Chapitre 11

Phénix regarda la dépouille de Dante d'un air absent, avant de se tourner vers le dernier chevalier d'argent encore debout.

"C'est ça, les chevaliers d'argent ? Je dois dire que je suis déçu. Et toi ? Vas-tu aussi tenter ta chance ? À moins que tu ne rentres sagement en Grèce ?
– Tu devrais être plus prudent : tu n'en as pas fini avec les deux autres.
– Quoi ?"

Il eut à peine le temps de comprendre la situation, qu'une douleur fulgurante dans la nuque le figea sur place, comme une lame brûlante tentant de déchirer sa peau. Cela ne dura qu'une seconde, avant que la douleur ne se répande dans toute sa gorge. Il vit finalement un disque au reflet d'argent s'envoler devant lui et se vit tomber, sans qu'il n'ait d'autre sensation que cette douleur lancinante dans son cou et celle qui fusa dans sa tête quand il toucha le sol.

Capella rattrapa son disque avec un petit sourire satisfait, regardant avec un plaisir non-dissimulé la tête du chevalier de bronze rouler aux pieds de son camarade, Argol, chevalier de Persée.

"Pour qui se prenait-il, ce vulgaire chevalier de bronze ? J'aurais pu lui trancher la tête dès le départ, c'était un jeu d'enfant.
– Tu n'étais donc pas vaincu, Capella ?
– Bien sûr que non ! J'ai été imprudent et je n'ai été qu'assommé. Mais, aussi fort soit-il, ça ne reste qu'un chevalier de bronze."

Entendant des pas, le chevalier se tourna vers Phénix, et pâlit d'effroi en regardant son corps décapité. Il avançait. Il marchait dans sa direction, comme si sa tête était toujours sur ses épaules, pourtant… pourtant elle était toujours au sol, la bouche dégoulinante de sang, et les yeux voilés par la mort. C'est alors que le cadavre vivant tendit sa main vers lui, menaçant.

"Comment cela est-il possible… ?
– Capella, éloigne-toi !
– Non… Attrape donc ce disque !"

Capella lança son arme en direction du Phénix et, sans surprise, le disque d'argent trancha son bras. Le sang gicla, se répandit sur le sol… mais cela n'arrêta pas l'avancée de son cadavre. Horrifié, le chevalier d'argent tendit tout de même la main pour rattraper le disque. Mais, comme animé d'une volonté propre, il dévia sa trajectoire et ce fut alors sa propre main qui fut coupée.

"Quoi ?!"

Tremblant, il pressa sa main valide sur la plaie béante qui avait remplacé son poignet, tentant tant bien que mal d'empêcher le sang de couler. Pourquoi… ? Comment… ? Que s'était-il passé ? Il n'eut même le temps de trouver une réponse à ses questions que le disque revint vers lui. Il ne tenta même pas de le rattraper et, à sa grande horreur, fut même incapable de bouger pour esquiver. Comme dans un cauchemar, il n'avait aucun contrôle sur son corps ou sur ce qu'il se passait autour de lui. Le disque vint lui trancher l'autre bras, juste sous l'épaule, et il ne put que le regarder tomber mollement au sol, alors que le sang continuait de se répandre sur son armure et sur le sol de pierre. Il ne put retenir un hurlement de terreur et de douleur et, comme si la situation n'était pas déjà suffisamment désastreuse, il vit son disque se dédoubler. Une fois, deux fois, trois… et c'est près d'une dizaine de disques qui tournaient à présent autour de lui, comme devenus fous. Sans pouvoir bouger, impuissant et effaré, il les sentit plus qu'il ne les vit déchiqueter son corps, le frappant de toute part. Son corps devint bientôt une masse sanguinolente et douloureuse, et il s'écroula à genoux au sol. Il entendit alors le chevalier Phénix s'approcher de lui.

"J-je ne comprends pas… J'ai été mis en pièce par ma propre arme… Suis-je en plein cauchemar, ou est-ce une illusion ?"

Le corps à ses côtés ricana et, en levant les yeux, il vit sa tête se reconstituer lentement sur ses épaules, comme un mirage qui se dissipe. Sa main aussi reprit sa place.

"C'est bien pire qu'un cauchemar ou une illusion. Le premier coup que tu as reçu était l'Illusion du Phénix. J'ai déchiqueté ton esprit. Considère-toi comme mort.
– Alors… Depuis tout à l'heure, rien n'est réel… ?
– Quelle importance ? Tu es déjà mort. Revoilà ton disque, Capella."

Le chevalier d'argent détourna les yeux du chevalier de bronze, et ne put retenir un cri d'horreur en voyant son disque, à nouveau, fuser vers sa gorge.

Phénix regarda le disque d'argent se planter dans le sol, un sourcil arqué. Tout s'était passé si vite : Capella s'était relevé d'un bond et avait lancé l'arme dans sa direction. Celui-ci avait tourné autour de lui sans même le toucher, avant de revenir vers son propriétaire pour s'enfoncer dans la pierre à ses pieds. Saori et l'autre chevalier d'argent avaient suivi des yeux sa progression sans comprendre.

"Capella !? appela le chevalier. Que lui est-il arrivé ?
– Pendant que son disque volait autour de moi, il a été frappé d'une longue et effroyable illusion.
– Quoi ?!"

Avec un sourire en coin, Phénix s'avança lentement vers Capella. Arrivé devant lui, il posa son doigt sur son front et, d'une simple pression le poussa délicatement. Il le regarda tomber sans se débattre avec une certaine satisfaction, sous le regard choqué de son camarade d'argent.

"Pourquoi il ne réagit pas !?
– Son esprit a été déchiqueté. Essaies de m'attaquer et tu subiras le même sort, chevalier. ajouta-t-il en se tournant vers lui. Au fait, quel est ton nom ?
– Je suis Argol, chevalier d'argent de Persée. Et, si tu penses pouvoir me vaincre facilement, sache que je suis un peu différent des autres.
– … C'est vrai que ton cosmos est un peu plus élevé que tes camarades."

Il se mit à peine en position de combat, qu'il vit rapidement une ombre bouger, dans son champ de vision. Une chaîne, soudain, fusa sur lui, et un boulet enchaîné s'attacha à nouveau à son poignet, qui fut tiré en arrière. Il le retint de justesse.

"Toujours en vie, toi !?
– Dante !
– Laisse-le moi, Argol, j'en fais mon affaire ! rétorqua le chevalier de Cerbère. Il a bafoué l'honneur des chevaliers d'argent et je vais laver cet affront !"

Phénix se tourna pour lui faire face, le regardant de bas en haut.

"Et que comptes-tu faire ? Tu as déjà essayé et tu as été incapable de me tuer.
– Cette fois, tu n'en réchappera pas, Phénix ! Tu vas découvrir toute la puissance de mes boulets d'acier !"

Le chevalier d'argent leva son arme, prêt à frapper, et Phénix s'apprêta à parer. C'est alors que le vent se leva, dans le canyon, faisant danser leurs cheveux et les plumes dans son dos. Un cosmos, également, s'éleva non loin d'eux, et le chevalier de bronze sourit en coin. Sans même regarder, il sut à qui il avait affaire.

"Shun… !?"

Son sourire s'effaça aussitôt, et il retourna un regard noir sur sa droite. Perché sur une hauteur, Ikki le regardait avec un air choqué, paré de son armure rouge qui avait connu des jours meilleurs. Derrière lui, Shiryu et Hyoga n'étaient pas en meilleur état – le cygne avait même encore ce trou béant dans la poitrine.

"Vous en avez mis, du temps ! rétorqua Phénix. J'ai failli croire que vous aviez abandonné ce cher Seiya !"

Il leva la main et, d'un geste rapide, coupa la chaîne qui le rattachait au chevalier de Cerbère, puis s'éloigna, sans un mot de plus.

"Où vas-tu, demanda Saori en le suivant des yeux ?
– Ils sont bien assez à trois pour s'occuper de ces deux-là. Je m'en vais.
– Mais Shun…
– Je m'appelle Phénix !"

Il se retourna d'un geste, et son regard noir croisa celui d'Ikki, qui était descendu de son promontoire, sans doute pour l'empêcher de partir… ou peut-être pour le suivre ? Après tout, l'Oiseau de Paradis n'avait que faire de Saori, pas vrai ? Son poing se serra, agacé, quand il réalisa qu'une part de lui ne voulait pas qu'il le laisse partir. Maudit soit Shun et ses sentiments de faible.

"Tu espères pouvoir t'en aller tranquillement, espèce de lâche !? s'écria Dante. Notre combat n'est pas terminé !"

Soudainement, sans qu'il n'ait vu Ikki esquisser le moindre geste, le vent se fit plus fort, les entourant tous sans qu'il ne s'en sente affecté. L'Oiseau de Paradis se tourna vers le chevalier de Cerbère avec un regard presque indifférent.

"Ton adversaire, ce sera moi. annonça-t-il froidement. À moins que, toi, tu ne choisisses de fuir, tant que tu en as l'occasion.
– Quelle ineptie ! Je vais tous vous éliminer !"

Du coin de l'œil, Phénix vit Shiryu et Hyoga descendre à leur tour de leur promontoire pour rejoindre Saori et Seiya. Il les voyait parler entre eux, mais n'entendit rien de ce qu'il se dirent, comme si tout lui semblait trop lointain. Il voulut alors profiter que personne ne lui prêta attention pour s'éclipser : il n'avait aucune envie d'encore se mêler à eux… mais il était incapable de bouger, ses pieds semblant cloués au sol. Était-ce la tempête qu'Ikki préparait, qui l'immobilisait ? Il ne lui sembla pas, il était capable de dissiper cette attaque sans aucune difficulté, et il l'avait déjà prouvé. Ou alors…

"Shun, arrête ça tout de suite !"

Choqué, il se rendit alors compte que sa voix sonnait trop rauque et trop grave à ses oreilles, et il n'avait pas senti ses lèvres bouger. C'était bien sa propre voix, qu'il avait entendue, celle qu'il avait dans le "Monde dans le Noir", pas celle qu'il empruntait quand il avait le contrôle du corps. Ses yeux clignèrent plusieurs fois sans qu'il ne puisse rien y faire, et il sut qu'il récupérerait pas le contrôle de sitôt.

Shun cligna encore des yeux et secoua rapidement la tête, avant de reculer de deux pas, la vision encore floue. Il frotta ses yeux et regarda rapidement Ikki, dont les longues plumes de son dos dansaient avec la tempête qui se préparait. Il resta un instant là, à l'admirer dans son armure rouge, prêt pour le combat… puis il se rappela qu'il y avait plus important. Il regarda de l'autre côté, et repéra bien vite Saori et ses frères, autour d'un Seiya inconscient et couvert de sang et de plaies. Il décida alors de les rejoindre mais, si ses premiers pas étaient décidés, ils finirent par ralentir à l'approche des chevaliers de bronze. Et s'ils refusaient son aide ? Oh, il comprendrait, après tout ce qu'il s'était passé…

"Pas si vite, Phénix !"

Il s'arrêta quand le chevalier de Persée apparut soudainement devant lui, lui lançant un regard de défi. Il se composa un air froid et décidé et ordonna, d'une voix qu'il espérait assez ferme.

"Écartez-vous de mon chemin.
– Où espères-tu aller, au juste ?
– Il y a plus important que les effusions de sang inutiles. Restons-en là."

Ils échangèrent un long regard. Derrière lui, Shun entendit Ikki déchaîner sa tempête du Paradis sur Dante. Il entendit un cri, puis un choc brutal, qui fit sonner un craquement désagréable à ses oreilles. Était-ce des os ou une armure ? Il n'en savait trop rien, et n'avait pas vraiment envie de regarder pour savoir. Argol, lui, ne semblait rien avoir perdu de la scène. Il regardait vers le sol avec un air un peu indifférent, puis un sourire un coin se dessina. Sans un mot, il ferma les yeux.

"Tu as raison, Phénix. Restons-en là. Va donc rejoindre tes camarades."

Shun fronça les sourcils, n'osant trop y croire. Avait-il vraiment su convaincre le chevalier d'argent si facilement ? À moins que la défaite de l'autre chevalier d'argent ne l'aie finalement convaincu ? Il hésita un instant, le regardant longuement, avant d'avancer lentement, méfiant, gardant son regard fixé sur lui au cas où.

Il avait à peine fait trois pas que, devant lui, Argol se retourna, faisant balancer ses longs cheveux. C'est alors que, dans son dos, Shun vit rapidement un étrange bouclier hexagonal, avec, en son centre, un visage en relief. Une femme, avec des cheveux de serpent et des défenses de sanglier en guise de dents. Il pâlit en reconnaissant le visage, mais il était déjà trop tard car, le temps qu'il réagisse et détourne le regard, il put voir la femme ouvrir subitement les yeux. Il sentit alors son corps s'engourdir rapidement, sentant ses membres froids comme la glace… ou plutôt comme de la pierre. Il entendit rapidement son frère crier son nom, dans son dos, avant que sa vision ne noircisse d'un coup.

...

"J'en étais sûr ! Ça empestait le traquenard !
– Calme-toi, Phénix. Ça ne sert à rien de hurler."

Shun ouvrit les yeux, le regard baissé, et reconnut aussitôt les fleurs de son Monde, au milieu desquelles il était assis. Près de lui, avant même de les voir, il sentit deux présences. Il se releva, prenant appui sur l'herbe et regarda, devant lui, un Phénix furibond se disputer avec un autre homme. Plus âgé qu'eux, il avait des cheveux courts et bleu nuit. Son visage était très proche de celui d'Ikki, à quelques menus détails près : les sourcils plus fin, le nez droit, les pommettes plus hautes, et des yeux plus grands. Il regardait son vis-à-vis avec calme, les bras simplement croisés sur son torse, portant une chemise aux manches retroussées, les deux premiers boutons défaits, et un jean gris des plus banals. Teru. C'est le nom qu'il lui avait donné, quand Shun le lui avait demandé, il y a des années de cela. D'aussi loin qu'il se souvienne, il avait toujours été là, dans le Monde dans le Noir pour le rassurer et lui remonter le moral, et il avait toujours entendu sa voix réconfortante dans sa tête, dans les moments difficiles.

"Toi ! cria soudainement Phénix, en le pointant d'un doigt accusateur. Je suis sûr que tu l'as fait exprès !
– Qu-quoi… ? Mais, non, je te promets que, cette fois, ce n'était pas volontaire… !
– Alors tu es juste stupide ! C'était évident que le chevalier de Persée aurait une telle arme !
– Phénix, ça suffit. contra fermement Teru. Lui crier dessus ne changera pas la situation.
– Je suis désolé…
– Ça vaut bien la peine, d'être désolé ! On se retrouve coincés dans un corps en granit à cause de toi !"

Shun baissa les yeux, ne trouvant pas grand-chose à redire. Phénix avait forcément raison : il aurait dû être plus prudent, face à ce chevalier d'argent.

"Bon, ça suffit ! trancha alors l'aîné. Se disputer ne réglera pas le problème.
– Et tu suggères quoi, alors !?
– Pour l'instant, nous n'avons absolument aucun pouvoir…
– Surtout toi, grinça Phénix d'un ton moqueur.
– … mais nous avons retrouvé Ikki et les autres, pas vrai ? continua Teru comme si de rien n'était. Et, avec un peu de chance, ils trouveront une solution pour nous sortir de cet état.
– Et si Saori est vraiment Athéna, elle pourra peut-être…"

Le regard noir que Phénix tourna vers Shun le fit taire instantanément, avec un mouvement de recul.

"Tu vois, Shun, c'est ça, ton problème. gronda Phénix, serrant les poings à s'en faire mal. C'est ça qui me dégoûte, chez toi.
– De quoi tu parles… ?
– Tu es un gamin stupide et naïf. Et tu comptes toujours sur les autres au lieu de te servir de ta propre force. Tu vois tout ce que je suis capable de faire avec ce corps de minable ? Toi aussi, tu devrais en être capable, si tu te bougeais un peu !
– Mais non, je…
– Fais quelque chose de tes poings, bordel ! le coupa Phénix. Tu n'en as pas marre, de te faire écraser ? T'en as pas ras-le-bol, de te faire tabasser et humilier par tout le monde parce que tu passes pour un faible !?
– Phénix, je crois qu'il a compris, arrête.
– Si tu avais réagi plus tôt, Esmeralda n'aurait pas été tuée ! cria finalement Phénix. C'est parce que tu n'as pas voulu rendre les coups, qu'elle est morte ! Voilà pourquoi je te déteste !
– Phénix, ça suffit !"

La vue brouillée par les larmes, Shun fut à peine capable de voir Teru se mettre entre eux pour le protéger. Phénix ne lui avait jamais paru aussi effrayant : il pouvait presque sentir son cosmos, brûlant et agressif, si différent du sien, pulser avec violence, comme s'il voulait l'écraser. Il avait envie de lui dire qu'il se trompait, qu'il était capable de se battre, que tout n'était pas de sa faute, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Ses mains tremblaient sans qu'il ne puisse rien y faire. Alors il ne put que le regarder bousculer brutalement Teru et s'éloigner en direction de la maison, derrière eux, qu'il contourna pour se rendre à l'arrière… là où se trouvait la tombe qu'ils chérissaient tant, tous les deux. Il baissa la tête, se remémorant malgré lui le jour de la mort de sa première et meilleure amie.

...

Il ferma les yeux et prit une longue inspiration, avant de s'asseoir en tailleur devant la tombe. Elle était exactement comme celle qu'il avait laissé là-bas, sur l'île, surplombant le champ de fleurs qu'elle aimait tant : faite de deux grosses branches de bois nouées en une croix, avec son nom écrit dessus en grec. Une couronne de fleurs, qu'il avait mis une éternité à tisser de ses mains, y était accrochée en un hommage. Devant elle, il s'efforçait toujours à rester calme, car il n'avait jamais voulu qu'elle ait peur de la violence qu'il pouvait déployer, et du monstre que leur Maître avait fait de lui. Il ne voulait pas entacher sa pureté, qui était tout ce qui l'empêchait de devenir fou dans cet enfer. En équilibre sur une corde fragile, elle était ce harnais qui le maintenant stable et le préservait d'une longue et terrible chute… puis il s'était brutalement rompu ce jour funeste. Le dernier jour de l'entraînement, celui où ils étaient censés battre leur Maître pour en finir avec toute cette violence.

Quand Shun s'était rendu sur le terrain, plus par devoir que par envie, lui était dans son volcan. À cette époque-là, c'était le seul endroit du Monde dans le Noir où il pouvait aller, et n'avait encore jamais vu Shun en personne, ni même Teru. Il était seul, isolé dans ce monde étrange qu'il ne quittait que pour se battre ou voir Esmeralda. Il vivait dans une grotte perdue dans le cratère, accessible par une pente escarpée depuis l'intérieur même du volcan. Quand il sortait de sa petite caverne, en contrebas, il pouvait voir un peu de lave, bouillonnant sagement dans sa chambre magmatique. Il s'était arrêté un instant pour regarder les constellations dessinées dans le ciel, à travers la cheminée de ce qu'il appelait sa maison, quand il avait soudain entendu des bruits de lutte et, en un clignement d'yeux, le monde était devenu flou, autour de lui, et le décor s'était transformé. Il faisait jour, ça sentait la terre sèche et le sang, et, devant lui, se tenait leur Maître avec son affreux masque. Il sentait que le corps était faible, et voyait ses mains écorchées et emballées dans des bandages trembler.

"Allons, Shun, relève-toi ! Si tu refuses de te battre, je te tuerai sans la moindre hésitation ! Depuis combien de temps es-tu ici !?
– Quatre ans… Maître…
– C'est cela, quatre ans ! Et, malgré tout ça, tu ne t'es pas encore résigné !? Si tu ne te bats pas, tu es un homme mort !"

Un homme, c'était vite dit : le gamin n'avait que onze ans. Il avait encore du chemin à faire, avant de devenir un homme. Impuissant, Phénix vit leur Maître se rapprocher et leur asséner un coup de pied si puissant qu'ils furent éjectés dans un rocher. Il n'avait pas encore toutes les sensations mais il se doutait bien que ça devait être douloureux. Il cria alors.

"Bordel, Shun, remue-toi ! On va crever, si ça continue !"

Il vit Shun cracher du sang et grimaça. Depuis combien de temps se battaient-ils, au juste ? Esmeralda allait avoir besoin de plus de bandages, si elle tenait encore à le soigner, cette fois. Shun se releva tant bien que mal, le sang coulant par terre en petites gouttes rouges et épaisses, et regarda son Maître, levant les poings pour se mettre en garde malgré un équilibre précaire. Phénix sentit son cosmos s'élever lentement, mais pesta en sentant Shun le contrôler, le brider pour ne pas qu'il s'éparpille.

"Ce n'est pas le moment d'écouter tes bons principes ! hurla Phénix. Vas-y, laisse-toi aller, fais-moi exploser ce cosmos !"

Shun secoua la tête, sans que Phénix ne sût interpréter le geste comme une réponse ou une tentative vaine de remettre ses idées en place. Il le vit alors s'élancer, tout cosmos dehors et frapper. Même s'il n'exploitait pas son plein potentiel, il eut un espoir. Peut-être que cette fois… peut-être qu'enfin ce gamin lui porterait un vrai coup… mais, soudain, il s'arrêta, à quelques centimètres de l'homme, qui n'avait pourtant jamais hésité à les frapper. Un cri de frustration échappa à Phénix.

"Pourquoi t'es-tu arrêté !? N'as-tu pas compris que si tu as une seule seconde d'hésitation, tu es mort !"

Le coup de son Maître partit ensuite, et Shun eut tout juste le temps d'esquiver, ne récoltant qu'une plaie à la tête… mais le cri qu'ils entendirent alors dans son dos lui glaça le sang. Le garçon se retourna et, horrifié, Phénix vit Esmeralda, la main sur une plaie béante dans sa poitrine, commençant déjà à saigner. Le sang était sombre et épais. Il hurla et Shun courut dans sa direction, alors qu'elle s'écroula, les larmes commençant déjà à brouiller sa vue. Il la prit dans ses bras et Phénix ne put que voir, impuissant, la jeune fille lui sourire, elle aussi les larmes aux yeux, alors que sa robe rose s'imbibait de sang. Il la regarda faire promettre à Shun de se battre, de ne jamais abandonner et de quitter cette île… et de ne jamais plus se laisser mourir. Quand elle ferma les yeux, Shun la secoua un peu, dans une tentative vaine de la réveiller, avant de l'étreindre en pleurant si fort qu'il en avait mal à la gorge. Les sensations devinrent de plus en plus nettes pour Phénix : son cœur lui faisait mal, comme un couteau de feu s'enfonçant encore et encore dans sa poitrine. Chaque pulsation était un supplice. Il serra plus fort le corps de la jeune fille contre lui, mordant sa lèvre pour ne pas hurler son chagrin.

"Elle n'a eu que ce qu'elle méritait. entendit-il dans son dos. Cette petite idiote n'avait qu'à pas venir jusqu'ici."

Il relâcha la pression sur sa lèvre et se retourna, posant délicatement Esmeralda au sol. Il avait enfin le contrôle et, même s'il détestait pleurer, il n'effaça aucunement les larmes sur ses joues.

"T'es quel genre de monstre, toi, pour t'en prendre à une innocente !?
– Si tu avais été capable de porter ton coup, on n'en serait pas là ! Tu n'as qu'à t'en prendre qu'à toi-même !
– Tu vas payer pour ce que tu as fait, tu entends !? hurla Phénix, laissant son cosmos exploser avec sa rage. Tu vas payer de ta vie !"

Tout cosmos dehors, il courut droit sur leur Maître et, sans aucune retenue, se défoula sur lui. Les coups de poing plurent sur l'homme, qui eut à peine le temps de riposter ou même d'esquiver. Il l'entendit même le féliciter, satisfait qu'il se déchaîne enfin et laisse libre court à sa haine et sa colère… et cela ne fit qu'amplifier sa rage. Il frappa plus fort, un coup se perdit même sur son masque, qui se fissura. Après peut-être une centaine de coups, il s'écarta d'un bond, et regarda son Maître s'écrouler à genou. Il brandit alors ses bras tels des ailes, puis hurla.

"Que les Ailes du Phénix t'emportent en Enfer !"

Il lança son attaque, qui percuta le monstre de plein fouet. Celui-ci décolla du sol et, le corps presque inerte, atterrit plus loin, exsangue, couvert de bleus, le masque détruit.


La voilà enfin ! La scène pour laquelle je me fais presque harceler depuis le chapitre 6 est enfin en ligne ! Miss MPREG et darkacuario, j'espère que cette dernière partie est à la hauteur de vos attentes.

Je tiens à remercier tout particulièrement Sei, mon bêta-lecteur, qui m'a beaucoup aidé à rédiger la deuxième partie de ce chapitre. Ça ne devait absolument pas tourner comme ça, à l'origine, mais ce qu'il m'a fait écrire est beaucoup mieux, et contribue à entamer une évolution dans la relation entre Shun et Phénix. J'ai déjà hâte de mettre le chapitre 12 en ligne pour que vous puissiez en profiter… mais ça attendra les deux semaines habituelles !

On se retrouve donc le dimanche 19 septembre pour la suite de cette fanfiction ! À dans deux semaines !


Psst… Les chapitres 12, 13, 14 et 15 sont rédigés et relus, mais, en octobre, je travaillerai tous les dimanches. Donc, si je poste pas en temps et en heure, ce n'est pas que j'ai pas avancé, mais que je n'ai pas eu le temps de me connecter. J'essaierai de poster un autre jour pour les chapitres 13, 14 et 15 alors, pas de panique si ce n'est pas affiché à la date prévue.