Chapitre 5 :

Ils étaient étendus tous les deux sur le lit, Rodney blotti dans les bras de John, son dos contre la poitrine de celui-ci. Le militaire faisait passer ses mains sur le corps tout contre lui en une douce caresse. Il sentait la respiration calme et régulière qui se dégageait de l'autre, et songea qu'il n'allait pas tarder à s'endormir, si ce n'était pas déjà fait.

Il s'était écoulé plusieurs semaines depuis « l'accident de labo» du Dr McKay (c'était l'explication officielle trouvée par Carson et Elisabeth). Le scientifique avait passé quelques jours à l'infirmerie, sous calmants, suivi de très près par la psychologue de la base. Puis il avait décidé de retourner travailler. John sourit en pensant même que la pire crise de toute son existence ne pouvait pas détourner le Canadien ne ses chers calculs plus de quelques jours. Peu de gens étaient au courant de la suite, même le Dr Zelenka, le collègue le plus proche de Rodney, ne le savait pas, mais McKay avait continué depuis lors sa thérapie intensive avec le Dr Heightmeyer. Et ça avait marché ! Enfin, du moins dans une certaine mesure. En tous cas, un beau jour, deux semaines auparavant pour être exact, Sheppard avait ouvert la porte de son appartement sur un docteur McKay souriant, vaguement gêné de se trouver là. Il l'avait fait entrer, et les deux hommes avaient discuté de tout et de rien pendant un petit moment. John n'avait pas cherché à revoir Rodney depuis l'accident de l'infirmerie, ordre du médecin, mais il avait pris de ses nouvelles régulièrement, et le Canadien venait pour « le remercier de sa sollicitude ». Il s'étaient revus régulièrement par la suite, et pour finir s'étaient embrassés un soir. Ou plutôt, Rodney avait embrassé John. Timidement. Celui-ci n'aurait pas tenté le diable une nouvelle fois ! Et de fil en aiguille, de baisers en caresses, les deux hommes s'étaient retrouvés une nuit allongés, nus, sur le lit du major.

Mais tout ça n'allait pas sans mal. En effet, même si Rodney s'était montré guéri pour beaucoup de choses, il refusait toujours d'aller jusqu'au bout avec John, lequel commençait à perdre patience. Toutes ces nuits passées sur un lit à caresser le corps de l'être aimé sans pouvoir rien faire de plus mettaient les nerfs du major à rude épreuve. Le lieutenant Ford et Teyla en avaient fait l'expérience à plusieurs reprises lors des dernières missions : la frustration ne rendait pas John Sheppard agréable à vivre ! Rodney s'en rendait compte lui aussi. Réveillé, il remua un peu et saisit les mains baladeuses du major dans les siennes.

- Je sais que tu en as envie, alors vas-y, murmura-t-il dans un souffle à l'attention de l'homme derrière lui.

John commençait à s'endormir, la voix du Canadien le tira du sommeil. Pour ça, il en avait envie, tellement envie…

- Je vais y aller doucement, dis-moi si ça va.

Il resserra son étreinte, et ramena une de ses mains vers lui, effleurant au passage les hanches arrondies de son amant. Le désir lui faisait presque tourner la tête, mais il ne voulait à aucun prix brusquer les choses. Il posa sa main sur une fesse. Le corps qu'il tenait contre lui se raidit soudain, la respiration s'accéléra. Il devinait sans le voir que Rodney avait fermé les yeux pour se préparer à ce qui allait suivre.

- Tu es sûr que ça va , chuchota-t-il dans l'oreille du Canadien.

- Oui.

Mais le dos qui lui faisait face se crispa encore d'avantage. John ramena sa main sur le ventre, dans un geste qui se voulait rassurant. Il prit une profonde inspiration, et s'éloigna du corps tant désiré. Il se leva et récupéra son caleçon par terre avant de se diriger vers la salle de bain. Rodney le rejoignit là quelques instants plus tard, il avait son air de gamin boudeur sur la figure, mais son regard cachait mal un certain soulagement.

- Pourquoi tu n'as rien fait , demanda-t-il en s'appuyant à l'encadrement de la porte.

- Tu n'es pas prêt.

Sheppard lui tournait le dos, debout devant le lavabo. Il observait son reflet dans le miroir face à lui.

- Mais je ne le serai peut-être jamais, et je veux que ça soit bien pour toi aussi. Et puis je ne veux pas que tu ailles voir quelqu'un d'autre.

- Ne dis pas n'importe quoi, ça ne fait que deux semaines qu'on est ensemble, je peux très bien attendre. Je suis sûr que tu vas y arriver bientôt.

Le major se retourna face lui, accompagnant sa tirade d'un de ses légendaires sourires. Il se rapprocha du scientifique et déposa un chaste baiser sur les lèvres de celui-ci. Rodney ne savait pas quoi dire. Il savait que Sheppard mentait, mais il ne pouvait rien changer à la situation. Pourtant il aurait tellement aimé lui faire plaisir de cette façon. Il se jura de ne plus rien laisser paraître de son trouble la prochaine fois. La prochaine fois, il laisserait John le pénétrer. Il ne savait même pas ce qui le dérangeait tant. Il n'avait pas peur, il avait confiance en John et il savait qu'il ne lui ferait pas mal. La psychologue aurait sans doute dit qu'il avait encore trop honte de sa relation avec un homme. Et elle aurait sans doute raison. Il n'arrivait pas à s'imaginer dans cette position avec John, ni avec aucun autre homme, d'ailleurs.

- Je dois prendre une douche, maintenant. On part en mission dans une heure.

Vaincu, McKay quitta la pièce, puis il se rhabilla et sortit des quartiers du major, la tête ailleurs.

Il était encore tôt et la cité dormait. Le départ de mission avait été avancé à cause de l'ensoleillement particulier de la planète à visiter. Aussi McKay ne s'attendait-il pas à croiser quelqu'un dans les couloirs. Au début de leur relation, il était un peu nerveux, mais au fil du temps il s'était détendu. Et voilà qu'en sortant de l'appartement, alors que sa posture laissait clairement deviner d'où il venait, il aperçut le sergent Bates qui venait dans sa direction. Les deux hommes échangèrent un regard surpris, et Rodney se sentit rougir honteusement.

- Dr McKay.

Le militaire le salua d'un signe de tête et s'éloigna sans ralentir le pas. McKay était horrifié. Bien qu'il ne connaisse pas bien Bates, il le voyait comme un homme froid et hautain, avec sans doute des idées bien carrées sur tous les sujets. Rodney décida aussitôt qu'il ne dirait rien au major. C'était trop tard, le mal était fait. Bates n'aimait pas Sheppard, mais jamais il n'oserait le défier, il était bien trop respectueux de la hiérarchie militaire pour ça. Enfin, du moins Rodney l'espérait-il.