Chapitre 11, Ned IV.


Le seigneur de Winterfell venait d'achever l'écriture de la lettre à destination de Stannis Baratheon, afin de lui demander de prendre Rickon comme pupille à Peyredragon. C'était probablement le mieux pour son fils, Port-Réal n'était pas un endroit sûr pour des enfants, encore moins par les temps qui couraient. Quant à Arya, c'était un problème bien plus épineux. Elle était… farouche, intrépide, bornée et impulsive, lui rappelant beaucoup sa défunte sœur, Lyanna, mais à cause de cela, peu de seigneurs voudraient se la voir confier, Ned devait choisir judicieusement. La principauté dornienne était à exclure, grâce à Robert et aux Lannister, Renly Baratheon également étant donné qu'il se trouvait à Port-Réal et qui plus est engagé auprès de Margaery Tyrell. Le loup n'appréciait guère Lord Tyrell, le père de Margaery, mais peut-être que certains vassaux de ce dernier pourraient convenir. Pas les Hightower, plus il se tenait loin de cette famille et mieux cela valait, mais peut-être que Lord Tarly ou Lord Rowan feraient de bons précepteurs pour elle. Ses propres vassaux étaient à exclure, de même que ceux de Lord Hoster Tully. Et plus particulièrement les Frey, comme les Hightower, il ne tenait pas à s'approcher d'eux plus que nécessaire.

- Lord Stark.

- Jory.

Il aurait le temps de voir cela plus tard, d'autres affaires, bien plus pressantes, requièraient son attention. À commencer par la seconde raison qui l'avait conduit à Port-Réal : élucider la mort de Jon Arryn, et savoir quel Lannister y était lié et dans quelle mesure.

- Lord Baelish aimerait vous parler.

- Fais-le entrer.

- En fait, il est reparti. Il a dit que ce serait plus prudent qu'il vous explique la situation en dehors du donjon rouge, il a parlé de l'un de ses bordels en ville.

- Je vois.

Bizarrement, cela ne le surprenait qu'assez peu venant de l'homme. Mais, chaque homme avait des vices, même si ceux-là étaient particulièrement répugnants aux yeux du nordien.

- Prends deux hommes avec toi, reprit-il à l'intention du capitaine de sa garde, tes deux meilleures lames.

C'est ainsi que le quatuor se retrouva, une heure plus tard, dans l'une des maisons de plaisir de Littlefinger.


L'homme était assis derrière son bureau, lorsque Ned et Jory entrèrent. Ses deux autres gardes, Heward et Wyl, étaient restés dehors pour surveiller leurs chevaux.

- Que se passe-t-il donc, Lord Baelish ?

- J'ai appris que vous enquêtiez sur la mort de Jon Arryn, Lord Stark. Je vous conseille de vous rendre à Culpucier, chez un forgeron du nom de Tobho Mott.

- Comment cela ?

- Vous verrez bien une fois sur place. Le grand mestre Pycelle vous a remis Lignée et Histoires des Grandes Maisons des Sept Couronnes, du grand mestre Malleon, me semble-t-il.

- En effet

Le nordien n'essayerait même pas de savoir comment le grand argentier était au courant de cela. Certains à la cour avaient des espions absolument partout, que même les frontières ne semblaient pas capable d'arrêter. Il n'y avait bien que Lord Stannis qui arrivait à les laisser tous hors de portée de Peyredragon, la fermeture de la totalité des maisons de plaisir de l'île ne devait pas être étrangère à ce fait. Ned passa une main sur sa mâchoire, il se demandait où voulait en venir le brun face à lui. Lord Baelish soupira et leva les yeux au ciel :

-Rendez vous à la forge dont je vous ai parlé, ensuite lisez l'ouvrage que j'ai évoqué à l'instant et vous comprendrez.

Ned hocha de nouveau la tête et se leva :

-Merci pour vos précieux conseils.

Le seigneur et gouverneur du Nord quitta les lieux. Mais, alors que Jory et lui venaient de retrouver ses deux gardes, une quinzaine de manteaux rouges les encerclèrent. Ils étaient menés par Ser Jaime Lannister, le Régicide, beau-frère de Robert, chevauchant un magnifique cheval blanc. Si Ned avait eu son mot à dire, il l'aurait envoyé au Mur depuis bien longtemps déjà, mais malheureusement son ami avait préféré consolider son alliance avec les lions.

- Que se passe-t-il, Lannister ? demanda Lord Baelish en sortant de sa propriété

Le geai moqueur avait été attiré par le bruit, sans nul doute. Et il ne devait pas avoir particulièrement envie que quatre Stark et quatre fois plus de Lannister ne s'affrontent violemment devant chez lui.

- Vous vous souvenez de mon frère, Lord Stark ? Longs cheveux blonds, regard vif et petite taille.

- Je me souviens de lui.

- Il voyageait sur la route royale, avec plusieurs hommes de la garde de nuit, lorsqu'il a été arrêté, sur ordre de votre femme.

Catelyn ? Mais… pourquoi ? Est-ce qu'elle serait au courant de ce que lui et Robb avaient supposé concernant la mort de Bran ? Est-ce qu'il lui en avait parlé ?

- Il l'a été sur mon ordre, si votre frère est coupable il répondra de ses crimes.

Le chevalier sortit son épée, rapidement imité par les trois gardes de Ned et les manteaux rouges, en réaction, baissèrent leurs lances.

- Mes seigneurs, toute la ville regarde.

- Retournez là où vous serez en sécurité, dit le lion

Lord Baelish s'exécuta rapidement, comprenant que la situation n'allait faire que s'envenimer. Et rapidement, le combat s'engagea après que l'un des soldats rouges et ors ne transperce de sa lance l'un des hommes de Jory. Ce dernier, après avoir éliminé deux ennemis, se retrouva face à Jaime Lannister et, au bout de quelques coups d'estocs, il fut grièvement blessé à l'œil par le poignard de ce dernier.

Mais, avant que le lion n'ai pu l'achever, Ned avait été blessé par l'un de ses hommes, les forçant à se replier. Ils ne pouvaient pas tuer le seigneur Stark alors qu'il était à terre et privé de son épée. Cela, en plus du déshonneur que cela allait provoquer, ne ferait que ternir la réputation des Lannister, et ils n'en avaient très clairement pas besoin.


Un corbeau arriva quelques heures plus tard, tandis que Ned se trouvait à son bureau, sa jambe avait été soignée par le grand mestre Pycelle. Il s'agissait de la réponse de Stannis Baratheon, qui acceptait sa demande : il prendrait Rickon comme pupille. Le nordien appela Jory et le regarda :

-Tu vas accompagner Rickon à Peyredragon, je n'ai confiance qu'en toi pour l'escorter, et là-bas tu seras plus en sécurité pour te remettre de ta blessure.

-Bien Mon Seigneur, je préfèrerai mourir plutôt qu'il n'arrive quoi que ce soit à votre fils.

-Je n'en doute pas une seconde. Vas chercher Rickon et demandes lui de venir.

Le garde hocha la tête et partit. Il revint quelques minutes plus tard avec le jeune garçon. Ned posa ses mains sur les épaules de son fils :

-J'ai envoyé une missive au Seigneur Stannis Baratheon.

-Ah oui ?

-Oui, la Capitale n'est pas un lieu sûr pour les enfants, je lui ai donc demandé de te prendre comme pupille. Ta mère a besoin de repos à cause du drame qui nous a touchés. Jory va donc t'emmener à Peyredragon.

Les yeux de l'enfant se remplirent de larmes :

-Vous ne voulez plus de moi auprès de vous ?!

-Ce n'est pas la question, c'est qu'ici vous êtes en danger ta sœur et toi. Je vais essayer de trouver quelqu'un qui voudra bien s'occuper d'Arya, mais avec son caractère c'est plus difficile.

-Je trouve injuste de devoir partir !

-Je sais, cette idée n'est pas non plus celle que je préfère, mais nous n'avons pas le choix. Nous avons déjà perdu Bran, je refuse de perdre d'autres enfants. Tu veux bien me montrer à quel point tu es courageux en allant chez Stannis ? Me montrer que tu es déjà un grand seigneur ?

Rickon hésita puis hocha la tête :

-D'accord, je vais faire tout mon possible pour que vous soyez fier de moi Père.

-Je suis déjà fier de vous tous, mon fils.

Ned prit son dernier né dans ses bras et déposa un baiser sur ses boucles châtains. C'était justement parce qu'il les aimait et qu'il était fier d'eux qu'il voulait tant les protéger.