Chapitre 6, Ned II.
Cela faisait une semaine que le cortège royal avait quitté Winterfell accompagné de Ned Stark, de deux de ses enfants et d'une vingtaine de ses gardes commandés par Jory Cassel, le neveu de Ser Rodrik. Ils venaient de passer Moat Cailin, le verrou du Nord, lorsque Robert avait souhaité s'arrêter pour s'adonner à sa grande passion, autre que tromper sa femme évidemment : la chasse. Il était donc parti avec Ned et plusieurs de ses gardes à cheval dans les forêts bordant le Neck.
Leur chasse avait duré deux bonnes heures et avait été plutôt fructueuse. Ils avaient ramené deux beaux cerfs qui avaient ensuite été cuisinés pour leur déjeuner. Le roi Baratheon avait, après avoir attrapé un morceau de viande entouré autour d'un os, entraîné son ami à l'écart. Il voulait lui parler, en privé.
- Que se passe-t-il mon ami ? lui demanda le loup inquiet
- Tu connais Lord Varys de réputation n'est-ce pas ? L'un de ses espions de l'autre côté du Détroit lui a appris que les gamins Targaryen ont survécu, le frère et la sœur de Rhaegar. Et la gamine a épousé l'un de ces sauvages dothrakis.
- Non, je refuse. Je ne cautionnerais pas l'assassinat d'une enfant innocente.
- Elle est une Targaryen, Ned.
- Mais elle n'est pas son frère. Et encore moins son père !
- Si jamais elle traverse le Détroit, ce sera avec une armée de cent milles cavaliers.
Le Stark était dépité par ce que proposait son ami. Assassiner des enfants … ils n'étaient pas Tywin Lannister par les anciens dieux ! Il refusait de laisser envoyer La Montagne violer et tuer d'autres Targaryen.
- Les dothrakis auront trop peur pour oser traverser le Détroit. Et pour commencer … qui est cet informateur qui renseigne Varys ?
- Tu le connais bien Ned : Jorah Mormont.
- Un négrier qui n'a pas eu le courage d'affronter la sentence qui avait été prononcée contre lui ? En voilà un homme fiable.
- Je suis le roi, Ned.
- Et tu m'as choisi pour t'épauler, alors écoute mes conseils à l'avenir.
C'est alors qu'un manteau rouge, l'un des gardes de la maison Lannister, arriva vers eux, paniqué.
- Mon roi, dit-il, le prince Joffrey a disparu depuis plusieurs heures.
- Comment a-t-il pu disparaître alors qu'il est normalement sous surveillance permanente puisque c'est l'héritier de la couronne ?
- Je ... la reine Cersei m'avait envoyé chercher de l'eau car elle voulait se rafraîchir et je n'ai reçu cette nouvelle qu'il y a peu.
- Très bien … cherchons-le alors !
Tout le monde partit donc à la recherche de Joffrey, Ned nota qu'Arya n'était pas au camp elle aussi mais ne dit rien car il sentait au fond de lui qu'elle avait un rapport avec cette disparition. Ils se séparèrent donc dans la forêt : Robert et Ned ensembles au milieu et plusieurs petits groupes de gardes dans toutes les autres directions.
Au bout d'un temps qui sembla une éternité, le Roi et sa Main trouvèrent Joffrey, du moins ce qu'il en restait. Devant eux gisait un corps portant les vêtements que Joffrey arborait la dernière fois qu'ils l'avaient vu.
Le visage était méconnaissable car ce n'était plus qu'un amas de chair sanglante. De profondes griffures zébraient son torse, des marques de crocs avaient entaillées le bras droit d'où l'on pouvait maintenant voir l'os. La jambe gauche était sectionnée à mi-cuisse et la gorge était profondément ouverte laissant pendouiller la jugulaire coupée en deux. Le cadavre baignait dans une mare de sang, c'était assez impressionnant. Les cheveux blonds toujours présents sur le crâne, lui aussi en partie explosé par une mâchoire solide, avaient virés au roux à cause du sang qui s'y était mélangé. Un oeil était sorti de son orbite et l'autre avait roulé, s'arrêtant quelques mètres plus loin. D'autres marques étaient visibles çà et là, plus ou moins profondes, ce bougre avait dû beaucoup souffrir car il ne restait presque plus de chair intacte sur son corps. Ned se passa une main dans les cheveux, c'était une vraie boucherie, et même si il détestait Joffrey, il n'aurait jamais pu souhaiter une telle mort à cet enfant. Car oui, malgré son vice et sa cruauté, Joffrey était toujours un enfant et aujourd'hui il avait été sauvagement tué, même pas dévoré. La bête n'avait rien mangé, elle avait uniquement fait un carnage et était partie, laissant Joffrey se vider de son sang jusqu'à en mourir, si ce pauvre diable n'était pas mort de douleur pendant son attaque. Robert serra les poings et lança d'une voix glaciale :
- Je suis sûr que c'est un coup d'un de tes maudits loups ! Je t'avais dit que ce n'étaient que de sales bêtes sauvages et que je ne voulais pas les prendre avec moi ! L'une d'elle a tué mon fils aîné, mon héritier légitime ! Tu aurais dû tuer ces bêtes le jour où tu les a trouvées !
- Il y a forcément une explication, ils n'ont jamais fait de mal à qui que ce soit, même aux autres animaux ! Il a dû se passer quelque chose !
Cersei arriva enfin sur les lieux et poussa un cri de désespoir en se laissant tomber aux côtés de son fils :
- Vos monstres ont tué mon fils, mon ange adoré ! Elles méritent de mourir, j'exige qu'elles soient abattues sur le champ !
- Silence femme ! Je sais ce que j'ai à faire, je ne t'ai pas attendu pour dire à Ned que ses bêtes devaient mourir !
Ned soupira :
- Je suis sûr qu'il y a une explication, si seulement nous pouvions trouver un témoin …
Un garde lança :
- Majesté il y a des traces de pattes ensanglantées, voulez-vous que nous les suivions pour débusquer la bête et la tuer ?
- Oui ! Tuez les deux bêtes.
Les gardes partirent donc en courant, suivant les traces. Robert se tourna vers son ami :
- Où sont tes enfants ?
- Je ne sais pas, j'étais avec toi du début à la fin.
Le roi fit signe à un garde d'approcher :
- Toi, va trouver les enfants Stark, ils sont sûrement au camp, et ramène les ici, j'ai à leur parler.
- Bien Votre Altesse.
Le garde partit en direction du camp. Cersei continuait de pleurer en serrant le cadavre contre elle, se moquant bien de gâcher sa robe à cause du sang. Ned la comprenait, il venait lui-même de perdre un de ses fils et c'était l'une des pires douleurs qui soit.
Quelque temps plus tard les deux groupes de gardes revinrent, celui qui ramenait Arya, Rickon et Broussaille, le loup de ce dernier. Le plus jeune Stark poussa un cri d'effroi en voyant la dépouille et détourna les yeux en pleurant. Le loup d'Arya n'était pas là, et le second groupe qui avait suivi les traces revint sans rien :
- Les traces se sont arrêtées à la rivière Votre Altesse.
- Arya, où est ton loup ?
- Je ne sais pas.
- Tu dois dire la vérité à ton roi petite peste, où est ton monstre ?!
- Je ne le sais pas, c'est la vérité !
Ned s'accroupit à côté de sa fille :
- Arya est-ce que tu as vu ce qui est arrivé à Joffrey ?
La petite brune serra les dents et détourna le visage, le menton haut. Le patriarche soupira et la força à le regarder :
- Arya il faut que tu parles, c'est très important.
La fillette hésita, puis cracha avec haine :
- Joffrey n'était qu'un monstre ! Il a sortit un couteau et l'a appuyé sur ma gorge alors qu'il commençait à se déshabiller pour me violer ! Il a dit que puisqu'il n'avait pas pu avoir Sansa il se contenterait de me salir pour se venger ! Nymeria n'a fait que prendre ma défense ! Je lui ai dit de s'enfuir car je ne voulais pas qu'on la tue alors qu'elle n'a rien fait de mal !
Cersei se leva et décocha une gifle si violente à Arya que cette dernière tomba au sol :
- Cette chose à tué ton futur roi et tu oses dire qu'elle n'a rien fait de mal ?!
- Femme, personne ne t'a autorisé à parler et encore moins à frapper cette enfant !
- J'exige une punition exemplaire pour venger notre fils.
Robert hésita puis se résigna en soupirant :
- Elle a raison Ned, le meurtre de l'héritier du trône ne peut rester impuni.
- Je comprends, et j'accepterais la sentence que vous jugerez être la meilleure Votre Majesté.
- Puisque le loup de ta fille s'est enfui je ne vois pas vraiment ce que nous pouvons faire.
- Il me semble qu'il y a un autre loup ici, lança Cersei avec dédain.
- C'est vrai Ned.
- Mais Broussaille n'a rien fait ! Ce n'est pas juste !
Robert regarda Rickon :
- Je suis désolé petit, mais ton loup doit payer le prix de l'attitude de celui de ta sœur.
Le dernier Stark regarda sa sœur et hurla en pleurant :
- Je te déteste ! Jamais je ne te pardonnerais, à cause de toi ils vont tuer Broussaille !
Il partit en courant en direction du camp. Robert fit signe à son bourreau mais Ned posa sa main sur l'avant-bras du roi :
- J'aimerais infliger la sentence moi-même. C'est une créature du Nord, c'était un membre de la famille, il mérite d'être emmené dans l'autre monde avec respect.
