Chapitre 20, Shireen III.


Depuis l'annonce de la mort du couple Stark, l'atmosphère était devenue des plus orageuses et pesante sur la solitaire et austère île qu'était Peyredragon. L'odeur de la mort semblait avoir empli chacun des couloirs et chacune des salles de l'imposante et glaciale forteresse aux dragons de pierre. Ser Davos, le chevalier-oignon, la plus fidèle des épées de son père, avait arpenté les terres de l'orage afin d'essayer de rallier les vassaux de son oncle Renly à sa cause. Mais, étant donné la mine froide et impassible qu'arborait en permanence le seigneur du Détroit, cela avait visiblement été un échec cuisant.


Une guerre allait avoir lieu, la petite en avait bien conscience. Et elle allait déchirer leur famille comme la danse des dragons l'avait fait autrefois avec la maison Targaryen. Noir contre Or cette fois-ci, et non pas Noir contre Vert.

- Ser Jory.

- Princesse Shireen.

Lorsque son père était entré en rébellion contre son oncle Robert, il avait adoubé le nordien et l'avait fait chevalier et bouclier-lige du petit loup. Le Stark était l'héritier direct de la forteresse de Winterfell et de sa suzeraineté sur le Nord. Shireen n'avait été que peu formée aux jeux de pouvoir, mais elle comprenait au moins que son nouvel ami pouvait être un otage de choix pour son père.

- Comment se porte Rickon aujourd'hui ? lui demanda-t-elle inquiète pour son loup.

Depuis l'annonce de la mort de ses parents, il s'était muré dans un silence total, ne sortant quasiment plus de sa chambre et y prenant tous ses repas, du moins pour le peu qu'il en mangeait. C'était des plus inquiétant, la princesse avait peur que cela ne dure. D'abord il y avait eu son frère Bran, puis son loup, la séparation avec sa famille et maintenant la mort de ses parents. Pour lui, qui avait toujours grandi dans une famille aimante et heureuse, ce devait être un choc d'autant plus grand.

- Pas différemment des autres jours.

Soucieuse pour lui, Shireen se rendit devant la porte de sa chambre et toqua, plusieurs fois, avant d'entrer. Il était recroquevillé dans son lit, comme la veille et l'avant-veille.

- Rickon, l'appela-t-elle, Rickon.

Lorsqu'il se tourna vers elle, la biche remarqua alors ses yeux rouges, signe qu'il avait dû beaucoup pleurer. Elle s'approcha, avant de monter sur son lit et de le prendre contre elle pour le réconforter. C'était tout ce que la petite pouvait faire pour lui malheureusement.

- Tout ira bien Rickon.

Elle ne savait pas si c'était vrai, mais son ami n'avait pas besoin de le savoir. Elle avait vu les forces de son père se masser dans le port de l'île ces derniers jours et il y en avait peu, trop peu pour pouvoir espérer vaincre les armées loyalistes de son oncle Robert. Elle avait reconnu quelques-unes des armoiries présentes et il s'agissait uniquement de celles des vassaux de son père, aucune ne venait d'ailleurs.

Ni les Martell, de la principauté de Dorne, qui avait pourtant de nombreuses raisons de se rebeller contre la Couronne, ni sa famille maternelle, les Florent du Bief, n'avaient répondu présents. Les Arryn non plus, alors qu'il avait été question que le jeune Lord Robin séjourne à Peyredragon avant l'assassinat de son père par la reine Cersei, ne faisaient pas acte de présence. La guerre était perdue avant même d'avoir commencé.