Chapitre 2
Fort heureusement pour le détective d'Osaka, ses relations avec le commissaire Maigret lui avaient évité les formalités d'usage qui auraient du suivre la remise du tueur en série aux autorités… Et le moins qu'on puisse dire, c'est que Heiji Hattori était loin de s'en plaindre… Le criminel avait un casier judiciaire suffisamment chargé pour passer le restant de ses jours à l'ombre, et le fils du préfet de police d'Osaka aurait détesté devoir perdre son temps à faire une déposition inutile qui aurait pu prolonger son séjour à la capitale plus qu'il n'était nécessaire à présent qu'il était assuré que l'état de santé de son collègue n'avait plus rien de préoccupant…
Celle qui avait été à un cheveu de figurer en bas de la liste sanglante des multiples victimes du meurtrier semblait également apprécier d'éviter de passer plus de temps qu'il n'était nécessaire dans un commissariat de police, elle aurait détesté être confrontée à des question auxquelles elle n'aurait guère voulu répondre…
Son sauveur n'avait pas manqué de le remarquer, tout comme il n'avait pas manqué de remarquer qu'elle ne semblait pas s'être tout à fait remise de son face à face avec la mort…
C'était on ne peut plus visible aux multiples coups d'oeils inquiets que la jeune femme jetait autour d'elle, tout comme à la manière dont elle s'efforçait de se dissimuler dans l'ombre du bâtiment qu'ils venaient de quitter, comme si elle souhaitait qu'elle l'absorbe et la rende invisible au monde extérieur…
L'étrange comportement de l'inconnue n'avait a priori rien d'étonnant pour le détective étant donné ce qu'elle venait de vivre, ce qui l'était en revanche c'était son silence obstiné devant la proposition qu'il lui avait faite de la raccompagner chez elle…
Shiho Miyano ne se sentait guère en état de parcourir seule les quelques rues la séparant du domicile de son tuteur, mais elle préférait éviter autant que possible de révéler son adresse au collègue de Kudo… Si elle le faisait, il y avait de forte chance pour qu'il découvre sa véritable identité avant de se faire une joie d'annoncer à son ami qu'un antidote à son état existait… Avant de remettre l'antidote au détective, la scientifique préférait s'assurer qu'il comprendrait bien les risques qu'il prendrait en l'absorbant tout de suite, et la mise en scène qu'elle avait prévu pour cela tomberait à l'eau si son sauveur mettait le nez dans une affaire qui ne le concernait pas…
Elle ne tenait pas à mourir de la main de ses collègues à cause de la stupidité de l'autre détective qui l'avait sauvé, quelques semaines seulement après avoir évité ce sort funeste de justesse…
Heiji de son côté avait maintenant d'autre soucis en tête que les hésitations de la jeune femme… Des problèmes qui se présentèrent sous la forme d'une lycéenne qui le scrutait d'un regard aussi noir que l'étaient ses cheveux noués dans son dos en une natte…
« Je vois, il suffit que je tourne le dos à peine une heure et monsieur fait déjà des siennes… Je me doutais bien qu'il y avait quelque chose de louche derrière cette soi-disant affaire qui t'était tombé dessus… »
Le détective d'Osaka se passa la main sur la figure avant de fixer son amie d'enfance d'un regard qui n'avait rien à envier au sien.
« Mais qu'est ce qui m'as pris de te passer un coup de fil pour te prévenir… Je me doutais pourtant bien de la manière dont ça se finirait… »
« Oh que oui, tu te douterais bien que ton amie d'enfance ne fermerait pas les yeux devant tes frasques… »
« Mes frasques ? Et peut-on savoir de quelle frasque je suis censé être coupable ? »
Pour toute réponse, la lycéenne désigna sa rivale, qui faisait apparemment tout son possible pour échapper à ses foudres puisqu'elle avait commencé à s'éloigner discrètement tout en baissant la tête pour ne pas qu'on remarque son visage.
« Elle ? Eh bien quoi ? Si tu veux tout savoir, je viens de lui sauver la vie alors qu'un criminel s'apprêtait à la tuer… »
« Mais oui, c'est ça… Monsieur est toujours là pour jouer les chevaliers portant secours aux demoiselles en détresse… Franchement tu n'as pas d'excuse moins pitoyable à me donner ? »
Heiji serra le poing en se retenant de l'envoyer percuter le mur du commissariat.
« Non mais… Je rêve ou est ce que tu es en train de m'accuser de profiter de notre journée à Tokyo pour jouer les dragueurs ? »
« Tel que je te connais, ce serait tout à fait ton genre. Si tes parents savaient ça… »
« Non mais je vous jure… Bon, et quand bien même ce serait le cas, en quoi ça te concernerait ? Que je sache, tu es mon amie d'enfance pas ma petite amie, tu viens de le dire à l'instant... »
Kazuha se mit à rougir comme une pivoine devant le détective.
« Comme si je voulais être ta petite amie… Qui voudrait être la petite amie de quelqu'un comme toi de toutes façons ? Un imbécile… »
« Eh… »
« ..doublé d'un obsédé… »
« EH ! »
« … qui trouve toujours le moyen de se mettre en danger parce qu'il est trop bête pour écouter celle qui tient à lui… »
« Si tu tiens vraiment à moi, alors arrête de te mêler de mes affaires à tort et à travers… Si je finis par me mettre en danger, ce sera parce que je serais trop énervé par tes jérémiades pour éviter les problèmes que je n'aurais eu aucun mal à résoudre si tu n'avais pas mis ton nez dedans ! »
Cette fois, ce n'était pas la gêne mais la colère qui était à mettre sur le compte du teint de la jeune fille.
« Très bien puisque tu le prend comme ça, je suppose que je n'ai plus aucune raison de te parler jusqu'à la fin de ma vie ! »
« Cela me convient très bien, je n'en ai plus aucune moi non plus ! »
« Cela me fera des vacances de ne plus avoir à te supporter ! »
« C'est réciproque ! »
« Et tu devras passer le reste de la journée seule jusqu'au départ de notre avion ! »
« Je ne pouvais pas demander mieux, de toutes façon ! »
Agrippant le bras de Shiho sans lui laisser le temps de protester, le détective tourna les talons avant de s'éloigner.
« Non mais… Tu crois vraiment que je vais laisser passer ça sans rien dire ? Où est ce que tu comptes aller avec…elle ? »
« Je compte la raccompagner chez elle, ça te pose problème ? Et en quoi ça devrait de toutes façons puisque tu étais censé ne plus me parler jusqu'à la fin de ma vie ? »
« Mais rassure-toi, je compte bien ne plus jamais te parler après ça ! »
« Tu es en train de le faire, je te rappelle… »
Kazuha se retourna avec un reniflement irrité sans plus adresser la parole à celui qui s'éloignait.
Le détective et la chimiste demeurèrent silencieux plusieurs minutes avant que l'un d'eux ne se décide à s'adresser à l'autre.
« Est ce que je pourrais au moins savoir où tu m'emmène ? Tu ne connais même pas mon adresse au cas où tu l'aurais oublié… »
Heiji s'interrompit brusquement devant la remarque frappée au coin du bon sens de la scientifique. Emporté par l'irritation qui avait résulté de l'énième dispute qu'il venait d'avoir avec Kazuha, il avait négligé ce léger détail.
« Oh… Bon et bien, dans ce cas, donne la moi…. »
« Je n'ai aucune adresse à te donner dans cette ville… Je n'y reste qu'une seule journée, dès ce soir je prendrais l'avion pour quitter le pays… »
Avec un peu de chance, il goberait son mensonge et la laisserait s'en aller au plus vite
« Je vois… Dans ce cas, je suppose que je devrais rester auprès de toi jusqu'au départ de ton avion… »
La chimiste écarquilla légèrement les yeux.
« Pardon ? »
« Pour ce que je peux en voir, tu ne t'es pas encore tout à fait remis de ce qui est arrivé, alors je suppose que tu préférerais ne pas rester seule jusqu'à ton départ, non ? »
Shiho soupira en se retournant pour éviter le regard interrogateur du détective. Etant donné qu'elle pouvait difficilement dissimuler la peur insidieuse qui la rongeait à l'idée de croiser un de ses ex-collègues dans la rue avec son apparence actuelle, elle allait avoir du mal à le convaincre qu'il se trompait.
Quelle excuse allait-elle pouvoir lui donner pour décliner sa proposition ? Tandis qu'elle réfléchissait à la question, elle croisa le regard que lui renvoyait son reflet dans la vitrine d'une boutique de vêtements… Et pour la première fois depuis des mois, c'était un reflet qu'elle pouvait vraiment reconnaître comme étant le sien… Un reflet qu'elle croyait parfois ne plus jamais pouvoir admirer un jour… S'abandonnant à la fascination qu'exerçait sur elle ce visage familier, la chimiste demeura figée devant la vitrine pendant plusieurs minutes à fixer cette jeune femme qui se regardait elle-même d'un air mélancolique. Mais elle s'arracha brutalement à sa rêverie dès qu'elle s'aperçût qu'il y avait une seconde personne qui semblait s'intéresser à ce visage.
« On peut savoir ce que ce visage a de si fascinant pour toi ? »
Heiji détourna son regard face au ton inquisiteur de la jeune femme.
« C'est à moi de te demander ça… Ca fait plusieurs minutes que je te vois faire des yeux de merlan frit à ton propre reflet et je commençais à me demander ce qu'il pouvait avoir de si intriguant… »
Shiho demeura silencieuse plusieurs autres minutes avant qu'un murmure presque inaudible ne s'échappe de ses lèvres entrouvertes.
« C'est juste que parfois…et même souvent, ces derniers temps… j'ai du mal à me reconnaître dans mon propre miroir…Comme si la personne qui était de l'autre côté était une inconnue… Une inconnue que je suis incapable de comprendre…Une inconnue qui porte un nom qui n'est pas le mien… »
« Je vois… d'ailleurs, tu ne m'as toujours pas dit ton nom… »
« Et pourquoi est ce que je devrais le faire ? Après ce soir, nous ne nous reverrons sans doute jamais plus… »
« Oui… Après tout, dès le moment où j'aurais remis cet antidote à Kudo, je n'aurais plus aucune raison de rester auprès de lui et il n'aura plus aucune raison de me protéger comme il l'a fait… Et Shiho Miyano n'a aucune raison de rester auprès de ceux qui ont recueillis la petite Haibara… Tout ce qu'elle pourrait leur apporter, c'est de les mettre en danger…Oui vraiment, dès demain je ne reverrais sans doute plus aucun détective jusqu'à la fin de ma vie… Ce sera mieux ainsi… Ran cessera d'être seule sans son petit ami… Cette jeune fille qui ressemble tellement à m sœur sera heureuse… Ma sœur…Et maintenant que tu n'es plus là grande sœur, qu'est ce qui va me rester maintenant ? Qui est ce qui va me rester maintenant ? Qui ? »
Levant doucement ses yeux attristés, elle croisa le regard intrigué de celui qui était derrière elle.
« Dis moi, monsieur le détective… Cette lycéenne que nous avons croisée tout à l'heure…Qu'est ce qu'elle est pour toi ? »
Heiji détourna son regard en s'efforçant de dissimuler sa gêne derrière un air légèrement irrité.
« Kazuha? Ca ne se voyait pas ? C'est une amie d'enfance un peu énervante, rien de plus… »
« Rien de plus, vraiment ? »
« Bien sûr que non… Qu'est ce que tu voudrais qu'elle soit d'autre pour moi ? C'est juste un boulet que je traîne derrière moi et dont je n'arrive pas à me débarrasser… Une idiote qui passe son temps à me mettre des bâtons dans les roues au lieu de me laisser mener tranquillement mes enquêtes parce qu'elle passe son temps à s'inquiéter des dangers qu'elles me feraient courir… Une demeurée qui n'arrive pas à comprendre que, si je fait tout mon possible pour l'en tenir à l'écart, c'est parce que je ne voudrait pas la mettre en danger, elle… »
« Tu n'as pas déployé beaucoup d'effort pour ça pour ce que j'en ait vu… Puisqu'elle continue de te coller aux basques… »
Le détective d'Osaka poussa un grognement d'irritation.
« Si je me décidais à vraiment convaincre cette idiote de me laisser mener ma carrière en paix, elle serait persuadé que je fais ça parce que je la déteste alors… »
« Et si tu renonçais tout simplement à jouer les détectives ? Elle cesserait de s'inquiéter pour toi et de te harceler, non ? »
« Renoncer à ma vocation pour ça ? Non mais pour qui est ce que tu me prends ? Je veux bien être bon mais pas poire quand même ! »
« Mais si tu le faisais, elle cesserait de se faire un sang d'encre pour toi et tu cesserais de la faire souffrir, non ?
Heiji garda un silence obstiné face à la question de la scientifique. Kazuha lui avait plus ou moins dit la même chose, de manière bien moins directe il est vrai… Pourquoi est ce qu'elle ne pouvait pas le comprendre après l'avoir fréquenté toutes ces années ? Il ne pouvait pas plus renoncer à sa carrière de détective qu'à sa passion pour le Kendo… Ces deux passions étaient une part essentielle de sa vie, il aurait préféré se mutiler que de renoncer à l'une d'entre elle, ou pire, aux deux… D'ailleurs, renoncer à l'une d'entre elles revenait à se mutiler pour lui…
« Je vois… Ce n'est effectivement rien d'autre qu'une amie d'enfance pour toi… Sinon, tu aurais renoncé à ta passion pour elle… »
« Exactement… Ce n'est qu'une amie d'enfance et rien de plus…Rien de plus… »
Mais ces mots sonnaient faux à ses propres oreilles comme à celles de son interlocutrice. Il ne l'aurait admis devant personne, mais il était forcé de reconnaître, au fond de lui, que Kazuha était également une partie intégrante de sa vie… Et même si ses continuelles jérémiades et réprimandes lui tapaient sur les nerfs au point de le rendre fou, les rares fois où ils avaient pu passer quelques jours de tranquillités sans les entendre… Au départ, il en avait ressenti du soulagement mais à la fin, il ressentait un vide en lui, comme si quelque chose lui manquait pour que sa vie se déroule de manière normale… Oui, renoncer à la présence de Kazuha aurait été aussi dur pour lui que de renoncer à sa passion des enquêtes, alors il était bien obligé de faire de son mieux pour concilier les deux… Alors pourquoi cette idiote refusait-elle de le comprendre ?
« Décidément, les détectives sont tous les mêmes, à l'Est comme à l'Ouest…C'est désespérant… »
Heiji se retourna vers celle qui lui adressait un sourire mi-sarcastique, mi-désabusé.
« Qu'est ce que tu veux dire par là ? »
« Que c'est parfaitement visible que ce n'est pas une amie d'enfance pour toi, alors qu'est ce que tu attends pour en faire autre chose ? Je suis certaine que ça lui déplaira moins qu'elle ne veut l'admettre… Tu ferais mieux de le faire tant que tu en as l'occasion, tu sais… »
Faire de Kazuha…sa petite amie ? Et puis quoi encore ! Elle était déjà irritante en tant qu'amie d'enfance trop collante à son goût alors en tant que petite amie.. Il n'y avait aucune chance pour qu'elle lui laisse un moment de libre pour ses enquêtes… Et de toutes façons, il ne voulait pas voir Kazuha comme une petite amie possible… Il ne pouvait pas… Il ne le pouvait pas ou il ne le voulait pas ?
Il balaya ses doutes par un soupir.
« Je te l'ai dit… Ce n'est qu'une amie d'enfance et ce ne sera jamais rien de plus… C'est si dur que ça à admettre ? »
Bien, elle pouvait donc officiellement le reconnaître, il existait au moins un détective sur terre qui était encore plus borné et stupide que Kudo… Au moins ce dernier avait-il une excuse valable pour ne pas avoir déclaré ses véritables sentiments à sa petite amie mais cet imbécile là… Cet imbécile qui prenait un malin plaisir à dédaigner ce qu'il avait à sa disposition alors qu'on le lui avait toujours refusé à elle… Etre heureux auprès de la personne qu'il aimait… Cet imbécile à qui elle avait envie d'ouvrir les yeux tout en lui donnant une leçon…
« Je vois… Eh bien dans ce cas… »
Sans perdre de temps, la chimiste se rapprocha du détective interloqué par l'expression gourmande de son regard avant de l'embrasser avec fougue. Heiji la repoussa mais il ne le fit qu'après un temps trop long pour que le plus indulgent des témoins déclare que la victime de ce baiser volé n'était en aucune façon consentante…
« Non mais… On peut savoir ce qui te prend d'un seul coup! »
« Eh bien quoi ? J'exprime ma gratitude vis-à-vis de celui qui m'a sauvé, quoi de plus naturel ? Et de toutes façon en quoi ça devrait te poser problème ? Il n'y a qu'une amie d'enfance pour s'interposer entre nous… Une amie d'enfance et rien de plus, non ? »
La petite lueur d'amusement qui brillait au fond du regard faussement innocent de la chimiste ne passa pas inaperçu aux yeux du détective pris au piège de ses propres paroles.
« D'ailleurs pourquoi nous en tenir là ? Ca ne me déplaira pas d'aller un peu plus loin pour t'exprimer ma reconnaissance…. »
« Qu'est ce que tu veux dire par là ? »
Il le savait très bien mais il faisait tout son possible pour refouler cette pensée.
« Une nuit n'as jamais tué qui que ce soit… Pas plus qu'une après midi, si tu vois ce que je veux dire… »
Le teint du détective devint brusquement plus mat qu'il ne l'était déjà.
« Je ne suis pas celui que tu crois… »
Le sourire narquois de la chimiste s'élargit.
« En temps normal, c'est la demoiselle qui dit ça au garçon et pas l'inverse… Qu'est ce qui te gène, monsieur le détective ? Tu veux te garder pur pour ta nuit de noce avec ton « amie d'enfance » ? »
Heiji tressaillit à la provocation de la chimiste mais il s'efforça de garder son calme.
« C'est une « amie d'enfance » comme tu dit, pas ma future femme, donc je n'ai aucune raison… »
« …de ne pas avoir une petite aventure, non ? Dans la mesure où je disparaîtrais de ta vie dès ce soir et que ce sera réciproque, je ne risque pas de m'immiscer dans tes précieuses petites enquêtes et je suis libre comme l'air. Comme c'est censé être ton cas, non ? A moins que tu ne préfèrerais que ce soit un garçon qui te fasse ce genre de proposition… »
Le malheureux détective manqua de défaillir lorsqu'il entendit la dernière phrase.
« D'ailleurs, si c'est le cas, je verrais bien un de tes collègues dans ce rôle… Comment s'appelle-t-il déjà ? Ah oui Shinichi Kudo… Oui vous seriez parfaits ensemble, vous êtes fait l'un pour l'autre… »
Shiho savoura avec un plaisir non dissimulé l'expression horrifié qui reflétait sur le visage du détective l'image mentale que ses paroles avaient fait naître dans son esprit.
« Oh, ne prends pas cet air effarouché… Il n'y a pas de quoi en avoir honte… Et vous formeriez un couple des plus charmants, je trouve… »
« Arrête ce genre d'insinuation tout de suite ! Il n'y a rien de ce genre entre Kudo et moi… Et je ne suis pas…du genre à avoir…ce genre de relation…avec un garçon…»
« Quel genre de relation ? »
« Ne joues pas les innocentes, c'est toi qui a mis ça sur le tapis ! »
La chimiste adressa un petit sourire indulgent à son nouveau souffre-douleur sans se départir de son air amusé.
« Bien, bien… Donc, tu n'as aucune raison vraiment valable de décliner mon invitation, non ? »
Frissonnant autant aux paroles de son interlocutrice qu'à l'expression gourmande avec laquelle elle le scrutait, Heiji se mit à réfléchir à toute vitesse à l'excuse qu'il allait pouvoir lui donner pour décliner son offre. Mais force lui était de reconnaître que le trouble occasionné par le regard de son interlocutrice était loin de lui faciliter la tâche… Ce regard… Kazuha ne l'aurait jamais regardé ainsi et il préférait ne pas l'imaginer en train de le faire… Quoique… Ce n'était pas une idée si déplaisante que ça, même si elle était totalement surréaliste… Il ne pouvait pas imaginer son amie d'enfance se comporter ainsi… Il ne voulait pas de toutes façon… Ou peut-être que si… Non ! Il ne devait pas, ce n'était qu'une amie d'enfance et rien de plus… Oui, rien de plus… Et pourtant il aurait souhaité en cet instant pouvoir la voir comme quelque chose de plus, et d'en faire quelque chose de plus…
Se réjouissant visiblement du trouble de sa cible, la chimiste s'en rapprocha de nouveau avant de l'enlacer sans qu'il trouve la force de se défendre. Plongeant son regard de prédateur dans celui éberlué de sa proie, elle savoura encore quelques instants son embarras avant de lui murmurer doucement à l'oreille, tout en lui caressant les cheveux, les mots qui lui firent perdre définitivement ses moyens…
« Je plaisantais…Tu te sens mieux ? »
Lorsque quelques instants se furent écoulés, lui donnant le temps de se remettre de la plaisanterie cruelle de celle qu'il avait sauvé, Heiji serra le poing d'un air déterminé. Si elle croyait s'en tirer comme ça… Il allait prendre un malin plaisir à lui rendre la monnaie de sa pièce. Et ce, dès maintenant.
S'emparant du poignet de celle qui avait commencé à s'éloigner de lui, il la força de se retourner avant de l'embrasser à son tour.
La chimiste tressaillit face à la fougue de celui qui avait interverti avec elle les rôles de prédateur et de gibier mais elle ne fit rien pour s'arracher à son étreinte, au contraire, elle fit tout son possible pour qu'elle se prolonge…
Une fois que leurs lèvres se furent détachées, Heiji scruta la jeune femme d'un air amusé.
« Tu plaisantais, hein ? Dommage, j'étais à deux doigts d'accepter ta proposition… »
Shiho fixa son interlocuteur d'un air interloqué avant de reprendre son expression provocatrice.
« Eh bien, j'ai changé d'avis… Je renouvelle mon offre, et elle est à prendre au premier degré cette fois… »
Heiji écarquilla les yeux devant la lueur de défi qui avait illuminé ceux de son interlocutrice. Il ne s'attendait certainement pas à ce qu'elle reprenne la main dans ce petit jeu et il voyait difficilement comment il allait sortir de son propre piège à présent… Admettre enfin devant elle que Kazuha n'était pas une amie d'enfance ? Ou la pousser à se rétracter en faisant mine d'accepter réellement sa proposition ? Après tout, elle n'oserait pas aller jusqu'au bout… En tout cas, il espérait qu'elle n'oserait pas… Ou bien espérait-il en fait qu'elle le fasse ?
« Et si je te réponds cette fois que je serais tenté de l'accepter ? »
« Je te répliquerais qu'il y a un petit hôtel aux tarifs raisonnables pas très loin d'ici… Je t'y conduit ou bien.. ? »
Heiji s'efforça de déchiffrer une trace d'hésitation dans le visage énigmatique de celle qui attendait calmement sa réponse avec un sourire cynique. Malgré tout ses efforts, il fût incapable d'en déceler une… Et il fût également incapable de trouver une raison à lui fournir pour décliner son offre… En fait, à cet instant, il fût incapable de trouver la moindre raison pour qu'il puisse le faire…
« Je te suis… »
La chimiste conserva son expression énigmatique même si le sourire narquois qui plissait ses lèvres s'estompa. Sans ajouter un mot, elle passa son bras sous celui du détective avant de mettre sa menace à exécution et de l'emmener vers un hôtel situé quelques rues plus loin…
