Tel que promis, voici le prochain chapitre! Encore une fois, merci à Axelines pour son aide en tant que beta! Bonne lecture!
Chapitre 56
Une naissance à Pemberley
Elizabeth se réveilla tôt le lendemain matin avec ce même élancement dans le ventre qui l'avait harcelé pendant la soirée de la veille. Un coup d'œil vers la fenêtre lui indiqua que le soleil venait à peine de se lever, ce qui la fit soupirer. Maintenant qu'elle avait les yeux ouverts, elle savait qu'elle ne serait pas capable de se rendormir. Elle se leva donc avec précaution pour ne pas réveiller Darcy et fit quelques pas dans chambre, les sens en alerte. Elle explora les sensations dans son corps, cherchant quelque chose de différent, un signe concret que ses douleurs n'étaient pas que le résultat de sa journée chargée, mais elles étaient si légères qu'elle ne put en tirer de conclusion.
Elle enfila une robe de chambre et sortit de la pièce, parcourant les couloirs sans itinéraire précis en tête. L'inconfort revint quelques fois, mais rien qui la fit changer d'avis sur sa situation. Après tout, elle avait eu ce genre de sensation auparavant et puis il était beaucoup trop tôt pour alerter la maison pour ce qui pourrait très bien être une fausse alerte. Elle ne put s'empêcher de ressentir une légère frustration; elle avait déjà vécu un accouchement auparavant alors pourquoi ne savait-elle pas avec certitude si oui ou non son temps était venu? Certes, son expérience datait de plus de deux ans maintenant, mais sûrement, quand un évènement est aussi marquant, les détails restent de façon plus permanente dans l'esprit?
Elizabeth parcourut les étages sans se presser; elle pouvait entendre les domestiques s'activer, préparant la maison pour l'éveil de ses occupants, et lorsque l'horloge sonna pour la deuxième fois depuis son réveil, elle décida de rebrousser chemin afin de gagner sa chambre. Plongée dans ses pensées, elle ne vit pas M. O'Shee qui sortait tout juste de la sienne.
-'Oh.' Fit-elle, clignant plusieurs fois des yeux. 'Je me croyais la seule debout à cette heure. Vous partez déjà?'
Le jeune homme s'éclaircit la gorge. 'Oui, je dois retourner à ma tente maintenant, mais je vous suis très reconnaissant de votre invitation hier.'
-'J'espère que nous aurons l'occasion de se revoir bientôt.'
Les doigts de M. O'Shee jouaient nerveusement avec les rebords de son chapeau. 'J'espère que vous ne prenez pas offense de ma fréquente absence, Mrs Darcy. Vous me recevez toujours avec la plus grande amabilité et générosité, mais…'
-'Mais…?'
Il soupira. 'Vous-même devez remarquer le malaise qui s'installe lorsque je suis présent. Miss Darcy ne m'a pas adressé un seul mot de la soirée et bien que M. Darcy s'efforce de me faire la conversation, elle ne lui vient pas plus naturellement qu'elle ne me vient à moi avec lui.'
-'Elle viendrait plus naturellement si vous étiez plus souvent des nôtres.' Répondit-elle avec un sourire. 'Et ne prenez pas le silence de Georgiana comme de la désapprobation, elle est seulement timide avec les inconnus. Je suis certaine que des visites plus fréquentes finiraient par la rendre plus à l'aise.'
-'Peut-être.'
-'Et puis, qu'avez-vous à perdre d'essayer?'
Il passa une main dans ses cheveux. 'En tout franchise, Mrs Darcy, je n'ai jamais aspiré à être plus que l'homme que je suis alors tout ceci…Tout ce que vous voulez m'offrir…Je ne me sens pas à la hauteur des attentes que cela représente.'
-'Je suis bien placée pour le comprendre, M. O'Shee, mais je suis également en mesure de vous dire que les choses s'améliorent si l'on y met les efforts. Nul ne peut dicter votre place excepté vous.'
Le jeune homme eut un petit rire. 'Votre sœur vous ressemble, vous savez. Elle m'a elle aussi conseillé de tous vous donner une chance.'
-'Et suivrez-vous ce conseil?'
Il hésita à nouveau. 'J'ai encore besoin d'un peu de temps pour réfléchir.'
-'Je vous propose un marché.' Elizabeth décida soudainement. 'Lorsque vous aurez terminé les chantiers, revenez à Pemberley pour la saison de la chasse. Donnez-vous une chance de savoir si vous aimez la vie dans laquelle nous souhaitons vous inclure. Si, après cela, vous êtes toujours convaincu que votre place n'est pas ici, alors nous arrêterons d'insister. Qu'en dites-vous?'
-'J'en dis que vous faites une excellente négociatrice.'
-'Oh, j'ai beaucoup de pratique. S'il le pouvait, Fitzwilliam m'emballerait dans des mètres et des mètres de coton afin qu'il ne m'arrive rien.'
-'Il est difficile de respirer lorsqu'on est si bien protégée.'
-'Exactement.'
Encore une fois, son ventre l'élança et elle s'éclaircit la gorge pour se reprendre, ajoutant :
-'Êtes-vous réellement obligé de quitter à l'instant? Vous pouvez sûrement attendre après le petit-déjeuner. N'aviez-vous pas rendez-vous avec mon époux pour visiter les nouveaux cottages plus tard dans la journée?'
-'En effet. Il ne reste que l'approbation de M. Darcy pour laisser les nouvelles familles s'y installer. Cependant, j'aimerais aller jeter un coup à mon logis avant de m'y rendre, l'orage d'hier a probablement causé des dégâts auxquels je dois remédier rapidement si je veux pouvoir y loger ce soir.'
Elizabeth hocha la tête en signe de compréhension. 'Si vous changez d'avis, n'oubliez pas que vous êtes toujours le bienvenu à Pemberley, que vous y trouviez votre place ou non.'
Il s'inclina poliment. 'Merci, Mrs Darcy.'
Elle retourna dans sa chambre et une fois la porte fermée derrière elle, la forme endormie de son époux poussa un grognement.
-'Insomnie?' marmonna-t-il, sans même ouvrir les yeux.
Lizzie appuya ses mains contre ses reins, cherchant à soulager son dos. 'Je devais seulement me dégourdir les jambes un peu.'
Darcy se redressa lentement et se passa une main sur le visage pour chasser les dernières traces de sommeil.
-'Encore le même cauchemar?' lui demanda-t-elle en venant s'asseoir près de lui, repoussant une de ses boucles brunes qui tombait sur son front.
-'Cette fois, tu donnais naissance à un enfant à trois têtes.'
Elle grimaça. 'Aïe.'
-'Je vais t'épargner les détails.'
-'Je sais que tu fais ton possible, Will, mais vraiment, tu t'inquiètes trop. Et je suis sûre que notre bébé n'aura qu'une seule tête. Tout ira bien, j'en suis certaine.'
Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais elle posa un doigt sur ses lèvres, sachant ce qu'il allait dire. 'Je sais que je ne peux pas en être sûre, mais j'y crois. Mrs Yeats est de mon avis; tout se présente parfaitement bien pour l'instant.'
Il embrassa le bout de son index. 'Peut-être devrions-nous avoir un deuxième avis. Peut-être devrais-je demander au Dr. Baker de venir ou bien M. Gresley.'
Elizabeth poussa un long soupir. 'Will, Mrs Yeats est parfaitement capable d'établir un diagnostic sur mon état. J'apprécie beaucoup le travail de notre docteur et de son apprenti, mais ils ne sont pas des experts dans la maternité. Mrs Yeats a aidé des centaines de femmes à accoucher, en plus d'avoir elle-même eu plusieurs enfants. Je crois que comme expérience, il n'y a pas mieux.'
-'Vu sous cet angle…'
Elle lui jeta un regard entendu. 'Promets-moi de ne pas les déranger à ce sujet aujourd'hui.'
-'Mais – '
-'Je suis sérieuse. Tu les as invités à Pemberley sous ce prétexte tellement de fois dans les dernières semaines qu'ils doivent penser que tu ne veux pas qu'ils se concentrent sur leur travail.'
Darcy fit la moue. 'Je n'ai pas été SI insistant…'
Lizzie haussa un sourcil. 'Nous avons eu cette conversation de multiples fois déjà, si bien que je pourrais la réciter par cœur. Allez, debout. Les filles doivent déjà t'attendre pour se rendre au service.'
-'Veux-tu que je fasse appeler Abby?'
-'Je crois que je vais rester ici ce matin et essayer de me reposer.'
-'Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de ma femme?' Plaisanta-t-il en apposant un baiser contre son cou. 'Devrais-je croire à un enlèvement par les fées, qui m'auraient laissé à la place de mon épouse une créature raisonnable?'
Elle roula les yeux, mais ne put s'empêcher de sourire. Elle l'observa alors qu'il s'habillait en vitesse, coiffa ses cheveux en quelques coups brosses, et l'embrassa une dernière fois avant de le laisser partir. Les tiraillements se poursuivirent, sans pourtant s'aggraver, et Elizabeth soupira en se disant qu'à ce rythme, son bébé ne naitrait pas avant une semaine.
Mrs Yeats arriva vers onze heures, comme à son habitude. Elle ne fut pas surprise des inconforts réguliers de sa patiente et confirma ses pensées.
-'Les douleurs ne sont pas assez rapprochées ni assez longues pour que vous soyez en véritable travail, Mrs Darcy. Seul le temps pourra nous dire si oui ou non votre corps se prépare à la naissance.'
-'Puis-je sortir prendre l'air? Bien assez vite je ne pourrai voir que ces quatre murs, autant en profiter pendant que je le peux.'
-'Bien sûr! Si vous voulez que votre petit pointe le bout de son nez, mon meilleur conseil est de bouger le plus possible pendant que vous en êtes capable.'
Lizzie fit appeler Abby, qui l'aida à s'habiller pour l'accompagner dans les jardins. Comme à son habitude, la sage-femme resta pour le repas du midi, puis retourna chez elle en promettant de revenir dans l'après-midi. Habitée par une énergie nouvelle, Elizabeth fit une longue promenade, ne s'arrêtant que pour respirer à travers l'inconfort qui se manifestait de manière de plus en plus régulière maintenant. Abby resta à ses côtés, fidèle à la promesse qu'elle avait faite à Mrs Yeats d'être avec sa maitresse à tout moment, et Lizzie trouva sa présence réconfortante. En fait, la paix qu'elle avait ressentie à travers toute sa grossesse était grâce aux mots de la jeune femme; sans elle, son parcours aurait été jonché d'angoisse et d'appréhensions. Pour la première fois depuis cette journée-là, elle sentit le doute lentement envahir son esprit.
-'Abby?'
-'Oui, Mrs Darcy?'
-'Ces mots que tu m'as dit il y a quelques mois…' commença-t-elle, hésitante. 'Étaient-ils sincères?'
Sa suivante fronça les sourcils. 'Bien sûr. Je ne vous aurais pas menti.'
-'Je sais, je ne voulais pas remettre ta parole en question.' Elle poussa un soupir. 'J'ai vécu cette grossesse avec la conviction que tout irait pour le mieux, ce que je n'aurais pas cru possible depuis…Enfin. Aujourd'hui, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai cette…cette…'
-'Peur?'
Elle hocha de la tête. 'C'est ridicule, n'est-ce pas? Je veux cet enfant plus que tout au monde, mais je sais aussi ce qu'il en coûte de le faire naître. J'ai hâte de le tenir dans mes bras, mais je redoute la douleur.'
-'Oh, Mrs Darcy, chaque mère ressent ces mêmes sentiments lorsqu'elle est sur le point d'accoucher. Pendant une première grossesse, tout est inconnu, nous ne savons pas à quoi nous attendre. Pour les autres qui suivent…l'histoire est différente. Vous connaissez l'attente, la douleur, la vulnérabilité…Vous savez qu'avant d'avoir votre bébé dans vos bras, il vous faudra traverser une épreuve qui, bien souvent, est aussi épuisante pour l'esprit que pour le corps.'
-'Votre mère avait-elle un conseil à offrir aux mères qui n'avaient plus la douce inconscience d'un premier accouchement?'
Abby réfléchit un moment. 'Elle disait souvent…Chaque expérience ne ressemble pas à la dernière. Et puis, un premier est bien souvent le plus long à venir.'
-'Je crois que les souvenirs que j'ai en tête n'aident pas à calmer mes peurs. Ce désemparement, cette fatalité inévitable…Il n'y a aucune chance d'abandon, aucune issue. J'ai eu l'impression que la douleur ne finirait jamais, que mon corps ne pourrait pas prendre une seule contraction de plus, et pourtant cela s'est poursuivi pendant des heures. Et une fois terminée…'
-'On vous a enlevé votre enfant pour le confier à une autre.' Termina la jeune femme en pinçant les lèvres. 'Sur ce point, vous n'avez pas à vous en faire, Mrs Darcy. Mrs Yeats me semble une femme beaucoup plus raisonnable que Mrs Bell. Vous n'aurez pas ce problème cette fois, j'en suis convaincue.'
Elizabeth lui sourit. 'Merci, Abby. Tu as toujours les mots justes pour me rassurer. Il ne sert à rien de –'
Elle s'interrompit un instant pour prendre une grande inspiration, son ventre se contractant assez fort cette fois pour lui soutirer une légère grimace.
-'Lizzie!'
Darcy était apparu au bout de l'allée et, voyant sa femme ainsi, se précipita vers elle.
-'Ne t'inquiète pas.' Le rassura-t-elle aussitôt. 'Ce n'est rien.'
-'Était-ce…?'
-'Un léger tiraillement, rien de plus. Crois-moi, ce que je ressens est loin d'être aussi sérieux que les douleurs de l'enfantement.'
Il la regarda avec un air suspicieux. 'Pourquoi ai-je l'impression que tu dédramatises la situation pour mon bien?'
Elizabeth changea aussitôt le sujet, ne se sentant pas la force d'argumenter avec lui sur le sujet plus longtemps. 'Ne devrais-tu pas être avec M. O'Shee présentement?'
-'Où est Mrs Yeats?'
-'Chez elle, bien sûr.'
-'Pourquoi n'est-elle pas avec toi? Si tes douleurs ont commencé, elle devrait être à tes côtés et tu devrais être en train de te reposer. Je croyais que l'on s'était entendus pour que -'
-'Will.' Le coupa Elizabeth d'une voix autoritaire. 'Calme-toi. La sage-femme sera de retour cet après-midi pour vérifier mon état, mais pour l'instant il est beaucoup trop tôt pour alerter qui que ce soit. Je n'ai pas envie de mettre la maisonnée dans tous ses états pour finalement annoncer que ce ne sera pas pour aujourd'hui. Ce n'est rien de sérieux pour le moment, je vais parfaitement bien.'
Darcy hésita. 'Peut-être devrais-je rester, au cas où. Si ton travail vient de débuter, je ne devrais pas quitter Pemberley.'
Elizabeth soupira. 'Cela n'est pas raisonnable et tu le sais. Ces pauvres familles attendent ton approbation pour emménager dans les nouveaux cottages. Veux-tu réellement les priver d'un toit plus longtemps que nécessaire? Et puis, une naissance prend des heures! Même si le bébé décidait en ce moment même de vouloir naître, tu aurais amplement le temps de faire la route jusqu'au chantier et de revenir avant qu'il ne se passe quoi que ce soit d'intéressant.'
Darcy hésita, mitigé. 'Je n'aime pas l'idée que tu sois seule.'
-'Tu as des obligations et je préfère nettement te savoir occupé à les remplir plutôt qu'à te ronger les sangs en faisant les cents pas dans le salon. Je t'assure qu'il y a amplement le temps. Et puis, je ne suis pas seule, j'ai Abby avec moi.'
-'Tu me promets que s'il y a quoi que ce soit, le moindre doute, tu enverras quelqu'un à ma recherche?' insista-t-il, prenant ses mains dans les siennes. 'Lizzie, j'insiste; si tes contractions deviennent sérieuses, je veux que l'on vienne me quérir à l'instant.'
-'C'est promis, Will.' Elle l'embrassa rapidement. 'Maintenant, va. M. O'Shee doit déjà t'attendre.'
Avec un dernier regard, où il dut se rendre à l'évidence que sa femme était en pleine forme, Darcy rebroussa chemin à contrecœur. Il monta sur son cheval et, talonnant les flancs de la bête, s'élança sur la route menant vers les chantiers. Elizabeth lui envoya la main avant de la poser sur son abdomen, sentant une nouvelle fois son ventre se serrer. Elle prit une grande inspiration, essayant de se détendre le plus possible, puis reprit son chemin.
-'Faisons encore une fois le tour du lac.'
-'Êtes-vous sûre que ce soit sage, Mrs Darcy?' s'inquiéta sa suivante, emboitant le pas. 'Vos douleurs sont très rapprochées maintenant.'
-'Oh, non, Abby, pas toi aussi!' s'exclama-t-elle en riant. 'Je te croyais de mon côté! Comme je viens tout juste de dire à mon cher époux, je vais parfaitement bien. Elles ne font pas si mal.'
-'Si vous le dites…'
-'Marcher me distrait; autant profiter de ce moment de calme pour faire le plein de soleil et faire avancer les choses. Nous en avons encore pour un moment.'
À peine une demie heure avait passé lorsqu'elle dû s'avouer qu'elle devenait plutôt inconfortable. Elle contempla l'idée de rebrousser chemin pour aller s'étendre un peu, mais elles étaient presque à mi-chemin maintenant, ce qui prendrait presqu'autant de temps que de poursuivre sur le sentier où elles se trouvaient. Après plusieurs contractions – car c'étaient bien des contractions, Elizabeth n'en doutait plus maintenant – elle reconnut enfin que son travail avait probablement débuté.
-'Je crois que ça y est.' Souffla-t-elle à l'intention de sa suivante, un mélange d'excitation et d'anticipation lui chatouillant l'estomac. 'Peut-être serait-ce plus prudent de rentrer.'
Le reste de la promenade fut plutôt pénible, mais Lizzie ne se laissa pas démoraliser. Après tout, il lui restait encore plusieurs heures avant de pouvoir prendre son enfant dans ses bras et le pire était encore à venir. Repoussant les pensées négatives qui la narguaient, elle se concentra sur sa respiration jusqu'à ce qu'elle atteigne enfin sa chambre.
-'Peut-être serait-il mieux d'aller quérir Mrs Yeats.' Proposa Abby, aidant sa maitresse à se débarrasser de sa robe pour enfiler une chemise de nuit.
-'Mais il reste…encore…tellement de temps.' grommela Elizabeth entre les dents, agrippant un des poteaux du lit à baldaquin pour un peu de support à travers la douleur. 'Oh!'
Elle sentit un liquide chaud couler contre ses jambes. Ses yeux fixèrent la tache sombre sur le tapis pendant un moment avant qu'elle ajoute :
-'Peut-être as-tu raison, Abby. Peut-être serait-ce mieux d'avoir la sage-femme tout près, au cas où.'
Lorsque Mrs Yeats se présenta, Elizabeth n'avait plus aucun doute sur sa situation. Les douleurs étaient si rapprochées qu'elle avait à peine le temps de souffler entre elles, ce qui la découragea légèrement. Comment pourrait-elle endurer ce supplice pendant des heures encore? Trop concentrée à prendre les vagues une à une, elle ne remarqua les regards que se jetèrent Abby et la sage-femme. Peu de temps après, la pièce se mit à bourdonner d'activité.
-'Que se passe-t-il?' balbutia Lizzie en voyant des domestiques entrer avec des bassines d'eau chaude, des linges propres, de la corde et des ciseaux.
-'Tout est prêt, Mrs Yeats.' La suivante déclara, faisant un rapide tour de la pièce.
-'Prêt? Pour quoi?'
La sage-femme eut un petit rire. 'À accueillir votre bébé, bien sûr!'
Elle la regarda comme si elle avait perdue la tête. 'Q-quoi? Mais…c'est impossible. Mon travail a commencé i peine une heu—'
Elle s'interrompit, son abdomen à nouveau la proie de cet étau insupportable, incapable de retenir le grondement qui résonna dans sa gorge cette fois.
-'Ma chère Mrs Darcy, j'ai assisté à beaucoup d'accouchements dans ma vie et tous les signes sont là. Si vous sentez le besoin de pousser, allez-y.'
Elizabeth allait répondre qu'elle ne pouvait pas être à ce stade, mais son corps la contredit aussitôt. La douleur en elle changea, se transformant en une forte pression à laquelle elle n'eut d'autre choix que de répondre. Elle poussa une, deux, trois fois, puis la libération la fit retomber sur ses oreillers avec un soupir de soulagement. Le silence dans la chambre fut rempli par les cris d'un nouveau-né, que la sage-femme déposa aussitôt contre sa poitrine. Lizzie regarda l'enfant un moment, abasourdie, puis son premier réflexe fut d'éclater de rire. Était-ce déjà terminé? Elle qui s'était préparée mentalement à supporter ses douleurs pendant plusieurs heures encore, voilà que son enfant était déjà dans ses bras?
Mrs Yeats frictionna la peau du bébé toujours indigné d'avoir été arraché à son nid douillet, puis le recouvrit d'une couverture chaude. Elizabeth lui chuchota des mots doux et, comme si l'enfant reconnaissait sa voix, il leva la tête et cligna lentement ses petits yeux boursouflés. Il fit un petit son, similaire à un miaulement.
-'Joyeux anniversaire, mon chaton.' Murmura-t-elle tendrement, la gorge serrée d'émotion. 'Tu étais si attendu.'
L'enfant chercha aussitôt à boire et Abby aida sa maitresse à détacher sa chemise afin de lui donner le sein. La pièce aurait pu exploser que Lizzie ne s'en serait pas rendu compte; soudainement, son monde ne se limitait plus qu'à ce petit être dans ses bras. Un puissant sentiment possessif s'empara d'elle et elle sut, dès cet instant, qu'elle ne laisserait pas l'histoire se répéter. Anne lui avait été enlevée dans les premières minutes suivant sa naissance, la dérobant ainsi de ces précieux moments fusionnels. Aujourd'hui, elle savait qu'elle ne laisserait rien ni personne lui enlever son droit, quitte à se battre jusqu'à la dernière goutte d'énergie qui lui restait.
Heureusement, elle n'eut pas à le faire. Mrs Yeats, voyant la nouvelle maman si protective de son bébé, lui laissa tout l'espace dont elle avait besoin. Puis, lorsque la pièce fut débarrassée de toute évidence de la naissance et qu'il fut temps pour elle de se laver et de se changer, Lizzie ne fit confiance qu'à Abby pour garder l'enfant dans ses bras pendant qu'elle laissait les femmes l'aider à être de nouveau présentable. Elle se laissa également convaincre de manger un peu avant de reprendre place dans son lit fraichement fait, puis les femmes quittèrent la chambre pour la laisser se reposer.
Elle était dos à la porte et admirait les traits de son nouveau-né lorsque Darcy revint de son rendez-vous avec M. O'Shee. Il entra dans la pièce en sifflotant et prit place sur une chaise près du feu afin d'enlever ses bottes.
-'J'aurais aimé que tu puisses voir les cottages, Lizzie.' Lui dit-il, visiblement satisfait. 'Une finition en toute simplicité, mais si bien exécutée. M. O'Shee était très fier.'
Elle ne répondit pas, mais cela n'empêcha pas son époux de poursuivre la conversation.
-'Les chantiers vont plus vite que je ne le pensais. À ce rythme, tous les sinistrés auront bientôt retrouvé le confort d'une maison. Moi qui m'inquiétais que ce ne soit pas terminé avant l'automne, il se pourrait bien que nous finissions à temps.'
-'Je suis contente que tu sois satisfait des efforts de M. O'Shee.'
Remarquant son ton calme et doux, il se tourna vers elle et fronça les sourcils. 'Ai-je interrompu ton sommeil? Tu me sembles fatiguée.'
-'Un peu, mais non, tu ne m'as pas réveillée.'
-'Qu'a dit Mrs Yeats?
-'Hm?'
-'Mrs Yeats. Ne devait-elle pas passer cet après-midi pour vérifier ton état?'
Elizabeth, dont le cœur palpitait de bonheur, ne lui fit pas face encore: 'Nous n'aurons plus besoin de Mrs Yeats.'
-'Pourquoi? Je croyais que vous vous entendiez bien.'
-'En effet, nous nous entendons très bien. Cependant, ses services ne seront plus nécessaires.'
L'enfant fit un petit bruit dans son sommeil et Darcy se figea instantanément.
-'Lizzie?' Il se leva lentement afin de s'avancer vers le lit et ses yeux s'agrandirent sous l'effet de la surprise en voyant le bébé emmailloté aux côtés de sa femme. 'Oh, Lizzie…'
Il vint s'asseoir près d'eux, repoussant doucement les couvertures pour mieux observer son visage.
-'Comment est-ce possible?' murmura-t-il, abasourdi. 'Pourquoi ne m'a-t-on rien dit?'
-'J'avais un tel souvenir de la douleur de l'enfantement que je n'ai pas su la reconnaitre réellement avant qu'il ne soit prêt à venir au monde.' Répondit-elle avec affection, caressant la joue rebondie de leur enfant. 'Il est arrivé tout en douceur.'
-'Il? C'est un garçon?'
Elle hocha la tête, un grand sourire aux lèvres. 'Oui…ton héritier.'
Darcy prit son fils dans ses bras, déjà subjugué par ce petit être aux cheveux pâles. Il posa un baiser sur son front et, les yeux humides, sourit à son tour.
-'Notre héritier.' La corrigea-t-il sous son souffle. 'Bennet Fitzwilliam Darcy, l'héritier de Pemberley.'
(-*-)
Enfinnnnnn, il est né! J'espère que ce chapitre vous a plu, j'ai bien aimé l'écrire, même si je dois avouer avoir recommencé au moins trois fois haha merci à Aurore pour son aide dans ce casse-tête!
Je ne peux promettre la suite rapidement puisque j'ai beaucoup de travaux à remettre dans les prochaines semaines, mais je peux par contre vous assurer qu'elle sera là avant Noël. Ça semble très loin comme date, je sais, mais je préfère être prudente plutôt que de vous faire de faux espoirs.
Merci à tous et toutes celles qui laissent des reviews, j'apprécie toujours savoir ce que vous pensez de mon histoire et si vous avez des questions, n'hésitez pas, il faut seulement s'assurer que je puisse vous répondre (soit en vous connectant pour que je puisse vous répondre en privé ou en laissant un nom pour que je puisse m'adresser à vous dans les notes de bas de page comme je le fais présentement).
Tantine : M. O'Shee est le cousin de Vivianne, ils n'ont jamais été un couple. Kitty pensait tout d'abord qu'ils étaient amoureux, avant de connaître le lien qui les unissaient. Ils ont grandis ensemble alors se considèrent plutôt comme des frères et sœurs : )
Dorlote : Oui, M. Parker est retourné à Londres (enfin, je crois l'avoir mentionné à quelque part!). Il n'a pas été oublié, t'inquiètes ; )
En ce qui concerne Edwina, il faudra un peu plus de patience pour savoir!
