- Dis-moi Nathan, qu'est-ce que je peux faire de plus ? demanda Harry sans ouvrir les yeux.

C'était le son d'une page qui était tournée qui avait réveillé Harry. Ce n'était pas dur pour lui de comprendre qu'il s'était évanoui, pour la première fois depuis des années. Harry pouvait toujours sentir la présence d'un regard sur lui, c'était une sensation qui ne l'avait jamais quittée, même en temps de paix. Quand à deviner qui le surveillait… ce n'était pas difficile pour lui, il connaissait le rythme de lecture du vampire par cœur, tant il avait passé de soirées à lire en sa présence. Pourtant, alors que la plupart du temps il s'agissait de moments reposants, aujourd'hui il n'en était rien. Il s'avait, même s'il ne l'admettrait jamais, qu'il tirait sur la corde depuis un moment, il ne savait pas qu'il avait déjà atteint le point de rupture. C'était un signe pour lui, la situation avait assez duré.

- J'ai tenté de réunir tout le monde autour d'une table, continua-t-il. Du moins tenté, mais tout ce que je vois c'est que les rancunes du passé, la méfiance, la peur aussi, n'amènent aucune solution. Toi et moi connaissons la puissance des armées non magiques, ils n'ont juste aucune chance, s'ils se mettent en travers ! Et même s'ils le font il y aura la peur devant ce que la Reine a réalisé et les dialogues n'aboutiront à rien ! Dis-moi juste, mon ami, ce que je peux faire de plus ?

- Rien Gardien, dit le Vampire après un moment. Et tu n'as rien à faire de plus. Ce que tu oublies c'est que la plupart sont des guerriers, dont les actes de guerres, sont pour eux une fierté. Le Domaine… est ce qu'il est, un paradis pour tous ceux qui veulent vivre en dehors de ce système. Peut-être vas-tu en inspirer certains, donner envie et peut-être un peu de bon sens, mais tu ne pourras jamais transformer le monde extérieur en une copie du Domaine. Ce serait utopique.

- Alors quoi ? Je mets tout le monde à la porte et leur dis de se débrouiller seuls ? ricana Harry. Ce n'est pas contre mon rôle de Gardien ?

- Ton rôle de Gardien et de protéger le Domaine, ni plus ni moins. Il y a bien sûr, à régler les soucis internes, accueillir ceux qui viennent s'installer, et bien d'autres, mais le monde extérieur n'est pas ton problème ni le nôtre.

- Alors pourquoi la Cloche est-elle ici ? Pourquoi amener le monde extérieur ici ?

- Je t'ai expliqué la séparation du monde sorcier et non magique par le passé, donc tu connais cette partie. Ce que j'ai oublié de mentionner, c'est que cette séparation a eu lieu ici, qui deviendrait plus tard le Domaine. C'est une terre neutre à cause de cela, un lieu parfait pour débattre du monde. Bien sûr il y a eu les serments de paix, dits le premier jour mais tout cela était pour le spectacle. A la seconde où une personne deviendrait menaçante, et par là j'entends sortir les armes, la magie du Domaine aurait réagi.

Harry ne répondit pas, créant un silence dans la pièce. Se redressant finalement, il se rendit compte qu'il était dans le salon, allongé sur le canapé près de la cheminée. L'envie de jeter tout le monde dehors était tentante, très tangente, car il sentait qu'il y avait un piège derrière ses longues discussions sans fin. Il avait le pressentiment qu'ils attendaient qu'il prenne les rênes de ce « coup d'état ». Au fond de lui, il savait qu'il finirait par aider, peu importe la manière et s'il le fallait, sortir se battre en dernier recours. Mais encore une fois, devait-il à nouveau se battre pour un monde qui l'avait rejeté ? Qui plus est dans un combat qui n'était pas le sien.

- Il y a quelqu'un à la porte, dit soudain Nathan en se levant. Je te vois ensuite à la réunion ?

- Vas-y, répondit Harry, il y a le temps avant qu'elle ne commence. Je vais voir Lily-May avant d'y aller.

Se séparant, Harry monta les escaliers pour découvrir Luna et Neville dans sa chambre. La scène avait un coté magique pour Harry. Neville était assis au piano, sa plus petite fille, Henriette, était assise sur ses genoux et appuyait sur les touches du piano en suivant les instructions d'une fée qui volait de touches en touches. Comme aucun bruit ne parvenait à Harry, il soupçonnait qu'un sort de confidentialité était en place. De l'autre, Luna était assise au chevet de Lily-May, comme Harry l'avait vue avant de tomber. Il pouvait voir aussi deux petites fées, dont celle qui avait donné son sang à la petite fille tourner autour de Luna, curieuse de ce qu'elle faisait. Étonnamment, car Harry ignorait qu'elle avait une quelconque passion pour cela, Luna faisait de la couture.

- Bonjour Harry, dit-elle en levant les yeux de son ouvrage. J'essaie de faire une tenue pour Lily-May. Elle aura besoin de vêtements adaptés à ses ailes. Heureusement les fées m'aident ! Mais comment vas-tu ?

- Juste un coup de fatigue, dit Harry en lui souriant. Tu me connais, toujours à…

- A t'inquiéter pour tout le monde, peu importe si tu perds la santé en chemin, dit Neville en approchant. J'aimerais te dire d'arrêter mais je te connais, cela ne servira à rien.

- Directement au sujet important n'est-ce pas ? demanda Harry en s'installant sur une chaise. Je le sais mais…

- Tu t'inquiètes pour nous, qui sommes mêlé à tout ça, termina Luna.

- Oui, dit Harry en lui souriant doucement. A cause de tout ça, Neville qui avait quitté le monde sorcier a été obligé d'y revenir et toi… Je ne veux juste pas qu'il t'arrive quoique ce soit, Luna.

- Merci Harry de te soucier de moi, c'est gentil, dit Luna en souriant. Mais tu n'es pas responsable, s'ils sont tous infestés de Nargoles.

- Et tu n'as rien fait Harry, dit Neville. Mes filles sont des sorcières, ce n'était qu'une question de temps avant que le monde sorcier me rattrape. Peut-être ai-je précipité mon retour, mais je l'ai fait d'une manière qui va protéger ma famille. Toi et moi savons que la Reine va juste tout détruire pour reconstruire. Mes filles, si cela continue ainsi, pourront découvrir un monde sorcier, plus sûr pour elles. C'est pour ça que je vais me battre Harry, car je ne veux pas qu'elles vivent comme nous l'avons fait.

- Bien sûr je n'ai pas d'enfant comme Neville, dit Luna en regardant Lily-May, mais je pense à elle qui a découvert notre monde de cette manière, comment cela l'a transformé. Et je pense à son futur aussi, que va-t-elle faire ? Que va-t-elle devenir ? A l'heure actuelle, elle ne peut pas sortir du Domaine sans risquer de souffrir. Et puis, il a toi, Harry.

- Moi ? demanda Harry surpris.

- J'ai envie que tu connaisses la paix, aussi. Au moins un peu, sans avoir à regarder au-dessus de ton épaule en permanence. Et plus que tout, que tu puisses avoir ce que tout le monde a, une famille.

- Une chose est sûre Harry, dit Neville en voyant son ami commencer à trembler. Nous sommes là et nous ne partirons pas. Luna et toi êtes comme un frère et une sœur pour moi, peu importe le futur je ne t'abandonnerai pas.

- Ni moi, dit Luna en venant serrer Harry dans ses bras. Tu n'as pas à t'en faire, nous sommes là. Et pour ce qui est du monde sorcier… Neville et moi on s'en occupe.

- Nous nous chargeons de ça Harry, continua Neville en hochant la tête. Car il y aura des gens qui seront perdus, ils auront besoin de gens qu'ils connaissent pour avancer. Tout le monde ne peut pas être des Héros de guerre après tout !

Harry rigola doucement en voyant Neville bomber le torse dans un simulacre de super héros. La pose héroïque qu'il avait prise était détruite par le sourire qu'il n'arrivait pas à cacher, tout comme le rire qu'il essayait vainement de retenir. Il ne lâcha pas Luna alors qu'il reprenait le contrôle de ses émotions. Il ne savait pas ce qu'il avait fait pour mériter ses deux amis, mais il remerciait qui que ce soit, qui les lui avait envoyé.

- Je n'ai pas mon mot à dire n'est-ce pas ? dit-il en souriant à Luna.

- Tu pourrais si les Nargoles ne tournaient pas autant autour de toi, répondit-elle en levant la tête pour le regarder. Ne t'inquiète pas et agis, nous serons là à tes cotés. A jamais.

Les deux derniers mots étaient à peine chuchotés, si bien que Harry cru les avoir imaginé. Il était si bien dans les bras de Luna qu'il les quitta avec regret. Il savait au fond qu'il devrait être énervé qu'ils prennent des décisions sans lui en parler. Tous deux le mettaient sur la touche pour « son bien », une chose qu'il détestait avec passion mais pouvait-il leur en vouloir ? D'autant qu'ils avaient raison, même si cela lui faisait mal. Ce n'était pas sa guerre, mais la leur. Pour lui laisser la paix, ils ne voulaient pas de son aide, du moins pas plus qu'il n'avait fait jusqu'à maintenant, qu'est-ce qu'il pouvait leur reprocher ?

- Le Domaine est totalement ouvert pour vous deux, finit-il par dire. Neville, ta famille est la bienvenue autant de temps qu'il le faudra.

- Merci Harry, dit Neville en prenant sa benjamine dans ses bras. Je serais idiot de refuser. Tu sais… nous pensions que tu t'énerverais avec ce qu'on a dit.

- Comment le pourrais-je ? Merci vous deux, de tout cœur.

- Ne donne pas tout ton cœur Harry ! dit Luna avec un air horrifié, comment pourras-tu aimer après ?

- Je pourrai toujours t'aimer Luna, ne t'inquiète pas pour ça, dit Harry en lui souriant.

Ce n'est qu'après coup qu'il comprit ce qu'il avait dit, et cela le fit rougir profondément. Il était gêné, assez pour ne pas voir le sourire radieux qui illuminait le visage de Luna, ni le grand sourire que portait Neville. Il aurait pu regarder la scène pendant un moment encore, mais il pouvait voir sa femme en arrière-plan qui l'encourageait à sortir son ami de sa gêne.

- Allez Harry, assez de cœur mielleux, je te rappelle que la réunion d'aujourd'hui va commencer. Allons-y.

- Oui tu as raison, dit Harry heureux du changement de sujet. Je te vois plus tard Luna.

Sa sortie fut un peu précipitée, si bien qu'il ne vit pas le regard entre Neville et Luna, tout comme il n'entendit pas le rire de Luna. Pour Neville, c'était exactement la phrase que recherchait Luna, elle avait mené Harry là où elle voulait. Par moment Luna était effrayante, brillante, mais effrayante. Rattrapant Harry, ils marchèrent jusqu'à la grande table, d'où ils pouvaient entendre les premières disputes et insultes voler.

Alors que Harry, finalement arrivé à sa place, allait parler, un Patronus surgit, se dirigeant droit vers le « Fantôme ». Comment Harry put entendre le message avec le bruit ambiant était simple, du moins cela le fut quand il eut reconnu la forme du Patronus, une loutre. Puis les mots résonnèrent dans sa tête, les yeux figés vers l'homme encapuchonné qui lui non plus ne bougeait plus.

- Ron, fit la voix du Patronus. Je suis au portail du Domaine. Rejoins-moi, j'ai besoin de toi, c'est urgent.