Tout fini toujours par s'expliquer, vous vous en rendrez compte dans ce chapitre...

- Bonsoir monsieur le Président, excusez moi de vous déranger à cette heure-ci, affirma Amélia en regardant sa montre qui indiquait dix heures du soir, mais on m'a dit que vous étiez constamment là.

- Est-ce que je t'ai reproché quelque chose ? questionna Rabier.

- Heu… Non…

En effet, Amélia s'était excusée avant même que le Président ait pu dire un mot, et apparemment, sa visite ne le dérangeait pas.

- Bien ! Est-ce que ça te dérange si je mange pendant qu'on parle ? Je n'ai pas encore eu le temps de dîner.

- Moi non plus, murmura Amélia en entendant son ventre gargouiller.

- Comment ? questionna Rabier qui ne l'avait pas comprise.

- Je disais seulement que…, hésita-t-elle, que je n'avais pas dîner non plus.

Le Président sembla réjoui par cette nouvelle, bien qu'Amélia commençait sérieusement à avoir faim. Il lui sourit et ajouta :

- Excellent ! Je vais demander aux elfes de préparer deux plats.

- Je ne voudrais pas vous déranger, lança Amélia à contre cœur, la faim s'emparant d'elle.

- Non, non ! Ne t'en fais pas ! Et puis tu me tiendras compagnie comme ça.

Ne pouvant refuser, Amélia acquiesça avec un sourire. Elle ne s'attendait pas à dîner avec le Président de la magie, mais maintenant qu'il lui avait proposé, autant en profiter. En un coup de baguette ainsi qu'une formule, une table apparut au centre de la pièce. Enfin, deux couverts se dressèrent tout seuls d'un bout à l'autre de la petite table.

- Assieds-toi, je reviens !

Rabier sortit de la pièce, pendant qu'Amélia s'assit tranquillement à l'une des extrémités de la table d'un blanc éclatant. Au fur et à mesure qu'elle regardait la blancheur des lieux, de la table, des couverts, en résumé, de tout ce qui l'entourait, elle eut l'envie irrésistible de voir de la couleur. Son pull était mauve et son pantalon noir, mais à part cela, il n'y avait que du blanc. Dans tout les coins.

Cette couleur commençait à lui faire mal à la tête, au point qu'elle préféra fermer les yeux pour ne plus rien distinguer. Quelques secondes plus tard, elle les rouvrit, son mal de tête ayant légèrement passé. Elle se demandait vraiment comment les employés du ministère pouvaient travailler dans ces conditions. Mais avant tout, elle ne put comprendre pourquoi ils ne mettaient aucune autre couleur. Même si le blanc était sensé être le symbole de la paix, il lui donnait l'envie de vomir à force de le voir.

Finalement, le Président revint, et lança :

- Ce sera prêt dans dix minutes !

Il s'installa en face d'Amélia, prit sa serviette… blanche, et la posa sur ses genoux, puis la fixa en souriant. Son siège était légèrement rehaussé, ce qui lui donnait un air plus grand, mais Amélia dut quand même baisser les yeux pour le regarder en face.

- Je peux vous demander quelque chose ?

- Tu es là pour ça, non ?

- Oui, enfin… Pourquoi tout est blanc ? Pourquoi vous ne mettez pas de couleur ?

- Qu'est-ce que tu veux dire ? questionna Rabier qui ne semblait pas comprendre ce qu'elle lui disait.

- Les murs, les meubles, tout est blanc !

Son regard changea immédiatement d'expression, passant de celui de surpris à celui d'intrigué. Il devait être en train de réaliser un élément qu'Amélia ne comprenait visiblement pas.

- Tu… Tu vois la blancheur ?

- Faudrait être aveugle pour ne pas la voir ! répliqua-t-elle en riant.

- Tu es vraiment exceptionnelle…, avoua-t-il en la dévisageant.

Amélia ne comprenait décidément pas pourquoi il lui disait cela. En quoi voir du blanc pouvait la rendre exceptionnelle ?

- Je dois te dire, expliqua enfin Rabier, que peu de personnes voient la blancheur du ministère. La plus part voient de nombreuses couleurs, tout ce qu'il y a de plus naturel.

- Je ne comprends pas. Tout est blanc !

- En fait, oui… mais pas aux yeux de tout le monde. Il y a très longtemps, expliqua Rabier, des centaines d'années de cela, le tout premier Président de la magie français habitait dans l'immeuble juste au dessus de nous…

Vraisemblablement, il s'agissait de l'endroit par où elle était entrée. Son intuition avait été la bonne puisqu'en effet, quelqu'un y habitait il y a très longtemps.

- Ses ministres travaillaient ici, dans le sous-sol, ce qui garantissait l'anonymat du lieu. Mais un jour, l'un des ministres a fabriqué une potion en mélangeant des ingrédients au hasard, et elle s'est déversée sur le sol à cause d'un faux mouvement. En quelques minutes, elle s'est répandue partout. Grâce à un sort complexe, le ministre responsable a réussi à stopper la progression du liquide. Après avoir nettoyé, les employés du ministère se sont rendus compte que tout, du plafond jusqu'au sol, en passant par le mobilier, était devenu blanc. Ils eurent beau pratiquer des sorts, peindre à la manière des moldus, rien ne put éliminer ce blanc. Pour éviter d'être puni pour sa faute, le ministre lança un puissant sort de confusion dans tout le bâtiment…

Devant la naïveté d'Amélia sur ce que pouvait être un sort de confusion, le Président expliqua :

- C'est un sortilège qui permet de brouiller l'esprit. Dans notre cas, il brouille la vision pour qu'on voit de la couleur dans tous les coins. Donc, théoriquement, tout personne qui entre ici, croit qu'il y a de la couleur partout, ce qui n'est pas le cas, bien évidemment.

- Mais pourquoi je le vois moi ?

- Je ne sais pas… Il semble que tu ne sois pas atteinte par le sort d'Amnésie, ce doit être la même chose pour le sort de confusion…

- Vous voulez dire que je résiste à la magie ? Comme si j'avais un bouclier ?

- Oui, c'est à peu près cela…

Cette révélation laissa Amélia dubitative. La possibilité pour elle de résister au sort d'Amnésie s'avérait déjà incroyable, alors si en plus ça fonctionnait avec d'autres sortilèges, ça devenait vraiment inquiétant. Qui sait à quoi elle pouvait encore résister ?

C'est alors qu'elle repensa à l'une de phrases du Président : « peu de personnes voient la blancheur du ministère ». Cela supposait qu'elle n'était pas la seule à la voir, et par conséquent ça n'avait peut être aucun rapport avec son hypothétique « bouclier ».

- Qui d'autre voit le blanc ? demanda-t-elle, intriguée.

- Les grands mages, ceux qui réussissent à combattre ce sortilège. Mais il leur a fallu de nombreuses années de pratiques pour y arriver.

- Vous le voyez vous ?

- Non, pas du tout. Pour moi, ces murs sont bleus clairs, le sol est marbré en gris, et notre table est brune avec une nappe bordeaux.

Amélia regardait ce qu'il venait d'énumérer, mais avec tout le volonté du monde, elle ne voyait que du blanc. Un question lui vint alors :

- Il n'existe pas un moyen d'annuler la confusion ?

- Le sort de confusion ? Non. Seul celui qui l'a lancé peut l'annuler. Or le ministre responsable est mort depuis longtemps. Et puis même si on trouvait un moyen de l'enlever, je ne pense pas que ce serait très réjouissant de voir du blanc à longueur de journée…

- Je confirme, lança Amélia, résignée.

Deux petites créatures, de la taille du Président, entrèrent soudain dans la pièce. Elles possédaient de grandes oreilles ainsi que des yeux globuleux de la taille d'une balle de tennis. Amélia en déduit que ce devait être cela des elfes. En effet, ils posèrent une assiette rempli de lasagne devant Amélia et le Président.

- Merci, leur lança Amélia.

- Ça à l'air délicieux ! ajouta Rabier.

Il lui fit signe de commencer à manger, et sans se faire prier, elle prit ses couverts et dégusta son plat.

- Cette histoire nous a éloignés de notre but premier : pourquoi es-tu venue me voir ?