Son mal de tête est revenu. Quelle barbe.

Ils étaient quatre dans la camionnette Toyota Hilux. Il était assis à l'arrière sur la droite, en s'accrochant de toutes ses forces tandis que le conducteur manœuvra habilement son véhicule par-dessus des dunes et à travers des oueds desséchés depuis longtemps. Ils allaient au village le plus proche, Fada, la capitale de la région, loin au nord-ouest du bazar de terroriste. 0011 sut que ce n'était pas par là qu'était sa femme.

Le rebelle Tchadien devant lui avait plus l'habitude au trajet mouvementé, et n'utilisait même pas ses mains pour se tenir.

« De l'eau ? » il offrit une bouteille d'un litre depuis un pack de six, voyant qu'il avait mal à la tête, et croyant que c'était dû à la déshydration. 0011 le prit volontiers, mais ne baisse pas son écharpe pour boire, car ça montrerait son visage.

Éventuellement, les dunes devinrent moins encombrantes, et le trajet plus calme. Le camion berça 0011 en enfonçant ces roues dans le sable, et il pensa à quel point il aimerait mieux être avec sa femme qu'ici.


Le général Taïf entra dans le poste de pilotage. « Dites-moi, dans quel état est l'avion ? »

« Pas bien. Avec la moitié des moteurs partis, on n'a pas assez de pouvoir pour voler à haute altitude, et on coule du carburant vite. On ne pourra pas arriver jusqu'en Iran. »

Le général grimaça, et partit faire un coup de téléphone. Il revint quelques minutes plus tard. « On peut arriver à Baranis, en Égypte ? »

Le copilote prit une carte, un bout de papier, et une calculatrice pour faire des maths. Les écrabouilles qu'il écrivit étaient illisible, mais il savait exactement ce qu'il faisait, fallait bien pouvoir faire ce genre de math pour devenir pilote. Après un bon moment, il confirma que c'était possible.

« Bien. Le navire le Goborzène est dans la mer Rouge en ce moment. Les Égyptiens nous laisserons atterrir dans leur base aérienne pour une telle urgence et nous pourront rencontrer notre navire au port à côté.

Avec ça de décidé, le général descendit dans la soute pour voir les captifs, mais ne vit que la dame en camouflage beige qu'il ait capturé lui-même.

« Il est où l'autre ? » il l'aboya en anglais. Elle lui détourna les yeux peureusement.

Il lui prit par le col et la frappa. « Tu n'arrives pas à parler, non plus ? C'est quoi ces Britanniques et leurs muets ? »

« Mon général, l'homme britannique que t'a acheté n'est jamais arrivé sur l'avion. » dit un soldat derrière lui.

« T'a bien dit de laisser tomber tout ce qui n'était pas important. » dit un autre.

« Oui, c'est vrai que j'ai dit ça. » soupira le général. « Tant pis, il mourra de soif là-bas de toute façon. »

Personne ne vit les yeux de 003 s'ouvrir tout grand et se remplir de larmes.


0011 se réveilla de sa sieste. Ils passaient par-dessus une dune particulièrement grande qui donna sur leur destination, Fada. Sa tête avait plus mal que jamais avant. Sa vision était floue. Où était-il ? Il était sur une camionnette avec des terroristes Tchadiens. Et sa femme n'était pas là.

La crête de la dune courbait vers le bas vers le village, avec une chute ayant l'air trompeusement indangereuse de chaque côté. 0011 bondit purement instinctivement et poussa le terroriste devant lui du camion. Celui-ci dévala la dune, disparaissant dans le nuage de sable que la Toyota laissa derrière. 0011 prit la mitrailleuse et transforma l'autre passager de la camionnette en confiture saignant.

La mitrailleuse cliqua vide. Le conducteur paniqua, et fit une embardée pour lui balancer, mais 0011 put se tenir. La conduite irréfléchie fit dégringoler la Toyota. 0011 y tomba, et y roula derrière. Il couvrit sa tête, du sable volant partout.

En bas de la pente, la camionnette atterrit à l'endroit. 0011 retrouva autant de l'équilibre qu'il pouvait à ce moment et remonta dans la Toyota avant que le conducteur puisse le bouger. Il tendit le bras à travers la fenêtre cassée et tira le cou du conducteur fermement. Il essaya de s'enfuir, mais 0011, malgré l'horrible mal de tête, était trop fort. Éventuellement le conducteur devint mou de manque d'oxygène.

Vertigineusement, 0011 prit sa bouteille d'eau inouverte et commença à marcher vers le nord-est dans le désert vers sa femme, ignorant Fada quelques centaines de mètres derrière lui.


Les soldats égyptiens à la base aérienne dans le désert couvèrent leurs avions avec des bâches quand le 747 atterrit. Qu'ils étaient charitables à un avion en urgence ou pas, c'était quand même un site haute-sécurité, et ils ne voulaient pas que des étrangers viennent tout regarder.

Une fois sur terre, les Iraniens montèrent leurs cargaisons sur des camions que les Égyptiens leur ont prêtés, et montèrent eux-mêmes dans un bus. Ils n'allèrent pas loin, à l'ancien port égyptien Baranis, qui était tellement vieux que personne ne savait exactement quand il a été fondé. Dès le 7éme siècle, la ville était abandonnée, et maintenant très peu de gens y habitait. Personne ne s'intéressa au coin sauf l'armée égyptien et quelques archéologues polonais et américains.

Sur le quai, un capitaine bien habillé leur attendait à côté de sa frégate classe Alvand, le Goborzène. Il se tient patiemment, regardant les soldats sortir du bus et commencer à charger leurs cargaisons sur le bateau à travers ses lunettes à fonds de bouteille. Le général Taïf fut le dernier à sortir du bus, ayant été le premier à entrer à la base aérienne.

« Capitaine Khuse ! » il appela. « On ne s'est pas vu depuis l'anniversaire du président ! »

« Ça me fait aussi du bien de te voir, général. Tout ça, c'est la cargaison de l'opération Zoolbia ? » il fait geste aux caisses.

« Et oui. On est un pas de plus près à construire des bombes nucléaires et de détruire l'Occident. L'Israël sera effacé du monde. » déclara le général Taïf fièrement.

« Et ni l'OTAN ni les pays sunnis n'oseront nous opposer. »

« Exactement. Le pouvoir que ramènera cette poudre docile jaune est extraordinaire… Et puis on a aussi une captive britannique, si vous avez une cellule de prison de libre sur votre navire. »

« On peut arranger quelque chose. » dit le capitaine Khuse sinistrement. Il visa le doigt vers l'ancre. « La chambre à côté de l'ancre est chiant à dormir dedans. Je l'ai fait converti en cellule de prison. Il m'a bien servi. Un marin a essayé de déserter à Mumbai l'année dernière. Il est probablement encore là. J'y ne saurais pas. »

« Bien. Ce n'est pas la peine d'essayer de la parler, sauf si tu sais comment interroger des muets. Tu n'y croiras pas, mais elle est le deuxième Britannique muet qu'on a capturé aujourd'hui. Le premier s'est échappé, mais quelles sont les chances ? »

Le capitaine rigola. Ils regardèrent deux des soldats de Taïf tirer 003 du dernier camion. Le capitaine donna à un de ses marins une clé et lui dit de guider les soldats à la cellule de prison. Il se retourna au général. « Vient avec moi à la passerelle. On discutera de notre route à Chabahar. On sera chez nous en un peu plus de cinq jours.

Les soldats de Taïf ne forcèrent pas 003 à racler ses genoux par terre comme les Birmans, mais peut-être qu'ils auraient s'il n'y avait pas besoin de monter à travers une porte étanche tous les quelques mètres.

La porte normale de la chambre à côté de l'ancre avait été enlevé, remplacé par une porte en grille ferrée qui n'ouvrait que depuis dehors. Peu sauf les lits superposés restaient dans la chambre. Heureusement pour elle, on a enlevé le cadavre du déserteur, probablement seulement parce que les marins n'en pouvaient plus de l'odeur.

Juste avant de se faire balancer dedans, elle réalisa que c'était sa dernière chance. Puisque ses jambes étaient libres par apport à ses mains menottées, elle se pencha en arrière et donna un coup de pied au visage d'un des soldats.

Mais dans son pauvre état mental, elle n'avait pas d'idée pour quoi faire après ça. Avant qu'elle puisse s'y décider, les soldats lui bousculèrent dans la cellule. Aussitôt qu'elle fut tombée visage en premier par terre, le marin qui leur avait guidé là ferma la porte à clé. Ses capteurs lui laissèrent seule dans la chambre sans fenêtres ou de lumière.

Malgré qu'ils étaient partis, elle ne se laissa pas faire le moindre son. Si quelqu'un avait passé, ils auraient cru qu'elle méditait, mais en fait elle pleurait silencieusement en angoisse pour la mort imminente de son mari. Elle pouvait le sentir patauger au milieu du Sahara, et bientôt, elle le sentit perdre conscience pour la dernière fois.


Des hélicoptères britanniques ratissèrent le plateau Ennedi et le désert environnant. Ils ont déjà trouvé deux camionnettes Toyota avec des rebelles dedans, qu'ils ont capturé et remit à l'armée Tchadienne, et une camionnette avec trois rebelles morts autour d'elle. C'était bizarre, mais un mystère à résoudre plus tard. Maintenant l'objectif c'était de trouver les agents 00 perdus. Ça faisait deux jours, et personne ne les avait vu dans les villages. Si on ne les trouvait pas bientôt, ils mourraient de soif.

« Il y a un corps là en bas ! » cria le copilote d'un Wildcat Mk1 par-dessus le bruit fort des pales, visant d'un doigt vers la droite. L'hélicoptère atterrit et un soldat y sauta pour regardant le corps. Il baissa son écharpe.

« C'est 0011 ! » il cria. Le copilote sortit pour lui aider à monter 0011 à l'abri. L'hélicoptère rapporta leur découverte et redécolla.

« Il est vivant, mais complètement déshydraté. » dit le soldat en l'examinant. « Mais regardez ! Il portait une bouteille pleine d'eau ! Il pensait à quoi ?! »