5. Caprice


Pour quelqu'un qui affirmait avoir plusieurs centaines, voire milliers d'années, le Docteur pouvait être incroyablement capricieux.

Ou capricieuse.

Jack avait attendu des siècles pour rencontrer une incarnation féminine, et il n'avait pas été déçu.

Cette version était tout aussi passionnante, dérangée, surexcitée que les autres.

Et comme ses camarades masculins, la Dame du temps pouvait se montrer incroyablement capricieuse quant à la nourriture qu'elle ingurgitait.

Là où le premier Docteur de Jack pouvait être séduit par tout met relatif de près ou de loin à une banane (excellente source de potassium, l'entendait-il déjà affirmer de sa voix grave et rugueuse marquée par son accent du nord), la prétendue jeune femme blonde de trente ans sautillerait sur place à la moindre mention de biscuits.

Elle avait même un distributeur privé sur la console.

Sérieusement.

Parlez donc d'un caprice.

Jack se souvenait toujours de la fascination purement orale du Docteur à costume cravate pour le monde entourant. Il l'avait vu lécher et gouter à peu près tout ce qui était imaginable, et même – et surtout – ce qui ne l'était pas.

Cette langue, oh, cette langue.

Jack en avait rêvé des nuits et journées entières.

Cette langue pourrait se montrer capricieuse alors qu'elle explorait les plats offerts, se montrant particulièrement attirée par tout ce qui comportait de près ou de loin du sucre.

Ce Docteur, sans surprise, avait été un avide consommateur de confiture.

Jack l'avait vu la dévorer directement à grand renfort de doigts, directement dans le pot.

Sans oublier toutes les fois où il les lécherait pour enlever le gras de ses frites, avalées à grand renfort de gémissements satisfaits et autres sons purement indécents.

Et on affirmait qu'il était le provocateur.

Sérieusement.

Jack était une victime incomprise.

Remarquez, cela ne battait pas les préférences culinaires du Docteur suivant.

S'il existait une incarnation que l'on pouvait qualifier de capricieuse, cela aurait été celle-là, sans aucun doute.

Les Jammie Dodgers étaient originaux, mais le poisson pané à la crème anglaise ?

Jack l'avait vu en manger une fois, et avait manqué vomir.

Le Docteur l'avait fixé avec indignation, la bouche recouverte du mélange ignoble.

-Jack ! Ne vomissez pas quand je mange !

-C'est.. Doc..

-Je sais ! L'expression du Seigneur du temps s'était illuminée, changeant aussi vite que son humeur, avant qu'il n'enfonce avec enthousiasme un nouveau poisson dans le bol de crème. Cool, n'est-ce pas ? Ce plat est cool, je suis le Docteur, et je suis cool, ajouta-t-il avec une expression orgueilleuse quelque peu défaite par la crème étalée sur ses joues et ses lèvres.

Jack avait reniflé, avant de laisser tomber sa tête en avant désespérément contre la table.

Au moins, il buvait toujours du thé.

Parmi tous les plats plus ou moins originaux affectionnés par chaque incarnation (le vieux Docteur pourrait créer un véritable scandale si ses saucisses n'étaient pas cuites à la température parfaite), le thé demeurait une constante simple et rassurante.

Les Docteurs, quels qu'ils soient, seraient prêts à tout lâcher sans réfléchir pour une tasse du précieux breuvage.

Noir pour Grandes oreilles, mais avec un soupçon de lait pour celui aux cheveux gris. Au moins trois sucres et une large cuillère de lait bouillant pour la version fan de converses, et obligatoirement accompagnée de biscuits pour la jeune femme blonde.

Quant à l'homme portant un visage d'enfant mais aux yeux plus anciens que l'univers, il se contenterait d'un sucre, et une petite cuillère de lait. Proposez-lui un Jamie Dodgers, cependant, et il le plongerait avec enthousiasme dans la boisson, malgré votre horreur.

Après tout, au moins deux incarnations seraient prêtes à clamer que cette boisson leur avait permis de sauver plusieurs vies, la leur incluse.

Oui, le Docteur était un être capricieux, aux demandes souvent plus excentriques les unes que les autres.

Jack les connaissait par cœur, et il les aimait chacune, avec leurs particularités.

Le Docteur demeurait le Docteur, quel que soit son visage, ou ses gouts culinaires.

Ou ses caprices.

Il semblerait que ceux-ci augmentent avec l'âge, comme l'immortel l'avait découvert à ses dépens.

Après tout, que ne donnerait-il pas pour une excellente tasse de café.