L'homme face à eux devait avoir plus d'une cinquantaine d'année à en juger par ses cheveux gris. Cependant il semblait être en excellente forme et sa carrure laissait penser qu'il pratiquait souvent du sport. Ses yeux marrons se posèrent alors sur Amélia et Daniel.
- Bonjour, dit-il étonné, que puis-je faire pour vous ?
Il s'essuya les mains sur son tablier, sûrement était-il en train de cuisiner. Cette vision étonna Amélia, puisqu'il ne correspondait pas du tout à l'image qu'on se faisait du maître de maison de cet endroit si luxueux.
- Bonjour monsieur, amorça-t-elle enfin. Je m'appelle Amélia Walter et voici Daniel Granduc.
Ils se serrèrent la main, et l'évocation de ces noms ne fit pas réagir l'homme en face d'eux. Visiblement, il n'avait pas dû ouvrir ses journaux ces derniers temps.
- Vous êtes bien Ludovic GrandJean ? interrogea Amélia, pour être certaine qu'ils ne se trompaient pas.
- Oui, c'est moi, répondit-il, de plus en plus intrigué par ces personnes.
Un sourire envahit le visage d'Amélia et lorsqu'elle tourna les yeux vers Daniel, elle vit que lui aussi était soulagé de l'avoir enfin trouvé.
- Monsieur GrandJean, vous ne pouvez pas savoir à quel point on est heureux de vous voir. C'est incroyable que vous viviez encore ici, enfin tant mieux pour nous…
- Excusez-moi, coupa GrandJean, mais que voulez-vous ?
- Voilà, je suis à la recherche de renseignements sur ma mère et apparemment, vous êtes le seul à pouvoir nous aider.
- Ha bon ? sourit GrandJean en bombant le torse, fier de pouvoir apporter son aide à quelqu'un.
- Oui, elle s'appelait Lucia Martin.
Soudain, sans s'y attendre, le visage de GrandJean s'assombrit, puis, dénoué de tout sentiment, il prononça :
- Je ne connais pas cette personne, désolé. Si vous pouviez partir maintenant, je suis très occupé.
Il attrapa le bol posé au dessus de la cheminée et le tendit à Amélia. Celui-ci contenait de la poudre de cheminette, ce qui signifiait clairement qu'il les mettaient dehors.
- Mais…, tenta Amélia, c'est très important.
- Je vous dis que je ne la connais pas, veuillez vous en aller….
- Monsieur GrandJean, intervint Daniel, vous avez été à Beauxbâtons avec Lucia, et on sait que vous étiez loin d'être des petits anges, bien au contraire. Seulement on ignore ce qu'il s'est passé après, et c'est vraiment très important qu'on le sache.
- Et pourquoi vous ne le demandez pas à Lucia ?
Le cœur d'Amélia s'accéléra, comme à chaque fois qu'elle devait annoncer à quelqu'un que sa mère était morte. En dehors du décès, c'était cela qu'elle détestait le plus : faire part de la mauvaise nouvelle.
- On ne peut pas, se lança-t-elle, elle est morte en septembre.
Le bol contenant la poudre de cheminette et que GrandJean avait gardé dans ses mains, vint se fracasser sur le sol dans un grand bruit. Amélia sursauta, mais GrandJean ne s'en occupa même pas. Les yeux vide de toute expression, il chercha sur le visage d'Amélia que ce qu'elle venait de dire n'était pas vrai. Mais pourtant, il ne put que réaliser qu'elle ne mentait pas en voyant sa tristesse. Il s'écroula alors dans le fauteuil, sa tête dans ses mains.
- Lucia est morte…, murmura-t-il.
Un silence s'installa dans le salon, tandis que le jeûne garçon essaya de comprendre la situation, et surtout ce qui arrivait à son père.
- Papa ? Qu'est-ce qu'il y a ? Qui c'est Lucia ?
GrandJean releva la tête vers lui, mais ne lui répondit pas, affichant un simple sourire qu'on sentait forcer. Il reporta son attention sur Amélia et Daniel, demandant :
- Comment c'est arrivé ?
- Elle a eu un accident de voiture avec mon père. Ils sont morts tout les deux sur le coup.
- C'est affreux… Vraiment affreux…
Amélia ne sut quoi répondre à cela. Apparemment, il tenait encore beaucoup à sa mère, mais pourtant cela devait faire plus de vingt ans qu'ils ne s'étaient pas revus. Pourquoi une telle réaction ?
- Monsieur GrandJean, intervint Daniel, on a vraiment besoin de savoir…
Celui-ci acquiesça, puis se retourna vers son fils.
- Matthieu, laisse nous s'il te plaît.
- Mais papa…
- Pas de mais ! Ca ne te regarde pas !
Sans plus de discussion, le jeune garçon sortit de la pièce et claqua la porte pour bien montrer à son père qu'il était en colère.
- Je vous en prie, asseyez vous, dit-il en leur montrant le canapé.
Daniel et Amélia firent donc, attendant les révélations de Ludovic GrandJean.
- Lucia et moi étions les meilleurs amis du monde à Beauxbâtons. Dès qu'on s'est vu, on s'est apprécié. On est devenu inséparable… Et puis on a découvert peu à peu la magie noir… Je tiens à ce que vous sachiez que je n'en suis pas fier, c'est une partie de ma vie que je tiens à oublier. Aucun de mes proches est au courant, même pas ma femme, et j'aimerais que ça reste ainsi…
Après qu'Amélia et Daniel aient acquiescé, il poursuivit :
- On s'est donc intéressé de près à la magie noir… Pendant notre troisième année, on a subit les frasques de l'adolescence, on s'est véritablement rebellé, et notre moyen, c'était d'apprendre tout ce qui était possible en magie pour pouvoir déstabiliser le monde. D'ailleurs c'est devenu notre ambition, on n'acceptait pas le monde dans lequel on vivait, on voulait mettre le chaos dans tout ça. Et je dois dire qu'on s'est bien débrouillé… On a tout fait, tout ce qui est possible et impossible, on a touché à tous les sorts, on était vraiment très doué… D'ailleurs, malgré toutes nos conneries, aussi malfaisantes qu'elles puissent être, on n'a jamais été renvoyé : on réussissait nos examens haut la main donc il n'y avait pas de raison valable de nous renvoyer. Et puis pendant notre septième année, il est arrivé ce qu'aujourd'hui je qualifierais d'obligatoire… Je veux dire qu'on aurait dû s'en douter, mais on s'en fichait de tout alors forcément on n'a pas réfléchi…
- Vous êtes sortis ensemble ? questionna Daniel, prit dans la conversation.
GrandJean le regarda dans les yeux, puis sourit avec un petit air amusé.
- Non, non pas du tout… Entre Lucia et moi ça s'est toujours arrêté à l'amitié… Une amitié très forte, mais rien d'autre… On se connaissait de trop pour pouvoir aller plus loin, on était plutôt comme un frère et une sœur… Non, j'aurais préféré que ce soit ça, croyez moi…
Son visage s'assombrit, visiblement le souvenir qu'il allait dévoilé n'avait rien de joyeux.
- On a été contacté par un certain « Voldemort ». A l'époque, il n'était pas au sommet, il recherchait des gens pour l'aider à changer le monde, à le vider des impuretés, comme il disait. Lucia et moi, on ne savait pas quoi faire de notre vie, et on a décidé de rejoindre ses rangs…
- Ho ! s'écria Daniel en se reculant, la bouche entrouverte.
Amélia ne comprenait pas pourquoi Daniel réagissait ainsi, mais à en juger par son expression, se joindre à ce « Voldemort » devait être une chose affreuse. Elle chercha dans sa mémoire si un jour elle en avait déjà entendu parler, mais rien n'y faisait, elle ignorait totalement qui était cet homme, et surtout pourquoi il portait un nom si étrange. Cependant, elle préféra ne pas intervenir pour laisser GrandJean finir.
- Oui, vous avez vu juste…
Il remonta sa manche droite laissant apparaître un tatouage en forme de serpent sur son bras.
- J'ai été un mangemort… Et Lucia aussi…
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Alors, vous vous en doutiez?
