Le temps de décliner les droits sur la chanson reprise ici ; laquelle est tirée de Une poussière de J.-J. Goldman
histoire que tout le monde soit content et qu'il n'y ait pas trop de morts, et nous voila repartis !


Chapitre 4: Comme tu veux

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Le cœur battant à mesure qu'à son insu, il violait un secret d'un gentil geste ingénu ; en dépit de quelques hésitations, pressé par la force des choses, il découvrit d'une main bouche et mâchoire finement ciselées.
Étonné d'une telle douceur dans ces courbes et traits, il n'oublia pas pour autant son but et s'occupa de la fine ossature blessée avant d'entreprendre d'ôter la combinaison sheikah pour bander les côtes qui avaient reçu le choc.
Il semblait...
Mais pour ce qu'il vit, ce fut déjà assez.
Il pouvait assurer désormais ce qu'il soupçonnait. Son idée se fit certaine, confortée par les faits ; il avait devant lui un sheikah non pas troubadour mais du moins trobairitz, et si en ces yeux de feu avait toujours brûlé de l'or, c'était la faute d'un sexe qui s'émouvait bien vite et souvent bien fort.
Il enserra bien fermement la taille nettement découpée, fit un nœud de fortune, tout cela sans bousculer...la blessée. Et lui remettant son habit, il réfléchit, ne pouvant quitter ce visage lisse basané sur lequel les paupières légères inconsciemment reposaient.

Sheik remua enfin, sous un ciel bleu. Un peu trop intense pour ne pas éveiller se curiosité.
Le personnage comprit alors qu'il n'était autre que les iris dilatés de Link attendri.
Une question alors fusa sans délai, et son regard descendit vers ses pieds ; l'être sentit les bandages sur son corps abîmé et frémi tout à coup paniqué.
Ce regard n'allait pas dans l'histoire ; il dépassait du détail dérisoire. Il parlait trop pour cacher l'évidence, avec une profondeur confirmant sa méfiance.
Sheik se releva sans considérer un seul instant le Héros qui voulait le rassurer. Peine perdue étant de l'en dissuader ; pas un mot n'ayant même été encore exprimé. Le temps pour Link de prononcer les siens: "Cela ne changera rien...", de répliquer empressement un murmure agacé: "Ton regard te contredit...", et l'ombre s'évapora dans la panique, au milieu d'un nuage de fumée.

Se relevant lentement l'esprit en voyage ; assimilant d'aucunes choses, s'interrogeant sur d'autres, et conscient de la fureur du sheikah, l'hylien espéra qu'il se laisserait un jour apaiser. Il aurait peut-être souhaité être désolé pour pouvoir le lui dire ; il aurait du moins voulu éprouver de la culpabilité, mais outre la gênante impression de s'être introduit par la force des choses dans de secrètes pénates, qu'elles le concernassent ou pas, il ne ressentait rien sinon qu'une petite déception face à la méfiance mise en évidence par le déguisement.

"Sheik..." Cette fois-ci le mot n'était guère souligné d'un sourire ; il traduisait, loin de l'heureuse expectative de retrouvailles, la crainte de leurs définitives funérailles.

Plus tard encore, son souvenir ne put s'altérer dans son esprit tandis qu'il arpentait le temple retors de l'ombre.

oOo

Illusions et déraison
Tel était le capital de ce temple peu banal
De pièges en énigmes,
Du jeu à l'épreuve,
Dénichant un mystérieux monocle
Puis les bottes d'Éole de leur socle,
Parcourant des dédales étroits comme les chemins de la vie
D'ombres en chimères, le Héros, un bateau immense, vit
Son 'dernier voyage' il y fit, rythmé par le cliquetis du fer,
Puis par les os dispersés qu'il rendit à la terre.

Enfin, face à deux mains énormes assez fripées,
Semblant toutes deux, de tout détachées ;
Il pourfendit le perfide Bongo aveuglé.

Il enfourcha Epona, et quitta non sans soulagement le temple d'ou il avait obtenu le médaillon d'Impa, l'immortelle figure des sheikah.

Il songea bien entendu à Sheik. Ne lui restait qu'un sage à sauver et le seul endroit qu'il n'avait encore guère exploré n'était-ce pas le désert ? Sans détour, il se rendit donc au pont menant à la forteresse des gérudos ; ces intransigeantes voleuses.

Mais certainement, avant, le musicien viendrait lui apprendre une autre de ces mélodies qui emmenaient celui qui les jouait sur le vent de Farore… Il s'accrochait désespérément à cette pensée, ne supportant déjà que mal le temps depuis lequel il ne l'avait vu et entendu. Reviendrait-il malgré la découverte déterminante du Héros ? Était-ce de lui qu'elle... ' Qu'il ' s'était caché… ?

Link avait décidé de respecter son choix et de faire en sorte que rien ne change. Seulement, il avait de plus en plus l'impression que même dans son esprit, changer le genre qui définissait ce cher être était un peu trahir sa promesse. Alors il avait résolu d'ignorer tout à fait la nature de ce sheikah. Du mois d'essayer.

Bientôt alors, arrivant au bord du canyon, face au contraignant pont sectionné, il se résolut ; monté sur son heureux destrier, il franchit simplement, d'un bond souple et magnifique, la distance qui le séparait de son but.

Le cavalier poursuivit jusqu'à l'entrée du repère des femmes.

Là, étalon magnifique ou non, le Héros fut arrêté, la jument mise en déroute. Il ne tenta pas de montrer de résistance, ne sachant premièrement comment réagir. Il comprit par la suite qu'avec les guerrières il valait mieux en rester là. Une force universelle le poussait à le croire. De plus, il semblait qu'il en allait de même pour elles, car à l'issu de leurs rares affrontements lors de son infiltration de la forteresse, si elles avaient le dernier mot, ce qui fut le cas au début, fascinant par leur grâce, leur maniement du sabre et leur souplesse ; sans porter la main sur lui, elles le reconduisaient en cellule.

Patience hors du commun ou simple jeu?

Tout poussait à croire la seconde alternative car, bien que la première vaincue, parvint à s'enfuir, elle ne chercha pas ni à répliquer, ni ne s'en alarma.

Effectivement, une entente fut finalement l'issue de tout cela et les femmes lui offrirent un total accès à leur citée.

C'est ainsi qu'il pu gagner le désert dont elles gardaient le portes...

Sur les routes des dunes une fois engagé, ne sachant tout d'abord comment chercher, il suivit longuement de rouges poteaux sans doute placés là par les gérudos.

Malheureusement, survint une soudaine tempête qui les arracha en majorité ; refusant que l'on le frustre de sa victoire, le désert se débarrassa de ces machineries humaines. C'était son territoire, et, que ce fut le Héros du Temps ou un autre qui se présentât, il entendait y régner...

Passa le temps, sans direction, dans ce flou déroutant et parmi les dangers constants. L'eau vint à manquer ; l'envie aussi. Et tout se tut bientôt. Il s'arrêta ici.

Des octoroks surgissant toujours et encore s'adonnèrent à cœur joie à déchirer les chairs qu'ils trouvaient. Livrant cette dernière bataille futile, Link les détruisit comme il le put.

Oh, oui, pour peu de temps. Mais assez pour mourir dignement.

Il voulut chasser sa fée, mais Navi se refusait à quitter l'aventure, obstinée comme jamais, elle n'entendit rien et alla se blottir dans la tunique verte. Dévotion à Hyrule ou au Héros ; compassion fidèle ou acte professionnel, il ne voulait pas le savoir. Son cœur salua ce geste, et alors malgré par la pauvre chaleur dispensée par la lueur de la petite demoiselle, il ne sut résister à l'appel de cette étendue brûlante qui berçait tendrement vers la mort en son fond.

Il tomba à genoux et laissa ses yeux, peu à peu se fermer. Tout à coup il entendit un faible bruit singulier... Ou bien il le cru. De temps à autre la plainte lointaine du vent soulevait le sable, tel l'écume d'une mer instable au abysses silencieuses. Mais rien de plus à présent.

L'hylien sourit. C'était un sourire crispé et forcé destiné à la mort après laquelle il soupirait. Et ses yeux, emplis de cette poussière brûlante, de le saigner. 'Sombre mirage...' Et il retrouva la chaleur invitante du sable.

Du bout des lèvres gercées et sanguinolentes, un murmure balayé par le vent fut prononcé « Zelda… » Mais son esprit à demi assoupi, lui renvoyait alors qu'il sombrait peu à peu, une autre image que celle de la Princesse.

Son regard se perdit au loin vers les dunes interminables, puis, peu à peu, son bleu s'éteignait. Replongeant enfin Hyrule dans l'obscurité. Il s'enfonçait lentement dans son patient cercueil.

En douceur, sans précipitation, le désert affamé se repaissait toujours en son temps.

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1) trobairitz: féminin de troubadour ; syn. trouveur, ménestrel, musicien