Qui es-tu?
Chapitre 2: Neige enivrante
Il n'était plus seul... Non, il avait remis sa confiance et son espoir entre les mains du sheikah. Il avait un ami au milieu de ce brouillard d'erreur et d'horreurs qui enserrait Hyrule.
Mais surtout, jamais il ne pensait qu'à partir de là, du milieu des cristaux, tant de bonheur découlerait, découlerait, puis le rattraperait comme de la neige en été ; immaculée, légère ! Eclaboussant de douceur, ravivante de fraîcheur, chue du ciel sur son être ; comme un crachin tendre et soudain. Une neige pour qui raviver la chaleur. (Peut-être que dans les sphères éloignées, Nayru souriait à Farore à cause de la joie qu'elle voulait donner...)
"À nouveau nos routes se croisent, Link..."
Les ciseaux lumineux irisaient de leurs faisceaux la peau basanée du sheikah glacial. Dans cet univers serein tout sonnait si bien ; l'hylien était sans voix face à la perfection d'un tel spectacle. C'est pour de tels instants que l'on continue à pousser sa vie sur le tracé du temps...
Mais son exaltation fut bien vite précipitée par les mots de son ami.
"Tu arrives trop tard, les Zoras ne sont pas ici... Voici ce qu'il en reste..."
De la glace. De partout comme une sentence impitoyable. Jusque dans la fontaine, de la glace irréelle. Enserrant les Zoras dans son sommeil froid, racontant encore les silences de l'horrible mort.
"Les Zoras sont prisonniers de cette vague de glace! Tous...sauf une..."
Au milieu du peuple aquatique amants des eaux magnifiques ; une seule rescapée, reine perdu, dévastée. Sous ses yeux un peuple périt. Parmi eux, déjà un père ; surement des amis.
"J'ai pu sauver la princesse des Zoras des glaces éternelles."
Princesse alors reine, et givrée de désespoir.
"Cette glace est le fruit d'un malédiction... Le monstre du temple de l'eau en est la source. Vivant, la glace ne pourra jamais fondre..."
Une horreur de plus ou de moins à présent...n'était rien d'autre qu'un dérisoire tourment. D'ici deux jours et sûrement moins, le Héros vaincrait la bête au court destin.
"Le temps file et emporte les hommes... Ainsi coule le fleuve et jamais ne s'arrête."
Les hommes et les êtres de toutes sortes, certes. Mais si Farore le permettait, Ruto, ton peuple il te rendrait... Pourquoi juger si tôt? Ignorait-il quelque chose encore? Pourquoi parlait Sheik comme si tout était déjà mort...?
"Un jeune esprit renferme un cœur ambitieux... Des amours légers cèdent à une passion profonde. Un miroir d'eau pure reflète la vie."
Ces mots le firent méditer longuement. Il avait beaucoup changé depuis Ghoma jusqu'à temple du temps. Mais après son sommeil, les choses étaient devenues vraiment étranges. Son esprit était constamment confus. Ne sachant jamais exactement comment raisonner et que penser, il confondait ses émotions et une multitude de désirs se bousculaient par une cohabitation anormale.
Dans son cœur, une chose était certaine, la violence n'avait jamais pu ternir sa confiance et sa volonté, et les plaisirs simples et innocents n'en prenaient que plus de saveur. Même s'ils étaient devenus très, très rares depuis quelques...combien déjà? Ca devait bien faire quelques mois à présent qu'il courait dans ce corps athlétique d'adulte. Mais Navi était là! Et puis il s'était fait des amis ; il y avait Malon, et puis Darunia, il avait pu revoir Saria même si ce n'était pas longtemps. Et puis, Ruto était vivante et puis la princesse Zelda.
À ce nom il fronça les sourcils. Impa avait dit qu'elle n'était pas en danger. Mais, ... si l'inquiétude persistait, des sentiments étranges et parfois aussi des sensations l'accompagnaient et cela lui causait toujours la même impression de folie. Et puis s'il essayer d'y réfléchir, une migraine violente s'abattait sur lui et le poursuivait jusqu'à lui faire lâcher prise. Pourquoi? Pourquoi souffrait-il autant simplement en pensant à son amie...?
Il se massa les yeux et chassa tout raisonnement avant que douleur ne surgisse.
"Écoute la Sérénade de l'Eau et contemple ton reflet."
La voix du sheikah amène entoura son esprit comme un voile de velours, et sa sérénité de toujours l'isola de ses peines.
Regardant sa main aux fins doigts bandés qui évoluait gracieusement entre les cordes sensibles de son instrument, il sortit le sien lentement et fermant ses yeux bleus limpides, l'effleura de ses lèvres pour suivre la mélodie apaisante de cette mystérieuse sérénade rassurante. Oh belle valse voluptueusement enivrante…
Tandis que les notes s'effaçaient dans l'air et qu'il accostait doucement, il se trouva brusquement réveillé par quatre mots qui s'étaient pourtant voulus discrets.
"Link... À très bientôt."
Derrière ses mèches dorées, son regard s'adoucit. Il était comme pétri de mélancolie. De sa bouche sortit un mot dont il ne pesa pas le sens.
"Non."
L'œil du sheikah s'agrandit imperceptiblement sous la surprise du refus d'un Héros. Ce qui permit à celui-ci de se rapprocher un tout petit peu sans qu'il n'y porte grande importance, volant dans cette proximité bien pauvre mais néanmoins gagnée un avant goût doux et rassurant de complicité.
"Ne pars pas," compléta enfin l'hylien paisible d'une voix ferme mais accueillante comme il se devait lors d'un échange entre hommes.
Enfin...plus ou moins si on ne comptait pas la magie, les noix mojos, les paradoxes temporels et d'autres détails.
Le sheikah sembla un instant déchiré, puis sa décision vint, froide et ferme. "La place d'une ombre n'est pas dans la lumière."
Le Héros releva la tête, un peu perdu dans tout ça. Entre ses lèvres il laissa échapper sa pensée: "Que veux-tu dire..."
"Le destin du Héros du Temps et d'accomplir seul sa quête, expliqua Sheik sentant les doutes qui pouvaient naître de ses mots trop vagues. Je t'ai apporté quelque chose à manger," ajouta-t-il soudain.
L'hylien fut profondément désarmé par le geste amical. Lui qui avait justement perdu sa pitance sur la route du domaine Zora... Quelle surprise de recevoir ce genre d'attention de la part du sheikah. Mais encore, il se souvint de trop peu connaître l'être taciturne qu'il considérait désormais comme son ami et il lui offrit un sourire exalté en recevant la petite besace bien sympathique.
"Merci, Sheik."
Mais une pensée rattrapa cruellement ses espoirs ; celui à qui le sheikah s'adressait était le Héros du Temps, et non à s'adressait au bras destiné à la force du courage, à l'épée de légende ; au salut d'Hyrule. Il y avait bien longtemps que Link n'existait plus, et il avait été stupide de ne pas le comprendre plus tôt.
Sheik se retira en quelques pas puis dans un flash lumineux, il redevint ombre en ce lieu et aux yeux, encore une fois.
La neige avait disparu éteignant la vision et laissant juste un vide glacial suivant la courte illusion.
Link était de nouveau seul.
Seulement maintenant il savait qu'il n'avait jamais cessé de l'être.
