Chapitre 21

"- NON ! QINGMING !"

Zhuque n'avait pas plus réfléchit que Boya. Ils avaient foncés entre les missiles empoisonnés du Serpent et QingMing. Tant pis s'ils étaient tous les deux détruits mais ils ne pouvaient accepter que leur petit renard soit blessé.

Alors que le premier missile aurait dû les transpercer, il n'en fut rien.

Le corps spirituel qui hébergeait à la fois Boya et Zhuque rouvrit les yeux. Il aurait dû être détruit mais… Un énorme bouclier doré/argent les protégeait. QingMing serrait toujours le corps de Boya contre lui.

Le Serpent rugit une dernière fois de dépit avant de se détruire totalement.

Zhuque se posa près de QingMing. Immédiatement, le renard se mit à rosir en serrant le corps de Boya un peu plus étroitement contre lui.

"- Seigneur Zhuque… Mon Boya…" Même si c'était un corps adulte, les manières de l'enfant était évidente. QingMing n'avait pas eu le temps de vieillir dans ses attitudes malgré tout

Le corps spirituel s'agenouilla près de QingMing. Zhuque posa une main sur le corps inconscient.

"Zhuque ?"

"Quoi ? tu ne veux pas retrouver ton corps et notre renard ?"

"COMMENT ÇA "NOTRE" RENARD ?"

Zhuque l'expulsa dans son corps en riant bruyamment.

Le corps de Boya prit une grande inspiration avant de tousser. Il était vivant, conscient, mais faible comme un nouveau-né à cause de tout le sang et de l'énergie qu'il avait perdu. Même le qi que QingMing lui avait donné n'était pas suffisant pour qu'il soit en parfait état.

"- Mon Boya ?"

"- QingMing… Tu es un homme très séduisant quand tu es adulte." Foutu sort à la con !

"- Boya ?"

"- J'ai follement envie de t'embrasser là, tout de suite." Mais tuez le !

"- Bo… Boya ?"

"- Ce fichu shishen peinturluré de partout m'a collé un sort qui me force à dire tout ce qui me passe par la tête et qui m'empêche de mentir. Ou même simplement de tempérer mes réponses."

"- Ho…" Les joues de QingMing étaient roses. Il se pencha juste pour embrasser timidement Boya sur la joue, pas plus. Cette fois, c'était lui qui était timide et sur la réserve. Il commençait à réaliser que son insistance envers Boya avait du être compliquée pour lui.

"- Et moi ?" Protesta Zhuque.

Boya sursauta.

"- Quoi ? t'es encore là ?" Et pourquoi Zhuque pouvait parler maintenant ? Et pourquoi est-ce qu'il était encore là alors que le bouclier sur la ville s'était résorbé.

QingMing tendit le cou pour déposer un bisou sur la joue de Zhuque qui se mit à roucouler de contentement en battant du bout des ailes. C'était quand même bizarre de voir deux fois Boya. QingMing rougit encore plus. Il se cachait un peu plus derrière Boya qui était toujours bien installé dans ses bras.

Un portail s'ouvrit près d'eux pour en laisser sortir les autres maîtres et les shishen.

Le renard se recroquevilla encore un peu plus derrière Boya. Boyas ? Boya et Zhuque ? Le Dieu-Gardien ne semblait avoir aucune envie de partir.

Zhong Xing cherchait du regard son fils et élève. Où était QingMing ?

Un bruit de débris qui s'écroulent les fit tous se tourner vers les restes du serpent. He Shouyue en sortit, visiblement sonné et mal en point. Il avait Fangyue toujours dans l'épaule et seule l'énergie résiduelle dans l'arme lui permettait encore de bouger.

QingMing glapit. Il écarta les shishen et Zhuque qui s'étaient immédiatement mit en position défensive.

"- QINGMING ! REVIENT !"

Zhong Xing sursauta. C'était QingMing cet homme ? Comment ? Qu'est ce qui s'était passé ?

Boya tenta de se lever mais il s'écroula à nouveau d'épuisement. Zhuque le rattrapa avant qu'il ne se blesse.
QingMing s'était précipité auprès de He Shouyue. Il le rattrapa lui aussi avant qu'il ne s'effondre. Le shishen était mourant. Sans son maître, avec ses blessures, l'esprit rongé de l'intérieur par le Serpent, il n'avait aucune chance de survivre.

"- Gege…"

"- Je suis… Je suis désolé. QingMing. J'ai essayé… essayé.. de le.. retenir. Mais.. Il était trop… fort." Chaque respiration était un calvaire pour le shishen. Le papier apparaissait lentement à la place de sa peau.

Fangyue s'agenouilla elle aussi près de celui qui avait été son seul ami et son seul soutient pendant tant d'années. Elle n'avait jamais été vraiment reconnaissante de ce qu'il avait fait pour elle. Elle n'avait jamais réalisé à quel point il lui était dévoué. Sans lui, elle serait devenue folle.

"- He Shouyue… Je suis désolée."

QingMing était en larmes.

"- Baba ! Fais quelque chose !"

Zhong Xing secoua la tête, encore choqué par le changement de forme de QingMing.

"- Je suis désolé, je ne peux rien faire. Le lien entre nous est brisé. Je ne peux pas le reconstruire."

QingMing secoua la tête.

"- NON ! IL A PAS LE DROIT DE MOURIR. C'EST MON GEGE !"

Zhuque aida Boya à se laisser glisser par terre près du shishen mourant. Autour d'eux, les autres shishen se serraient les uns contre les autres. Mourir au combat c'était une fin qu'ils pouvaient accepter. Mourir entourés des gens pour qui ils avaient comptés… Ils auraient presque pu être jaloux.

"- He Shouyue. Je me rappelle maintenant. Vous m'avez sauvé. Merci. Merci d'avoir tué la renarde." Souffla Boya.

Le shishen de papier eut un pauvre sourire. Il reposait dans les bras de QingMing. C'était… confortable. Il n'aurait jamais imaginé que quelqu'un pourrait le pleurer. C'était… apaisant.

QingMing pleurait ouvertement pour lui alors qu'ils n'avaient pas échangés plus de trois paroles, juste parce qu'il était son gege. Fangyue avait les larmes aux yeux pour son ami depuis des années. Elle avait pris sa main dans sa sienne et la caressait doucement, incapable de faire plus pour lui. Même le visage de Boya était grave. Il avait posé une main sur l'épaule de QingMing pour le soutenir silencieusement.

"- Maître… Il faut le laisser partir." Murmura doucement Killing Stone en s'accroupissant près du renard. Ne s'était-il pas rendu compte qu'il le nourrissait de son qi pour l'empêcher de partir ?

"- NON !"

"- Maître… Vous ne pouvez pas le lier à vous. Vous n'en avez pas la force pour l'instant."

Mais He Shouyue ne vivrait pas assez longtemps pour que QingMing puisse se reposer suffisamment pour qu'il ait à nouveau la force de le lier à lui. Le bouclier l'avait épuisé, le qi qu'il avait donné à Boya aussi. Et c'était sans compter ce nouveau corps qu'il ne maitrisait pas bien.

"- Non, mais moi je l'ai." Zhuque venait de s'accroupir près de QingMing. "Lie moi à toi, QingMing. Et je pourrais t'aider avec lui." Zhuque n'était pas blessé, lui. Il n'avait pas besoin de grand-chose pour devenir réellement le shishen du renard. Et il refusait d'être une fois de plus enchainé à la capitale. Être le shishen de QingMing le protègerait de ce sort qu'il avait appris à haïr.

QingMing le fixa avec toute la fragilité du petit garçon.

"- Tu peux ? Pour de vrai ? Mais… Tu peux pas être mon shishen, Zhuque. La Capitale…"

"- Ça fait des siècles qu'on nous a enchainé ici sans nous demander notre avis. Ça fait des siècles qu'on nous force et qu'on nous a mis en esclavage. Quitte à servir quelqu'un, je veux choisir mon maître pour une fois. Et je serais toujours ici en partie. Mais je refuse de servir encore une population qui ne fait rien pour le mériter."

QingMing hésita encore.

"- Tu es sûr ?"

Zhuque hocha la tête. Il ressemblait tellement à Boya, c'était bizarre quand même. QingMing posa ses doigts contre ses lèvres puis contre le front de Zhuque.

Son sceau brilla quelques secondes avant que le lien entre le renard et son nouveau maître ne s'active. Les yeux de Zhuque s'élargirent démesurément comme s'il prenait conscience de quelque chose qu'il n'avait pas saisit jusque-là mais que le lien tout neuf avec le démon lui révélait soudain.

"- Diantre… Qui l'eut cru. Mais ça explique beaucoup de choses."

"- Suis-je donc le seul à être au courant ?" Marmotta Killing Stone pour lui-même sans que personne ne réagisse vraiment.

Les prêtres autour ne comprenaient pas grand-chose. Ils n'avaient pas empêché Zhuque de se lier à QingMing parce qu'ils ne le pouvaient tout simplement pas. Zhong Xing avait voulu ouvrir la bouche mais le regard haineux de Zhuque avait tué toute parole dans sa gorge avant même qu'il n'émette un son. Fangyue ne comptait pas une seule seconde refuser à qui que ce soit une liberté, même relative, qui ne serait jamais la sienne. Elle était encore blême et épuisée. Entre la perte de sang, la douleur et devoir rappeler les restes du Serpent à elle, elle allait dormir une semaine dès qu'elle le pourrait.

QingMing s'agaça. La présence de Zhuque dans le lien avec ses shishen lui donnait le tournis mais il n'avait pas de temps à perdre. Si le dieu-Gardien pouvait l'aider avec He Shouyue, il n'y a plus de temps à perdre.

"- Zhuque, aide moi." Ce n'était pas un ordre mais le phénix dédia à son petit maître si doux et si borné à la fois un petit regard amusé.

"- Oui, maître. Aie !" QingMing venait de lui donner une tape sur le torse. Il n'avait jamais aimé qu'on l'appelle "maître" et dans la bouche de cette copie de Boya, c'était pire.

Le dieu-gardien posa une main sur l'épaule de son maître pour lui transmettre de son énergie pendant qu'il liait He Shouyue à lui. Le lien prit longtemps cette fois, plusieurs minutes, une éternité pour un lien de shishen. Quand il prit enfin, He Shouyue se détendit d'un bloc avant d'avoir un petit sourire. Il ferma les yeux et s'endormit, ou quelque chose qui s'en approchait, pour la première fois de son existence.

"- Il va aller bien maintenant." Mais QingMing ne le lâchait pas et continuait à le nourrir pour résorber ses plaies pendant que Zhuque remplaçait ses forces qui s'amenuisaient.

Normalement, ce n'était pas au shishen de nourrir son maître mais y avait-il quelque chose de logique dans cette histoire ? QingMing continua encore quelques minutes jusqu'à ce que plus aucune trace de papier ne soit visible à la place de la peau de He Shouyue. Alors seulement cessa-t-il de le nourrir activement pour simplement laisser ouvert le lien passif entre eux.

Un soupir lui échappa. Comme les autres, il était épuisé.

"- QingMing ?" La voix de son maître et père adoptif était timide.

"- Baba ?"

Zhong Xing se sentait perdu devant l'homme adulte mais aux manières tellement enfantines qu'il avait devant lui.
Long Ye mis les pieds dans le plat. Comme les autres, elle était rincée et voulait surtout aller prendre un bain, dormir six mois, manger un ours et se détendre. Pas forcément dans cet ordre. Pour tout ça, la première chose à faire était de retourner à l'Observatoire. Ils ne servaient plus à rien en restant au milieu de nulle part.

Avec la quasi mort de He Shouyue, l'Impératrice de papier s'était délitée. Il allait falloir bricoler un peu mais Fangyue serait sur le trône en bonne et due forme très, très vite.

Les deux femmes échangèrent un coup d'œil avec Mi Chong. D'accord, elles allaient devoir faire le boulot, quoi. Comme toujours, les hommes fichaient tout en l'air et c'étaient les bonnes femmes qui devaient nettoyer derrière eux. Elle était de mauvaise foi et le savait, mais elle était fatiguée.

"- GARDES !" Beugla Fangyue avec plus de coffre qu'elle n'aurait dû en avoir, épuisée comme elle était.

Il ne fallut pas longtemps avant que des soldats la rejoigne pour qu'elle donne ses ordres. Il fallait s'occuper des blessés dans la population civile, faire soigner les blessés de leur côté, organiser le couronnement, reprendre en main l'Observatoire..
Le troupeau de males effondrés par terre ? Non qu'on ne leur demande rien, ils n'étaient bon à rien. Surtout le vieux qui regardait son fils avec un air trahis.
Si Fangyue avait pu lever la jambe, elle aurait collé son pied dans l'arrière train de Zhong Xing. Elle l'aimait, vraiment. Mais qu'est-ce qu'il pouvait être pénible parfois !

Long Ye pris sur elle de s'occuper de la partie mystique de la situation pendant que la Princesse s'occupait de la partie politique.

Elle laissa le troupeau de couillus inutiles à la charge de Mi Chong.

La petite shishen se pencha à l'oreille de son maître.

"- QingMing Daren. Pensez-vous pouvoir appeler un peu d'aide ? J'en aurais bien besoin."

QingMing avait toujours He Shouyue dans son giron. Il était épuisé mais pas assez pour ne pas pouvoir appeler la Multitude. Les quinze corps du démon se présentèrent en rang serré.

Il ne fallut pas longtemps avec leur aide pour évacuer les blessés et les épuisés et porter tout ce petit monde à l'Observatoire.

Zhong Xing, Hongruo et Long Ye n'avaient besoin que de manger un peu et de s'asseoir. Les shishen de Zhong Xing auraient dû repartir pour se reposer mais ils refusèrent totalement de quitter leur maître et surtout QingMing qui semblait de plus en plus mal à l'aise sous le regard emplis de déception de son baba. Tant et si bien que l'adulte finit par disparaitre pour laisser à nouveau la place à un petit garçon qui se cacha dans ses queues mais refusait de s'éloigner de He Shouyue tant qu'il n'irait pas mieux.
Zhuque surveillait son maître tout neuf avec un regard d'aigle pendant que son élu s'était laissé tomber de l'autre côté de He Shouyue pour dormir son épuisement et sa perte de sang.

Zhong Xing finit par se décider à rompre le silence.

"- Nous t'avons cherché toute la journée d'hier, QingMing." Comment si c'était LA chose importante actuellement. "Le Serpent s'est réveillé en avance à cause du stress que ta disparition a engendré pour Fangyue. Ou étais-tu ? Comment as-tu pu partir ainsi sans prévenir qui que ce soit ?" A mesure qu'il parlait, Zhong Xing montait dans les décibels et laissait sa colère, et sans doute sa peur aussi, s'exprimer. "Qu'est ce qui t'es passé par la tête enfin ! Et c'était quoi cette apparence tout à l'heure ?"

Se rendait-il compte qu'il chargeait son fils comme si tout était sa faute ? Probablement pas. Mais sans doute s'en fichait-il aussi. Zhong Xing était trop en colère pour réaliser qu'il était injuste.