plans pour elle.'
Il ne souhaitait pas s'attarder sur le sujet. Ils étaient en vu de la maison maintenant et il poussa son cheval au trot pour couvrir la distance plus rapidement. Il n'avait qu'une seule envie: rejoindre sa femme pour s'assurer que tout allait bien. Ils se dirigèrent vers l'écurie et démontèrent et Darcy laissa des instructions à l'un des garçons de rapporter le cheval à Lambton Inn dès que possible.
-'Encore une fois, merci, Mr Darcy.' Le remercia Patrick en lui tendant la main. 'Je sais que vous agissez contre votre gré. Si je peux faire quoi que ce soit pour repayer cette dette d'honneur, je vous en prie, dites le moi.'
-'Malheureusement, le pire reste à venir.' Commenta le maitre des lieux. 'J'ai pu vous sortir de votre emprisonnement pour le moment, mais ne doutez pas un instant que Mr Levitt sera à ma porte demain matin pour réclamer votre arrestation.'
-'Je peux quitter dès maintenant. Si vous me donnez un cheval, je peux couvrir assez de distance pour qu'ils ne puissent pas me retrouver. Je promets de vous rembourser la somme de l'animal dès que possible.'
Darcy haussa les sourcils. 'Vous souhaitez vivre en fugitif toute votre vie? À regarder par-dessus votre épaule à tout moment en espérant avoir toujours assez d'avance pour ne jamais vous faire attraper?'
Patrick haussa les épaules. 'Ils finiront par arrêter de me chercher. Je reviendrai après quelques années.'
Sans savoir pourquoi, Darcy ne pouvait se résoudre à le laisser gâcher sa vie. Il ignorait la raison pour laquelle une partie de lui s'obstinait à chercher une alternative, mais il n'ignora pas la petite voix qui lui disait d'intervenir. Après tout, il était le neveu d'un des meilleurs amis de son père et le cousin de Vivianne. De plus, son crime ne justifiait nullement sa sentence. Et puis, il devait avouer qu'il prendrait plaisir à voir Mr Levitt retourner bredouille à Londres.
-'J'ai donné ma parole que vous seriez ici, Patrick, et je me complais dans le fait d'être un homme d'honneur.'
Le jeune homme cligna des yeux sans comprendre. 'Vous ne souhaitez pas que je quitte Pemberley?'
-'Je souhaite vous redonner votre liberté. Je ne peux rien promettre pour le moment excepté d'essayer. Rentrons tout d'abord, voyons ce que cette lettre dont vous m'avez parlé dit et ensuite nous pourrons voir ce que nous pouvons faire.'
Patrick ne sembla pas à l'aise de pénétrer par la porte avant. Ce n'était pas sa première visite à Pemberley, mais il n'avait jamais pénétré dans les pièces principales où la famille vivait quotidiennement. Darcy remarqua les regards qu'il jeta sur les décorations luxueuses et les épais tissus de velours qui cascadaient aux abords de toutes les fenêtres. Il le vit redresser les épaules, sûrement inconsciemment, essayant tant bien que mal de ne pas trop détoner avec son accoutrement qui, bien qu'issu de matériau de qualité, était plutôt usé.
Darcy alla s'assurer que Lizzie tenait sa part du marché et constata avec satisfaction qu'elle faisait une sieste et referma doucement la porte pour ne pas la réveiller. Il se dirigea ensuite vers la chambre de Vivianne et cette dernière avala avec difficulté lorsqu'elle le vit.
-'Fitzwilliam.' Dit-elle d'une voix légèrement instable.
-'Vivianne.' Répondit-il de manière courtoise, mais ne dissimulant pas son désappointement. 'Votre cousin vous attend dans mon bureau.'
Une lueur d'espoir lui traversa les yeux. 'Vous avez réussi à le ramener ici?'
-'Pour le moment.'
Vivianne jeta un coup d'œil dans sa chambre et Darcy remarqua que Kitty était assise près du feu, l'air inquiet. Depuis quand étaient-elles dans la confidence l'une de l'autre? Il n'avait pas le souvenir qu'Elizabeth ait mentionné l'implication de sa sœur dans cette histoire. Il mena le chemin jusqu'à son bureau, où la rouquine pris place près de son cousin, l'air honteux.
-'Maintenant.' Déclara Darcy d'un ton sérieux. Il avait toujours du mal à utiliser ce ton, qui lui rappelait tellement les fois où il se faisait lui-même gronder par son père. 'Tout d'abord, je tiens à faire part de la déception que je ressens de ne pas avoir été mis dans la confidence depuis le début. Vivianne, je croyais que nos familles étaient assez proches pour que vous sachiez que vous pouviez compter sur moi. D'avoir eu recours à ce subterfuge n'est pas digne de l'amitié qui nous lie tous depuis des décennies.'
-'Je suis à blâmer pour cela, Mr Darcy. Comme je vous ai dit, je lui ai fait promettre de ne rien dire.'
-'À partir de maintenant, je ne veux plus de mensonge. Est-ce clair? Maintenant…Vivianne, vous avez en votre possession une lettre m'étant adressée, n'est-ce pas?'
La jeune fille sortie une lettre de sa poche et la lui tendit. Elle était quelque peu froissée, mais elle n'avait pas été décachetée. Il n'y avait que quelques lignes sur le papier, soit l'adresse d'un notaire à Bakewell. Darcy fronça les sourcils, parcourant la lettre recto-verso pour quelconque autre message, mais il n'y avait aucune autre indication.
-'Mr Nightgale…' pensa-t-il à voix haute. 'Ce nom ne me dit rien. Et vous?'
Vivianne et Patrick secouèrent la tête. Darcy inspira profondément; il était déjà passé seize heures et bien que la route entre Bakewell et Pemberley n'était que d'environ 6 miles, une distance qu'il pouvait couvrir en une heure s'il pressait un peu son cheval, il serait impoli d'arriver si tardivement chez un inconnu. Il n'avait d'autre choix que de reporter sa visite au lendemain.
-'Nous ne pouvons rien faire pour le moment. J'ai des détails pressants à régler ici de toute façon, mais je serai sur la route de Bakewell dès la première heure demain. Et vous aussi, Mr O'Shee.'
-'Et Mr Levitt?' s'exclama Vivianne, ses grands yeux verts remplis de panique. 'Que faire s'il revient demain pour emmener Patrick?'
-'Il se butera le nez à une maison vide.' Répondit simplement Darcy. 'Je laisserai un message expliquant qu'une importante situation est survenue et que Mr O'Shee devait m'accompagner. Cette réponse ne lui plaira pas, mais je crains que nous n'ayons d'autre choix que de retarder notre rencontre le plus possible, au moins jusqu'à ce que nous ayons rencontré ce Mr Nightgale.'
Il sonna la cloche et peu après Mrs Reynolds se présenta, prête à recevoir ses ordres.
-'Préparez une chambre pour notre invité, je vous prie. Dans l'aile des bacheliers, bien entendu.'
Patrick regarda Darcy sans comprendre. 'Pour moi?'
-'Cela vous pose-t-il problème?'
-'C'est que…je ne m'attendais pas à ce que…Je peux très bien dormir avec les domestiques.'
Darcy secoua la tête. 'Vous êtes un invité ici, Mr O'Shee, et je n'ai pas l'habitude de faire dormir mes invités avec les domestiques. Et puis, pensez un peu aux apparences.' Ajouta-t-il en voyant que le jeune homme voulait répliquer à nouveau. 'Que dira Mr Levitt s'il venait à apprendre que vous n'êtes pas digne de dormir dans une des chambres de la maison alors que j'ai clamé que vous êtes mon invité?'
Patrick se ravisa en réalisant la logique de la chose. Mrs Reynolds l'invita à le suivre et il accepta avec une certaine réluctance.
-'Votre générosité a grandement dépassé mes attentes.' Commenta-t-il avant de quitter la pièce. 'Je ne crois pas mériter tout le mal que vous vous donnez, mais je peux vous promettre de vous compenser pour tous les inconvénients engendrés par ma situation. Vous avez ma parole.'
Darcy serra la main qu'il lui tendit, sans douter un instant de la sincérité de ses propos.
-'Nous verrons cela en temps et lieu. Veillons d'abord à garder la corde loin de votre cou.'
(-*-)
J'espère que vous allez toutes bien en ces temps étranges et j'espère que ce chapitre et le prochain, qui ne devrait pas tarder à être publié, sauront égayer un peu votre journée en quarantaine! Merci à celles qui m'ont laissées des reviews dernièrement afin de s'assurer que je vais bien. J'ai de la chance, j'ai une maison et un grand terrain sur lequel les enfants peuvent s'amuser, ma famille est à l'abri et nous avons accès à l'essentiel.
L'isolement n'est pas facile pour tous alors si vous avez besoin de discuter, n'hésitez pas à m'écrire :)
Encore une fois, un énorme merci à beta-reader Axelines, qui m'aide à vous offrir des chapitres de meilleure qualité!
Soyez prudentes (et prudents, qui sait, il y a peut-être des hommes qui me lisent!) et à bientôt!
P.s. Ce chapitre n'a pas de titre, même après 10 minutes à fixer l'écran et réfléchir. Puis je me suis dit que ce n'était pas la fin du monde et que si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je pourrais seulement ne plus en mettre. Si vous aimez les titres, je ferai un effort, à vous de me le dire!
