QingMing était en larmes, le cœur brisé.
Il avait fui les appartements de Boya comme s'il avait tous les chasseurs de JingYun aux fesses.
Il se rua dans les appartements de son maître mais il n'était pas là. Il tenta bien de le trouver mais sa peine et son angoisse étaient trop forts pour qu'il parvienne à rester cohérent. Il tournait en rond comme un chiot qui tente de se mordre la queue.
Les larmes brouillaient sa vue, de gros sanglots s'arrachaient à sa poitrine et personne ne semblait vouloir l'aider. Les serviteurs faisaient le gros dos et se détournaient, les autres prêtres étaient occupés…
QingMing ouvrit un portail et se réfugia là où il avait toujours été en sécurité.
Il y changea de forme sans réfléchir.
Le gros renard blanc déboula sur les plaines de glace avec la discrétion d'un orage en plein été. Il se mit à courir droit devant lui, juste pour tenter de prendre la peine de vitesse. Ça ne marchait pas évidemment. Mais il galopait droit devant lui pour s'épuiser et épuiser la détresse qui lui serrait le cœur.
Il courut pendant ce qui lui semblait des heures.
Lorsqu'il s'arrêta enfin, ce fut pour hurler toute sa peine et son incompréhension. Il ne comprenait pas pourquoi Boya ne voulait pas de lui alors qu'il était à lui. Il le savait. Son nez ne le trompait pas.
Était-ce vraiment parce qu'il était sous une forme enfantine ? Parce qu'il était un démon ?
Ce n'était pas de sa faute s'il était ce qu'il était.
Ce n'était pas sa faute s'il avait les cheveux blancs ou des queues. Comme ce n'était pas la faute de Boya s'il n'était pas humain non plus.
Mais si QingMing savait ce qu'il était, il doutait que Boya soit au courant de la perle non humaine tout au fond de lui et qui y sommeillait encore. S'il le savait, il ne réagirait pas aussi brutalement, ça aurait été comme se détester soi-même.
Mais pour l'instant, QingMing était juste malheureux.
Il voulait juste que son Boya le prenne dans ses bras et le cajole. Rien de plus.
Il avait tenté de le nourrir parce que c'était son Boya qui était un chasseur. Alors forcément, ce serait à lui de s'occuper de le nourrir avec ce qu'il rapporterait à la tanière. Ou au temple. C'était pareil après tout.
Un gros sanglot échappa une fois de plus au renard qui hurla encore longuement sa peine jusqu'à ce que sa gorge lui fasse mal et qu'il ne puisse plus émettre que des petits gémissements pathétique.
Pourquoi est-ce que Boya ne l'aimait pas. Ce n'était pas juste ! Il n'avait rien fait de mal ! Il était juste… Lui… Alors, ce n'était sans doute pas grand-chose pour un Boya. Mais c'était tout ce que QingMing avait à lui offrir.
Le petit garçon s'assit par terre. Il avait moins chaud sous sa forme humaine que vulpine bien sûr. Mais il avait grandi là. Et il était un renard blanc. Le froid était un vieil ami.
Il resta sur la plaine de glace jusqu'à ce que son estomac ne gronde. Il fit le tour de ses poches pour vérifier s'il avait quelque chose dedans. Il avait bien quelques pièces. Pas grande chose, mais assez pour un bao ou deux et un bol de soupe sans doute.
Le petit renard ravala ses larmes et renifla fortement. Si son maître avait été là, il l'aurait grondé pour son manque de distinction mais il était tout seul alors peu importait.
Il ouvrit un portail pour la Capitale. Naturellement, il l'ouvrit sur le pont où il avait rencontré Boya. Il fondit à nouveau en larmes. L'humain lui avait brisé le cœur.
QingMing tourna un peu en rond dans les rues adjacentes sans trop savoir où il allait. Avec ses belles robes blanches, son petit museau triste aux yeux rouges et les sanglots silencieux qui le secouaient régulièrement, il était douteux que quiconque lui vienne en aide. Mais on le regardait passer par contre.
Il s'arrêta devant un vendeur ambulant de thé et demanda une tasse ainsi qu'un petit bao à la viande. Le vendeur renifla avec hauteur et le servit mais lui fit payer trois fois le prix.
QingMing le lui fit remarquer mais l'adulte menaça de le frapper. S'il n'était pas content, qu'il dégage.
Le renardeau ravala encore ses larmes.
C'était injuste. S'il avait été adulte, l'humain aurait été servile comme ils l'étaient tous avec son maître. Mais juste parce qu'il avait une apparence enfantine, on le déconsidérait.
Comme Boya l'avait fait.
Il renifla encore et essuya son nez sur sa manche.
"- Tu devrais pas rester dehors gamin."
La démone de luxure lui tapota doucement la tête. Elle savait que le petit enfant était un démon comme elle et un démon basé sur le désir.
"- Je veux pas retourner à l'Observatoire, Jiejie. Les adultes… Ils sont méchants."
La démone aurait presque pu glousser. Le petit renard était adorable de naïveté.
"- Les humains sont méchants oui. C'est pour ça qu'il est préférable de les utiliser et de les jeter en tas à la borne une fois qu'on en a fini avec."
QingMing secoua la tête. Même s'il était malheureux, il n'aurait quand même pas fait de mal à qui que ce soit.
"- Il va bientôt faire nuit, petit. Il faut que tu rentres chez toi. Les humains sont douteux le jour, mais la nuit, ils sont pires.
"- Je veux pas rentrer." Insista le petit.
Il aurait dû pousser l'adulte qu'il était devant mais au contraire se recroquevillait sous le petit garçon. L'enfant pouvait supporter d'avoir été rejeté par son compagnon. Pas l'adulte.
"- Petit…" La démone soupira. "Tu n'as pas un endroit où aller pour la nuit ?"
QingMing secoua la tête.
"- Baba il nous a installé dans une auberge quand on est arrivé."
"- Tu pourrais y retourner tu crois ?"
Le renardeau fouilla dans sa manche. Il avait trois taels d'argent et quelques rognures de cuivre.
"- Ça suffit pour une nuit ?"
La démone replia gentiment les doigts du petit sur les pièces.
"- Largement. C'est même de quoi te loger plusieurs semaines dans une petite auberge. Tu crois qu'on pensera à te trouver là-bas ?"'
QingMing haussa les épaules. Il n'en savait rien et franchement, il s'en fichait un peu. Il voulait juste ne pas être auprès des adultes de sa famille. Et être loin des humains.
"- Je sais pas."
"- Tu veux que je te raccompagne ?"
"- Je veux pas aller à l'Observatoire."
"- Je parlais de l'auberge."
"- Hooo ? Non. Je vais pas t'embêter, Jiejie." QingMing n'était qu'un petit mais il sentait le désir de clients potentiels autour de la démone qui les observaient. "Merci." Il la serra fort contre lui. "Je vais y aller." Il déposa un petit bisou sur sa joue et parvint même à sourire malgré son cœur brisé.
La démone le salua de la main et le regarda partir, un peu triste de ne rien pouvoir faire pour lui. Pas avant qu'elle soit nourrit en tout cas.
Elle ne pouvait qu'espérer que tout irait bien pour lui. Puis elle s'intéressa à ses premiers clients de la nuit. Ils allaient payer pour tous les autres et tous ceux qui avaient fait pleurer cet adorable renardeau.
QingMing avait perdu son sourire dès qu'il s'était éloigné. Il était encore une fois au bord des larmes. Malgré la fatigue et la tristesse, il retrouva sans grande difficulté le bordel où ils avaient logé avec son maître.
Quand il entra, la demoiselle qui tenait l'accueil le reconnu immédiatement.
"- Mais qui voilà donc !"
"- Je peux rester pour la nuit, jiejie ? j'ai des sous tu sais." Et il fondit encore en larmes, à la grande terreur de la demoiselle à la vertu incertaine.
Elle le ramassa pour le porter à l'intérieur. Une autre demoiselle prit sa place à l'accueil pendant qu'une troisième filait chercher la Dame de la maison.
L'enfant s'était accrochée au cou de la prostituée et refusait de la lâcher. Même lorsque la Dame de la maison tenta de le faire lâcher, il refusa. Mais comme il avait de l'argent sur lui, elle prit un tael d'argent pour la nuit sur place et l'usage de la demoiselle qu'il le cajolait.
Ça rembourserait la nuit sans travail de la jeune femme et l'enfant n'avait pas besoin d'une chambre. Pour l'instant, ils étaient dans la cuisine de la maison de plaisir.
Même les cuisiniers étaient désolés d'entendre les pleurs du petit garçon. Lorsqu'il cessa finalement de pleurer toutes les larmes de son corps, la demoiselle tenta de savoir ce qui lui était arrivé. Et où était son maître ?
Lorsqu'elle le mit enfin au lit dans un grand panier de linges pour que la Dame ne râle pas davantage de l'avoir sur les bras, elle était en colère contre tous les hommes. Le pauvre petit renardeau…
Lorsque la maison ferma pour la journée à l'aube, toutes les hôtesses de la maison était au courant de ce qui c'était passé.
Et à l'Observatoire, la disparition de QingMing avait tellement perturbé Fangyue que la Vénération du Ciel devenait URGENTE !
Boya n'avait aucune vraie raison d'être en ville. Il aurait dû rester à l'Observatoire. Fangyue pouvait les appeler pour commencer la cérémonie à n'importe quel moment à présent que les Gardiens étaient prêt. C'était elle qui allait déterminer quand le Serpent serait à la fois le plus faible et le plus à même d'être contrôlé aisément.
Mais Boya n'avait pu rester plus longtemps dans l'Observatoire.
Il… Culpabilisait.
Il s'en voulait de ce qu'il avait dit à QingMing. Maintenant qu'il prenait le temps de réfléchir à ce qu'il lui avait dit, à comment il le lui avait dit, Boya réalisait qu'il avait été d'une rare cruauté. Insulter QingMing pour ce qu'il était, le mépriser pour ses sentiments était absolument insultant pour lui-même aussi bien que pour l'enfant, son maître et finalement, tous les maîtres rassemblés ici.
Ce n'était pas la faute du petit démon s'il croyait qu'ils étaient fait pour être ensemble.
mais le pire était sans doute qu'il commençait à se demander si l'enfant n'avait pas raison. Parce que s'il avait tort, pourquoi se sentait-il aussi mal ? Pourquoi avait-il soudain envie de pleurer ? Et s'il avait tort, pourquoi Boya était-il prit d'une véritable panique à l'idée de ne plus le voir ? C'était un démon. Un misérable démon. De la même espèce que celle qui avait tué sa mère.
Il serra les poings et se mordit les lèvres pour régner sur la panique qui lui montait dans le ventre.
Où était QingMing maintenant ?
Long Ye ne l'avait pas trouvé dans tout l'Observatoire. Alors où ? En ville ?
Il fallait qu'il le retrouve.
Vite.
A mesure que la journée avançait, Boya s'inquiétait de plus en plus. Il avait donné quelques pièces à des informateurs en leur demandant de chercher un enfant en robe blanche de maître mais pour l'instant, rien.
Avait-il réussit à chasser pour de bon l'enfant ? Il était un nordiste. Il pouvait ouvrir un portail comme son maître et partir où il voulait.
Boya dut se raccrocher à un mur. La tête lui tournait. Son inquiétude était en train de muter lentement pour de la réelle angoisse.
S'il arrivait quelque chose à QingMing, il ne pourrait jamais se le pardonner.
Il continua à chercher et à arpenter la ville jusqu'à ce qu'un tengu se pose près de lui, lui balance un direct du droit en plein estomac, le juche sur son épaule alors qu'il toussait toute sa vie hors de ses poumons, puis prenne son envol pour le ramener à l'Observatoire sans lui dire un mot.
Le tengu le jeta par terre sans la moindre pitié avant de se poser près de son maître.
"- Où est QingMing. Qu'est-ce que vous lui avez fait ?" Siffla Zhong Xing avec colère.
Le maître du yin yang était un calme mais la disparition de son petit élève le mettait dans un état de stress absolument remarquable.
"- Je ne lui ai rien fait !" Boya s'assit par terre. Sa chute de plusieurs mètres de haut lui avait déboitée l'épaule.
"- RIEN ? VRAIMENT ? ALORS OU EST-IL ?!"
"- J'AI FAIT CE QUE VOUS M'AVEZ DIT POUR QU'IL ME LAISSE EN PAIX !" Rugit lui aussi le jeune chasseur. Ils pouvaient être deux à hurler, hein !
"- Ce que j'ai… PARDON ?"
"- C'est vous qui m'avez dit de lui faire comprendre que c'est impossible entre nous." Renifla Boya.
La colère revenait. La colère était une vieille amie qu'il savait bien mieux gérer que l'angoisse ou l'inquiétude.
"- Boya. Qu'est-ce que vous lui avez dit ?"
Fangyue était visiblement ulcérée et en colère contre lui. La voir ainsi remontée contre lui était plus efficace pour le calmer, lui, que la colère des autres maîtres. Même celle de He Shouyue était plus pénible à subir que celle de ses collègues. Il connaissait la princesse et le prêtre impérial depuis qu'il était petit après tout.
"- Je lui ai juste dit que j'étais un chasseur et je lui ai rappelé qu'il est un démon. Et un enfant. Et que je n'apprécie ni l'un, ni l'autre."
"- Si vous l'aviez dit comme ça, QingMing n'aurait pas disparu comme il l'a fait."
Mad Painter en eut vite marre. Il dégaina l'un des petits pinceaux qu'il avait à la taille et fit un petit signe à ses compères.
Boya, toujours assis par terre, se retrouva très vite immobilisé sur le sol pendant que Kuang HuaShi ouvrait ses robes pour tracer quelques caractères sur son torse bien que le chasseur se débatte violemment sans succès.
Lorsque Gold Spirit et Snow Hound lâchèrent le prêtre qui se mit à les insulter sans le moindre filtre, Mad Painter semblait satisfait.
"- Voila. Maintenant, qu'est-ce que vous avez dit précisément à QingMing."
