Changement d'humeur

Amélia n'en crut pas ses oreilles : Daniel venait d'entrer dans la maison. Elle avait complètement oublié qu'il était dans le coin, et ce fut une vraie surprise d'entendre son nom prononcé. Thomas se tourna vers elle, essayant sûrement de deviner ce qu'elle pensait. Rien ne lui venait à l'esprit si ce n'est le fait qu'elle éprouva une envie irrésistible de s'enfuir.

Christine et Daniel se dirigèrent dans le salon, en passant par le couloir y menant. Ces quelques secondes parurent une éternité pour Amélia qui sentait l'approche de son pire ennemi. Elle était prise au piège, impossible pour elle de partir sans le croiser : il arrivait.

Sa tension monta d'un cran, jusqu'à arriver à son paroxysme quand elle l'aperçut : une veste en cuir, des cheveux en bataille, une allure de sauvage, il n'avait pas changé !

Il fit un rapide état des lieux du regard, et comme elle s'en doutait, ses yeux s'arrêtèrent sur elle. Si à ce moment là, il avait eu des éclairs à la place des yeux, elle aurait été foudroyée sur le champ. Dans la pièce, même Christine se tut en s'apercevant de la haine qui régnait entre eux.

Ils se fixèrent intensément, le regard noir.

Amélia pouvait voir en lui, ressentir tout le dégoût qu'il avait pour elle, rien de bon ne sortait de lui. Le silence ambiant de la pièce, laissait Amélia penser que tout le monde retenait son souffle, attendant l'explosion.

Cependant bien qu'elle mourait d'envie d'étriper Daniel, elle pensa à Thomas, ressentant son regard sur elle. Pour lui, elle ne devait rien faire, il ne l'accepterait pas. Un seul moyen s'offrait à elle : renoncer. Jamais Daniel ne reculerait, c'était à elle de calmer le jeu.

Elle décida alors de stopper le malaise là, pour que ça n'aille pas plus loin, pour que rien de regrettable ne se passe. En gardant sa haine au plus profond d'elle même, elle abaissa les yeux, pour observer ses chaussures qui lui semblaient tout à coup passionnantes.

Elle sentit le sourire de Daniel, bien qu'elle ne le regardait plus : seuls ses chaussures devaient l'intéresser. Il était évidemment fier de la dominer, de la voir ainsi faiblir, mais malgré cette pensée, elle continua l'examen de ses pieds.

Christine, quant à elle, pensant que tout danger était écarté, se laissa à nouveau submerger par sa personnalité, brisant ainsi le silence :

- Daniel, tu restes dîner ce soir ?

- ça dépend…

- De quoi ? questionna innocemment Christine, tandis qu'Amélia s'intéressait à présent à la moquette.

- Si elle reste ! s'exclama-t-il, plein de haine.

Amélia releva la tête, voulant répliquer quelque chose, mais elle croisa le regard de Thomas en route. Il lui suppliait avec son expression sur le visage de ne rien dire, de l'ignorer, et bien que c'était une tâche remplie de sacrifice pour elle, Amélia se tut. Elle ne lâcha pas ses yeux de Thomas, essayant d'oublier la présence de son ennemi.

Un véritable combat se déroulait en elle, opposant sa volonté de rabattre son clapet à Daniel et son besoin de ne rien faire pour Thomas. Cela faisait à peine cinq minutes que Daniel était entré dans la pièce, mais déjà elle retrouvait toute la colère qu'elle gardait en elle depuis des années. Il la mettait hors d'elle. Elle le détestait plus que tout au monde. Heureusement, le soutient de Thomas lui permettait de tenir, de ne pas sauter tout de suite sur lui.

En apparence, elle resta donc neutre, ce qui visiblement soulagea Christine, alors que Daniel parut déconcerté.

- Je crois qu'on va y aller…, proposa Thomas en se levant, invitant Amélia à en faire de même.

Celle-ci ne se fit pas prier, et le suivit immédiatement. Ils tenaient là une excuse pour ne pas rester dîner. Jamais Christine n'insisterait pour qu'ils restent, sachant pertinemment que Daniel n'approuverait pas. Elle préférait de loin laisser faire les choses : si Amélia et Thomas devaient partir, alors qu'ils le fassent !

Daniel prit place sur le fauteuil au côté de son père, tandis qu'Amélia et Thomas se dirigeaient vers la sortie.

- Très bien, leur dit Christine, donc demain soir vers sept heure ?

Thomas fit un mouvement de tête pour dire qu'il était d'accord, et Amélia ajouta, un sourire aux lèvres :

- ça nous ira très bien !

Christine la prit dans ses bras, comme une mère avec sa fille. Amélia éprouva un sentiment de sécurité intense, l'impression que rien de mal ne pourrait l'atteindre. La dernière fois qu'elle l'avait ressenti, c'était dans les bras de sa propre mère. Ce souvenir aurait pu l'attrister, mais au contraire, elle avait la sensation d'avoir une seconde mère, et cela lui procurait un bien être intense.

Mais il fut de courte durée. Daniel ne put s'empêcher d'être déplaisant.

- Elle vient demain soir ? dit-il d'un ton d'une extrême gravité, comme si la terre venait de s'écrouler sous ses pieds.

Ils le fixèrent tous du regard, surpris par cette intervention. Aucun d'eux ne pensait qu'il allait ajouter quelque chose, et tous s'imaginaient que le plus dure était passé : Amélia sur le point de partir, ils ne risquaient plus une quelconque dispute.

Lorsqu'elle ouvrit la bouche, Amélia sentait les problèmes arriver à grand pas. Mais c'était au dessus de ses forces : elle ne pouvait rester sans réagir.

- Elle, elle a un nom ! répliqua-t-elle en s'approchant de lui.

- Un nom de moldu ! dit-il comme si ce simple fait était ce qu'il y avait de plus répugnant.

Il se leva alors, lui faisant face, à deux mètres l'un de l'autre.

- Il vaut mieux avoir un nom de mol… moldu, comme tu dis, qu'être un abruti comme toi !

- C'est bon ! intervint Christine en se mettant entre eux. On a compris que vous ne vous aimiez pas ! Vous pouvez arrêter de vous disputer !

Mais cela ne servit à rien. Il permit seulement à Thomas de se rapprocher encore plus d'Amélia et d'affirmer :

- Oh, mais je te rassure maman, je ne la déteste pas !

Amélia ne dit plus un mot, surprise par cette remarque. Christine, visiblement contente que son fils reconnaisse qu'il ne détestait pas Amélia, sourit en avouant :

- Je me doutais que tu ne pou…

- JE LA HAIS ! coupa-t-il, faisant sursauter sa mère.

Cela ne déstabilisa pas Amélia, après tout elle le haïssait aussi.

- ça, c'est terrible ! se moqua-t-elle.

- C'est sûr que c'est pas nouveau pour toi !

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Tout le monde te déteste ! dit-il en faisant un pas de plus vers elle.

Ils étaient maintenant à mois de cinquante centimètres l'un de l'autre, Christine se recula de peur de se faire agresser aussi.

- On me déteste ? rit Amélia sans prendre au sérieux cette remarque.

- Oui ! Tu n'as pas d'amis, tu ne…

- Amis ? coupa Amélia, redevenue sérieuse. Parce que toi tu sais ce que veux dire ce mot ?

- J'en ai MOI, contrairement à TOI !

- J'AI DES AMIS ! s'écria Amélia.

Daniel marqua un temps de pose, pendant lequel il se rapprocha doucement d'Amélia. Celle-ci, implacable, le fixait, se demandant, comme le reste de l'assemblée, ce qu'il allait lui dire. Quand il fut très proche d'elle au point qu'elle ressente son souffle sur son visage, il murmura :

- Si tu as des amis, pourquoi tu viens passer Noël chez nous ?

Amélia réagit violemment à cette remarque et aussi douloureuse fut elle pour elle, elle gifla Daniel.

Christine poussa un cri, tandis que Jean-Paul se leva de son fauteuil, et pour la première fois prononça de sa voix grave et puissante :

- Maintenant, ça suffit !

Amélia et Daniel le regardèrent, comme de jeunes enfants intimidés face à leur maître. Le simple regard de Jean-Paul leur fit prendre conscience qu'ils étaient allés trop loin. Ce rappelle à l'ordre calma les esprits, quittant cet état de haine.

Thomas prit alors Amélia par la main, comprenant qu'il était temps de s'éloigner et l'entraîna hors de la pièce.

Amélia ne savait plus ce qui se passait, tout s'étant passé tellement vite. Alors que Thomas la fit s'asseoir sur les marches de l'escalier extérieur, elle repassa en accéléré la scène qui venait de se dérouler. Elle avait bel et bien frapper Daniel, et la douleur qui provenait de sa main, lui certifiait la force qu'elle y avait mis. A présent, pensa-t-elle innocemment, la joue de Daniel devait être bien rouge.

- Qu'est-ce qui t'as pris ? interrogea Thomas, furieux.

Elle leva les yeux, et le vit faire les cents pas. Puis il s'arrêta à sa hauteur, la dévisagea, attendant une réponse.

- Je… Je…, bafouilla-t-elle.

Daniel l'avait provoquée, n'était-ce pas suffisant ? Pour Thomas, il était clair que non.

Elle s'effondra en larmes, ne sachant plus quoi dire ou faire. Ses nerfs lâchaient, la pression redescendant progressivement. Elle s'en voulait, elle aurait du garder son calme et surtout ne pas le gifler. Mais en même temps, cela lui avait procuré un grand bien : pour une fois Daniel avait ce qu'il méritait !

Les traits de Thomas s'adoucirent alors et il s'assit aux côtés de son amie. Amélia sentit son bras se poser sur ses épaules. Elle se blottit contre lui, sans un mot, essuyant de ses mains le mascara qui s'en allait avec ses larmes.

Ils restèrent silencieux. Aucune gène ne s'installa entre eux, le calme était cette fois-ci, plutôt synonyme de tranquillité d'esprit. Elle écoutait les bruits autour d'elle, mais rien, si ce n'est le vent dans les arbres, ne vint perturber ce repos. Puis, en se serrant encore plus contre Thomas, elle posa la tête sur son cœur. Elle l'entendit battre, doucement, régulièrement. C'était un son apaisant, rassurant : elle aurait voulu rester ainsi toute sa vie.

Néanmoins, elle se rendit rapidement compte de la différence entre la chaleur du corps de Thomas et le froid qui l'entourait. Petit à petit, des frissons la parcoururent. Elle serra Thomas pour se réchauffer, mais cela ne servit à rien. Thomas s'en aperçut, et relâcha son étreinte.

- Je vais chercher nos vestes, annonça-t-il en se levant, puis il franchit la porte.

Amélia resta à regarder dans le vide, grelottant légèrement. Tout à coup, elle crut entendre une sorte de « crac », et quelques secondes plus tard, quelqu'un dire : « Merde, encore raté ! ». Elle devait sûrement avoir rêvé, mais quand elle vit un homme sortir des buissons, couvert de haut en bas d'épines, elle prit conscience que ça n'en était pas un.

L'homme, une quarantaine d'année, se secoua frénétiquement. Il était petit et dodu, on aurait dit une pomme de terre sur patte, pensa Amélia. Il finit par s'apercevoir qu'elle l'observait et l'air confiant, se dirigea vers elle. Mais Amélia ne se sentait pas très à l'aise face à cet individu portant une longue cape noir et un grand chapeau pointu : ce n'était pourtant plus Halloween.

- Bonjour mademoiselle ! dit-il en lui serrant la main. Augustus Duval, professeur d'ossements magiques à Fauxfeu. Je suis désolé pour cette entrée, mais je n'ai jamais réussi à transplaner où je le souhaitais… Etrange d'ailleurs… Je n'ai jamais su si c'était à cause de moi ou de ma baguette ! Personne n'a pu me le dire, même pas mademoiselle Hermione Granger, meilleure transplaneuse au monde, comme chacun le sait…

Il jeta un regard à Amélia qui ne faisait pas un mouvement. Tout ce que disait cet homme paraissait être du Chinois, bien qu'il parlait français. Maintenant, elle attendait. Quoi ? Et bien qu'on lui donne la traduction !

- Tout cela ne vous intéresse pas, mademoiselle, poursuivit l'homme. Je le vois bien, vous avez le même regard que certains de mes étudiants… D'ailleurs, vous n'êtes pas dans mon cour ?

- Heu…

Ce fut le seul son qui sortit de sa bouche.

- Non, ça m'étonnerait ! Une jeune fille comme vous, ça ne s'oublie pas ! Vous devez être très brillante, et l'étude des ossements magiques ne doit pas vous intéresser… Mais je comprends parfaitement ! Moi même, je n'aime pas vraiment cette matière… Mais comme je suis le meilleur, il faut bien quelqu'un pour l'enseigner à ces jeunes sorciers. Vous ne croyez pas ?

- Heu…

- Oui, je sais, c'est loin d'être une matière très populaire… enfin… Je venais voir…

Il sortit un vieux papier de sa poche, une sorte de parchemin, et ajouta :

- Mr Granduc, voyons… Daniel, je crois… Oui c'est cela : monsieur Daniel Granduc ! Il a demandé à faire un stage à mes côtés. Je viens lui annoncer qu'il est pris. Il faut dire qu'avec un dossier comme le sien : diplômé de Beaubâtons avec mention Optimal à tout ses ASPIC, puis cinq ans dans l'équipe d'Angleterre de Quidditch, avant que ne lui arrive ce terrible accident… Vraiment affreux pour lui ! Mais maintenant inscrit dans notre école en Médicomagie Avancé… Quelle parcours !

L'homme resta silencieux une seconde, chose bien rare, puis il demanda :

- Et maintenant, il est pris pour être mon stagiaire… N'est-ce pas magnifique ?

- Oui…, acquiesça Amélia sans vraiment savoir à quoi elle disait oui.

- Je savais que vous étiez une jeune fille brillante ! Il est certain que faire un stage à mes côtés ne peut être que bénéfique pour un futur médicomage !

Amélia entendit la porte derrière elle s'ouvrir et reconnut aussitôt la voix de Thomas.

- Bonjour ! Je peux vous aider ?

- Bonjour mon garçon, vous devez être Daniel Granduc ?

- Heu… Non, c'est mon frère…

- Ha ! Est-ce qu'il est là ? Ho, mais laissez-moi me présenter, Augustus Duval, professeur d'ossements magiques à…

Mais il fut coupé par Thomas avant d'avoir eu le temps de finir.

- Oui ! Il est à l'intérieur…

Sa voix avait changé, comme si cette homme le dérangeait tout à coup. L'homme entra dans la maison après avoir salué Amélia, et disparut derrière la porte. Elle se releva alors, fixa Thomas qui semblait très nerveux, puis lui demanda en montrant du doigt la maison :

- C'est qui ce type ?