Chapitre 8 : Cœur de Loup
Musiques écoutées : Pan's Labyrinth soundtrack - Ofelia - A Princess
Nouveau chapitre ! Je suis décidément sur une bonne lancée !
2013 – Manoir des Malfoy
Le garçon recommençait à le sentir. Sa respiration s'accélèra quand il enfouit son visage dans son cou.
« Tu sens… bon », l'entendit-il murmurer.
- Sila ! Viens dans le salon s'il-te-plait !
Scorpius entendit la voix de son père depuis la terrasse. Le garçon le lâcha et sortit du bosquet où ils s'étaient tous les deux cachés.
Scorpius courut à sa suite mais il fut arrêté par sa mère qui l'empêcha de rentrer dans le petit salon.
- Est-ce que Sila peut venir jouer ? demande le garçon, du haut de ses 7 ans.
- Sila se repose mon cœur, répondit doucement sa mère. Papa s'occupe de lui.
Il attendit qu'elle s'éloigne, un livre à la main et quand elle fut installée sur la chaise longue, il se faufila jusqu'au petit salon et entrouvrit la porte. Il savait qu'il n'avait pas le droit de rentrer quand son père occultait le garçon. Mais Sila refusait de lui dire quoique soit et ce n'était pas juste !
- Cela va t'aider, dit Drago en lui donnant une potion.
- Je ne suis pas normal.
- Tes résultats sont pourtant excellents.
- J'entends le sang parcourir vos veines, les battements de votre cœur… Je suis comme un chien qui deviendra fou une fois qu'il aura goûté au sang.
- Ne dis pas cela, dit doucement Drago en lui caressant les cheveux. Je suis très confiant. Crois-tu que je te laisserai auprès de Scorpius si j'avais le moindre doute ?
Drago prit des notes dans son carnet, et appliqua sa baguette sur les bras du garçon.
- Je soigne davantage tes craintes qu'une possible maladie, dit-il en posant un pendule sur son front. Que tu aies des sens plus développés que les nôtres n'a rien de surprenant. Cela ne fait pas de toi quelqu'un d'anormal.
- Je veux que vous fermiez la porte de ma chambre ce soir.
- Sila, il ne se passera rien ce soir …
- S'il vous plait. C'est la pleine lune. Fermez la porte !
1997 – Manoir des Malfoy
L'aube ne tarderait plus maintenant. Mais Scorpius avait refusé de rejoindre la chambre qu'on lui avait attribuée.
Il lui fallait rejoindre la vieille chapelle, abandonnée depuis tant d'années. Peut-être des siècles. Elle avait été construite quand les sorciers et les moldus ne formaient qu'une seule et même communauté. Pour ne pas éveiller les soupçons, les Malfoy avaient construit cette chapelle sur le terrain du manoir, à l'instar de tous les nobles anglais. Scorpius doutait qu'une seule messe n'est jamais été célébrée dans ces murs de pierre. Mais le bâtiment était solide et la porte de bois difficile à ouvrir.
Une grille épaisse en fermait la crypte. C'est là que Scorpius se rendait.
Il avait froid, le vent était glacial et humide. Il traversa le jardin nord, éclairé par la lune dont la lueur faiblissait à l'approche de l'aurore. Cet hiver sans neige n'en était pas moins féroce. Ses pieds s'enfonçaient dans le sol boueux, et le vent giflait son visage avant de faire frémir les arbres dans une danse sinistre. Il contourna la chapelle et atteint la grille de la crypte.
Il détestait cet endroit, il en avait toujours eu peur. Il n'avait jamais pu y rentrer, pas plus que les autres. Seul Dorian Nott avait eu assez de courage pour descendre. Dorian était toujours le plus courageux. Ils l'attendaient en haut des escaliers, tremblant, quand il était remonté en courant en disant qu'il avait vu un monstre et tous les enfants s'étaient enfuis en hurlant. C'était le temps des terribles jeux d'enfant.
Aujourd'hui, il serait un homme.
Une lourde chaîne et un cadenas scellait les barreaux. Le système de fermeture était peu élaboré mais la véritable crainte n'était pas que quelqu'un rentre, mais que quelque chose sorte.
Scorpius expira doucement, tentant d'ignorer la peur qui s'insinuait dans son ventre. Il déverrouilla le cadenas sans effort, d'un coup de baguette magique, retira la chaîne et tira sur la lourde grille qui grinça maladivement, en un cri plaintif qui résonnait sur la pierre froide.
Avant de descendre l'escalier, il prit soin de la refermer et de replacer la chaîne et le cadenas. Puis il descendit dans les ténèbres, portant sa baguette lumineuse devant son visage, le coeur battant. L'odeur de pourriture et d'humidité emplit ses narines, alors qu'il s'enfonçait sous terre. Il arriva dans une salle dont le plafond était soutenu par de larges colonnes.
"Sila ? appela-t-il à mi-voix." Mais aucune réponse ne lui parvint. Il battait l'obscurité de sa baguette. Son coeur tambourinait dans ses oreilles. Le bruit des gouttes d'eau tombant au sol et le trottinement des rats lui vrillaient les nerfs. Soudain, il vit quelque chose sur le sol à la lumière de sa baguette et plaqua sa main sur sa bouche pour étouffer un cri. Ce n'était qu'une gamelle posée à terre, mais dans laquelle reposait une masse sanguinolente. De la chair crue baignant dans une épaisse soupe de sang.
Scorpius dépassa ce qu'il prit pour un macabre festin, la main toujours sur sa bouche pour ne pas souiller les lieux. Il fit deux mètres de plus quand il l'aperçut.
Sila était là, assoupi sur une paillasse installé contre la pierre. Ses cheveux noirs trop longs, cachaient son visage. Il était emmitouflé dans une épaisse fourrure et dormait paisiblement, ne semblant pas souffrir du froid alors que Scorpius se retenait de claquer des dents.
- Sila dit-il en se penchant sur lui, mais le garçon dormait profondément. "Sila dit-il un peu plus fort, en tendant une main vers le garçon mais soudain il lui attrapa les doigts et Malfoy cria, portant sa baguette à son visage. Les grands yeux bleus le reconnurent et Sila le lâcha.
- C'est toi ! Ne me fais plus jamais peur comme ça, j'ai failli te briser la main!
Scorpius se massait les doigts. Il connaissait la force du garçon et il était conscient qu'il avait de la chance d'avoir les phalanges toujours intactes.
- Je t'ai appelé plusieurs fois, je n'ai jamais vu quelqu'un avoir le sommeil aussi lourd. Passe-moi de la paille, il fait trop froid ici.
Sila n'avait pas pu garder sa baguette contrairement à Scorpius, et ils s'activèrent pour préparer un petit foyer de paille et de brindilles entouré de pierre.
- Je suis venu dès que j'ai su que tu étais là, dit-Scorpius en s'asseyant près du petit fagot avant d'y mettre le feu.
- Qui te l'a dit ? demanda Sila. Il avait mis une de ses fourrures autour de Scorpius avant de poser une épaisse peau de bête sur ses propres épaules et se s'asseoir face à lui devant le feu.
- Severus Rogue. Il vient de passer la nuit à me transformer la cervelle en ratatouille. Mais au moins nous savons que le sort de Dumbledore résiste aux attaques.
- C'est déjà ça, murmura le garçon sans conviction.
- Sila, pourquoi es-tu ici ? Pourquoi n'as-tu pas été enfermé dans les caves du manoir avec moi et les autres prisonniers ?
Le jeune homme passa une main dans ses cheveux noirs, dévoilant un beau visage aux traits hauts et aiguisés.
- Dès qu'ils m'ont capturé, ils m'ont amené ici et m'ont mis au régime carnivore.
- Qui ?
- Les loups-garous, dit Sila sans émotion. Les Voraces dirigés par Fenrir... Ils… l'ont senti.
- C'est impossible, chuchota Scorpius en secouant la tête.
Sila eut claquement de langue sec.
- On croirait entendre ton père. Toi aussi tu refuses de me croire ! Mais je sais ce que je ressens Scorpius, je l'ai toujours senti. La lycanthropie est une malédiction qui dort en moi et ils le savent. Ils ont senti le loup.
Scorpius refusait de croire cela. La lycanthropie était une maladie transmise par un porteur et uniquement par morsure, non une malédiction. La génétique n'avait pas d'influence si ce n'était en un développement de certains dons. Ces hommes étaient aussi fous que les Mangemorts avec leur idéologie funeste. Fous et dangereux. Il connaissait Sila. Il n'avait pas peur de lui.
- Admettons, dit-il. Et maintenant ?
- Les loups-garous ont leur propre hiérarchie et leurs Sang-purs, expliqua Sila en observant le feu qui léchait le maigre bois. Ils espèrent que mon instinct se réveillera et que je me métamorphoserais sans même avoir été mordu. Et cette instinct est appelé par le sang. D'où ce délicieux repas, que je ne mangerai pas.
Scorpius le savait pourtant tiraillé par la faim, à la façon dont il serrait son bras autour de son ventre et regardait avec un mélange de dégoût et de désir cette assiette immonde.
- On peut peut-être améliorer ton repas, dit-il en se levant et en s'approchant du plat sans montrant sa propre aversion. A y regarder de plus prêt, la viande, épaisse et large, était fraîche. Il prit l'assiette, prenant soin de ne pas renverser de sang et l'amena vers le feu. "Cuite, elle doit être délicieuse. Même moi j'en mangerai une tranche. Qu'est ce que c'est ? Du chevreuil ?
- Ils m'ont dit que c'était de la biche, dit-Sila d'un air méfiant. Mais à la façon dont ils ont ri de leur blague, je n'y toucherai, même si tu me fais le meilleur plat en sauce.
Scorpius resta interdit, les mains soutenant le plat, le visage pâle.
- Tu penses... que c'est de l'Homme ? demanda-t-il d'une voix faiblarde qui ne lui ressemblait pas.
Sila secoua la tête, sombrement.
- De la femme.
Scorpius eu un petit rire, mais il se transforma en hoquet de dégoût, et il sentit ses genoux se dérober. Il posa maladroite la gamelle, éclaboussant le sol de sang, et s'assit sur la pierre, les mains tremblantes. Il entendit la voix de Sila près de son oreille, avant de comprendre que celui-ci l'avait accompagné dans sa chute et était assis à côté de lui.
- Je suis désolé Sila, dit-il les larmes aux yeux, sentant le garçon lui caresser le dos pour le réconforter.
- Tu n'y es pour rien.
- Bien sûr que si, c'est de ma faute si tu es ici. Il n'y aurait dû y avoir que moi !
- Tu étais à traîne, je voulais te sauver.
- Tu n'aurais pas dû venir me chercher. Je ne parvenais pas à vous suivre alors j'ai voulu les lancer à ma poursuite. C'était mon plan stupide. Tu ne devrais pas être là !
Il entendit Sila soupirer.
- Pourquoi tu n'arrivais pas à nous suivre?
Scorpius leva les yeux vers Sila, indécis et le garçon insista.
- On a été élevé ensemble Scorpius, tu cours plus vite que moi. Une vraie gazelle. Et là, même ce couillon de Weasley t'as mis dans le vent.
- J'ai été blessé, dit Scorpius qui n'avait aucune envie de s'étendre sur le sujet. Je pensais être guéri, mais en courant, ma jambe a commencé à me lâcher.
Sila émit un petit sifflement, serrant les dents.
- Quand … ? demanda-t-il, en une colère froide résonnait dans le timbre de sa voix.
- C'est sans importance, dit-Scorpius en se rapprochant du feu pour mieux s'éloigner du sujet. " Mais contrairement à moi, ton nom n'est pas inscrit sur ton visage. Ils ne savent pas qui tu es. Et à part à Rogue, je n'ai pas mentionné ton nom. Il faut que tu parviennes à t'enfuir !"
Sila se leva, outré.
- Que je parte sans toi ? Tu n'es pas sérieux ?
- Je ne suis pas en danger.
Sila eut un rire sinistre.
- Tu crois cela ? J'ai entendu Greyback parler de toi.
Scorpius ouvrit la bouche puis la referma, observant son ami. Il se sentit terriblement triste pour lui. Cette expérience était décidément d'une cruauté sans fin.
- Tu l'as rencontré ? murmura-t-il et Sila acquiesça doucement, baissant la tête pour dissimuler son regard de ses cheveux, les épaules affaissées. "Et alors ?"
Le garçon releva la tête, retrouvant une allure presque princière. Il parcourut les ténèbres de la crypte de ses yeux bleus sombre, sa respiration profonde et lente. Seule la pression de sa mâchoire trahissait sa colère. Sa voix glaciale résonna dans l'ombre.
- Je suis content de ressembler à ma mère."
Scorpius hocha doucement la tête mais ne dit rien. Il n'osa pas lui dire qu'il lui ressemblait aussi, qu'ils avaient une odeur similaire, que lorsque Greyback s'était approché de lui, il avait senti la présence de Sila. Il ne voulait pas lui faire de mal. Sila le sortit de ses pensées.
"Je ne sais pas ce que tu as fait, mais il veut te déchirer la gorge.
- Voldemort ne le laissera pas faire.
- Tu comptes sérieusement sur Voldemort pour te sauver ?
L'idée semblait ironique mais en rien stupide. Le Seigneur des Ténébres semblait l'apprécier, il ne laisserait pas un sous-fifre toucher à l'un de ses jouets, n'est-ce-pas ? Scorpius grimaça à cette pensée.
- Je n'en sais rien. Ecoute, le jour se lève, je dois rentrer au manoir. Mais ce qui est sûr c'est que tu dois partir d'ici, dès aujourd'hui ! Je trouverai un moyen.
- Je ne te laisserai pas seul ici ! s'insurgea Sila en le regardant comme s'il avait perdu la tête.
- Tu ne peux pas m'aider ! s'énerva Scorpius. Tu es plus un boulet qu'autre chose. Dehors, tu pourras être utile, tu pourrais même retrouver Rose.
- Il n'y a rien de sérieux entre Rose et moi !
Mais le rouge colorait ses joues et Scorpius leva les yeux au ciel devant ce pitoyable déni.
- Soit, tu lui expliqueras ça toi-même. Mais saisis ta chance ! Moi, je suis démasqué, je peux plus partir sans mettre ma famille en danger.
C'était vrai, il était piégé à présent.
- Et si tu ne survis pas ? dit-Sila, désespéré. Tu y as pensé ? Je ne pourrais jamais affronter ton père sachant que je t'ai laissé !
Scorpius leva ses poings serrés, il avait envie de hurler de colère.
- Alors reste ! Reste donc et ils te garderont ici pour toujours en te gavant de cadavres !
Il avait crié et l'écho sa voix le fit frissonner. Il s'approcha de son ami et se mit à genoux devant lui pour lui prendre la main. " Tu ne comprends pas Sila ? s'ils décident que tu es l'un des leurs, tu auras enfin une vraie raison d'avoir peur de la pleine lune."
Sila ferma doucement les yeux et Scorpius sut qu'il l'avait touché en plein coeur, là où résidait depuis si longtemps sa peur de devenir autre chose que lui-même, la peur que cette chose prenne possession de lui à tout jamais. Scorpius passa ses bras autour de son cou et le serra contre lui, agrippant son corps de ses doigts frêle. Il le serrait pour lui rappeler tout ce qu'ils étaient l'un pour l'autre, il le serrait aussi car, bientôt, lui aussi le laisserait seul. Des bras puissants le berçaient et ils restèrent ainsi jusqu'à ce que la colère de l'un et de l'autre s'estompent.
Scorpius finit par le lâcher, et lui redonna la fourrure qu'il lui avait prêtée.
"Je reviendrai avant la nuit, promit-il à son ami. En attendant je vais demander à Billow de t'apporter autre chose que de la viande crue."
Sila acquiesça et se rassit sur sa couchette de paille.
Scorpius regarda ce visage impassible encadré de longs cheveux noirs, ce corps élancé et robuste recouvert de ces peaux et de fourrures épaisses. Le petit feu se reflétait dans ses yeux et soudain Scorpius y vit le miroitement singulier des nyctalopes, de cette vision crépusculaire des êtres qui voient dans le noir. Il tressaillit d'horreur. Il avait vu le loup.
Son coeur se serra alors qu'un mélange de tristesse et de peur lui engourdissait les membres à chaque pas qui fit pour s'éloigner de son ami. Arrivé au bas des marches de la crypte, un son l'arrêta.
Dans l'ombre, il entendit un petit rire sinistre, puis la voix caverneuse de Sila qui perçait les ténèbres.
- Le monstre que Dorian a vu ce jour-là, … c'était peut-être moi.
Scorpius garda le silence, communiant avec l'obscurité, puis il remonta vers la lumière.
à suivre ...
Voilà ! Vous avez rencontré Sila.
Pour ceux qui connaissent "Désir et Jalousie", je n'ai pas pu résisté à l'envie de replacer Dorian Nott dans l'histoire.
Prochain chapitre vers la fin de la semaine. Cette fois nous retournons du côté d'Albus, James et les autres.
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