Arthur avait, jusqu'alors, mené une vie morne dans la vielle forteresse du Chevalier Antor. Bien que pupille, il n'était rien de plus qu'Arthur, un garçon comme un autre. Il avait grandi dans l'ombre de Keu, le fils d'Antor, n'attirant aucun regard sur lui, que ce soit bon ou mauvais. Il était juste là, servant du mieux qu'il le pouvait, tout en apprenant les codes de chevalerie. Cela cependant, ne passa pas inaperçu, mais au lieu de continuer à faire grandir ce trait, Antor fit de lui l'écuyer de son fils.
C'est ainsi que les années passèrent, le chevalier Keu dans la lumière, avec Arthur dans l'ombre. Mais il grandissait, apprenait les bons gestes, mots, phrases, tout pour plaire et attirer les bonnes appréciations. C'était malheureusement un domaine dans lequel il n'excellait pas, car il était trop bon pour savoir mentir, et préférait toujours l'honnêteté aux mensonges. C'était la même chose quand on venait lui demander de l'aide, il ne demandait jamais rien en retour, ne profitant jamais des faveurs qu'on lui offrait.
Alors, tandis que son frère brillait dans les salles de bal et trônes, Arthur lui, était apprécié des villageois. Partout où ils se rendaient, il suivait, aidant, à ses moments libres, tous ceux qui avaient besoin d'aide. Et plus le temps passait, plus l'étoile de son frère stagnait, tandis que le nom d'Arthur était murmuré, apprécié, et montré en exemple. Bien sûr, certain profitaient de sa gentillesse, mais Arthur ne pipait mot, comprenant qu'ils agissaient, non par cruauté pour la plupart, mais par pauvreté. Ceux dont les gestes étaient purement malveillants, eux par contre, goûtaient le fruit de ses nombreux entraînements. Pas les siens biens sûrs, il n'était que la cible d'entraînement de son chevalier, mais cela lui avait appris à manier une arme convenablement, peut-être même mieux que son maître, d'après ce qui était chuchoté par les paysans, sans savoir qu'ils étaient loin d'avoir tort.
Tout cela se termina un jour de tournoi. Arthur, pour la première fois, avait commis une erreur, il avait oublié l'épée de Keu. Courant partout, il chercha de quoi rectifier son inattention. C'est à ce moment que tout changea. Dans un buisson, il vit le pommeau d'une épée et s'en saisit sans hésiter. Il était loin de se douter qu'il s'agissait de l'épée dans le rocher, celle qui faisait de lui, dès l'instant où il la retirait, un Roi. Il ne l'avait pas reconnue car, faute de prétendant, l'épée avait fini par être oubliée, et la végétation avait repris le dessus.
Le chevalier Keu étant en retard pour son combat, Arthur n'eut que le temps de donner l'épée, sans qu'aucun d'eux ne puisse jeter un seul coup d'œil sur l'arme. Ce ne fut pas le cas des spectateurs car rapidement, les cris et encouragements s'arrêtèrent, pour devenir chuchotements et enthousiasme retenus. Sous leurs yeux, l'épée du rocher brillait à la lumière du soleil. Le nouveau Roi était là, devant eux, prêt à combattre avec l'épée. Un à un, d'abord les paysans, puis la noblesse, s'agenouillèrent devant le chevalier Keu. Ce dernier eut d'ailleurs du mal à comprendre, jusqu'à ce qu'il se rende compte de ce qu'il tenait dans ses mains, le renvoyant, le temps d'un instant, dans des souvenirs lointains. Il se rappela être amené par son père, Antor, au rocher pour retirer l'épée. Il n'était pas seul ce jour-là, tous les enfants nobles étaient là, essayant chacun leur tour l'épreuve, afin de savoir si oui ou non ils allaient devenir roi.
Il se rappela sa tristesse de ne pas avoir été choisi, tout comme sa joie de voir qu'aucun de ses pairs n'y arrivaient non plus. Aujourd'hui sa jalousie n'était plus. Il avait côtoyé les châteaux, avait vu le genre de vie ennuyeuse que vivaient les seigneurs. A quoi bon avoir la renommée et la richesse, si c'était pour rester assis sur un trône, sans aventure ni plaisir, à écouter inlassablement ses sujets se plaindre. Non, ce n'était pas une vie qu'il désirait, et plus que cela, son honneur voulait qu'il dise la vérité. Appelant Arthur, il lui demanda d'où venait l'épée, puisque c'est lui qui lui avait donné. Cette question perturba la foule, tandis qu'Arthur répondait dans un buisson, car il n'avait pas pu obtenir l'épée de son chevalier. Il s'attendait à se faire punir, pour ne pas avoir donné la bonne épée, mais au contraire, Keu lui demanda de lui montrer.
Suivit par les paysans et nobles, la troupe, grandissante au fur et à mesure que les évènements étaient racontés, ils arrivèrent à destination. Le chevalier Keu essaya de couper la végétation avec l'épée, mais échoua, le tranchant semblait émoussé. D'un geste, il tendit l'épée à Arthur, lui demandant de le faire. Avec hésitation, il prit l'épée, se rendant compte qu'elle lui allait parfaitement, comme si elle avait été forgée par elle. D'un coup de tranchant, la végétation fut coupée, et à la demande de Keu, Arthur replanta l'épée.
Keu essaya ensuite, devant tous les spectateurs, de retirer l'épée, sans succès. D'un regard, il invita Arthur à essayer. Il n'était pas un imbécile, seul cette manière de faire légitimerait Arthur comme Roi, car devant autant de témoin, personne ne pourrait contredire les faits. Une nouvelle fois, Arthur retira l'épée et quand il se retourna, tous étaient à genoux devant lui. Les paysans de pleins gré, les nobles avec difficulté. Pour eux, rien n'était plus dégradant que de s'agenouiller à même la terre, surtout devant un simple écuyer.
- Voici l'heure d'un nouveau Roi. Qu'aujourd'hui sonne le premier jour de règne d'Arthur, fils de feu Uther Pendragon, puisse son temps sur le trône être prospère et calme.
A ces mots, tous se retournèrent pour voir apparaître Merlin. Ce dernier traversa tranquillement la foule, son long bâton dans sa main. Arrivé à hauteur d'Arthur, il s'agenouilla lui aussi, et fut le premier à jurer fidélité au nouveau roi, suivi du Chevalier Keu, d'Antor, puis par tous. Ce qu'il se passa ensuite fut un mystère, car Arthur fut amené par Merlin, ce dernier donnant comme consigne de faire passer le mot, les terres de Grande Bretagne avaient un nouveau Roi.
Pour les paysans, il fallut un an pour que la nouvelle fasse le tour du royaume. Pour les nobles, seulement quelques jours. Pour les ennemis d'Arthur, une paire d'heure avait suffi. Morgause et Morgane, chacune de leurs côtés, se préparèrent. Non pour rencontrer le nouveau Roi, cela allait être relativement facile, mais pour s'emparer du trône.
Dans l'île d'Avalon, Morgane prépara ses potions et charmes pour plaire à Arthur, le séduire, l'amener à céder à ses désirs. Elle n'avait que faire si Arthur était son demi-frère, tout ce qui lui importait, était le pouvoir et la liberté qui en découlait. S'il lui donnait cela, le reste n'avait aucune importance.
Morgause elle, retourna voir les trois sorcières. Pour elle, la séduction n'était pas une option, ce qu'elle voulait, c'était la mort d'Arthur, afin d'asseoir son fils sur le trône. Elle avait été si proche, si proche de réussir. Cette nuit-là, la forêt fut encore plus silencieuse qu'à l'accoutumée. Se servant de rituels sombres, même pour ces sorcières, elles donnèrent vie à un nouveau peuple. Deux personnes entrèrent dans la forêt, une seule ressortit vivante.
Le chevalier servant avait servi de sacrifice, pour créer le meilleur assassin. Cette nuit là fut le jour de ma naissance. Moi, le premier vampire, dont le but était de tuer le Roi Arthur, je venais de naître. La gorge avide de sang, l'estomac grognant de faim, je me mis en route, usant du lien de parenté de ma maîtresse pour le trouver.
Trois pistes s'offraient à moi, Ygerne, Morgane, et Arthur. Sans s'avoir laquelle, je pris celle qui me semblait la plus proche comme première destination. Cela me mena droit, non au Roi, mais à une nouvelle manipulatrice, qui se fit une joie de m'améliorer, sans pour autant changer mon but.
J'étais tombé sur Morgane.
