- Tu es là depuis longtemps ? demanda Thomas, très étonné de la présence d'Amélia.

Bien sur qu'elle était là depuis longtemps, en tout cas assez pour avoir entendu l'essentiel. Thomas venait de dire à son frère qu'ils étaient sorciers, ce qui visiblement ne troublait pas Daniel. Au contraire, Amélia n'en croyait pas ses oreilles, mais ce qui la dérangeait le plus dans tout ça, c'est que Daniel accusait Thomas de mentir. A propos de quoi ? Apparemment de cette histoire de sorciers…

- Des sorciers ? répéta Amélia, incapable de dire autre chose.

Thomas se mit à nouveau à paniquer, figé devant elle, tout comme après l'apparition du professeur Duval. Daniel souriait, visiblement ravi de la voir. C'était bien la première fois qu'il était content face à elle. Puisque Thomas ne savait pas quoi répondre, c'est Daniel qui prit la parole, s'adressant à lui :

- Dis lui maintenant ! Tu n'as plus besoin de lui cacher !

Thomas regardait Daniel comme pour lui faire comprendre qu'il devait se taire, mais celui-ci prenait plaisir de la tournure des événements. Amélia, de son côté, trouvait que Daniel avait raison, chose étonnante puisqu'elle avait toujours été en contradiction avec lui ! Mais là, elle voulait savoir… Thomas devait lui dire la vérité !

- Me dire quoi ? questionna Amélia ce qui eut pour effet de le faire sursauter.

- Je… Je… Ben… En fait… Heu… C'est que…, bafouilla Thomas, nerveux comme jamais.

- On est des sorciers ! balança Daniel sans la moindre gêne.

- Des sorciers ? interrogea Amélia pour la troisième fois.

Ce mot la perturbait énormément, et malgré le fait que Daniel et Thomas l'aient prononcé, elle n'y croyait pas vraiment. Daniel continua donc son explication puisque visiblement Thomas en était incapable. Il prit alors une voix d'enfant, comme lorsqu'on parle à un petit de 4 ans :

- Oui, des sorciers ! Avec une chapeau pointu et une baguette magique !

Amélia le regarda, surprise de la façon dont il lui parlait. Mais cela ne l'énerva pas, au contraire, elle sourit. Cette manière d'expliquer les choses, lui fit immédiatement penser qu'ils se moquaient d'elle.

- C'est une blague, c'est ça ? finit-elle par demander à Daniel.

- Une blague ? s'étonna celui-ci. Non pas du tout !

Mais cela ne convainquait pas Amélia. Après tout, s'ils avaient voulu lui faire une blague, ils lui diraient à ce moment précis la même chose. Elle regarda Thomas, qui, impassible, lui fit simplement un non de la tête. Jamais il n'aurait pu tenir aussi longtemps sans rire, si c'était effectivement une farce. Puis elle détourna ses yeux pour les poser sur Daniel. Comment pouvait-elle envisager qu'il lui fasse une blague ? Lui qui était habituellement si horrible avec elle ! Il n'aurait pas voulu participer à ce genre d'amusement.

- Mais ce n'est pas possible ! Ça n'existe pas les sorciers !

- Et si ! contredit Daniel. Tu le vois bien !

Amélia le dévisagea, de haut en bas, et pour tout dire, son allure ressemblait plus à celle d'un voyou que d'un sorcier. Ces personnages de contes pour enfant, munis d'un balai et d'une longue cape noir, n'avait absolument rien à voir avec lui. Elle se mit alors à l'imaginer avec cette tenue, ce qui l'a fit rire.

Les deux garçons ne comprirent pas pourquoi ce rire, et Thomas semblait ne pas en croire ses yeux.

- D'accord, alors jette un sort ! plaisanta-t-elle.

Persuadée que ce n'était que mensonge, elle pensait qu'il allait lui avouer son incompétence. Cependant, sérieusement et pour lui obéir, il sortit de sa poche arrière un bout de bois. Amélia le reconnut : il s'agissait d'une des baguette chinoises qu'il collectionnait. Elle rit de plus bel.

- C'est avec une baguette chinoise que tu veux jeter un sort ?

- Un baguette chinoise ? dit-il, stupéfait.

Il regarda alternativement la baguette et Amélia, pour faire entrer cette information dans sa tête.

- Oui, Thomas m'a dit que tu les collectionnais !

Daniel se retourna immédiatement vers son frère, le visage rempli d'incompréhension. Amélia ne comprenait pas vraiment ce qui se passait.

- Elle est tombée sur la mienne, avoua Thomas à Daniel, et c'est la seule idée qui m'est passé par la tête…

Thomas fixa Amélia, et pour la première fois de la conversation, expliqua :

- Ce n'est pas une baguette chinoise… C'est une baguette magique… Pour les sorciers et sorcières…

- Mais…, commença Amélia avant d'être interrompu par ce que faisait Daniel.

En effet, il visa avec sa baguette une feuille qui se trouvait sur le sol en prononçant quelques paroles incompréhensibles. La feuille se mit à bouger, se souleva dans les airs, puis sous les yeux effarés d'Amélia, s'enflamma. Elle fut totalement carbonisée dans les airs, avant de retomber en débris.

Amélia ne put croire ce qui venait de se passer, à son tour elle se tut, en observant les deux garçons. Elle devenait folle, c'était la seule explication possible ! Cette feuille ne pouvait pas brûler sans une intervention extérieur, elle ne devait même pas pouvoir voler ! Il y avait une explication à cela… un truc… comme pour les magiciens !

- Comment tu as fait ? demanda-t-elle à Daniel.

- Je t'ai dit qu'on était des sorciers.

- Et c'était très drôle, mais là, ça ne me fait plus rire du tout !

- Pourtant c'est la vérité !

La vérité, la vérité, quelle vérité ? Qu'ils étaient sorciers ? C'était surtout n'importe quoi ! Un énorme mensonge…

- Je ne te crois pas Daniel ! D'ailleurs tu m'as toujours détestée, alors pourquoi je devrais te croire ?

- Parce que je suis le seul à vouloir te dire la vérité, depuis le temps !

Il se tourna vers Thomas. Amélia en fit de même, observant son meilleur ami… enfin, celui qu'elle croyait être son meilleur ami. Il était perdu, certes, mais semblait dans un certain sens soulagé.

- Ce n'est pas vrai, n'est-ce pas ? Vous avez bien rit, maintenant tu peux me dire que c'est n'importe quoi !

- Ce… Ce…, bafouilla Thomas avant de se reprendre. Ce n'est pas n'importe quoi… On est vraiment des sorciers… Tout ce qu'il t'a dit est vrai…

Amélia sentait dans sa façon de prononcer les mots qu'il disait la vérité, peut être même pour la première fois de sa vie, elle en était convaincue. Mais quelle vérité ! Vraiment dure à avaler… Elle, qui avait grandi dans un monde tout ce qu'il y a des plus banals…

Pourtant, en y réfléchissant, on n'avait jamais prouvé que les sorciers n'existaient pas… Alors pourquoi pas ? D'accord, c'était assez fou, mais pas plus qu'une feuille qui s'embrase toute seule, et ça, elle l'avait vue de ses propres yeux. Cette idée commença à lui plaire en s'apercevant qu'elle pouvait être vraie.

- Ça fait longtemps ? demanda-t-elle.

A présent, sa curiosité l'emportait sur la raison. Elle restait perplexe, mais cela commençait à l'intéresser. Elle se disait simplement que si c'était vrai, alors elle devait en savoir plus. On n'apprend pas ce genre de secret tout le temps !

- Depuis la naissance, on l'est tous dans la famille ! répondit Thomas, enthousiaste devant la réaction de son amie.

- Tous ? Tu veux dire que Jean-Paul… Christine… et même Audrey…

- Oui, bien sur !

- Vous ne préférez pas qu'on rentre pour en parler ? coupa Daniel.

Amélia se rendit compte qu'il était encore là. C'est alors qu'elle s'aperçut qu'il souriait toujours. Lui qui la détestait, qui avait toujours été hostile avec elle, il lui proposait d'entrer chez lui. Rien n'allait plus normalement apparemment…

- Tu n'as pas dit que si je restais, tu t'en irais ? lui demanda-t-elle.

- Maintenant que tu sais toute la vérité, je n'ai plus à te détester !

Il posa son bras autour de ses épaules, tout en riant. Jamais Amélia n'aurait pu imaginé une telle scène: Daniel la tenant comme une amie. Elle frissonna, sûrement à cause du froid, et Daniel ajouta :

- Tu vois, il faut qu'on rentre !

- Ouais… , répondit-elle simplement.

Sans un mot, il rejoignirent la maison. Daniel, toujours le bras autour d'Amélia, se réjouissait, tandis que Thomas, à leur côté, ne voyait pas d'un bon œil que son frère tienne Amélia de la sorte. Enfin, ils entrèrent, et Daniel lâcha Amélia.

Heureux, il se précipita dans le salon, Amélia et Thomas le suivant plus doucement. Cette dernière avait peur de la réaction de la famille, peur surtout de ce qu'elle pourrait apprendre… Cela semblant si vrai : ils étaient sorciers.

- Bonsoir, tout le monde ! s'écria Daniel en arrivant dans le salon.

Personne ne lui répondit, puis quand Amélia et Thomas arrivèrent à leur tour, ils la fixèrent intensément. Sûrement qu'aucun d'eux ne devait comprendre que Daniel souriait en la présence d'Amélia, et ils cherchaient tous la réponse sur son visage.

- Daniel, ça va ? s'aventura Christine d'une petite voix.

- Très bien maman ! Et d'ailleurs on a une grande nouvelle !

Ils furent tous pendus à ses lèvres, attendant de savoir ce qu'il y avait de si génial à annoncer. Le cœur d'Amélia se mit à battre la chamade, elle ne savait absolument pas comment ils accepteraient le fait qu'elle était au courant. Mais le plus déroutant serait que s'ils confirmaient l'idée selon laquelle ils étaient sorciers, alors Amélia ne pourrait plus ne pas y croire. Ce serait la vérité !

- Amélia sait tout !

Leurs yeux se posèrent sur elle, incapable de réagir, essayant de paraître décontractée. Puis Jean-Paul se leva de son fauteuil, se dirigeant vers elle. A environ un mètre, il s'arrêta et lui parla :

- Tu sais tout maintenant ?

- Heu… Je crois…

- Il faut que je prévienne le ministère ! s'exclama-t-il avant de sortir de la pièce.

Christine à son tour se leva, et comme à son habitude, ne laissa pas Amélia placer le moindre mot.

- Tu sais qu'on est des sorciers ?

- Heu…

- C'est incroyable ! Bienvenue dans la famille !

- Mer…

- Depuis le temps qu'on aurait aimé te le dire ! Mais le ministère nous en aurait voulu qu'on te l'avoue !

Elle se tourna vers ses deux garçons, et leur demanda :

- Elle l'a bien découvert toute seule ? Sinon vous savez ce qu'on risque ?

- Oui…, eut juste le temps de répondre Daniel.

- Bien ! Tant mieux ! Mais tu dois être étonné, non ?

Christine laissa un temps de silence, permettant enfin à Amélia de répondre.

- Oui, un peu.

- C'est normal. Mais assieds-toi !

Elle montra le canapé à Amélia, qui ne se fit pas prier pour s'asseoir. Elle en avait bien besoin.

- Alors, je suppose que tu dois te poser des questions ? Notre monde est si différent du tien !

Ils prirent place autour d'elle, et elle fut le centre d'attention de tout le monde.

- Heu… Ben je ne sais pas grand chose en fait…

- A part qu'on est sorcier ! affirma Audrey.

Amélia put lire dans ses yeux de la réjouissance, à elle aussi ça semblait faire plaisir qu'elle sache la vérité. Sébastien, à ses côtés, ne paraissait en aucun cas étonné par cette révélation : il devait aussi être sorcier.

- Pourquoi vous ne pouviez pas me le dire ? demanda Amélia.

- Parce que tu es une moldue ! s'exclama Daniel.

Elle le regarda froidement. Cette expression ne lui avait jamais été agréable, au contraire, Daniel l'utilisait toujours contre elle.

- Ça veut dire que tu n'as aucun pouvoir magique, s'empressa d'ajouter Christine. La plus part des sorciers considèrent les moldus comme idiot. Mais tu nous prouves qu'ils ne le sont pas forcément !

- Vous pensiez que j'étais stupide ? C'est pour ça que vous n'aviez rien dit ?

Amélia éprouva soudain une sorte de trahison. Celle qu'elle considérait comme sa seconde famille, la prenait pour une imbécile.

- Non, pas du tout ! rectifia Thomas. Seulement, nous avons un ministère et il est strictement interdit de dire à un moldu que les sorciers existent ! Sauf s'il le découvre par lui même…

- On ne pouvait pas te le dire, sinon on aurait eu des problèmes, ajouta Audrey.

Amélia comprenait petit à petit la situation : ils étaient sorciers et lui mentaient depuis qu'ils la connaissaient. Elle aurait pu le prendre mal, mais comme elle savait qu'ils risquaient des ennuis en lui en parlant, alors leurs agissements lui paraissaient normal. Elle aurait sans doute fait la même chose.

- Vous êtes nombreux ? Je veux dire, des sorciers, il y en a beaucoup ?

- Autant que des moldus, bien qu'avec le temps notre population a diminué, répondit Christine.

Soudain, elle se leva, et sortit de la pièce.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Amélia, inquiète par cette attitude.

- C'est rien, elle a rejoint papa, rassura Audrey. Le ministère doit être affolé !

- Qu'est-ce que c'est « le ministère » ?

- C'est comme chez vous, sauf que ce sont des sorciers qui dirigent notre monde et s'emploient à tout faire pour que personne ne découvre la vérité.

- Pourquoi personne ne veut que les… les quoi ?

- Les moldus, compléta Audrey.

- Oui, pourquoi personne ne veut que les moldus connaissent votre existence ? On pourrait comprendre !

Aucune des personnes, autour d'elle, ne répondit. Ils se contentèrent de se regarder, cherchant peut être une réponse sur leurs visages. Finalement, Thomas affirma :

- Tu pense vraiment que les moldus sont dignes de confiance?

Amélia ne répondit rien à cette remarque. Evidement qu'elle pensait qu'ils étaient digne de confiance ! Elle était moldue avant tout, et ils lui faisaient confiance à cette instant, alors pourquoi « son monde » ne pourrait pas être au courant aussi ?

Face à son expression, Thomas ajouta :

- Les moldus savent que notre monde existe ! Enfin, en tout cas, ils connaissent nos histoires, notre passé et pourtant aucun d'eux n'y croit vraiment, sinon ils nous auraient démasqués ! Il y a très longtemps, quand le ministère de la magie n'était pas aussi performant qu'aujourd'hui, des moldus ont découvert notre monde. Et qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ils nous ont pourchassés, tués… Tu connais sûrement l'histoire des sorcières de Salem ou de Halloween, et bien c'est vrai ! Alors pardonne nous de ne plus faire confiance aux moldus ! Ils nous ont prouvés ce dont ils étaient capables, et on n'a absolument pas envie de revivre ça !