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Le Sorcier Vagabond
Chapitre 2 : Dimanche 5 mai, LEH
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À voir absolument: Il y a mille et une choses fantastiques à voir, si vous allez à Leh. Les fresques du palais, peintes à l'encre éternelle des sorciers boudhistes ou la bibliothèque des moines-sorciers auNamgyal Tsemo Gompa, pour ne citer qu'elles.Mais de toutes ces choses merveilleuses à voir, la plus belle restera l'incroyable ascension vers les cieux, qui vous donnera des ailes si vous savez emprunter la bonne voie… {Rose W.}
À faire sans hésiter :Si vous souhaitez visiter le palais de Leh, fièrement dressé sur neuf étages au sommet d'un des pics de la chaîne de montagnes du Ladakh, GRIMPEZ ! Prenez le vieil escalier en pierres qui monte jusqu'au ciel. La ballade vous fera suer mais pourrait bien vous offrir quelques surprises inattendues... alors ouvrez l'oeil ! {Scorpius M.}
Dehli, 7h16 UTC + 05h30 (heure d'été + 04h30)
Rose s'était levée à 6h00.
Elle avait pris sa douche, rangé ses affaires, et fait son sac-à-dos.
Ensuite, elle avait griffonné quelques mots dans son petit calepin en cuir sur leur visite de la veille pour sa rubrique À voir absolument.
Elle avait relu leur itinéraire de la journée et, pour ne pas passer à côté d'un détail important lors de leur visite du jour, elle avait les notes qu'elle avait prises avant de partir sur le palais de Leh et le monastère bouddhiste tibétain Namgyal Tsemo Gompa qui le surplombait.
Enfin, elle était descendue dans la salle de réception de l'auberge où était servi le petit-déjeuner et où elle devait retrouver Scorpius à 7h00 tapantes.
Toutefois, il était déjà 7h16 et pas un signe de Scorpius. Le stress gagnait Rose, même si elle faisait de son mieux pour le cacher. Elle avait englouti un bol d'upma (un petit-déjeuner indien à base de semoule de blé noir) et venait de finir son thé, dont les feuilles plaquées dans le fond de la tasse tentaient d'attirer son attention.
Rose résista presque deux minutes entières avant de succomber à la tentation. Elle prit sa tasse entre ses deux mains et posa son regard dans le fond de celle-ci, mais la voix rauque encore endormie de Scorpius Malefoy, qui venait visiblement tout juste de se réveiller, l'arracha à sa contemplation avant qu'elle ne puisse lire quoi que ce soit dans ses feuilles de thé.
– Je ne t'ai pas trop fait attendre, j'espère ? demanda Scorpius sans une once de sincérité.
Rose reposa sa tasse sur sa soucoupe, se retint de grincer des dents, puis jeta un coup d'oeil à la montre accrochée à son poignet.
– Notre portoloin part dans moins de dix minutes à l'accueil, Scorpius, soupira finalement la jeune femme. Tu ne vas pas avoir le temps de prendre ton petit-déjeuner.
Scorpius la contredit aussitôt en l'abandonnant pour se diriger vers le buffet où il empila dans une petite assiette deux parts de puttu (un petit gâteau à base de farine de riz et de noix de coco râpée) et une part d'ada (un gâteau fourré au sucre brun et cuit à la vapeur dans une feuille de bananier).
Il revint aussitôt à la table où s'était installée Rose et engloutit l'intégralité du contenu de son assiette en deux minutes, à l'exception du petit gâteau fourré au sucre brun, qu'il enveloppa dans une petite serviette avant de le mettre dans son sac-à-dos. Il fit descendre le tout avec un lassi à la mangue, et adressa un immense sourire à Rose.
– On y va ?
Les yeux écarquillés, les lèvres tordues en une grimace dégoûtée, Rose hocha lentement la tête et se leva, ramassa son sac-à-dos et l'enfila sur ses épaules avant de suivre Scorpius qui se dirigeait déjà vers l'accueil.
Le même sorcier que la veille les accueillit avec un grand sourire et leur fit signe de passer derrière le comptoir.
Scorpius s'exécuta, suivi de Rose, et le sorcier indien désigna un porte-plume en bois posé sur un petit présentoir.
– Départ dans trois minutes, leur lança-il dans un accent à peine compréhensible.
Rose, les yeux rivés sur sa montre, suivit du regard l'aiguille des secondes faire le tour du cadran, une fois, puis deux, puis démarra un compte à rebours à haute voix.
– 5…4...3...2…
– Bon voyage ! lança le jeune standardiste.
– Maintenant, fit Scorpius en empoignant Rose par le bras et en saisissant le porte-plume.
Aussitôt aspirée par le vide, Rose sentit ses pieds quitter la terre ferme et son estomac se tordre dans tous les sens. Elle savait qu'elle n'aurait pas dû prendre un petit-déjeuner si copieux avant de partir…
Leh, 7h32 UTC + 05h30 (heure d'été + 04h30)
Lorsque les pieds de Rose regagnèrent la terre ferme, sa vision se troubla légèrement, le coeur au bord des lèvres, elle sentit Scorpius, qui n'avait toujours pas lâché son bras, la tirer vers le haut pour l'empêcher de basculer en avant.
– Ça va aller ?
Rose ne se fit pas confiance pour ouvrir la bouche et répondre. Elle hocha simplement la tête, ce qui manqua évidemment de convaincre Scorpius.
Il ouvrit son sac-à-dos et en sortit la part d'ada qu'il avait emballée dans une serviette en papier.
– Tiens, c'est pour toi. Le sucre fera passer la nausée et l'étourdissement.
Rose leva les yeux vers son collègue avec incrédulité.
Scorpius sembla perdre patience, poussa un soupir agacé et lui fourra la pâtisserie dans les mains avant de refermer son sac-à-dos et de faire un pas en avant pour prendre connaissance de l'endroit où ils avaient atterri.
Rose baissa les yeux sur le gâteau posé dans sa main avant de lancer un regard Scorpius.
– Merci, fit-elle
– Pas de quoi, grommela le jeune homme sans daigner se retourner.
Rose croqua aussitôt dans la pâtisserie, et son estomac l'en remercia instantanément. Le gâteau au sucre fondit dans sa bouche, lui redonnant aussitôt des couleurs et dissipant la nausée qui la prenait à la gorge.
– Tu peux finir si tu veux. Ça va déjà beaucoup mieux, fit Rose en s'adressant au dos de Scorpius.
– C'est bon, répliqua Scorpius.
Rose haussa les sourcils, surprise par le ton brusque de son collège, mais finit le gâteau en une bouchée, avant de scruter le jeune homme du regard avec hésitation.
– Merci, répéta-t-elle encore en faisant un pas vers Scorpius. C'est la deuxième fois. J'y penserai la prochaine fois. Prendre du sucre.
Scorpius tourna légèrement la tête dans sa direction et la jeune femme vit ses lèvres se tordre en un sourire moqueur.
– Tant que tu ne l'ajoutes pas sous forme de mémo à l'itinéraire…
Rose leva les yeux au ciel, mais peina à dissimuler son sourire. Elle en fut la première surprise mais préféra ne pas trop s'attarder sur ce que cela signifiait.
Pour se distraire, elle porta pour la première fois depuis qu'elle avait posé les pieds sur le sol, son attention sur le paysage qui l'entourait et en eut le souffle coupé.
– Waouh...
– Je te l'avais dit, fit Scorpius avec un air suffisant.
Rose leva les yeux au ciel : chassez les habitudes et elles revenaient à dos d'hippogriffe.
– La vue aurait été aussi belle d'en haut, protesta la jeune femme. Et ça nous aurait éviter de grimper, ajouta-t-elle non sans blêmir quelque peu en voyant le palais de Leh se dresser en haut de la montagne devant elle.
Scorpius haussa les épaules.
– Tout se mérite, Princesse. Tu veux découvrir les galeries du neuvième étage du palais de Leh et ses fresques peintes à l'encre enchantée ou découvrir les manuscrits anciens du Namgyal Tsemo Gompa ? Alors tu dois emprunter ma voie. Mon itinéraire. C'est les règles du jeu, que tu le veuilles ou non.
– Je le sais très bien, grimaça Rose. Mais tu ne pourras t'en prendre qu'à toi-même quand il faudra que tu traînes mon cadavre jusqu'en haut. Je ne me souviens même pas de la dernière fois que j'ai fait du sport, grimaça Rose. Si tu crois sincèrement que je vais arriver jusqu'en haut sans me casser une cheville ou faire une chute mortelle, tu te trompes…
– Et si tu commençais par économiser tes forces et arrêter de dire des bêtises ?
Rose lui lança un regard noir.
– Je t'aurai prévenu.
– Grimpe, fit simplement Scorpius en désignant l'escalier vertigineux en pierres qui semblait descendre du ciel jusqu'à eux.
Rose inspira profondément et posa son pied droit sur la première marche du monstre de pierre, partiellement recouvert de petites fleurs blanches et de mousse.
– Oh, et n'oublie pas de faire attention aux marches en ivoire…
Rose fit brutalement volte-face et posa un regard anxieux sur le visage railleur – voire sadique – de Scorpius.
– Qu'est-ce que tu veux dire ? Quelles marches en ivoire ? Qu'est-ce qu'elles ont de particulier ?
Scorpius haussa les épaules sans se départir de son sourire, puis fit une geste de la main en direction de l'escalier pour lui faire signe de monter.
Le regard de Rose s'assombrit et elle grinça des dents.
– Je te préviens, si tu me réserves d'autres mauvaises surprises, j'envoie un malcoha à Ludivine sur le-champ pour l'informer que tu ne respectes pas tes engagements !
– Quels engagements ? s'offusqua Scorpius. Jusque-là, j'ai parfaitement joué le jeu et t'ai laissée m'entraîner à toutes les visites soporifiques que tu avais planifiées.
– Ton engagement de ne pas mettre ma vie en danger !
Scorpius haussa les sourcils avec désintérêt.
– Ah, fit ce dernier, ça…
Rose étouffa un grognement de frustration avant de faire à nouveau face à l'escalier, sachant qu'elle ne tirerait rien de Scorpius. De fait, elle ne put voir le sourire amusé de Scorpius balayer le masque d'ennui qu'il avait revêtu quelques instants plus tôt.
La jeune femme n'était décidément pas au bout de ses peines.
Leh, 7h50 UTC + 05h30 (heure d'été + 04h30)
Le dos fourbu par le poids de son sac-à-dos qu'elle n'avait pas pensé à alléger d'un petit sortilège avant de partir puisqu'elle n'avait pas imaginé devoir grimper jusqu'au Palais de Leh, les mollets en feu de quelqu'un qui avait peu l'habitude de pratiquer une activité physique régulière, la gorge sèche, le front moite, et le souffle coupé, Rose peinait.
Derrière elle, pourtant, Scorpius ne semblait subir ni la chaleur écrasante, ni la moindre fatigue musculaire due à leur ascension périlleuse.
Rose s'arrêta une seconde et jeta un regard à Scorpius par-dessus son épaule.
– Tu devrais passer devant, je te ralentis.
– Non, Rose, une tortue me ralentirait. Toi, tu es encore plus lente et moins agile qu'une tortue. Je suis obligée de faire une pause toutes les cinq marches pour te laisser reprendre un peu d'avance.
Rose ouvrit la bouche pour répliquer, interdite, mais Scorpius reprit comme si de rien n'était :
– Cela dit, c'est tout de même plus prudent que je reste derrière toi. Au cas où tu tomberais.
Rose laissa échapper un soupir de lassitude. Il n'y avait que Scorpius pour parvenir à être désobligeant et prévenant en même temps. Elle devait bien le reconnaître, c'était un don.
– Très bien, grommela-t-elle. Dans ce cas laisse-moi faire une petite pause, au moins. J'ai soif, et il faut que j'allège mon sac.
Scorpius hocha la tête, et désigna un rocher quelques mètres plus haut, qui semblait avoir été posé là sciemment.
– Encore quelques marches, fit-il. Il y a un point d'observation juste là, tu vois ? Ça devait être notre première étape, de toute façon…
– Notre première étape ? Il y a des étapes dans cet escalier de la mort ?
Scorpius leva les yeux au ciel.
– Arrête un peu de râler, Princesse. Et ouvre un peu les yeux au lieu de fixer le bout de tes chaussures. Crois-moi, le paysage en vaut la chandelle.
– Facile à dire pour toi, soupira Rose en recommençant à grimper pour atteindre le point d'observation désigné par Scorpius, tout le monde n'est pas un ancien sportif de haut niveau.
Scorpius éclata soudain de rire.
– C'est juste un escalier, pas le Kilimandjaro. J'aurais dû me douter que tu étais une vraie princesse au petit pois.
Cette fois-ci, c'est la surprise qui fit s'arrêter et se retourner Rose.
– Tu connais ce conte ? S'étonna-t-elle.
Si sa mère, née moldue, lui avait conté tant des histoires sorcières que moldues lorsqu'elle était enfant, elle doutait que cela fût le cas pour Scorpius.
Ce dernier haussa d'ailleurs les épaules.
– J'ai suivi le cours d'Études des Moldus à Poudlard, répondit le jeune homme avec une pointe étonnante d'embarras dans la voix. En troisième année, le professeur Reddink nous a fait faire une étude comparative des contes de Beedle le Barde et des contes d'Andersen.
Rose ne comprit pas d'où venait la soudaine gêne de Scorpius à ce sujet, mais il détourna son attention avant qu'elle ne puisse creuser davantage.
– Encore deux marches, Rose. Tu crois que tu peux y arriver sans trouver une excuse pour faire une énième pause ?
Rose retint un soupir. Rien ne servait de rentrer dans le jeu de Scorpius lorsqu'il était prêt à jouter. Elle en avait déjà fait trop de fois les frais.
Elle resta résolument silencieuse, se retourna, et grimpa les deux dernières marches qui menaient jusqu'au point d'observation. Elle s'écarta de l'escalier et gagna l'immense rocher qui émergeait du flan de la falaise.
Scorpius la rejoignit en une seule grande enjambée. Elle s'apprêta à se laisser tomber sur le sol pour se reposer et boire un peu, mais Scorpius l'en empêcha en la tirant doucement par le coude.
– Non, pas là, plus loin. Il ne faut pas que notre présence les gêne, fit Scorpius en sortant de son sac un sachet de graines multicolores qu'il commença à éparpiller derrière lui, tout en entraînant Rose avec lui de sa main libre.
– Mais de quoi tu parles ? Et qu'est-ce que tu fais ?
– Attends un peu. Là, fit-il en désignant un petit buisson à l'extrémité du rocher.
Perplexe, Rose suivit docilement Scorpius et l'imita lorsqu'il s'agenouilla derrière le buisson.
– Bois un coup, allège ton sac si tu veux, et ensuite, ouvre l'oeil.
– Mais de quoi tu…
– Fais-moi un peu confiance, d'accord ? grommela Scorpius.
– Pour être honnête, te faire confiance est vraiment la dernière chose que me conseille mon instinct de survie…
Scorpius ne prit pas la peine de répondre, mais un sourire en coin étira ses lèvres avec amusement.
Rose soupira, mais, soucieuse de suivre les règles imposées par sa cheffe comme le parfait petit soldat qu'elle était, s'exécuta. Elle s'assit plus confortablement, retira son sac-à-dos, l'ouvrit pour en retirer sa gourde, dévissa le bouchon et la porta à ses lèvres.
Elle eut à peine avalé trois gorgées bien fraîches que la gourde se remplit instantanément jusqu'au bord. Rose la referma et la remit à sa place dans son sac, avant de sortir sa baguette de la manche de son chemisier en lin pour la braquer sur son sac-à-dos.
Elle lança un sortilège d'allègement à ce dernier, puis rangea sa baguette et remit son sac-à-dos.
– Ok, fit Scorpius en chuchotant. Maintenant, regarde, et ne fais plus un bruit, d'accord ?
– Mais qu'est-ce que tu veux que je regarde, à la fin ? s'agaça Rose en prenant tout de même la peine de chuchoter, comme le faisait Scorpius.
À ce moment-même, Scorpius désigna le rocher d'un léger signe de tête. Rose laissa échapper un hoquet de surprise, forçant Scorpius à plaquer une main contre sa bouche pour l'empêcher d'effrayer l'étonnant volatile qui venait de se poser sur le rocher, attiré par les graines multicolores semées par Scorpius quelques instants plus tôt.
Scorpius fit signe à Rose d'être silencieuse, puis retira lentement sa main.
Rose observa l'oiseau géant avec fascination, de son bec élégant, en passant par sa crête dansante à son incroyable plumage qui s'ouvrait comme un éventail de couleurs plus riches les unes que les autres.
– C'est un paon mystique ? demanda Rose de la voix la plus basse possible.
Scorpius hocha la tête. Les paons mystiques étaient une espèce rare de paons géants, qui avaient presque totalement disparu. Autrefois vénérés par les sorciers bouddhistes d'Inde, ils avaient par la suite été pourchassés pour leurs plumes multicolores, qui servaient à la confection de capes magiques.
– Comment tu savais qu'il y en aurait ici ? chuchota la jeune femme. J'ai épluché tous les livres que je trouvais sur ce Leh, et je ne me doutais pas un instant qu'il y en avait encore dans cette région de l'Inde.
– Très peu, admit Scorpius en chuchotant également. Mais j'avais pris des graines de tournesols et de géranium au cas où pour les attirer, et lorsqu'on est arrivés par Portoloin, j'ai vu celui-ci survoler la vallée.
Rose fronça les sourcils.
– Je n'ai rien vu du tout…
– Ça, c'est parce que tu étais plus occupée à ne pas tourner de l'oeil qu'à regarder au-dessus de ta tête.
Rose grimaça, avant que Scorpius ne reprenne :
– Quoi qu'il en soit, j'ai pensé qu'on pourrait tenter notre chance. Ça pourrait m'inspirer pour ma rubrique du jour...
– Comment ça pour « ta » rubrique ? demanda Rose, perplexe, sans élever la voix pour autant. Ça rentre davantage dans la rubrique « À voir » que « À faire », non ?
Le sourire lent et machiavélique de Scorpius fit perdre toute couleur à la jeune femme.
– Attends un peu, bredouilla-t-elle. Tu ne crois quand même pas que…
– Oh que si, Princesse. Et tu as l'obligation de faire tout ce que je fais, tu te rappelles ?
– Et toi tu as l'obligation de ne pas mettre ma vie en danger !
– Fais-moi confiance.
– Certainement pas ! s'offusqua Rose à voix basse, perdant toute crédibilité.
Scorpius haussa les épaules.
– Comme tu veux. Bon courage pour grimper jusqu'en haut toute seule, alors…
Rose haussa les épaules, pas le moins du monde impressionnée par ses menaces.
– Je suis une sorcière, je te rappelle. Je n'ai pas besoin de grimper. Je peux tout simplement transplaner, comme on aurait déjà dû le faire depuis le début.
Scorpius la regarda avec une expression presque indéchiffrable, mais son regard métallique le trahit.
Rose détesta aussitôt la déception qui voilait ses iris. Une petite boule d'angoisse et de frustration se forma dans son estomac. Rose avait toujours donné le meilleur d'elle-même pour être à la hauteur de toutes les espérances, par peur de décevoir les attentes que les gens plaçaient en elle. Encore aujourd'hui, alors qu'elle s'était libérée du carcan d'ambitions que d'autres avaient fabriqué pour elle sans penser qu'elle puisse avoir son mot à dire, décevoir faisait naître en elle un sentiment de culpabilité et d'insignifiance qui lui retournait l'estomac.
– Comme tu veux, répéta finalement Scorpius après un long moment. On se retrouve là-haut.
Il se leva lentement, pour ne pas effrayer le paon mystique, mais Rose le rattrapa brusquement par la main, légèrement nauséeuse.
– Rose, fit Scorpius en grinçant des dents, tu vas l'effrayer.
– C'est d'accord, souffla la jeune femme, en tentant de dissimuler sa terreur. Mais je te préviens, si je tombe en plein vol…
– Si tu tombes en plein, vol, Rose, tu utilises ta baguette, bon sang ! Tu es une sorcière, non ? Et une sacrée bonne sorcière, en plus de ça !
Le ventre trop noué par la peur pour répliquer, Rose hocha lentement la tête.
– Ok, très bien. Bon… et maintenant ? Comment tu comptes t'y prendre ? Tu as déjà fait ça ?
– Déjà, tu devrais commencer par me lâcher la main, grommela Scorpius. Et pour le reste, ça peut pas être bien plus compliqué que de monter à dos d'hippogriffe… J'ai de bons souvenirs de notre cours avec Hagrid et ..
– Des hippogriffes apprivoisés ! S'exclama Rose, toujours en chuchotant. Pas des paons mystiques sauvages !
Le jeune homme haussa une fois de plus ses épaules carrées.
– Quelle différence ? demanda-t-il le plus sérieusement du monde.
Rose blêmit.
– Oh Merlin, souffla-t-elle, plus pour elle-même que pour Scorpius. Il va nous tuer…
Scorpius leva les yeux au ciel, mais ne se laissa pas impressionner.
– Suis-moi, et reste dans mon dos, d'accord ?
Rose hésita un instant, mais finit par hocher la tête, avec résignation.
Echouer n'était pas envisageable. Elle irait jusqu'au bout, quoi qu'il lui en coûte. Ne serait-ce que pour la satisfaction de ne pas donner raison à Scorpius.
Rose se leva à son tour, avec la plus grande des précautions pour ne pas effrayer l'oiseau, qui avait relevé la tête dans leur direction avec méfiance, mais elle refusa de rester dans l'ombre du jeune homme, à la grande surprise de ce dernier, qui esquissa un sourire tout juste discernable. Moqueur ou respectueux, cela, elle n'aurait su le dire.
Scorpius et Rose s'approchèrent de l'oiseau avec une extrême lenteur et la plus grande des douceurs.
L'oiseau battit en retrait avec méfiance, sa crête de dressant sur le dessus de sa tête, puis fit vibrer ses immenses plumes multicolores pour intimider les deux étrangers.
Scorpius et Rose s'immobilisèrent aussitôt et s'inclinèrent avec respect devant le paon mystique comme le leur avait appris Hagrid lorsqu'ils étaient à Poudlard.
Un chaudron d'interminables secondes s'écoula lentement jusqu'à ce que l'oiseau s'incline à son tour, offrant son long cou gracieux à leur paume ouverte.
Scorpius et Rose caressèrent prudemment l'oiseau, qui se mit à roucouler tranquillement.
– Tu vois ? Ce n'était pas si compliqué, souffla Scorpius d'une voix à peine audible.
– On n'est pas encore sur son dos, je te signale…
– Toi d'abord.
Rose tourna un regard horrifié vers son collègue.
– Tu plaisantes, j'espère ?
Scorpius haussa les épaules.
– Si tu penses pouvoir grimper sur son dos sans aide, alors je t'en prie, débrouille-toi.
Rose concéda facilement ce point à Scorpius : l'animal était gigantesque. Il y avait peu de chance que Rose parvienne à monter sur son dos sans l'aide de Scorpius. Même pour lui et ses longues jambes, la tâche ne serait pas aisée.
– Très bien, souffla Rose en s'armant de courage. Allons-y.
Scorpius se fendit d'un sourire jusqu'aux oreilles, ravi d'avoir obtenu – une fois encore – le dernier mot. Rose se promit aussitôt que ce serait le dernier qu'elle lui laisserait.
Scorpius plongea une main dans la poche de son pantalon pour en sortir son sachet de graines, y plongea la main pour y récupérer une bonne poignée qu'il offrit aussitôt au paon pour le distraire.
De sa main libre, il aida Rose, tremblante comme une feuille, à se hisser sur le dos de l'animal, qui releva la tête avec perplexité. Scorpius vida immédiatement le reste du contenu de son sachet sur le sol, attirant ainsi l'attention – et la gourmandise – du volatile ailleurs que sur sa passagère clandestine.
– À ton tour, chuchota la jeune femme à l'attention de Scorpius, en lui tendant la main.
Scorpius se hissa sans trop de peine sur le dos de l'animal avec l'aide de la jeune femme, et cette fois, le paon ne fut pas dupe.
Rose réagit instinctivement et se pencha en avant pour enserrer le cou de l'animal avec douceur et lui chuchoter des mots apaisants dans l'oreille, sous le regard surpris – et légèrement admiratif – de Scorpius.
Le paon roucoula légèrement, fit battre ses ailes en fouettant les jambes de ses deux passagers, et s'envola dans les airs.
– Et maintenant ? fit Rose en tourna la tête vers Scorpius par-dessus son épaule. Comment on fait pour qu'il nous emmène où on veut ?
– Pas besoin de lui indiquer, répondit le jeune homme en s'agrippant aux plumes de l'animal. Les paons mystiques font toujours leur nid dans les hauteurs des montagnes. Il va chercher à regagner son nid, et nous n'aurons qu'à nous laisser tomber lorsqu'il survolera le palais…
– Tu veux qu'on saute ? réalisa la jeune sorcière avec horreur.
– Si je me souviens bien, tu as eu la meilleure note de la classe pour ton sortilège d'élasticité en cinquième année, non ?
– Oui, mais…
– Et bah tu vas avoir l'occasion de le mettre en pratique pour de vrai, c'est pas merveilleux, ça ?
Rose lui lança un regard assassin, qui, loin de l'irriter, amusa énormément Scorpius.
– La prochaine fois que tu me dis « Fais-moi confiance », le cita-t-elle, rappelle-moi de te jeter un autre des mes excellents sortilèges, d'accord ? grommela la jeune femme.
Malgré ses propos, Rose ne parvint pas longtemps à s'accrocher à sa colère, tant la ballade était fantastique. Elle qui avait toujours eu une sainte horreur de voler sur un balai, elle adora chaque seconde de ce trajet surprenant à dos de paon mystique : le vent dans ses cheveux, la vue incroyable qui s'étalait sous ses yeux , la sensation de liberté qui faisait battre son coeur à toute vitesse…
Trop vite, toutefois, la ballade toucha à sa fin.
– Plus que quelques secondes, la prévint Scorpius dans son dos. Tiens-toi prête.
Rose sortit sa baguette et la pointa aussitôt vers le sol, créant un filet invisible et élastique à moins d'un mètre du sol, pour amortir leur chute.
– Plus que trois secondes… deux… maintenant, Rose !
Le coeur au bord de son chaudron, Rose ferma les yeux et sauta. Elle n'avait aucun doute sur l'efficacité de son sortilège, mais malgré tout, la peur de ne jamais rouvrir les yeux lui plombait l'estomac et lui nouait la gorge.
La chute lui parut durer une éternité. Jamais elle ne se serait crue capable de sauter. Et pourtant, la voilà qui filait dans l'air en direction du sol, les poings serrés, tétanisée par la peur et enhardie par un sentiment indescriptible de légèreté à la fois.
Quelques secondes plus tard, leurs corps tombèrent dans le filet invisible créé par Rose.
Rose rebondit plusieurs fois jusqu'à l'immobilité la plus complète. Puis, soudain, elle éclata de rire, libérée du poids qui pesait sur son estomac.
Scorpius l'observa, interdit, pendant de longues secondes, jusqu'à ce qu'un léger sourire ne s'empare malgré lui de ses lèvres.
– Admets-le, fit Scorpius après un long moment, lorsque Rose se fut calmée. Tu as adoré ça.
Rose se redressa, aussitôt imitée par Scorpius, et haussa les épaules avec détachement. Toutefois, le sourire exalté qu'elle arborait la trahissait. Du moins, jusqu'à ce que son air se rembrunisse soudain.
– Attends un peu, fit-elle, en s'extirpant du filet.
Le jeune homme la suivit, et Rose agita sa baguette pour faire disparaître le filet.
– Je sais que l'on n'a jamais fini de grimper cet escalier de la mort, mais je n'ai vu aucune marche en ivoire…
– Oh, ça ? fit Scorpius avec un air innocent qui ne lui seyait guère.
– J'y crois pas ! Tu m'as menti ! Tu m'as dit ça juste pour me faire peur !
Scorpius adressa un sourire goguenard à sa collègue.
– Tu veux les voir, ces fresques, oui ou non ? Alors dépêche-toi, on n'a pas toute la journée...
Note : Bonjour à tous :)
Pour ne pas changer, Scorpius et Rose n'en font qu'à leur tête et contrarient les plans que j'avais faits pour eux, mais tant pis.
Je me suis quand même beaucoup amusée à écrire ce chapitre, donc j'espère que cela se traduira un peu, lors de votre lecture !
Merci pour vos reviews du chapitre passé, je suis contente de voir que vous êtes apparemment ravis de retrouver Scorpius et Rose pour de nouvelles péripéties, et ça me réjouit beaucoup ! Vous savez à quel point j'aime ces deux-là...
Alors merci à tous, et merci à DelfineNotPadfoot pour la correction de ce nouveau chapitre.
Je vous souhaite à tous un bon dimanche, une bonne semaine - et pour les plus chanceux d'entre vous, de bonnes vacances.
LittlePlume
