L'ambiance était étrange au Terrier. Pour la première fois depuis longtemps la famille était rassemblée pour partager une discussion sérieuse, sauf Charlie, qu'une urgence retenait en Roumanie. Les repas de famille étaient courants, Molly y veillait certainement, mais il était rare que tout le monde soit présent en même temps. Il y avait aussi un fait qu'elle n'admettrait jamais, plutôt trois en vérité, la première était que le Terrier devenait trop petit pour de tels rassemblements, comprenant tous les Weasley. Elle aimait ça, vraiment, chaque fois qu'elle voyait ses petits enfants, elle était heureuse, c'était une vue merveilleuse de tous les voir courir et jouer dans le jardin. La seconde chose qu'elle cachait était sa vieillesse. Elle n'était plus très jeune, chaque jour la fatiguait de plus en plus, et c'était sans compter quand ses enfants venaient. Il fallait aussi prendre en compte les deux guerres sorcières qu'elle avait connues. L'inquiétude, la mort de connaissances et familles, la barbarie, la peur, l'attente de nouvelles… cela ne l'avait jamais quitté. C'était des sentiments qu'elle n'avait jamais perdu ni oublié, pas qu'elle le veuille, non plus. Beaucoup étaient morts, et elle ne voulait certainement pas les oublier, il fallait, à tout prix, se souvenir d'eux, pour leur sacrifice, c'était la seule chose qu'elle pouvait faire pour eux.

Et puis, son plus grand regret, un regret qu'elle partageait avec son mari Arthur. Dans un coin de la cuisine, il y avait une chaise qui n'avait pas bougé depuis longtemps. C'était une question courante posée par tous les enfants. Pourquoi était-elle là ? La chaise était entretenue, propre et prête à servir à tout moment. Sauf qu'elle restait là, tout le temps, avec peu de personnes comprenant la raison derrière cela. C'était la chaise de Harry.

Molly doutait que le garçon se soit un jour rendu compte qu'il s'asseyait toujours sur la même chaise, jamais une autre. Elle n'en connaissait pas la raison, car la chaise était en tout point identique aux autres. Mais c'était sa chaise, la chaise de son huitième fils, un qu'elle avait perdu, aussi. Mais elle attendait, c'était une chose pour laquelle elle priait, au fur et à mesure des jours, des mois et des années qui passaient. Elle espérait son retour. Chaque matin elle descendait avec l'espoir qu'il soit assis comme elle l'avait toujours vu. Espoir qui se fanait tous les jours.

Elle regrettait n'avoir rien pu faire. Elle ne cherchait pas d'excuse, mais elle n'était pas elle-même à ce moment-là. Elle n'était même pas la moitié de ce qu'elle était, avant la venue de Voldemort. La mort de ses cousins avait été dévastatrice pour elle, la rendant surprotectrice de ses enfants, une chose qui, elle le savait, avait été dure pour ses enfants. La peur de les perdre. C'était une peur qui était en elle en permanence, qui la rongeait, la détruisait. Ron, Ginny, Harry… elle avait failli les perdre tant de fois à Poudlard ! Cela aussi avait fissuré son esprit au fil du temps, jusqu'à se briser pendant la guerre. Percy avait commencé à aggraver sa blessure en choisissant son travail à sa famille. Les préparatifs de guerre avaient ramené la mort de ses frères en tête et c'était avec la volonté de protéger ses enfants qu'elle avait tenu. Mais la bataille finale l'avait achevée. Fred était mort. Elle avait échoué dans sa promesse envers elle-même, de ne plus voir un membre de sa famille mourir. C'était son fils qu'elle avait enterré, un fils qu'elle n'avait pas pu protéger.

Comme George, elle avait eu du mal à s'en remettre et quand elle avait pu à nouveau sourire, elle avait découvert la sinistre nouvelle. Harry était parti. Elle avait perdu un autre enfant dans sa tristesse. Mais les années avaient passé, des petits enfants étaient venus illuminer sa vie. Harry était toujours là dans son cœur, mais elle devait être forte et ne pas montrer de signe de sa tristesse, pour rester Molly Weasley, la meilleure grand-mère de tous les temps comme ils disaient.

Pourtant, après toutes ses années, tout recommençait. Devant elle, sur la table, il y avait les deux journaux du monde sorcier, La gazette et Le Chicaneur. La prison d'Azkaban en ruine l'avait effrayée et l'article du Chicaneur encore plus. Une nouvelle guerre s'annonçait, et elle n'avait plus la force, l'énergie, la volonté. Elle ne pourrait pas y survivre, elle le savait. Elle avait tenu, face au règne sombre, mais elle ne tiendrait pas une troisième fois. Arthur le savait, elle savait qu'il la regardait en pensant qu'elle ne le voyait pas. Elle aimerait, mais elle n'était pas capable de supporter plus.

Dans un coin de la cuisine, Ron faisait les cents pas. Le silence régnait alors que tout le monde attendait que quelqu'un parle. Ginny et Dean, son mari se tenaient tranquillement, assis à côté de George et de sa femme. Il n'y avait aucun doute sur la position de ce groupe, il fallait agir. Ils étaient néanmoins les premiers à reconnaître qu'ils n'avaient aucun plan, mais ils savaient que le temps était compté. Bill et sa femme Fleur étaient du même avis, les deux affirmant que Gringott's était une ruche nerveuse qui se préparait à fermer ses portes à tout moment. Hermione, assise un peu plus loin, avait rajouté que ce n'était pas seulement les gobelins qui étaient tendus, mais toutes les espèces magiques, toutes étaient nerveuses. D'après elle, il semblait qu'ils attendaient une chose avant que la situation explose. Quoi, elle l'ignorait. Du moins l'évènement en soi était inconnu, elle était cependant certaine que cela avait à voir avec Harry et le Domaine, c'était une certitude.

De l'autre côté de la table se tenait Percy et sa femme, Anna. Pour la plupart des membres de la famille, ils étaient le couple parfait… à leur façon. Froids, hautains, pompeux, désagréables… tous ces adjectifs leur convenaient parfaitement. Même si Percy était revenu, il avait gardé ses opinions politiques et grimpait lentement mais sûrement l'échelle politique. Son mariage en était la preuve. Anna était la fille d'une famille siégeant au Magenmagot et possédant une richesse assez grande. Cette dernière ne pouvait peut-être pas rivaliser avec celle des familles comme Potter, Malefoy, Londubat ou d'autres, mais suffisamment pour être qualifiée de grande. Son mariage avait eu deux conséquences, l'abandon de son nom pour celui de sa femme, plus grand et influent que Weasley, ainsi qu'une future place au Magenmagot. Tout dans la politique, jusqu'à l'éducation de ses enfants. Studieux, propres, parfaits, c'était le visage qu'ils affichaient en public, surtout en présence de leur père et mère. Secrètement, c'est-à-dire quand Molly les gardait sans Percy à proximité, ils étaient des enfants normaux aimant rire et s'amuser. C'était, de l'avis de George une farce digne des plus grande quand il voyait ça. Les enfants parfaits de Percy étaient des farceurs nés, c'était juste brillant, toujours de l'avis de George.

Le silence fut brisé par l'arrêt de Ron et des visages graves autour de la table. D'un geste identique, George, Angelica, Ginny et Bill, suivis de peu par Hermine et Ron, mirent la main à la poche pour en retirer un Gallion. Si celui de Ron et Hermione se contentait d'être légèrement chaud, celui des autres avaient une face qui clignotait, changeant la face de la pièce. Cette dernière passait d'un éclair à celui d'un lapin. Chaque membre connaissait les deux symboles, l'éclair était la cicatrice de Harry, tandis que l'autre était Luna. C'était un message d'alerte, un appel de secours.

- LUNA ! Crièrent-ils tous, à l'unisson, moins Ron et Hermione.

- Maman, prends soin des enfants s'il te plait, nous revenons au plus vite, dit George avant de disparaître.

Il fut rapidement suivi des autres, c'est-à-dire Ginny et Angelica, laissant le reste de la famille frappé de stupeur par la rapidité de la scène. Molly avait le regard vide, tout repartait une nouvelle fois.

- Hermione, dit Ron en se tournant vers sa femme. Luna à ses bureaux sur le Chemin de Traverse, elle doit y être à cette heure-là. Allons-y !

Ils disparurent aussitôt avec leur baguette en main, prêts à se battre. Personne ne vit le regard agacé de Percy, ni celui contrarié de sa femme. Arthur soupira et commença à réconforter sa femme. Il n'était plus capable de se battre non plus. Il ne restait plus qu'à attendre et s'occuper des enfants. C'était la seule chose qu'il pouvait faire avec Molly.