Chapitre 15
Shun cligna des yeux, et le décor se précisa autour de lui. Il était assis dans un des fauteuils confortables du salon des Kido. Une petite table basse se trouvait devant lui, avec une bougie allumée dessus, pour s'éclairer dans la nuit malgré le clair de lune, et un livre rouge dont la couverture était illustrée d'un Pégase bleu. Un poids dans ses mains lui fit baisser les yeux sur l'ouvrage volumineux qu'il tenait : une grosse encyclopédie sur la mythologie grecque, à première vue, ouverte sur une page consacrée à la légende de Persée. Il regarda un instant l'illustration du légendaire héro brandissant la tête de Méduse en direction d'un monstre marin, avant de refermer le livre avec un soupir et de le poser sur la table. Il prit ensuite l'autre bouquin et lut le titre : « Les Créatures Mythologiques ». Il l'ouvrit pour le feuilleter rapidement, regardant les images des diverses créatures sans prendre la peine d'en lire les explications, si ce n'est des noms quand la créature lui était inconnue, avant de le reposer à son tour.
Il resta encore un instant dans le fauteuil, regardant la flamme de la bougie pulsant délicatement, avant de se lever pour se diriger vers la fenêtre. Il regarda un instant le jardin, et ses fleurs colorées éclairées par la lumière pâle de la lune. Elles étaient belles, de jour, mais la nuit les sublimait, selon lui. Il releva les yeux quand un mouvement attira son attention. Plus loin, à la limite de la propriété, un des gardes en costume faisait sa ronde, avec son chien. Parfois, il se demandait si ces hommes étaient là pour empêcher les intrusions ou pour les empêcher, Ikki et lui, de s'éclipser. Ça le ramena un peu en enfance, quand ils étaient tous réunis à la Fondation, et que les gardes étaient là pour les empêcher de fuir. À l'époque, la muraille qui encerclait le terrain était surmontée de barbelés chargés de courants électriques. Il se souvenait avoir vu de loin un des enfants jouer avec un insecte à l'aide d'une perche tout près de ces pièges, et un autre enfant était intervenu pour l'empêcher de justesse de les toucher… maintenant qu'il y repensait, n'était-ce pas justement Seiya ? Un soupir dépité lui échappa.
"En fait, il est naturellement attiré par le danger…"
Un bruit, soudain, attira son attention, et il se retourna, sourcils froncés, attentif. Il entendit la porte d'entrée se fermer, délicatement, presque sans un bruit… qui entrerait dans le manoir à une heure pareille ? Sans attendre, il s'avança silencieusement vers la table et éteignit la bougie d'un souffle, avant de se diriger à pas feutrés vers la porte menant au hall, où il entendait des pas. Était-ce un intrus ? Peut-être encore un chevalier d'argent qui voulait s'en prendre à Saori ? Il aurait pu aisément échapper aux gardes, et devait dissimuler son cosmos, pour ne pas se faire repérer. Shun saisit la poignée de la porte et… l'ouvrit d'un grand geste rapide. Dans le hall, une silhouette fine vêtue d'une longue robe blanche sursauta, couvrant sa bouche, se figeant en le regardant.
"Saori ?
– Shun… ?"
Ils s'échangèrent un regard surpris, silencieux, prenant le temps de comprendre dans quelle situation ils se trouvaient.
"Que… que faites-vous là à une heure pareille ?
– Je te retourne la question… Tu ne dormais pas ?"
Shun haussa les épaules pour toute réponse, et le silence se prolongea encore un peu… avant qu'un sourire n'étire lentement les lèvres de Saori, et qu'elle n'émette un petit rire étouffé, se voulant sans doute discrète, une main sur le cœur, et l'autre devant sa bouche.
"Tu m'as fait vraiment peur. J'ai cru qu'il y avait un intrus.
– Pour être honnête, je vous ai prise pour un chevalier d'argent."
Le rire de Saori s'accentua, et Shun se permit de rire à son tour, se disant qu'ils avaient vraiment l'air de deux idiots, à s'être fait peur tout seuls. Cela dit, ça ne répondait pas à sa question : que faisait la jeune fille toute seule, dehors, vêtue de la sorte ? Elle avait même mis son corset doré. Ce n'était pas le genre de tenue qu'on portait pour une simple promenade nocturne.
"En fait, j'ai eu un mauvais pressentiment et j'ai dû vérifier quelque chose… finit par avouer Saori, reprenant un semblant de sérieux. J'aurais bien besoin d'une tasse de thé. Saurais-tu comment en faire ? Je t'expliquerai tout.
– Eh bien… ça ne doit pas être bien difficile, je suppose."
Quelques instants plus tard, ils se retrouvèrent dans le salon, rideaux tirés et lumière allumée, appréciant le calme de la nuit et l'odeur délicate du thé. Saori avait d'abord tenu à en boire quelques gorgées avant de devoir s'expliquer. Elle avait jeté un œil curieux aux livres sur la table, surprise, sans doute, de les retrouver là, avant de raconter sa soirée à Shun.
"Comme je te l'ai dit, j'ai eu un mauvais pressentiment qui m'a tirée du lit. J'avais senti que quelque chose de terrible était en train de se produire. Cela peut te paraître étrange, mais je me suis rendue à la clinique de la Fondation…
– Toute seule ?
– Oui. Je ne pensais pas que ton frère me suivrait sur base d'une simple intuition. Quant à toi… je préfère que tu te tiennes éloigné de tout ça, pour l'instant."
Shun fronça les sourcils sans comprendre. De quoi voulait-elle l'écarter, au juste ? Avait-il fait quelque chose de mal, depuis la bataille dans le canyon ? S'était-il passé quelque chose, pendant une de ses absences ?
"Je suis arrivée aux alentours de la clinique et je suis tombée directement sur Seiya. Il avait revêtu l'armure d'or et… il rencontrait quelques difficultés avec un autre chevalier.
– Encore ? Un chevalier d'argent ?"
La jeune femme secoua la tête, les yeux baissés sur la tasse entre ses mains.
"Pire encore. C'était un chevalier d'or. Le chevalier du Lion, Aiolia. C'était le petit frère du chevalier Aioros, du Sagittaire."
Shun comprit encore moins ce qu'elle racontait. Qui était cet Aioros ? Il était supposé le connaître ? Face à son regard curieux, Saori porta une main à sa bouche d'un air confus, puis baissa les yeux sur sa tasse.
"Oh, oui, c'est vrai. Tu ne connais pas encore cette partie de l'histoire.
– Quelle histoire… ?
– Ne t'en fais pas. Je vais tout te raconter."
Elle but une gorgée de thé, dans un geste plein de grâce malgré la fatigue. Elle regarda ensuite Shun droit dans les yeux et lui expliqua tout ce qu'elle avait déjà raconté à ses frères, quelques jours plus tôt, dans les moindres détails, observant peu à peu ses réactions. Mais il ne montra aucune émotion, se contentant d'écouter en silence. De temps en temps, il buvait une gorgée de thé, mais ne disait rien. Quand elle eut fini son récit, il posa sa tasse sur sa soucoupe et la regarda à nouveau.
"Et donc… vous seriez bel et bien Athéna ?
– C'est cela… Tes frères ne m'ont pas crue et ont préféré partir de leur côté. Je ne leur en veux pas… enfin, pas de trop. Je suis attristée, mais je me rends bien compte que cela doit être difficile à croire pour vous, après tout ce qu'il s'est passé.
– Si vous parlez d'il y a six ans, sincèrement, je ne me souviens pas de tout ce qu'il s'est passé."
Il regarda un petit instant dans le vide, eut un soupir, puis ses yeux revinrent sur elle.
"Et pour le chevalier du Lion, que s'est-il passé ?
– Je suis intervenue avant que ça ne dégénère. Après lui avoir raconté toute l'histoire, j'ai réussi à le convaincre de qui j'étais, et il est retourné au Sanctuaire. Seiya va bien, ne t'en fais pas. Il est retourné se reposer dans sa chambre."
Shun baissa les yeux sur le livre de mythologie grecque, sur la table. Il avait encore un peu de mal à y croire mais, après tout, et si c'était vrai ? Le cosmos qu'il avait ressenti, dans la montagne, qui l'avait frappé jusque dans le Monde dans le Noir, il ne pouvait venir que d'elle… et c'était trop puissant pour appartenir à un humain normal, tout chevalier soit-il. Et puis, si même un chevalier d'or avait pu se laisser convaincre, ça ne pouvait qu'être vrai, n'est-ce pas ?
"Espèce d'idiot ! Ne te laisse pas embobiner !"
Il fronça les sourcils et passa une main sur son visage. Phénix ne le laisserait donc jamais se concentrer ?
"Tout va bien, Shun ?
– Oui, ça va… Que comptez-vous faire, maintenant ? demanda Shun, la regardant à nouveau. Le Sanctuaire va certainement envoyer un autre chevalier d'or… et si celui-là ne se laisse pas convaincre…
– Je vais me rendre au Sanctuaire moi-même."
Le silence s'abattit sur le salon, alors que Saori but une autre gorgée de thé, comme si de rien n'était. Shun resta bouche bée, les yeux rivés sur elle, cherchant la moindre trace de plaisanterie.
"Culottée, la petite. commenta Phénix. Elle a du cran, je dois l'admettre.
– Vous n'êtes pas sérieuse, n'est-ce pas ?
– Tu l'as dit toi-même : le Sanctuaire va finir par envoyer des chevaliers encore plus puissants, et qui sait ce qu'ils pourraient vous faire subir. Les chevaliers d'argents vous ont mis en difficulté, déjà, alors des chevaliers d'or… Je ne peux permettre que cela dure plus longtemps.
– Mais vous ne pouvez pas y aller toute seule, c'est trop dangereux… !
– Honnêtement, Shun, qui me suivrait ?"
Ses yeux bleus se braquèrent dans les siens, et il se sentit bien bête, sur le moment. Il baissa la tête, triturant ses mains. Elle n'avait pas tort, au fond : Seiya l'avait dit, il était fatigué de se battre ; Shiryu était aveugle et reparti en Chine ; Hyoga avait disparu aussi, pour les plaines de Sibérie et Ikki… il n'en avait tout simplement rien à faire, de Saori et de la Fondation, il ne restait là que pour être à ses côtés… Et lui ? Il détestait se battre, mais il ne pouvait pas décemment la laisser partir toute seule : elle allait se faire tuer, c'était certain.
"Je viendrai.
– Pardon ?"
Saori le regarda relever un regard décidé vers elle. Elle se méfia d'abord, pensant avoir affaire à l'autre Shun, celui qui se faisait appeler Phénix. Elle n'était pas aveugle, elle avait bien remarqué la différence frappante qu'il y avait entre celui qu'elle voyait au combat, agressif et moqueur ; et celui qui vivait depuis quelques jours dans son manoir, distant et réservé.
"Je ne peux pas vous laisser y aller toute seule, c'est trop risqué. Je ne serai peut-être pas d'une grande aide, mais je veux venir avec vous.
– Shun, je…
– Je suis un chevalier. Et si vous êtes réellement Athéna, c'est mon devoir de vous suivre et de me battre à vos côtés. Je… J'ai sincèrement envie de croire que vous êtes Athéna. Sinon, tous ces entraînements, tout ça… ça n'aurait eu aucun sens et on aurait tous souffert pour rien."
Touchée, la jeune femme baissa les yeux. Plus elle prenait le temps de l'écouter et l'observer, plus elle prenait conscience de ce que ces enfants élevés comme des machines de guerre avaient vécu. Seiya et les autres cachaient bien leur jeu, sans doute par fierté, intériorisant leurs souffrances passées, mais Shun avait cette particularité d'être honnête avec ses sentiments, d'accueillir chaque émotion et de la révéler sans peur. Même l'autre, Phénix, d'une certaine manière. À la différence près que lui était un concentré de colère qui n'attendait qu'à être apaisé.
"Je comprends ton point de vue, Shun. soupira Saori en posant sa tasse sur la table. Mais je ne veux pas que tu viennes. Tu n'es pas en état de te battre, et je doute que Ikki te laisse faire.
– Je me fous pas mal de ce qu'il en pense."
Surprise par son langage, Saori releva les yeux sur Shun. Sa posture avait changé, enfoncée dans le fauteuil, les bras croisés. Il la regardait droit dans les yeux, avec un petit sourire en coin.
"Phénix…
– Je viendrai, avec ou sans ton autorisation, ou celle de qui que ce soit.
– Je croyais que tu me détestais.
– Premièrement, je ne fais pas ça pour toi. Deuxièmement, je déteste encore plus le Grand Pope. Et, finalement, peut-être qu'en allant là-bas, on sera certains de savoir si tu es Athéna ou pas. Disons que ça pourra clore le débat entre Shun et moi, et tant mieux, il commence à me donner la migraine."
Saori le regarda saisir le livre de mythologie grecque, encore posé sur la table, et l'ouvrir pour le feuilleter, semblant chercher quelque chose. Il tomba finalement sur la page dédiée à Athéna, comportant une grande illustration de la statue du Parthénon. Il leva l'ouvrage devant ses yeux et sembla comparer l'image avec elle. Saori ne sut trop si elle devait rire ou soupirer de dépit face à ce comportement – puéril, de son point de vue.
"Tu admettras que la ressemblance n'est pas frappante. J'ai du mal à t'imaginer en guerrière, même si le coup du retour de corbeaux était impressionnant.
– Tu l'as vu ?
– Bien sûr, je venais à peine d'arriver."
Il reposa le livre sur ses genoux et le feuilleta encore, comme si de rien n'était, faisant défiler les dieux grecs : Déméter, Dionysos, Hadès, Héphaïstos, Héra, Hermès, …
"Si tu es vraiment Athéna, pourquoi tout le Sanctuaire en a après toi ? demanda soudainement Phénix, l'air très sérieux, les yeux toujours baissés sur le livre. Le Sanctuaire est censé la protéger et protéger la Terre, non ?
– Je l'ignore, justement. C'est pour ça aussi que je compte m'y rendre. Il faut rétablir l'équilibre au Sanctuaire."
Il la regarda un petit instant dans les yeux, visage toujours baissé vers le livre, avant qu'un léger sourire n'étire ses lèvres. Il referma le livre d'un geste désinvolte et le remit sur la table.
"Tu as vraiment du cran. Je pourrais peut-être envisager de revoir mon jugement."
Il se releva ensuite, s'étirant, puis s'éloigna vers la porte en baillant, suivit des yeux par la jeune fille.
"J'espère que tu ne manqueras pas de nous prévenir quand tu sauras quand partir. Je n'ai vraiment pas envie de manquer ça."
Il finit par sortir de la pièce sans un mot de plus. Elle entendit le son de ses pas dans le hall, puis dans les escaliers et soupira finalement, regrettant amèrement d'avoir discuté avec lui. Elle aurait dû se douter qu'il voudrait la suivre… Ikki n'allait pas être ravi. Elle se leva à son tour, regardant les livres abandonnés sur la table, avant de se diriger à son tour vers la porte pour aller se coucher. Elle allait avoir besoin de repos, pour affronter le scandale que ferait l'Oiseau de Paradis.
...
Ikki avait été surpris, ce matin, de voir son frère dans le jardin, à travers la fenêtre. Il était d'abord allé jusqu'à sa chambre pour le réveiller, et avait senti la panique l'envahir quand il avait vu la pièce vide, parfaitement rangée, le lit fait au carré, sans la moindre trace de l'armure du Phénix ou de son propriétaire. Il s'était rendu à la salle à manger en espérant le retrouver, mais Shun n'y était pas non plus et, en le cherchant ailleurs dans le manoir, il l'avait finalement vu. Il était assis tout seul, sur la petite terrasse, l'urne de son armure ouverte devant lui, nettoyant méticuleusement son casque avec un chiffon, un seau d'eau à ses côtés. Soulagé, Ikki était retourné à la salle à manger et avait pris le temps de prendre son petit-déjeuner avant de le rejoindre.
Il s'installa à côté de son frère, en silence, le regardant s'occuper minutieusement de sa protection avec une certaine fascination. Il sursauta presque quand Shun le salua, sans détourner les yeux de son travail.
"Salut, Shun… Tu t'es levé vachement tôt.
– Ah oui ? Je n'ai pas fait attention à l'heure. Comme les domestiques étaient déjà occupés, je me suis dit qu'il n'était pas si tôt que ça."
Il reposa soigneusement son casque, puis se tourna vers lui avec un sourire. Cependant, Ikki eut un étrange sentiment de malaise, en le regardant, comme s'il n'avait pas vraiment affaire à Shun. C'était le même sentiment qui l'avait saisi quand il avait croisé le regard de Phénix pour la première fois… mais ce n'était pourtant pas Phénix non plus, ça n'était pas sa façon de parler, ni sa voix. Mais il avait quelque chose, dans le regard, qui différait par rapport à d'habitude.
"Tout va bien ? Tu as l'air bouleversé.
– Désolé. s'excusa Ikki en détournant les yeux. Je ne sais pas trop ce qu'il se passe. Je crois qu'avec ces histoires de changement de personnalité et de psy, je me fais des idées. Pendant deux secondes, j'ai cru que ce n'était pas toi, désolé."
Quelques secondes s'écoulèrent dans le silence, avant que Shun ne se penche pour saisir une des genouillères de l'armure. Ikki remarqua alors qu'il ne portait pas son habituel bracelet en cuir. Il remarqua également qu'il avait attaché ses cheveux et portait une chemise sombre, dont les deux premiers boutons étaient ouverts et les manches retroussées, sans doute pour être à l'aise.
"Il va falloir que tu te fasses à cette idée que tu ne t'adresseras pas toujours à Shun… ou même à Phénix."
Ikki fronça les sourcils et l'observa plus attentivement. Que voulait-il dire par-là ? Est-ce que par hasard… ?
"Tu es celui à qui j'ai parlé dans la forêt ?
– Juste avant l'intervention du Cygne Noir. sourit l'autre, lui lançant un regard en coin. C'est bien moi, oui. Je m'appelle Teru, enchanté."
Il reporta ensuite son attention sur l'armure, la nettoyant comme si de rien n'était, et Ikki ne sut trop comment réagir. D'abord Phénix, puis lui ? Mais combien de personnalités différentes avait Shun, au juste ?
"Je suis désolé pour ce que je t'ai raconté, d'ailleurs. Comme quoi Shun était mort, tout ça.
– Pourquoi vous avez fait ça ? Phénix et toi, pourquoi vous avez dit ça ?"
Le garçon à ses côtés arrêta son nettoyage pour le regarder. Ses yeux avaient quelque chose de triste, et son sourire s'était un peu effacé.
"C'est moi qui ai demandé à Phénix de le dire. avoua-t-il. Je pensais que Shun se sentait trop mal pour se manifester à nouveau. Je pensais qu'il n'était pas en état de reprendre le contrôle et qu'il préférerait rester dans le Monde dans le Noir, en sécurité. En vous annonçant sa mort éventuelle, je pensais que vous auriez eu moins mal qu'en vous disant qu'il était là, quelque part, et qu'il ne voulait juste pas revenir. Puis, la suite, tu la connais : vous avez réussi à le faire sortir d'une manière ou d'une autre et il a gardé le contrôle bien plus longtemps cette semaine que les deux dernières années."
Ikki garda un instant le silence, prenant le temps de digérer les informations. Toutes ces histoires, c'était encore trop compliqué pour lui… et puis, c'était quoi, ce « Monde dans le Noir » ? Ça n'était vraiment pas pour le rassurer.
"Qu'est-ce que c'est, le Monde dans le Noir ?
– Shun ne t'en a pas parlé ? demanda Teru, l'air sincèrement surpris. C'est l'endroit où on… comment expliquer…"
Teru leva les yeux, posant son chiffon et sa genouillère sur ses genoux. Il sembla réfléchir un instant, avant de finalement expliquer.
"En fait, quand on n'a pas le contrôle, il y a deux cas de figure… Soit on est quand même là, et on voit ce qu'il se passe. On peut aussi entendre et ressentir le monde extérieur… c'est comme regarder un film, sans pouvoir contrôler ce qu'il se passe. Sinon, on se retrouve dans le Monde dans le Noir. C'est un peu comme… comment dire… un petit monde parallèle, où on peut interagir entre nous.
– Attends… Du coup, vous avez… votre monde rien qu'à vous ?
– C'est ça."
Ikki ne sut trop s'il devait être impressionné ou effrayé. Impressionné par l'imagination de son petit frère, qui était allé jusqu'à se créer un monde entier pour ses personnalités différentes – car c'était bien comme ça que ça s'était passé, pas vrai ? – ou bien effrayé par ce qu'il pouvait se trouver là-bas. Il se l'imaginait sombre, semblable au peu qu'il connaissait de la vie – qui se résumait surtout à de la violence, vu leur passé à tous – très peu rassurant.
"Et… ça ressemble à quoi ?
– Pour faire court, il fait toujours nuit. C'est un immense jardin délimité par des collines de pierre, avec une petite maison au milieu. Il y a le volcan de Phénix, à la limite du jardin, aussi.
– Phénix… a un volcan ?
– Oui. confirma Teru avec un sourire amusé. Il vit dedans, d'après ce qu'il dit."
Ikki soupira, rassuré. En fait, à part le fait qu'il y fasse toujours nuit, ça n'avait pas l'air si terrible. Il le regarda reprendre son nettoyage avec une minutie particulière, remarquant seulement à cet instant qu'elle avait l'air neuve, malgré les combats passés.
"Elle n'a pas une égratignure…
– Ce n'est pas plus mal. Entre Shun qui encaisse et Phénix qui provoque tout le monde, elle a intérêt à être résistante et à se régénérer vite. Les prochains combats la mettront à rude épreuve.
– … Quels prochains combats ?"
Teru le regarda alors quelques secondes, avant qu'il ne se mordille la lèvre d'un air coupable, détournant les yeux, comme le faisait Shun.
"Ah… toi non plus, tu n'étais pas au courant.
– Au courant de quoi ?
– … Shun a l'intention de suivre Saori au Sanctuaire.
– Quoi !?"
Ikki se releva d'un bond et, même s'il était incapable de ressentir le cosmos, Teru sentit l'atmosphère s'alourdir, et la brise, jusque là délicate, s'agiter autour d'eux. Il aurait dû s'en douter : Ikki n'aurait pas pu être aussi détendu, s'il avait su ce qu'il se tramait. Lui-même l'avait appris le matin même, pendant qu'il prenait son petit-déjeuner, quand Saori était venue le voir pour le dissuader de la suivre, pensant sans doute s'adresser à Shun.
"Je sais que je ne pourrai pas convaincre Phénix mais, toi, sois raisonnable." avait-elle demandé, presque supplié, et Teru lui avait simplement répondu qu'il n'avait pas toujours le contrôle de la situation et qu'il ne pouvait rien promettre. Quel plaie. Pour une fois que Phénix et Shun se mettaient d'accord, il fallait que ça soit à ses dépends… et pour une mission suicide, qui plus est.
"Je vais dire deux mots à Saori, bouge pas.
– Ne te fatigue pas, Ikki. Elle n'a jamais demandé à Shun de la suivre et elle veut qu'il reste ici. Il a pris cette décision seul et, de ce que j'ai compris, Phénix n'a pas vraiment essayé de le retenir."
Ikki s'était immobilisé sur les marches menant à la porte vitrée avant de le regarder. Teru ramassa une nouvelle pièce d'armure pour l'examiner et la nettoyer.
"Alors je viendrai avec. annonça Ikki. Il est pas question que je laisse Shun y aller seul."
Comme promis : chapitre 15 à l'heure et plus long que les deux précédents.
À partir d'ici, ça va pas mal se corser pour moi. Qui dit Sanctuaire dit scènes d'action à gogo… Et vous savez que je suis pas hyper doué pour ça. Mais je vais faire de mon mieux ! Surtout que, cette fois, Ikki va se joindre à la fête dès le début (je sens que je vais regretter cet ajout).
Comme c'est assez compliqué pour moi, je n'ai pas beaucoup avancé sur le chapitre 17. Du coup, le 16 est écrit et corrigé, mais je ne garantis pas que le chapitre 17 soit là à temps. Désolé d'avance si je prends du retard.
Je vous dit tout de même à la semaine prochaine pour le chapitre 1 de "L'Enfant Maudit" !
