- Quelle heure est-il ? demanda Amélia.
- Sept heure ! répondit Thomas en revenant de la chambre, après avoir regardé la montre d'Amélia posée sur son bureau.
- Déjà ?
Thomas acquiesça d'un signe de tête, en se rasseyant sur le canapé, près de son amie.
Il était arrivé quelques heures auparavant, et dès lors, les deux amis n'avaient cessé de parler, ne voyant évidemment pas le temps passé. Revoir Thomas provoqua une telle joie en Amélia qu'elle ne tenait plus en place, le harcelant de questions. Il lui avait alors fait un « rapport détaillé », comme il disait, sur sa vie et celle de sa famille depuis l'enterrement des parents d'Amélia.
Le restaurant de Thomas à Wiltenheim marchait de mieux en mieux. Ses tartes flambées étaient les plus réputées d'Alsace, et de nombreuses personnes faisaient le déplacement rien que pour les goûter. Il faut dire qu'il avait un don certain pour la cuisine, Amélia l'ayant toujours vu devant les fourneaux, aussi loin qu'elle s'en souvienne. C'est un art qu'il avait toujours maîtrisé au grand ravissement d'Amélia qui en profitait pour déguster ce qu'il préparait.
Son restaurant se situait non loin de la maison des parents de Thomas, Christine et Jean-Paul, et Amélia en profita pour lui demander de leurs nouvelles. En effet, elle les connaissait très bien, un peu comme une seconde famille. Ils l'avaient toujours accueillie les bras ouverts et elle se sentait chez eux aussi bien qu'auprès de chez ses propres parents. C'était des personnes dévouées qui s'engageaient au sein de nombreuses associations et ils partageaient avec leur entourage cet esprit d'échange. Esprit qu'Amélia admirait car ce n'est pas forcément simple de donner autant.
- Et comment va Audrey ? avait demandé Amélia.
Audrey n'était autre que la sœur de Thomas et avait cinq ans de plus que lui. Quand Amélia était jeune, pendant son adolescence en particulier, et qu'elle avait besoin de conseils au sujet des études,
de la mode ou des garçons, elle allait toujours voir Audrey qui lui faisait part de ses expériences et lui donnait des conseils, un peu comme une grande sœur.
- Très bien, avait répondu Thomas enthousiaste. Elle vient de se fiancer avec Sébastien.
- Sébastien ? Le garçon que j'ai rencontré à l'enterrement de mes…
Mais Amélia s'était arrêtée là : repenser à cet événement était encore douloureux pour elle. Thomas changea immédiatement de sujet.
Il enchaîna avec le retour de Daniel à la maison. D'après ce qu'il lui en dit, Daniel, son frère de deux ans son aîné, avait fini sa saison de sport, et il était pour tout l'hiver chez ses parents. Cette information n'intéressait pas vraiment Amélia, bien au contraire : ça lui était totalement égal. Elle avait toujours détesté Daniel. En fait, pour être exact, c'est lui qui avait commencé les hostilités. Depuis qu'ils se connaissaient, il l'avait toujours insulté et lui faisait clairement comprendre qu'il ne l'aimait pas.
Elle ne savait pas pourquoi et c'est vrai que des expressions comme « sale sang impur » ou « espèce de moldu » lui étaient toujours restées au travers de la gorge, surtout qu'elle n'en comprenait pas le sens. De plus, dès qu'elle demandait une explication à ce comportement, elle recevait des « tu ne peux pas comprendre » de la part de Daniel, tandis que sa famille avouait ne pas savoir ce que voulaient dire ces mots. Depuis lors, ils se vouaient une mini guerre et tout le monde évitait d'être dans la même pièce qu'eux deux.
Thomas, qui ne supportait pas de voir son frère et sa meilleure amie se disputer ainsi, essayait par tous les moyens d'arranger la situation, en vain.
Pour couper cour à la conversation et surtout parce qu'elle ne voulait plus entendre parler de Daniel, elle demanda à Thomas d'aller voir dans la cuisine l'heure qu'il pouvait être. Amélia voyait clairement à travers les fenêtres dépourvues de rideaux que le ciel s'assombrissait, mais étant en hiver, elle ne pouvait définir l'heure.
Il revint donc en annonçant qu'il était déjà sept heure.
- On va dîner dehors ? demanda Thomas.
Amélia, qui s'attendait à ce que son meilleur ami veuille sortir, accepta, et en moins de temps qu'il faut pour le dire, se prépara. Elle s'observa une dernière minute dans le miroir de la salle de bain et fut contente du résultat. Sa robe bleue qu'elle aimait particulièrement, mettait en valeur ses formes, sans en faire de trop, et la touche de mascara, rouge à lèvres lui donnait un côté féminin agréable. De plus, ses longs cheveux bruns lui tombaient au creux du dos, dans un mouvement qui paraissait naturel.
Lorsqu'elle se présenta devant Thomas, il eut la réaction escompté, en la dévisageant littéralement, de haut en bas, ébahit.
- Ferme la bouche sinon une mouche va rentrer, lui dit-elle avec une grand sourire sur les lèvres.
Il sourit à sa remarque et ajouta simplement :
- ça fait longtemps que je ne t'ai pas vu aussi belle !
- Dis tout de suite que je suis moche d'habitude ! s'exclama-t-elle le plus sérieux du monde.
- Non… Ce n'est pas ce que je voulais dire… C'est juste que… que… ,
bafouilla-t-il.
Amélia s'amusa de voir son ami ainsi mais elle vint rapidement à son secours, un grand sourire sur le visage :
- Oui, j'ai compris.
Elle n'ajouta rien de plus, lui passant simplement le relais pour se préparer à son tour. En sortant de la salle de bain, il portait une chemise bleue-marine qui mettait en valeur son torse musclé, et Amélia se surprit à penser qu'il était bien bâti.
Puis elle enfila son manteau, et ils se rendirent dans un des restaurants du quartier. L'endroit, plutôt chaleureux et pas trop cher, convenait parfaitement à nos deux amis.
Ils passèrent une excellente soirée, puis finirent par rentrer à l'appartement. Ils s'installèrent un moment devant la télévision, puis quand le sommeil submergea Amélia, elle alla se coucher dans sa chambre. Thomas en fit de même quelques instants plus tard.
Amélia se réveilla le lendemain matin avec les rayons du soleil sur le visage. Elle avait oublié de fermer son volet, ce qui laissait entrer toute la lumière extérieure. Se retournant vers l'autre côté du lit, elle regarda sa montre et s'aperçut qu'il était déjà dix heures. Elle s'étira, tranquillement, et entendit tout à coup quelqu'un frapper à sa porte en annonçant :
- Petit déjeuner !
- Oui ? répondit Amélia en s'asseyant dans son lit.
La porte s'entrouvrit, et elle vit Thomas en caleçon, un plateau dans les mains, s'approcher d'elle.
- C'est pour moi ? demanda-t-elle, étonnée.
- Pour nous deux.
Amélia se poussa sur le bord, tandis que Thomas s'assit à ses côtés et posa le plateau rempli de bonnes choses à manger au centre du lit. Il y avait deux tasses de café, des crêpes, des brioches, du beurre, de la confiture et deux verres de jus d'orange. Amélia n'hésita pas un instant, et sauta immédiatement sur les crêpes qui embaumaient la pièce de leur parfum.
- Merci beaucoup ! lança-t-elle entre deux bouchés.
Il ne répondit qu'avec un sourire, et lui aussi se mit à déguster cet excellent petit déjeuner.
- Comment tu les as faites ? demanda Amélia en montrant les crêpes. J'ai donné les derniers œufs à Pascal !
- A qui ? s'étonna Thomas.
- Pascal, ce n'est que mon voisin ! Alors comment ?
Thomas sembla réfléchir, baissa les yeux puis s'exclama sur le ton de la plaisanterie :
- Je ne peux pas te le dire, c'est magique !
Amélia le regarda, mais rit immédiatement à cette remarque.
- Bien sûr, et tu vas aussi me dire que tu es un sorcier ?
Ils rirent tous deux à cette remarque, puis Amélia, après avoir enfourné sa troisième crêpe, ajouta :
- En tout cas, elles sont délicieuses !
- Merci… , répondit simplement Thomas.
Après le petit déjeuner, ils décidèrent de ranger l'appartement et de le débarrasser de tous ces cartons. Ils se mirent donc à la tâche tout en écoutant de la musique.
Thomas s'occupait des affaires lourdes, tel que les meubles, et Amélia peaufinait le tout en ajoutant la décoration qu'elle avait emballée précieusement dans les boites. Il faut dire que même si elle avait vendu la maison de ses parents, elle avait gardé les nombreuses babioles qu'ils collectionnaient depuis des années et qui traînaient un peu partout. De cette manière, elle gardait avec elle un peu de ses souvenirs d'enfance. Elle sortit également les photos qu'elle possédait, les installant sur les meubles que Thomas avait finis d'assembler.
Vers midi, ils firent une pose déjeuner, et Thomas se dévoua pour préparer le repas. Dans ces moments là, Amélia ne le contredisait pas, préférant de loin le regarder s'activer autour des fourneaux que de cuisiner elle-même. Et puis surtout, pensait-elle, un homme qui prend du plaisir à cuisiner, c'est si rare, qu'il ne vaut mieux pas le déranger. Sans parler du fait qu'il était bien meilleur qu'elle, et que ce qu'il concoctait, même si ce n'était qu'une omelette, il le faisait à ravir, tout étant toujours délicieux.
Ce jour là, elle eut droit à des spaghettis bolognaise, plat traditionnelle certes, mais réalisé par lui, il prenait tout de suite une autre dimension. Après deux heures de repos, pendant lesquelles ils mangèrent et continuèrent leur discussion, ils se réactivèrent pour finir le rangement.
Amélia prit un carton sur lequel se trouvait la veste de Thomas, et sans faire exprès, celle-ci tomba sur le sol, révélant une bout de bois qui sortit d'une des poches. Thomas était occupé dans la chambre, et Amélia ramassa l'objet. Elle l'examina sous toutes les coutures, se demandant bien ce que faisait Thomas avec cela. Puis, tout à coup, sans rien avoir fait, des étincelles en sortirent, de plus en plus grandes.
Elle sentit passer en elle comme une énergie, tandis que les étincelles changeaient de couleurs. Elle le lâcha immédiatement, effrayée.
Au bout de quelques instants, elle se ressaisit, observant l'objet toujours sur le sol. Après tout ce n'était qu'un bout de bois. Que risquait-elle ? Rien ! Elle avait sûrement rêvé ! Aucune étincelle ne pouvait en être sorti, ce n'était pas possible.
Elle le ramassa à nouveau.
Cette fois, rien ne se produisit, mais elle décida tout de même d'aller demander à Thomas ce que c'était.
- ça vient de tomber de ta veste, amorça-t-elle en entrant dans la chambre où Thomas essayait d'assembler le bureau d'Amélia.
Elle tenait le bout de bois dans la main droite, essayant de paraître décontracté, mais lorsqu'elle vit son ami se retourner et l'observer, avec une grande inquiétude dans le regard, elle ne se sentit absolument pas sereine.
