Chapitre 17, Robb II

Robb faisait de son mieux pour assurer le rôle de Gouverneur du Nord tant que ses parents n'étaient pas de retour à Winterfell. Il était en train d'écouter les doléances d'un fermier lorsqu'un garde s'approcha :

-Mestre Luwin demande à vous parler, il dit que c'est d'une urgence vitale.

Robb fronça les sourcils et leva la main, imposant aussitôt le silence au fermier. Il lança :

-J'ai une affaire urgente qui m'appelle, j'écouterais le reste de votre requête plus tard.

Le brun se leva et quitta la grande salle, se rendant directement auprès de leur mestre. Ce dernier avait la mine grave et tenait un morceau de parchemin entre ses mains. Il soupira :

-Ceci vient d'arriver de la Capitale.

Robb saisit la note :

"Par la présente, moi, Robert Baratheon, Souverain des Sept Couronnes annonce l'arrestation des traîtres Ned Stark et de son épouse Catelyn Stark, née de la maison Tully. Pour leurs méfaits, ils ont été condamnés à mort et seront exécutés demain. Prêtez-moi allégeance pour espérer voir vos vies épargnées. Si vous tentez une quelconque rébellion, je ferais en sorte de raser le Nord pour éradiquer tous les traîtres qui y vivent. Ne soyez pas stupide comme vos parents l'ont été, si vous vous montrez loyal je saurais vous récompenser"

Robb fut pris de nausées, comment osait-il écrire cela sur un ton si condescendant? Il oubliait que sans l'aide de son père il n'aurait jamais pu accéder au trône ! Le nordien serra les dents :

-Je pars pour la capitale sur le champ !

-C'est inutile, mon Seigneur, vous ne serez jamais là-bas à temps, même avec la meilleure des volontés. Malheureusement le destin de vos parents est scellé. Il fait maintenant songer au Nord, à votre peuple, à vos sœurs et à votre jeune frère Rickon. N'oubliez pas qu'il est votre seul héritier.

-Je sais … je n'arrive toujours pas à croire cette funeste nouvelle. Mes parents ont toujours été fidèles au roi Robert, ils sont ses plus loyaux chefs de famille ! Personne dans la noblesse ne le respecte autant qu'eux ! Et pourtant cet ivrogne les a condamnés à mort … Mon impuissance me rend fou. Il a pris cette décision précipitée justement pour être sûr que personne ne pourrait venir implorer sa clémence, pour que l'on ne puisse pas essayer de les sauver. Et comme si ce n'était pas suffisant, il me demande de lui prêter allégeance !

-Il est vrai que tout cela est difficile à accepter, mais vous devez vous montrer malin et méfiant à la fois. Le jeu des trônes et du pouvoir est un jeu bien cruel et injuste. Ce sont souvent les joueurs les plus respectueux des règles qui sont vaincus, car certains sont très intelligents mais ne se méfient pas assez du fait que le Pouvoir noirci l'âme de celui qui le détient. Votre pauvre père se pensait en sécurité car il connaissait Robert depuis longtemps, ce fut une erreur qui lui sera fatale. Soyez toujours sur vos gardes, réfléchissez vite mais bien, soyez juste mais pas naïf. Ne vous laissez pas attendrir et méfiez-vous de tout le monde, même de vos proches.

Mestre Luwin fit une courte pause, avant de reprendre :

-Maintenant que vous êtes le suzerain et Gouverneur du Nord, en titre, vous ne devez plus faire confiance à ceux que vous connaissiez jusque-là. La plupart vont changer d'attitude envers vous. De même, vous serez tenté d'accorder votre confiance à de nouvelles personnes qui croiseront votre chemin, mais n'en faites rien non plus ! Votre nouveau rang vous apportera bien des opportunistes et des personnes malveillantes. Vous tomberez peut-être amoureux … essayez de faire en sorte que cela n'arrive pas, l'amour est la pire des gangrènes pour les responsabilités. Il fausse le jugement, fait changer l'ordre des priorités et détourne l'esprit. Je vous conseille d'épouser au plus vite une jeune fille pour qui vous n'avez pas le moindre sentiment et pour qui vous n'en éprouverez jamais, ou à la rigueur du respect et une certaine affection, mais pas d'avantage. Je pense que peut-être une fille Frey pourrait convenir. De plus, une alliance avec eux serait stratégique car ils détiennent un point de passage clé en cas de conflit, et cela les forcera peut-être aussi à prendre parti un petit peu plus vite que la dernière fois. Je déplore le sort de vos parents, je vais les pleurer moi aussi car ils étaient de bons souverains mais vous devez déjà envisager l'avenir, Mon Seigneur.

Robb hocha la tête d'un air songeur. Tout ce que disait Mestre Luwin était vrai, terriblement pessimiste mais vrai, il en avait parfaitement conscience. Mais tout à coup il avait l'impression d'être redevenu un enfant qui rêvait de courir se blottir contre sa mère ou son père en pleurant car il avait un choix face à lui, un choix trop difficile à faire. Cette épreuve était la plus terrible qu'il avait jamais eu à affronter, et pour la première fois de sa vie, ses parents ne pourraient pas le conseiller. Robb se sentit très mal, il courut s'enfermer dans sa chambre. Le jeune loup avait du mal à respirer, il avait l'impression que les épais murs de pierre du château se refermaient autour de lui. Tout à coup toutes les responsabilités d'un roi lui sautaient à la figure et il n'était pas certain d'être prêt pour les affronter. Après tout, remplacer son père pendant quelque temps n'était pas la même chose que de le remplacer définitivement du jour au lendemain !

Robb se passa de l'eau sur le visage mais cela ne changea rien, il était toujours aussi perdu et terrorisé. Les paroles de Mestre Luwin résonnaient dans sa tête. Il avait raison bien sûr, mais était-il prêt à abandonner l'amour pour être sûr de rester un bon roi ? Était-il prêt à entrer dans le jeu du Pouvoir aussi rapidement ? Saurait-il nouer les bonnes alliances ? Le brun soupira, il était soudainement épuisé et une actrice migraine l'avait assailli. Il se coucha, tous ses muscles endoloris à cause du choc de tout ce qui lui arrivait. La dernière pensée qu'il eut avant de sombrer dans un sommeil lourd et empli de cauchemars fut pour ses jeunes frères et sœurs, dès le lendemain il devrait faire en sorte de les ramener auprès de lui pour qu'ils soient en sécurité car le pire était à venir.