- Et dire que je pensais que la journée ne pouvait pas empirer, fit Harry d'une voix sombre. Voilà que le couple d'or se présente !

Le sarcasme dans la voix de Harry était perceptible même pour un sourd. Il était si rempli de colère, de tristesse, de haine qu'il fit reculer Hermione. Pour la première elle revoyait celui qui était son ancien meilleur ami et elle aurait aimé être partout sauf devant lui en ce moment. Ses yeux verts, desquels elle avait tiré courage et confiance par le passé, étaient fixés sur elle. Seulement, il n'y avait aucune chaleur, gentillesse ou amour dirigé vers elle, au contraire.

Pour la première fois, elle avait devant les yeux le résultat de ses choix. Pour la première fois, elle doutait de sa venue. Ce n'était plus le Harry Potter qu'elle avait connu, non, c'était un homme puissant, en colère. Par le passé, elle aurait nié toute possibilité que Harry lui fasse du mal mais à présent, elle n'en était plus convaincue. Elle voulait parler, dire quelque chose, mais ce simple regard l'en empêchait. Courir n'était pas une solution non plus, ni même réalisable non plus, elle n'en avait pas la force.

- Hé bien ? Que de silence, continua Harry. Ron, pourquoi restes-tu dans l'ombre ? Essayes-tu de devenir un serpent glissant comme Rogue ? Pourquoi ne rejoins-tu pas ta charmante femme ?

Hermione sortit de sa stupéfaction quand elle comprit ce que disait Harry, Ron était ici ? Elle ne sut quoi dire quand elle vit une ombre enlever sa capuche, révélant Ron en dessous, la rejoindre. Lui non plus ne disait rien, évitant au mieux le regard de Harry. De plus, Hermione fut frappée par la façon dont Harry l'avait mentionnée, ce n'était pas Hermione non, c'était « charmante femme », cela lui fit monter les larmes aux yeux.

- Vous avez perdu vos langues ? demanda Harry, s'énervant de plus en plus. Aurais-tu caché ta véritable nature à ta femme, Ron ? C'est Rogue qui t'a inspiré ? A quel maître es-tu fidèle ? Le ministère ? La Reine ? Ou veux-tu nous la jouer tragédie à la façon « Severus Rogue qui se bat en l'honneur de son jeune amour perdu » ? REPONDEZ !

A chacune des phrases, le couple avait reculé, de plus en plus, sous l'attaque verbale, impuissant à se défendre alors que les coups de couteau s'enfonçaient de plus en plus. Les colères de Harry, ils avaient connu et savaient les gérer, du moins en temps normal. Mais ici, Harry était hors de contrôle, la preuve, il utilisait Rogue et sa mère dans un sarcasme horrible à entendre. Cela n'aidait pas qu'ils étaient eux-mêmes en pleine confusion, chacun essayant de comprendre la présence de l'autre au Domaine. Hermione ne savait pas quoi penser de Ron maintenant, que lui cachait-il ? Pourquoi Harry avait-il mentionné la Reine ? Et quel lien avait-elle avec Ron ? Lui-même n'était pas mieux, essayant de comprendre comment expliquer la situation à Hermione, son rôle mais aussi la raison de sa présence ici. Au pire moment possible en plus !

Tous deux n'avaient maintenant plus aucune échappatoire. Ils étaient en terrain adverse, sans arguments ni aide, tout en étant confronté à un sorcier nettement plus puissant qu'eux deux réunis. Pas qu'ils considéraient Harry comme un ennemi, mais plutôt à une personne qu'ils avaient toujours eu du mal à contrôler une fois en colère. Hermione savait le faire avant, c'était d'ailleurs la seule à réussir à le calmer, sauf que cette fois ci, elle était la cible de cette colère.

A leur grande surprise, la colère de Harry fondit comme neige au soleil. La pression qu'il exerçait inconsciemment tomba, alors que lui-même tombait dans un siège. Aucun d'eux ne pensait qu'il s'était même rendu compte qu'il s'était levé dans sa colère, mais ce qu'ils pouvaient voir, c'était que la colère était maintenant remplacée par un regard qu'ils n'arrivaient pas à comprendre.

- Un. Savez-vous ce que ce chiffre représente ? demanda-t-il. Allez-y, ce n'est pas dur à comprendre si vous suivez un tant soit peu l'actualité locale.

De nouveau le sarcasme, mais aucun d'eux ne répondit, ils n'y arrivaient tout simplement pas.

- Rien ? Toujours pas de langue ? fit Harry en les regardant tour à tour. Ce n'est pourtant pas difficile, c'est le nombre de survivants de l'attaque des Détraqueurs. Une seule personne, une enfant pour être précis. Lily-May pour information qui dans son malheur, a eu la chance de découvrir que les fées existent ! Et encore mieux, d'en devenir une ! Fantastique non ? Nous avons une nouvelle race à déclarer ! Mi humaine, mi-fée ! Cela relève de ton département non, toi la Directrice du département de régulation des créatures magiques ?

- Gardien ! Claqua Nathan. Cela suffit ! Peu importe votre colère n'insultez pas ainsi Lily-May !

Cela plus que tout, calma Harry. Seul le fait qu'ils le connaissaient montrait qu'il avait pris la remontrance. Cela eut aussi pour effet de calmer sa colère qui revenait au galop. Il avait devant lui ses anciens amis, ceux qui l'avaient profondément blessé, et pourtant, alors qu'il avait cru être guéri, il voyait qu'au contraire, la blessure était toujours là. Il n'en pouvait plus, pas aujourd'hui. Il voulait juste rentrer et dormir. C'était trop, il avait espéré, tant espéré et comme par le passé, la chute lui faisait mal. Quelle était l'expression déjà ? Plus haut tu montes, plus dure sera la chute ? Il n'en était pas certain, mais c'était certainement vrai. Tout ce qu'il voulait, c'était mettre cet échec au repos, au moins pour la nuit. Demain serait un jour de planification pour le futur, un âge sombre approchait et il en était responsable. Par ces mots, il les avait tous renvoyés, les condamnant à de nombreuses morts inutiles.

- Partez, finit-il par dire après un moment. Juste partez. Ne revenez jamais. Par respect pour le passé, je vous offre cette unique chance de partir. S'il vous prend l'envie de revenir, vous serez traités comme n'importe quel ennemi voulant pénétrer ces murs.

- Non, Harry, s'il te pl… commença Hermione les larmes aux yeux, tombant à genoux dans une pose suppliante.

- On retrouve sa voix hein ? dit Harry d'une voix douce en venant se mettre juste devant elle.

Il la surplombait, comme un bourreau regardait celui qu'il allait exécuter. Harry la toisait d'un regard inexpressif. Il n'y avait pas de colère, de tristesse ou de haine, il n'y avait rien.

- Ces derniers temps j'ai beaucoup pensé à vous deux. Je savais qu'un jour nous nous reverrions, alors je me suis mis à penser, comment réagir ? Encore plus avec ta dernière venue ici Hermione quels étaient tes mots déjà ? Ah oui, « il n'aura qu'à m'appeler et je viendrai ». T'es-tu seulement demandé si j'aurais besoin de toi ?

Plus que tout, ces paroles détruisirent Hermione qui, sans Ron s'agenouillant pour la tenir, serait définitivement à terre. Ce qui les effraya était le ton de Harry, il n'y avait rien, aucun sentiment perceptible, il était inexpressif. Il ne faisait que les regarder d'un regard vide. A leur plus grand cauchemar, il continua son monologue, enfonçant de plus en plus de pieu en eux.

- Que Ron me fasse un coup comme ça, je m'y attendais, ce n'était pas une nouveauté. Après tout, combien de fois m'a-t-il trahi pour une simple jalousie ou autre stupidité du genre ? La tienne, Hermione, m'a blessée au plus profond. Je pense que je t'ai aimée, tu sais ? Pas comme une sœur, plus que ça. Et je te faisais confiance par-dessus tout, toi avec qui j'ai tout traversé. Tu m'as trahi et blessé plus que quiconque. Alors je me posais la question, que devais-je faire avec vous deux ?

La question resta en suspens pendant quelques instants, prolongeant la souffrance plus que nécessaire. Ron ne savait même pas si Hermione écoutait ce que disait Harry, elle était dans un état comme il ne l'avait jamais vue. Pire que cela, il ne pouvait arrêter Harry, il ne disait que la vérité, aussi horrible soit-elle.

- J'ai pensé tant de choses, rien de bon à vrai dire. J'ai rapidement réduit au silence, la petite voix qui me disait de pardonner, car elle était trop faible, face à ce que je ressentais. Dans toute mon éducation, que je dois principalement à mon cousin et mon oncle, j'ai retenu une chose, celui qui a trahi, trahira à nouveau. Aujourd'hui plus que jamais, je ne dois pas me tourner vers le passé et le doute, j'ai trop à protéger pour surveiller en plus mon dos. Alors la situation était de vous détruire et il y avait tant de possibilités ! Médiatique, financière, politique n'en sont que des exemples. Surtout les plus pacifiques, j'ai appris qu'il y a bien des manières de détruire un ennemi, comme s'en prendre à ses amis, ses proches, ses enfants…

Ron était maintenant effrayé. Sûrement Harry n'oserait pas… ? Il avait peur, horriblement peur d'avoir provoqué la venue d'un nouveau mage noir. Sa crainte était telle qu'il n'osait même pas lever les yeux vers Harry, se contentant de tenir Hermione du mieux qu'il pouvait, tout en attendant que ça se termine.

- C'est à ce moment que j'ai compris que je risquais de devenir ce que j'avais combattu. J'allais me transformer en Tom, rongé par la colère, la haine et l'amertume. Mais je ne veux pas devenir comme lui, jamais. Alors je choisis une autre voie, l'indifférence. Je ne vous connais plus et plus rien ne nous relie.

A ce moment, Harry les dépassa. Ron vit cependant qu'il s'était arrêté à leur niveau, à un pas de lui.

- Aujourd'hui je vous dis adieu. Je vous libère des dettes de vies que vous me devez. Adieu Ron. Adieu Hermione.

Aucun d'entre eux ne vit les larmes de Harry. Il avait mal en prononçant ces mots mais il le devait. Pour lui, pour enfin avancer personnellement. Pour le Domaine, qui allait devenir la cible des sorciers. Pour tous ceux qu'il protégeait il devait être fort, se concentrer sur les moments à venir et ne pas douter. Sans un mot, il reprit la direction de sa maison, laissant le couple derrière lui. D'un signe de tête, il demanda à Nathan de les faire sortir dès que possible.

C'était fini.