Ron soupira. Il saturait de toutes ces discussions qui n'avançaient pas. Il avait eu l'impression que le Grand Rassemblement commençait bien, mais il n'en était rien. Chaque peuple avait certes déposé les armes, mais sûrement pas leurs opinions divergentes. Les rancunes étaient vite revenues, accompagnées des désirs et exigences en réponse à la demande de la Reine.
Ils reconnaissaient tous la force de frappe de la Reine, c'était évident, mais il y avait tout de même un certain… mépris, faute d'un meilleur mot, pour décrire sa puissance. Azkaban était une place fixe avec un effet de surprise total qui avait joué en sa faveur, ni plus ni moins. Secrètement, des peuples comme les nains et les gobelins pensaient gagner s'il y avait une bataille rangée, confiants dans leurs armures et magies respectives. Les elfes eux, étaient de l'avis que s'ils ne pouvaient pas être trouvés, alors ils ne risquaient rien.
Ainsi ils s'imaginaient tous en position de force dans les négociations, sans imaginer une seule seconde que les demandes de la Reine tenaient plus du respect que de la nécessité. C'était une chose que Ron savait, qu'il avait partagée aux cours des réunions sous sa forme de « Fantôme », mais qui n'était pas prise en compte. Il avait finalement compris qu'ils n'écoutaient la Reine que pour l'attaque qu'elle avait orchestrée et la mort des sorciers présent dans la prison. C'était faible et plus le temps passait, plus Ron ne voyait aucune issue à ce chaos. Ils allaient devoir agir seuls et s'occuper de la diplomatie entre les peuples magiques après, peut-être qu'ils seraient plus ouverts à la discussion après le coup d'état.
Pourtant il voyait une réelle urgence dans la situation. Dans les faits, prendre le pouvoir n'était pas une urgence, détruire cette organisation sang pur l'était. Si elle n'était pas détruite, surtout au vu des derniers événements, une simple étincelle pourrait mettre le feu aux poudres. Ces hommes, poursuivant l'idéologie de Voldemort, parvenait à se cacher facilement, preuve qu'il y avait des personnes intelligentes à la tête du mouvement. La méthode brute, comme le Seigneur des ténèbres était visiblement abandonnée, au profit de coups discrets, lois, meurtres,… des mesures plus discrètes qui n'avaient de liens que toutes regroupées.
Des constats de Charles et Astoria, ils avaient réussis à sauver beaucoup d'enfants nés moldus de la mort avant leur entrée à Poudlard. Les hommes suivaient les hiboux portant les lettres de Poudlard, puis assassinaient l'enfant et la famille, non grâce à des sorts mortels, mais de manière discrète pouvant passer pour de la magie accidentelle. Il en était ressorti, que seul un dixième de ces enfants arrivait à Poudlard, gardant un taux d'élèves, venant du monde moldue, faible. L'arrivée de Ron et de la Reine avait chamboulé ce massacre, inversant la tendance à huit élèves sur dix survivants. A leur grand regret, ils n'arrivaient pas encore à sauver toutes les familles, non qu'ils n'essayent pas.
Leur plus grande réussite avait été le démantèlement des enlèvements et du trafic d'esclaves sexuels. Ils avaient remarqué que des femmes disparaissaient, la plupart du temps célibataires, pour être vendues aux sangs purs. Tortures et sortilèges avaient permis de découvrir les lieux de vente et démanteler le système. Ron était étonné que la méthode qu'ils avaient mise en place fonctionne aussi bien. Des femmes, sorcières, prenaient la place des cibles, amenées aux mêmes endroits, vendues, puis délivrées par une équipe en place. Des charmes d'oubli étaient appliqués, et le tour était joué. L'avantage était que les trafiquants mouraient de la main des sangs purs pour le « manque de qualité des femmes vendues ». De nouveaux naissaient évidement, mais ils reprenaient les mêmes lieux de vente, si bien qu'il était relativement facile de suivre leurs actes.
Ils étaient efficaces, cela personne ne pouvait le leur reprocher, mais cela ne suffisait pas à convaincre les peuples de s'allier à eux. Il se demandait encore et encore ce qui faudrait rajouter dans l'équation pour y parvenir. Une partie de lui le savait, une petite voix qu'il ne voulait pas entendre ni écouter. Harry. Si Harry se levait, alors il serait suivi par tous et ils arriveraient enfin à quelque chose.
Penser à Harry lui fit mal, surtout le voir si proche et ne pas lui parler. Il avait tellement de choses à lui dire, à expliquer, à raconter ! Mais comment pourrait-il ? Il ne pouvait pas se mentir, il n'avait pas ce droit. Fini le garçon maigre et petit avec lequel il avait partagé un dortoir, ou encore les yeux pleins de peur, de cauchemar et de doute. Tout cela était remplacé par un homme grand et musclé, rempli de confiance en soi et de paix. Il comprenait ce sentiment, vivre au Domaine lui avait donné un avant goût du paradis. Tout le monde était poli et il n'y avait aucun conflit en dehors de la table de réunion. Il avait vu des enfants de plusieurs races jouer ensemble sans se soucier de leurs différences, même si certains étaient plus avantagés lors de certains jeux que d'autres. C'était un endroit où il aimerait vivre s'il le pouvait.
- Bonjour Ronald.
Fait numéro un, Luna voit à travers tout. Que ce soit déguisement, mensonge ou histoire. Fait numéro deux, elle n'était pas seule, Neville était avec elle. Fait numéro trois, il n'y avait aucune chaleur dans leurs yeux.
- Luna, Neville, répondit Ron en hochant la tête vers chacun d'eux, il était inutile de mentir après tout. De plus, des sorts de confidentialité étaient en place, empêchant leurs voix d'être entendues.
- Je ne croyais pas Luna quand elle a dit que c'était toi sous ce capuchon, commença Neville. Que fais-tu ici ?
- Tu le sais, répondit-il en ouvrant les bras. Je suis le « fantôme », celui qui a permis à la Reine de s'armer contre la magie.
- Et tu penses que cela rachète tes actions ? N'as-tu pas fait assez de mal ? demanda Luna.
Ces mots piquèrent Ron, mais il ne pouvait pas les contredire. Il savait de quoi parlait la jeune femme devant lui et Merlin savait à quel point la femme était dangereuse. Il n'y avait qu'un imbécile pour s'arrêter aux regards innocents et perdus de Luna, cachant derrière ce masque une femme intelligente et impitoyable. Luna n'était pas une pure Serdaigle, elle était un mélange de chaque maison à plusieurs degrés, mais celle qui dominait dans les trois dernières était Serpentard. Sous les soins de Harry, elle avait affiné sa magie lors des réunions de l'AD et pris confiance en elle. Elle avait déjà l'intelligence, s'en servir n'était qu'un pas de plus, pas qu'elle avait franchi avec l'aide de Harry. Cela avait créé une femme exceptionnelle, dangereuse certes, mais exceptionnelle, qu'il ne voulait pas avoir à affronter. Hélas aujourd'hui c'était le cas et il espérait du fond du cœur qu'elle se contenterait de mots sans sortir sa baguette.
- Dis-moi Ronald, continua-t-elle d'une voie douce. Que dis-tu quand ton ami pleure en te demandant ce qu'il a fait de mal pour que son meilleur ami, qu'il considère comme un frère, le trahisse ainsi ? Plus encore quand il découvre qu'il va se marier à sa meilleure amie sans l'inviter ? Que dis-tu pour le réconforter et l'aider ?
- Luna je…
- Tu viens ici, proche de lui, après tout ce temps, reprit-elle sans se soucier de lui couper la parole. N'ose pas dire que tu es désolé, tu n'as pas ce droit. Non seulement tu rentres chez lui, mais tu lui amènes une guerre dont il ne veut pas. Cherches-tu à briser définitivement Harry ?
- Je n'y suis pour rien dans cette guerre ! cria Ron.
- Au contraire Ron, tu es responsable de ce qui va arriver. Harry n'a pas changé, il prend du temps mais chacun de nous sait ce qu'il va faire. Lily-May est pour lui un exemple de ce qu'il va arriver à des centaines d'enfants si une guerre commence, il ne laissera pas cela arriver. Harry va entrer en guerre à son tour, il ne le veut pas, mais il est trop noble pour rester assis à ne rien faire.
- En somme, dit Neville. Harry est un idiot. Un imbécile trop généreux qui va pousser encore et encore, non pour lui, mais pour les autres. Il voit mes filles arrachées à leur maison à cause du monde sorcier et pour quelle raison ? Parce qu'il n'a pas fini ce qu'il voulait faire à la fin de la guerre.
- Il te suffisait d'être à ses côtés Ronald, reprit Luna. Avec toi il aurait mis le monde sorcier à feu pour tout rebâtir. Il était invincible à ce moment-là, sa parole était d'or. Il n'y avait qu'une seule chose qui pouvait le faire arrêter, perdre son soutien, ce qui est arrivé. Pourquoi as-tu agi ainsi ?
Un silence s'abatis alors que la question de Luna restait sans réponse. Ron avait du mal à se remettre de cette attaque verbale, d'autant qu'elle ne contenait aucun mensonge. Il s'avait qu'il avait merdé, cela il l'avait compris depuis longtemps et acceptait depuis peu. Mais l'entendre venant de quelqu'un d'autre,… cela faisait encore plus mal.
- Sais-tu ce que je vois quand je regarde dans le miroir depuis quelques temps Luna ? demanda-t-il d'une voix basse et pleine de colère. Je vois un lâche, un homme pitoyable qui a cru être fort. Il y a vingt-cinq ans, j'étais un héros de guerre comme nous tous, mais une chose ne changeait pas, j'étais toujours « le meilleur ami de Harry Potter », jamais Ron Weasley. J'étais encore et toujours « le meilleur ami de… », « celui qui été avec… », toujours dans l'ombre. Alors j'ai fait la pire chose imaginable. Hermione était fatiguée de la guerre elle aussi, ainsi ce n'était pas dur de l'amener au Terrier se reposer. Bien sûr elle voulait Harry aussi, mais il voulait « en finir une bonne fois pour toute », si bien qu'un désaccord existait entre eux. Évidement j'étais d'accord avec Hermione, je voulais m'arrêter et pleurer, le futur, on verrait après. Cela créa un fossé entre Harry et nous, fossé que j'ai laissé grandir, car cela m'aidait. Je pensais aimer Hermione, sincèrement, je le pensais. Mais j'étais jaloux et mon désir m'a trompé. Je n'aimais pas Hermione, elle est intelligente, magnifique et courageuse, mais elle aurait dû être avec Harry et non moi. Je voulais quelque chose qu'il n'avait pas, une chose que sa célébrité ne pouvait pas aider à obtenir, c'était Hermione. Me mettre de son côté nous a rapproché facilement car J'ÉTAIS d'accord avec elle pour une fois et cela l'aidait. De fil en aiguille, nous avons fini par devenir un couple en ne voyant pas ce que nous faisions à Harry.
Alors que Ron parlait, sa colère devenant une voix monotone alors qu'il fixait le sol, il ne voyait pas le regard de pure rage qui emplissait le visage de Neville, ni la main crispé de Luna sur sa baguette.
- Le mariage est venu rapidement car il allait apporter de la joie dans cette période d'après-guerre. Harry était devenu un sujet silencieux, car nous ne savions pas comment faire pour lui annoncer. Nous le voyions de moins en moins et le peuple sorcier se retournant contre lui le rendait moins présent. Cela n'aidait pas que son humeur de plus en plus mauvaise était contraire à celle que nous voulions à ce moment-là. Rose est née peu après le mariage et nous avions compris à ce moment-là ce que nous avions fait. Tu te demandes ce que ça fait de ne pas savoir quoi dire à un ami triste Luna ? Moi j'ai transformé la naissance de ma fille en cauchemar. Je me souviens tenir mon bébé dans mes mains et me retourner le visage heureux avec en bouche une phrase commençant par « hé Harry re… » Je n'ai jamais su la suite de cette phrase car Il n'était pas là ! Mon meilleur ami avait disparu de ma vie ! Et à cause de qui ? MOI et moi seul !
Son éclat de colère envers lui-même le fit se lever inconsciemment. Le mouvement fut si vif que sa capuche se releva le temps d'un court instant. Il fut bref, mais Neville et Luna virent des larmes couler sur ses joues.
- Puis est venu une vie horrible. Hermione et moi nous avons repris nos disputes quotidiennes à propos de tout et de rien. Nous étions des héros de guerre, mais il fallait tout de même travailler. Rose était là avec toutes les tâches qu'amène un bébé dans une vie. Nous nous sommes rapidement rendu compte que mis à part Harry et nos aventures, nous n'avions rien en commun ni aucun amour entre nous. Tout était mensonge. Mais c'était trop tard à ce moment-là, Harry était parti depuis longtemps et Rose était là. Rose est la seul source de lumière dans nos vies maintenant, c'est l'unique raison pour laquelle Hermione et moi sommes toujours ensemble. Tu te demandes si j'aime ma vie Luna ? Non je la hais, je me hais du plus profond de mon cœur. J'ai blessé Harry d'une manière encore plus horrible que Peter Pettigrow.
Plus Ron racontait son histoire, plus le regard de Luna et Neville changeait, passant de la colère à la pitié devant un homme qui avait vu ce qu'il avait fait et ne pouvait rien faire pour réparer ses torts.
- Ron Weasley est un monstre, continua Ron de sa même voix monotone. Je vais aider la Reine car elle va faire ce que Harry voulait faire à l'époque. Après cela le « fantôme disparaîtra », si je l'accompagne ou non reste à décider mais j'en ai assez. Hermione ne sourit plus ou c'est un masque qu'elle porte quand elle le doit. J'aime Rose aussi, mais je ne veux jamais découvrir son expression si un jour elle apprend ce que j'ai fait. Mais une chose est sûre, si je peux refaire sourire Hermione je le ferai, car je l'ai détruite elle aussi. Je suis un monstre, soyez certain que je le sais au plus profond de moi. Harry ne saura jamais rien, il n'a pas besoin de souffrir plus, j'en ai assez fait. S'il vous plait ne lui dites rien, je vous en conjure.
Fini l'homme qui essayait de rester droit et maître de ses émotions. Il n'y avait qu'un homme pris de violents sanglots devant ses actes. Pour Luna et Neville, ils voyaient Ron exprimer pour la première fois ce qui le hantait depuis longtemps. Ils ne savaient pas quoi faire non plus, car ils ne pouvaient rien dire qui aiderait Ron.
- Nous ne pouvons pas t'aider Ron, dit lentement Neville. Tout simplement car tu parles du passé. Sache seulement que Harry n'est pas seul, Luna et moi sommes là pour lui, avec tout le Domaine derrière lui. Je ne dis pas cela pour te blesser mais pour te rassurer d'une chose, nous prendrons soin de lui.
- Un jour, il reviendra peut-être, ou le futur vous mettra face à face, continua Luna. En attendant mourir dans la guerre à venir ne t'est pas autorisé. C'est la sortie du lâche et Ronald Weasley est un imbécile, un idiot qui a fait une chose impardonnable, mais ce n'est pas un lâche. C'est un lion qui a choisi de se battre et qui va continuer jusqu'à ce que le Destin en décide autrement.
- Mourir ne rendra personne heureux, reprit Neville. Penses-tu rendre Hermione heureuse ainsi ? Et tes enfants ? Et Harry, plus que n'importe qui, il prendrait mal ta mort, peu importe ce que tu lui as fait. Il peut être en colère, de mauvaise foi mais c'est ainsi qu'il agira si tu meurs sans qu'il ait pu te parler une dernière fois.
- Pleure, finit Luna alors qu'elle se retournait pour partir. Pleure autant qu'il le faut mais tu dois te relever pour accomplir ta tache. La guerre se prépare et le Chicaneur en sera, dès que Harry se lèvera. A ce moment-là soit sûr d'être prêt à te battre car il réduira le monde sorcier à l'état de cendre.
Sur ces mots ils partirent, laissant derrière eux en homme plein de pleurs et de cris étouffés. Harry avait besoin d'aide et ils devaient être à ses côtés lorsque la réunion reprendrait.
