Ce ne furent pas des mots qui brisèrent les disputes. Ce ne fut pas un geste non plus, qui attira l'attention des peuples rassemblés autour de la table. Ce fut une onde magique, qui les fit tous s'arrêter. Tous se tournèrent pour voir le Gardien debout à sa place, les deux mains serrées en deux poings, appuyés sur la table. Alors que tous le regardaient, une deuxième vague de magie frappa à nouveau et personne ne parla, alors que Harry les dominait tous, plein de magie et de rage.

- Assez !

Un mot. A peine murmuré. Si faible que la brise du vent aurait pu le dominer. Pourtant il fut entendu de tous. Il était si plein de pouvoir, d'ordre et de colère, que personne n'osa parler.

- C'est assez, dit Harry en les regardant, tour à tour. Voilà plus d'une semaine que vous êtes tous là, à vous chamailler et tenter de prouver que vous êtes supérieur. Tout ce temps à vous insulter, à ignorer le futur pour de querelles futiles.

- Surveillez vos… Commença le Roi nain avant d'être brutalement coupé par Harry

- Osez finir cette menace et vous ne sortirez pas d'ici, vivant ! dit Harry en le fixant du regard. La magie du Domaine coule en moi et seul un fou oserait dégainer une arme face à son Gardien.

Et c'était vrai. Tous pouvaient sentir la magie dans l'air, tout comme le regard du Cerf qui se tenait derrière Harry. La menace n'était pas à ignorer, car le Gardien avait raison, il n'y avait qu'un imbécile pour provoquer la magie de cet endroit. C'est avec lenteur que le nain se rassit, ne quittant jamais Harry du regard. Outre la magie, il y avait ses yeux qui les effrayaient, car ils connaissaient tous, ce regard. C'était celui d'un guerrier qui ne parlait pas dans le vide. Le vert, si brillant, si ressemblant au sortilège sombre qui avait tué nombre de leurs peuples, brillait de mille éclats, effrayant encore plus les membres de l'assemblée.

- Cet homme-là, dit Harry en pointant Charles Roy du doigt. Ne cherche aucune querelle envers vous, il tend la main en prémices au futur. Chacun d'entre vous tremblera quand il marchera sur le monde sorcier et redoutera quand il posera son regard sur vous. Il viendra en ami, car il n'a rien contre vous, mais vous ne verrez pas sa main, vous verrez les ruines qu'il a laissées, derrière lui. Et n'essayez pas penser être plus fort que lui, il est capable de vous détruire un à un, sans difficulté, car c'est un humain. Car vous le savez, dans un coin de votre tête, vous avez tous connus, ce moment où vous leur étiez supérieurs. Pourtant est venu le jour, ou la balance a basculé, car il a appris. L'Homme a appris à devenir plus fort, et plus son ennemi l'est, plus il le devient.

- C'est un futur sombre que vous voyez Gardien, dit le Seigneur elfe.

- C'est ce qui va arriver, si vous continuer vos stupides querelles ! Chaque jour je parle à tous ceux qui le veulent, dont des elfes ! Et devinez quoi ? Vous avez tous le même point commun. Vous cacher, fuir sans cesse ! Vous êtes de moins en moins nombreux. Dites-moi Seigneur elfe, et vous Roi nain, vos peuples se portent-ils bien ?

Le silence lui répondit, alors que les deux baissaient la tête, reconnaissant la vérité dans les mots du gardien. Pour les elfes, la fuite permanente des forêts rasées avait pour conséquence une moindre priorité aux enfants. Il en était de même avec les nains qui, bien qu'à l'abri dans leurs murs de pierres, se perdaient dans l'accumulation permanente de leurs fortunes qu'ils entassaient sans but. Cela avait pour conséquence de nombreuses morts pour récupérer la fortune des uns et des autres, faisant progressivement baisser la population.

Pour dire la vérité, la plupart des peuples avaient des cas similaires, même si les nains et elfes étaient les cas les plus flagrants. Au fond d'eux, ils savaient que le Gardien avait raison, que ce soit de leurs mains ou celles des humains, s'ils continuaient ainsi, ils allaient tous disparaître.

- Mais vous savez quoi ? Les sorciers vont à la mort encore plus vite que vous. Ils n'apprennent pas du passé et se réveillent quand il est trop tard, venant quémander de l'aide quand ils sont au pied du mur. Mais j'ai assez donné.

Personne ne vit le « Fantôme » reculer d'un pas à ses mots, car tous étaient concentrés sur Harry, sur ce monologue qui les jugeait tous. En dehors de cette table, ils savaient que le sang aurait été versé depuis longtemps, mais ici, ils étaient impuissants, se contentant de subir la colère du Gardien. Ils venaient tous de comprendre qu'il était un véritable Gardien, un de ceux qui veillent à ce que les peuples magiques perdurent. Alors ils attendaient, dans le plus grand des silences, le jugement du Gardien.

- J'ai essayé, continua Harry. J'ai essayé de trouver une solution, mais vous n'écoutez pas. Je promets d'accueillir tous ceux qui voudront se réfugier ici, de leur offrir une place tant qu'ils viennent sans armes. Pour l'heure, vous n'êtes plus les bienvenus. Partez tous, allez mourir avec honneur si la paix ne vous est pas agréable mais j'espère qu'à ce moment-là, vous vous rappellerez d'aujourd'hui, du moment où vous aviez une chance de changer votre futur. Partez maintenant, c'est assez.

D'abord incertain, ils se levèrent petit à petit et partirent, non sans lancer un dernier regard au Gardien. Ce dernier était tombé sur sa chaise, avachi dans une pose pleine de détresse. Certains avaient les larmes aux yeux, comprenant qu'il prenait personnellement l'échec alors qu'ils étaient coupables. Si l'on regardait bien, et rares sont ceux qui le virent, un elfe de maison se tenait à genoux, pleurant ouvertement de tristesse.

Peu à peu, le tonnerre gronda et il se mit à pleuvoir. Mais Harry ne bougea pas, restant assis, pleurant pour toutes ces personnes qui allaient mourir à cause de la fierté de leurs dirigeants. Il se promit d'en sauver le plus possible, comment, il l'ignorait encore, mais il le ferait.

Sans lever la tête, il entendit des pas s'approcher, puis un parapluie au-dessus de lui, tenu par une main qu'il reconnut comme celle de Nathan.

- Gardien, pardonnez mon retard mais il y a une personne qui veut vous parler. Je l'ai entendu et je pense qu'elle peut aider, peu importe ce qui s'est passé précédemment. Que s'est-il passé ici ? Le Domaine est sombre et la magie est emplie de tristesse.

Levant les yeux il regarda Nathan, puis après qu'il ait analysé ses paroles, il se redressa et tourna la tête. Derrière le vampire, il y avait la personne responsable de sa colère passée. Il n'en pouvait plus et savait qu'il allait perdre patience à un moment donné, mais elle avait été la goutte de trop. Immobile alors que la pluie tombait de plus en plus, se tenait Hermione, essayant de lui sourire.

- Bonjour Harry, dit-elle d'une voix incertaine. Ça fait longtemps.

Une troisième vague de magie traversa le Domaine alors que la colère de Harry revenait au galop.