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Le Sorcier Vagabond

Chapitre 3 : Lundi 6 mai, Ladakh(Partie I)

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À voir absolument: Lors d'une balade dans la vallée du Cachemire, faites une halte aux jardins de Shalimar. Construits par l'empereur moghol jhângîr à Srinagar, vous y trouverez ce que la région a de plus magique à vous offrir. Promenez-vous à travers la flore au printemps pour profiter de l'ombre des arbres et de l'odeur apaisante des bourgeons en fleurs. {Rose W.}

À faire sans hésiter :Bordé par la ville de Srinagar, le lac Dhal s'étend sur plusieurs kilomètres de long. Si vous avez opté pour une balade à pied à travers la chaine Pir Panjal qui encercle la vallée du Cachemire, traversez le lac Dhal pour vous rendre aux jardins de Shalimar. De toutes les options qui s'offriront à vous pour cette traversée, prenez la voie des airs et découvrez les plaisirs d'une course en tapis volant !{Scorpius M.}


Ladakh, 06h53 + 05h30 (heure d'été + 04h30)


Après avoir visité le Palais de Leh et passé des heures à étudier ses fresques magiques avant de monter jusqu'au Namgyal Tsemo Gompa où elle avait pu parcourir avec émerveillement et fascination les manuscrits aussi précieux qu'anciens de la bibliothèque des moines-sorciers qui avaient vécu là, reclus, pendants des centaines d'années, Rose avait fini par laisser Scorpius la convaincre de redescendre au village pour dîner avant de se rendre à l'auberge pour se coucher tôt et faire le plein de sommeil et d'énergie pour la journée qui les attendait le lendemain.

Et de l'énergie, Rose en avait bien besoin. Scorpius avait insisté pour qu'ils partent avant l'aube, pour profiter du « spectacle » offert par le soleil en se levant au-dessus de la chaîne Pir Panjal qui encerclait la vallée du Cachemire.

Elle devait bien le reconnaître, Scorpius s'était surpassé pour planifier ce trek. À tel point que son sens de l'organisation aurait presque pu faire de l'ombre à celui de Rose.

Toutefois, malgré la splendeur de la vue, ou la fraîcheur de l'air qu'ils respiraient à cette altitude, Rose peinait. Ils étaient partis moins d'une heure plus tôt, à pied, et déjà son corps tout entier criait au supplice : elle avait faim, soif, les jambes lourdes, le dos et le visage en sueur, les joues rougies par l'effort inhabituel qu'elle demandait à son organisme, le souffle coupé.

Scorpius avait largement surestimé les capacités physiques de Rose, lui qui restait aussi fringuant et pimpant que jamais, comme s'il s'agissait d'une simple promenade de santé pour lui. Ce qui, en y réfléchissant bien, devait sûrement être le cas pour l'ancien athlète de haut niveau qu'il était.

Rose commençait presque à regretter d'avoir négligé son corps durant toutes ces années au profit de son épanouissement culturel. Presque. Au choix, elle aurait transplané en un claquement de doigts – ou d'un coup de baguette – au Mont des instruits où reposaient les ruines d'une ancienne école de sorcellerie bouddhiste.

Rose avait bataillé avec Scorpius pendant des heures avant que celui-ci finisse par capituler (non sans quelques remontrances préalables de la part de Ludivine) et accepte de prévoir un détour par le Mont des instruits pour que Rose puisse voir les ruines magiques de l'ancienne école spirituelle.

Evidemment, cela avait pour conséquence de rallonger encore un peu leur périple, mais Rose voyait cela comme la récompense des efforts physiques surhumains qu'elle devait fournir.

S'il devait y avoir un second avantage à ce périple, c'était le silence. Scorpius était clairement dans son environnement : il était bien trop occupé à avaler les kilomètres de dénivelé et se régaler de la vue devant lui pour parler ou la tourmenter, et ça c'était un soulagement, car elle n'avait pas suffisamment de souffle pour se lancer dans une joute verbale avec son collègue.

Qui plus est, elle devait rester concentrée sur la route sinueuse devant elle.

Pourtant, son esprit vagabondait déjà vers le Mont des instruits. Elle ne pouvait s'empêcher, pour la millième fois depuis qu'ils étaient partis, de dresser mentalement la liste de tout ce qu'elle savait sur le Mont des instruits.

L'école du Mont des instruits avait été construite par les moines bouddhistes pour offrir un refuge aux jeunes sorciers persécutés par leurs pairs moldus.

Située en hauteur, elle était visible de tous les sorciers qui la cherchaient, comme un phare en pleine mer, mais nul moldu ne pouvait la voir, car elle était dissimulée par de puissants enchantements, qui avaient survécu au temps et à la ruine, même après que les années soient venues à bout de la plupart des murs de l'école.

Encore aujourd'hui, les esprits des moines-enseignants vivaient dans les lieux et dispensaient leur immense savoir aux visiteurs à la recherche de réponses.

Rose avait tout particulièrement hâte de pouvoir rencontrer l'un deux et…

– Je t'entends réfléchir d'ici, Rose ! fit soudain Scorpius, interrompant le fil des pensées de la jeune femme.

– Je ne réfléchis pas, grommela la jeune femme.

Scorpius leva les yeux au ciel, signifiant à Rose qu'il ne croyait pas un seul mot qui sortait de sa bouche, mais la jeune journaliste ne se démonta pas et reprit :

– Je pensais seulement à…

– Exactement ! la coupa Scorpius en enjambait aisément un rocher qui lui barrait la route avec ses longues jambes, alors que Rose, elle, fut forcée de le contourner. Tu réfléchissais, reprit-il, toujours pas essoufflé, au grand dam de Rose : et nous ne sommes pas là pour ça…

– Et pourquoi on est là, alors ? marmonna Rose de mauvaise grâce.

Son collègue lui assena un regard navrant par-dessus son épaule, sans même prendre la peine de se retourner.

– Pour profiter de ce que cette région de l'Inde a de plus beau à nous offrir… de tout ce qui ne se trouve pas dans tes livres ou dans un musée.

Scorpius s'arrêta soudain, forçant Rose à en faire de même, puis fit un pas vers elle et posa une main sur son épaule pour l'obliger à regarder ce qu'il pointant du doigt, loin devant lui.

– Je n'ai jamais dit que le paysage n'était pas beau, bien au contraire, fit Rose en haussant les épaules, profitant secrètement de la pause physique que lui accordait Scorpius malgré lui.

Mais le jeune homme poussa un râle exaspéré :

– Non, là-bas, regarde bien…

Rose suivit le regard de Scorpius, tout en bas du flanc de montagne qu'ils grimpaient.

À leurs pieds, le lac Dhal s'étendait sur plusieurs kilomètres, bordé par la ville de Srinagar, ses petites cabanes de pêcheurs, ses temples, ses mosquées, ses mausolées et, surtout, ses jardins luxuriants.

– Est-ce que ce sont les jardins de Shalimar que l'on voit là-bas ? demanda Rose en écarquillant les yeux, soudain incapable de dissimuler son excitation et son émerveillement.

Un lent sourire étira les lèvres de Scorpius vers le haut avant qu'il hoche la tête.

– Si tu te dépêches, on y sera peut-être avant midi.

Les yeux de Rose se firent plus grands encore, identiques à deux gros chaudrons.

– C'est vrai ? demanda-t-elle avant de froncer légèrement les sourcils. Je ne me souviens pas que ça figurait sur l'itinéraire, pourtant…

Scorpius laissa échapper un grognement exaspéré.

– Non, Weasley, c'était supposé être une surprise, mais tu es venue tout gâcher avec ton impatience et ta mauvaise volonté…

Rose ne sut si les mots de Scorpius étaient entachés de colère ou d'amusement, mais choisit de croire que c'était davantage de l'amusement.

Elle profita sereinement de la vue avec un sourire ravi, jusqu'à ce que Scorpius la presse à nouveau :

– Dépêche-toi un peu. Si tu veux avoir le temps de voir les jardins et d'arriver au Mont des Instruits avant la nuit, il faut que nous nous remettions en route sans traîner.

– Et comment on va franchir le lac pour rejoindre la rive Nord et les jardins de Shalimar ? demanda Rose. J'imagine que tu ne voudras pas transplanner.

Scorpius esquissa un sourire lent et perfide qui terrorisa Rose aussitôt.

– Ça, fit le jeune homme, c'est une surprise que je compte bien garder jusqu'à la toute fin…

Rose blêmit alors que Scorpius se remettait en marche sans attendre sa réponse.

– Scorpius… Scorpius, attends, qu'est-ce que tu entends par là ? Scorpius… ?

Fidèle à lui-même et son hobby favori (faire perdre son chaudron à Rose), Scorpius demeura résolument silencieux et Rose devinait sains peine le sourire amusé qui fendait très certainement ses traits.

Après tout, Scorpius aimait rire.

Surtout lorsque c'était à ses dépens.

Déjà à Poudlard, lorsqu'ils étaient adolescents, le second sport favori de Scorpius était de provoquer Rose (second après le Quidditch, naturellement). Rose en avait suffisamment lu sur la vallée du Cachemire pour savoir qu'il n'y avait que deux moyens de traverser le lac (trois si vous étiez suffisamment courageux pour le faire à la nage) : par barque, via un passeur, ou par un tunnel magique créé par les sorciers au début du XIIème siècle. Et Rose savait également que Scopius comptait emprunter la voie magique. Construit dans un verre enchanté résistant à la pression de l'eau, il offrait une vue imprenable sur les profondeurs du lac et ses créatures magiques aussi belles que meurtrières.

Rose ne put réprimer un frisson malgré la chaleur écrasante qui régnait sur la montagne. Elle avait les créatures marines en horreur. Parmi elles, vivaient les pires espèces magiques : sombres, sournoises et avides de chair, d'os et de sang.

Rose ne put s'empêcher de passer le reste du trajet à imaginer ce qui l'attendait sous le lac, si bien qu'elle ne vit presque pas le temps passer et en oublia que son corps tout entier la faisait souffrir, tant elle était fatiguée.

Perdue dans ses terrifiantes pensées pendant des heures durant, elle ne remarqua même pas que l'endroit où l'avait emmenée Scorpius était à plusieurs dizaines de mètres au nord de l'entrée du tunnel magique situé dans une petite crique signalée par la statue défraîchie du sorcier qui avait construit le tunnel.

– Où sommes-nous ? demanda Rose avant de poser la question qui la démangeait vraiment : On n'emprunte pas le tunnel ?

Le sourire généralement espiègle de Scorpius se mua en quelques chose de plus doux lorsqu'il vit la panique noyer les yeux de Rose derrière les verres épais de ses grandes lunettes rondes.

– Non, j'ai mieux.

– Mieux qu'un tunnel infesté de créatures maléfiques ? Est-ce que je dois avoir peur ? Parce qu'il ne me faudrait pas plus qu'une poignée de secondes pour…

– Weasley, je te préviens, l'interrompit aussitôt Scorpius, si tu dis « transplaner », je te fais passer par le tunnel…

Rose se contenta de hausser les épaules : elle commençait à connaître suffisamment Scorpius pour savoir que sous les piques, les provocations et l'arrogance, se cachait une personne attentive et respectueuse des limites d'autrui, même s'il aimait largement bousculer celles de Rose, évidemment.

– Comment va-t-on traverser le lac, Scorpius ? se résigna à demander la jeune femme en soupirant.

Le sourire de Scorpius s'élargit, visiblement ravi du suspens qu'il entretenait dans le but de faire perdre son calme et sa patience à Rose, mais cette dernière croisa les bras sur sa poitrine et soutint le regard moqueur de Scorpius, calme, sereine. Cette fois, c'est lui qui capitulerait le premier. Elle détestait jouer à ce petit jeu idiot, mais tant qu'il gagnait, Scorpius semblait vouloir relancer les dès, encore et encore, et encore…

Scorpius s'amusa instantanément de l'expression artificiellement désintéressée qu'affichait la jeune femme, malgré la panique et l'agacement qui – il en était certain – l'agitaient silencieusement.

Il aurait évidemment pu la faire mariner pendant une éternité – elle n'aurait jamais tenu aussi longtemps que lui à ce jeu-là – mais comme il n'avait cessé de le répéter à la jeune femme depuis qu'ils s'étaient levés ce matin-là, ils avaient un planning strict à respecter s'ils espéraient pouvoir arriver au Mont des instruits avant la tombée de la nuit. Et il savait à quel point Rose tenait à voir le Mont des instruits.

Alors, d'un simple signe de tête, il désigna un petit cabanon perché périlleusement sur un rocher, défiant toutes les lois de la gravité, et même celles de la sorcellerie. Devant le cabanon, un écriteau qui ne pouvait sans doute être vu que des sorciers indiquait, en anglais « Traversée du lac : location de tapis volant ».

Rose suivit le mouvement de tête de Scorpius et découvrit l'écriteau, son expression passant de la surprise de ne pas l'avoir aperçu plus tôt à la panique, avant de se figer pour afficher un air résigné. À en juger par la façon dont elle avait redressé le menton et les épaules, Scorpius imaginait que Rose avait décidé qu'entre le tunnel creusé sous le lac et un vol sur un tapis au-dessus du lac, la seconde option restait la meilleure.

– D'accord, fit Rose. D'accord, répéta-t-elle comme si elle cherchait à se convaincre plus qu'elle ne répondait à la proposition muette de Scorpius. Après tout, ajouta-t-elle après quelques secondes, qu'est-ce qu'un vol en tapis après un vol à dos de paon ?

– C'est à moi que tu poses la question ou bien est-ce que je peux raisonnablement en conclure que c'est purement rhétorique ? lui demanda Scorpius. Parce que si c'est à moi que tu poses la question, j'ai bien une réponse à t'apporter, mais je ne suis pas certain que te la donner avant qu'on soit arrivés de l'autre côté du lac soit une excellente idée…

Rose, sans surprise, lui adressa un regard noir qui le fit sourire plus que trembler.

La jeune femme ne daigna pas lui répondre et se dirigea vers le petit cabanon de location de tapis volant à quelques dizaines de mètres plus loin, Scorpius lui emboîtant aussitôt le pas.

Il leur fallut quelques minutes seulement pour accéder au cabanon. La jeune femme qui tenait le stand de location était vêtue d'un sari sorcier traditionnel de couleurs vives, assorti aux mèches colorées qui balayaient ses longues tresses noires. Lorsqu'elle les vit arriver, elle se redressa et afficha un sourire éclatant, attirant l'attention de Rose sur sa lèvre inférieure percée de deux anneaux dorés.

– Salut ! leur lança la jeune femme en anglais, dans un accent léger. Vous cherchez un tapis ?

Scorpius ouvrit la bouche pour répondre, mais Rose le devança.

– Oui, on aimerait traverser le lac.

La jeune sorcière indienne pivota légèrement pour désigner du doigt les tapis tissés à la main suspendus sur le mur derrière elle.

– J'ai tout ce qu'il vous faut. C'est votre première fois en tapis ?

– Oui, répondit aussitôt Rose, alors que Scorpius répondait « Non » en secouant légèrement la tête.

La jeune femme hocha la tête.

– D'accord, dans ce cas il est peut-être plus prudent que vous voliez ensemble, fit la jeune femme en s'adressant principalement à Rose. Je peux vous proposer des tapis individuels, bien sûr, mais pour une première fois, il est toujours recommandé de voler avec quelqu'un de plus expérimenté.

Rose secoua la tête.

– Non, non, j'aimerais un tapis individuel.

La jeune femme arqua un sourcil, percé lui aussi :

– Vous êtes sûre ? La traversée ne dure que quelques minutes, mais…

– Certaine, l'interrompit Rose d'une voix décidée.

– Très bien, comme vous voudrez… mais je vous préviens, les tapis, c'est comme les poneys : ne leur montrez surtout pas que vous avez peur ! La prévint la jeune femme.

Cette dernière choisit ensuite deux tapis : un tapis qu'elle déclara plus « docile » et plus « doux » que ses camarades en raison de son grand âge, qu'elle donna à Rose, et un tapis plus jeune et plus « fougueux » qu'elle donna à Scorpius.

Rose ne put s'empêcher d'espérer que la « fougue » du tapis de Scorpius résulterait en un plongeon de Scorpius dans le lac, avant de se raviser, honteuse. Souhaiter le malheur d'autrui n'était pas très glorieux, d'autant plus qu'il était préférable qu'elle espère rester bien au sec sur son propre tapis.

La loueuse leur donna des instructions précises et les règles de sécurité à respecter, leur fit faire quelques tests, les encaissa, puis, leur demanda de se positionner sur la piste d'envol, délimitée par de simples lignes tracées à la craie sur le sol rocheux.

Rose avait beau faire la fière depuis qu'ils étaient arrivés pour ne pas donner raison à son collègue, maintenant qu'elle était agenouillée sur le tapis, prête à décoller, l'angoisse la prenait à la gorge.

Elle ferma les yeux, les doigts fermement enroulés autour des franges de son tapis.

– Rose, souffla Scorpius, agenouillé sur son tapis à côté d'elle, détends-toi, ça va bien se passer. Essaye de profiter un peu de la balade, d'accord ?

Rose tenta tant bien que mal de répondre, mais ses mots se transformèrent en un grognement non identifiable lorsqu'ils franchirent le seuil de ses lèvres.

Soudain, la loueuse souffla dans le petit sifflet doré qui pendait autour de son cou, et Rose sentit son tapis s'élever au-dessus du sol, emportant son coeur avec lui.

– Merlin…

– Rose, ouvre les yeux, lui lança Scorpius en élevant la voix pour qu'elle l'entende.

La jeune femme ordonna à ses paupières de s'ouvrir, sans succès. Cramponnée à son tapis, elle était passée d'une position agenouillée à une position presque allongée. Plusieurs secondes passèrent avant qu'elle ne parvienne à retrouver son calme, à se redresser légèrement, puis à ouvrir un œil. Puis deux.

La vue lui coupa le souffle. L'espace d'une seconde, elle oublia presque que son coeur menaçait de sauter dans le vide qui s'étalait sous ses yeux.

Elle savait qu'elle devait profiter de l'instant présent, savourer toutes les sensations qui la traversaient, mais il était difficile de faire confiance à un objet enchanté. Son grand-père Arthur lui avait conté trop d'histoires, aussi amusantes que terrifiantes, sur tout un tas d'objets ensorcelés auxquels il avait été confronté pendant sa carrière au département des détournements de l'artisanat moldu pour qu'elle puisse pleinement se détendre.

De plus, le fait d'être invisible aux yeux des moldus sous ses yeux qui, eux, avaient les pieds fermement posés sur la terme ferme, lui donna légèrement le vertige.

Heureusement, la traversée ne dura que quelques brèves minutes et bientôt son tapis piqua du nez, tout en douceur, pour se poser sur la terre ferme, de l'autre côté du lac, devant un cabanon identique à celui que Scorpius et elle venaient de quitter. Rose sauta aussitôt de son tapis, soulagée d'avoir regagné la terre ferme.

Le tapis de Scorpius vint se poser près du sien, après une descente en piquet qui lui sembla nettement plus raide et rapide que la sienne.

Scorpius sauta sur ses jambes en riant, visiblement ravi de sa petite balade.

– Tout s'est bien passé ? leur demanda un vieux monsieur en s'approchant d'eux.

– Impeccable ! fit Scorpius.

Rose, elle se contenta de hocher la tête, de peur que le petit-déjeuner qu'elle avait englouti ce matin-là avant de partir ne décide de lui jouer un mauvais tour.

– Ça va aller ? fit Scorpius en se penchant vers elle, les yeux plissés avec inquiétude.

Rose hocha à nouveau la tête, ce qui ne convainquit pas tout à fait Scorpius, mais lorsque Rose salua le vieux sorcier et se dirigea d'un pas décidé vers les jardins de Shalimar, dont la direction était indiquée sur tous les panneaux autour d'eux, comme tout bon site touristique qui se respecte, il comprit qu'il n'obtiendrait pas de réponse honnête de sa part. De toute évidence, Rose était déterminée à lui prouver qu'elle pouvait encaisser tout ce que Scorpius avait en réserve pour ce voyage.

Au lieu de le réjouir, comme il avait toujours pensé que ce serait le cas, cette révélation perturba Scorpius.

D'aussi loin qu'il se souvienne, rien n'avait jamais semblé effrayer Rose Weasley, première de la classe, élève modèle et favorite des professeurs. Du moins, rien d'académique. Longtemps, il avait souffert d'être toujours second, derrière Rose Weasley. Voire, premier ex aeqo. Quoi qu'il fasse, quelle que soit la note qu'il obtenait, le nombre de bonnes réponses qu'il donnait en classe, ou la difficulté des exercices qu'il réussissait du premier coup, les enseignants n'avaient d'attention que pour Rose Weasley. Comme si les O qu'obtenait Rose étaient bien plus importants et honorables que les O que pouvait obtenir Scorpius. Jusqu'à ce qu'il choisisse de se donner corps et âme au Quidditch, seule discipline à laquelle Rose Weasley n'accordait aucune importance et à laquelle Scorpius avait toute la place qu'il voulait pour briller.

Il avait toujours détesté se retrouver coincé dans l'ombre de Rose lorsqu'ils étaient à Poudlard. Mais jamais encore, il n'avait imaginé ce que cela avait pu être pour elle, car il avait toujours pensé que c'était de sa faute à elle. Comme le gamin qu'il était, il avait fait de Rose la cible de sa rancoeur, sans jamais imaginer qu'elle avait pu souffrir, tout autant que lui, d'être placée dès ses tout premiers pas à Poudlard sous le feu. De devoir répondre aux exigences et aux attentes que les adultes avaient d'elle alors qu'elle n'avait que onze ans.

Après la fin brutale de sa carrière de Quidditch, lorsqu'il avait rejoint Le sorcier vagabond où Rose travaillait déjà comme journaliste-guide de terrain, Scorpius avait saisi l'occasion de prendre sa revanche. De devenir meilleur qu'elle, de créer une rubrique amusante qui serait plus appréciée des lecteurs que la sienne, ennuyeuse à mourir. Puis Ludivine, bien malgré elle, lui avait donné l'occasion rêvée de prouver à tout le monde qu'il était le meilleur, le plus spontané, le plus casse-cou : l'occasion parfaite pour Scorpius, de prouver que Rose n'était pas à la hauteur des défis qu'il pourrait lui lancer, qu'elle capitulerait la première.

Il ne s'était pas douté un seul instant que des années et des années d'endoctrinement avaient rendu la jeune femme incapable d'échouer. Rose ne pouvait pas échouer, elle ne pouvait pas abandonner, car il lui était physiquement et mentalement impossible de décevoir. Quoi qu'il lui en coûte.


Note : Bonjour à tous... Je suis confuse pour tout ce retard, et j'espère que vous me pardonnerez. Ou du moins que la lecture de ce nouveau chapitre (partie I) vous fera oublier mon retard impardonnable.

... et surtout, j'espère que vous serez là pour la partie 2.

Merci à tous d'être encore là, et merci à DelfineNotPadfoot pour la relecture et la correction de ce chapitre cahotique !

Je vous souhaite à tous un excellent dimanche.

LittlePlume

Date prévisionnelle de publication du Chapitre 3 (Partie 2) : 31 octobre 2021