- Frère, dit Harry après un moment de silence. Famille. Vous savez, c'est ce que j'ai toujours voulu. Au final, ce ne sont que des mots. Toute ma vie, j'ai cru avoir tout cela, même une maison ! Vous y avez eu droit à ces mots « Tout au long de votre séjour à l'école, sera pour vous une seconde famille ». Pour rappel, c'est le discours que McGonagall nous donne avant le tri. Avec le recul, ces mots avaient une autre signification pour moi. Pourdlard devenait ma maison, et Gryffondor ma famille.

Tous écoutaient Harry parler. Son monologue était calme, sans émotions. Tous attendaient la suite, car visiblement, ils avaient touchés une corde sensible. Cependant, aussi sensible qu'elle était, le ton morne d'Harry n'était pas de bon augure. C'était facilement devinable aux gestes et regards inquiets qu'échangeaient Neville et Luna.

- Pendant six ans, cette même famille m'a aimé, blessé, ignoré, trahi, encouragé, adoré et plein d'autres choses. J'ai subi, pendant toutes ces années, m'accrochant au fait que c'était ma famille. Chaque année, après un été horrible, je retrouvais Ron et Hermione, mes meilleurs amis et ce que j'avais de plus cher, ainsi que vous tous. Même après ce que je vivais, je n'arrivais pas à vous détester, car vous étiez ma famille, la seule que j'avais.

Tous ressentirent une pointe de culpabilité à ces mots. Ils savaient que la vie à Poudlard avait été particulière pour Harry. Plus les années avaient passé, plus les événements étaient devenus graves et leur comportement envers Harry avait changé. Non, c'était un mensonge, dès la première année cela avait été le cas. Avec le recul, ils se rendaient compte que de simples excuses auraient été une chose évidente à faire. Mais ils ne l'avaient pas fait. Et il n'y avait pas qu'une occasion ! L'héritier de Serpentard, La coupe de Feu, Ombrage… Harry avait fait face à tout cela, seul, mais il souriait quand ils revenaient à la fin du danger. Tout ça, car pour lui, c'était ainsi qu'interagissait une famille.

- Puis il y eut Voldemort et la guerre. Je pensais que c'était fini. Que pouvait-il arriver après ça ? Le méchant Seigneur des Ténèbres était mort ! Je n'attendais rien, ni ne désirais quoi que ce soit, juste pouvoir vivre sans regarder en permanence derrière moi. J'ai donné des idées pour changer la vie des sorciers, pour aller vers une paix solide ! Je ne voulais même pas en être un acteur ! Tout ce que je désirais était la paix, était-ce trop demander ?

La voix avait changé, ce n'était plus un ton vide, mais de nouveau la colère. Mais il n'y avait pas que cela, il y avait aussi de la détresse dans ces yeux, plus quelque chose qu'ils n'arrivaient pas à saisir. Mais avant qu'un d'eux ne puisse parler, Harry reprit son monologue.

- Alors oui, j'aurais pu abandonner, laisser les choses telles qu'elles étaient. C'était mon droit après tout, j'avais assez fait. Cela, c'était ce que me disait une petite voix dans ma tête, un choix qu'il m'arrivait de désirer. Mais alors, la nuit, alors que j'essayais de dormir, des gens me rendaient visite. Ce n'était pas eux bien sûr, juste des pensées et des cauchemars, mais ils venaient. C'était Fred, ou Colin Crivey, des fois c'était ma mère, ou Remus et Tonks, ça dépendait des nuits. Chacun était différent, mais il n'y a qu'une chose qui ressortait de leur venue. La rage de leur mort. Chacune d'entre elles a donné sa vie pour vaincre ce déchet de Jedusor ! Pour eux, je n'avais pas le droit d'abandonner. Pour leur sacrifice, je devais terminer ce pour quoi ils avaient tout donné !

C'était pour bientôt, la vraie explosion. Au fur et à mesure des phrases, la pression qu'ils ressentaient augmentait alors que la pièce refroidissait de plus en plus. Ils ne savaient même pas si Harry leur parlait, ou s'il était simplement perdu dans ses souvenirs.

- Mais encore une fois, ma « famille » me tourna le dos. Alors oui, elle ne dit rien, mais laissa le monde sorcier me détruire petit à petit, me transformant en paria. Pour eux je devenais un homme qui rappelait les mauvais souvenirs, celui qui ne pouvait pas se contenter de se réjouir que Voldemort soit mort. Puis est venu le coup de grâce, celui qui a détruit mon esprit, le mariage. J'ai honte de l'admettre mais j'ai fui. J'ai trahi ceux qui ont tout donné pour que je sorte vivant de cette merde ! J'ai abandonné les espoirs de ceux qui ont combattu pour un monde meilleur ! Vous savez ce qui est horrible ? C'est que plus le temps passe, plus le nombre de personnes que je trahis augmente. Tous ceux qui sont morts à cause des Détraqueurs découlent de ma fuite, ceux qui vont mourir à cause de la Reine sont dû au fait que j'échoue en permanence ! QUAND CESSEREZ VO…

- Stupefix ! Alohomora.

Derrière Harry, Luna avait sa baguette tendue. Elle regardait Harry avec un air triste tandis que des dizaines de fées entraient dans la pièce pour entourer Harry. Lily-May rentra peu après et vint directement sur un Harry figé sur sa chaise. Ses ailes battant dans son dos, elle rejoignit peu après les fées dans un chant mélodieux. Tout autour de la table, personne ne bougeait, figés dans une stupeur totale.

- Luna, dit Neville après un moment. Peux-tu amener Harry dans sa chambre ? Je t'attends pour expliquer ou non ?

- Je vais rester près de lui, dit Luna en soulevant Harry d'un geste de baguette. Venez les filles, on a du travail.

Pendant un moment, les membres de l'AD regardèrent Luna se diriger vers les escaliers, suivie des fées et de Lily-May qui semblait bouleversée, sans qu'ils en connaissent la raison. Quand elles furent hors de vue, tous les regards se tournèrent vers Neville. Ce dernier avait pris la place de Harry et regardait toujours dans la direction que Luna avait prise. Il ne fallut pas longtemps avant qu'il prenne la parole.

- Ce que vous venez de voir est le véritable Harry, commença-t-il avec difficulté. A chaque instant, que ce soit en privé, ou en public, il porte un nombre incalculable de masques. Tout ce qu'il fait, que ce soit ses émotions ou ses gestes, est fait pour cacher ce que vous venez de voir. Il agit en permanence pour que personne ne voie cela. Jusque maintenant, il n'y avait que Luna et moi qui avions été témoin de cela. C'est la troisième fois que cela arrive, et la dernière fois remonte au jour où il est parti. Ce que vous venez de voir est ce qui se produit quand la culpabilité prend le dessus. Le calme cède à la colère, la colère amène la culpabilité, la culpabilité déchaîne la rage, la Rage crée la destruction. Nous nous efforçons de l'arrêter avant cette dernière étape, car la dernière fois que c'est arrivé, le Square Grimmaud a été réduit en cendres.

- Mais pourquoi ne pas l'avoir arrêté avant ? demanda Ginny effrayée.

- Parce qu'il n'y a que lorsqu'il passe à l'état de Rage qu'il perd son contrôle. Ne sous estimez jamais Harry, il est toujours alerte. La première fois, je me suis réveillé dans un lit sous la garde de Luna, trois cotes brisées en traversant une pièce. J'avais tenté de m'approcher de Harry pour le calmer, mais d'un simple regard il m'a envoyé valser. Le prendre par surprise est la seule chose qui semble empêcher le pire.

- Il n'y a rien à faire ? demanda Angelica qui avait les larmes aux yeux. Rien pour l'aider.

- Pourquoi crois-tu qu'il est là ? Hormis le fait qu'il est dans un environnement vide du passé, les fées sont des guérisseuses incroyable pour Harry. A quelle hauteur ça fonctionne, je l'ignore, mais Harry est moins rongé par la culpabilité avec elles. Mais avec les derniers événements…

- Donc Harry est malade, résuma George d'un ton grave. Malade à cause du passé, de ses souvenirs, et plus que tout, de nous. Chaque fois qu'il revoit l'un de nous les symptômes reviennent et déclenchent cette réaction, c'est ça ?

- En partie, acquiesça Neville. Luna et moi semblons ne pas provoquer ce genre de réaction. Nous sommes là depuis longtemps et l'avons toujours soutenu, mais nous sommes aussi liés à son passé. Honnêtement je ne sais pas quoi faire, pas plus que Luna. Nous avons cherché des solutions, mais rien ne marche ou qui plaise à Harry. Cela n'aide pas qu'il considère la plupart de ces idées comme une trahison supplémentaire envers ceux qui sont morts. Le plus simple serait un psychologue moldu, un guérisseur d'esprit pour faire simple, mais pour cela il faudrait que Harry sorte du Domaine ce qui est… impossible en l'état.

- Et donc ? Que faisons-nous maintenant ? demanda Angelica.

- Pour l'heure, rien, répondit Neville. Harry va rester inconscient un moment afin de calmer sa magie. Je pense qu'il est relativement sûr pour vous, de vous balader. Gardez les mêmes consignes que je vous ai données en arrivant et tout se passera bien. Parvati, si tu veux la voir, sors et va à droite, il y a une petite cloche, fais la sonner et attends. Cependant je te préviens, elle a énormément changé, fais attention.

- Attention à quoi ? A elle ? Ou à ce que je pourrais penser en la voyant ? demanda Parvati en souriant. Des cicatrices, on en a tous, et pas seulement visibles. Ça ira, elle est ma lumière, et à partir de maintenant, je serai aussi la sienne.

- Pav', intervint Padma. Je ne sais pas si on pourra rester longtemps, on a besoin de nous là-bas.

- Je sais, répondit Parvati. Mais attendons au moins le réveil de Harry. S'il y en a un qui peut nous aider, c'est lui. Elles ont toutes besoin d'un endroit sûr et je ne vois pas de meilleur endroit qu'ici.

- Encore faut-il qu'il accepte, fit Padma.

- Pour des innocentes ? répliqua sa sœur. C'est Harry, j'ai totalement confiance en lui, là-dessus.

Sur ces mots, elle partit, laissant derrière elle un groupe n'ayant rien compris à l'échange entre les jumelles. Padma ne les regarda pas une seule seconde, mais choisit plutôt de sortir un carnet dans lequel elle se mit à écrire, sans prêter attention à son entourage. A son expression sérieuse et concentrée, il ne pouvait s'agir que d'une chose importante, voire plus que cela. Justin fut le second à sortir, pressé de rejoindre sa femme et ses enfants. Tous le suivirent, laissant Neville derrière, se dirigeant vers l'étage, afin de veiller sur Harry.