Comment t'expliquer Morgane ? Comment te parler de cette femme, te la décrire ? Ma première rencontre avec elle m'a transformé à jamais. J'étais comme un enfant faisant face à ses parents après avoir fait une bêtise, j'étais terrifié. Son regard, son regard me hante encore aujourd'hui. A côté de son pouvoir, tu n'es rien, tu es aussi insignifiant qu'une fourmi. Tu as rencontré des hommes et des femmes puissantes, Harry, je n'en doute pas, mais Morgane… Morgane est celle que tu n'as jamais envie d'avoir en face de toi.
Au fil du temps, son emprise sur Avalon, l'île de la magie, était à son paroxysme. Elle régnait en reine sur ceux qui habitaient l'île, sans que personne n'ose lui faire face. Comment auraient-ils pu, quand sa magie était telle, qu'elle t'étouffait ? Car c'était ce qui la rendait effrayante, sa magie était partout, tellement grande et puissante qu'elle te noyait sans te laisser une chance de t'opposer.
J'étais un enfant face à elle, un enfant qui savait qu'il n'avait aucune chance. Ce n'était pas le genre de situation où tu peux penser à une fuite, à cet instant, je ne pouvais qu'attendre sa décision, sans pouvoir esquisser le moindre mouvement. Je me perdis dans son regard, des yeux bleu d'une beauté froide, et j'eus l'impression qu'elle était en moi, apprenant tout ce qu'il y avait à savoir sur moi, sans rien pouvoir lui cacher. Tu t'en doutes, elle utilisait la légilimancie à pleine puissance contre moi, mais à l'époque, cette magie était vue comme un don et non une branche de la magie.
Puis, au bout d'un moment qui me sembla être une éternité, elle m'a souri. Au vampire que j'étais devenu, c'était comme si je renaissais, je n'allais pas mourir, pas aujourd'hui. Me guidant dans sa demeure, elle me parla, me racontant qui elle était et ce qu'elle désirait. Morgane, bien que puissante, n'était pas une meurtrière, c'était une action qu'elle n'envisageait, que s'il n'y avait pas d'autre possibilité. Ainsi, la mort d'Arthur ne l'intéressait pas particulièrement, seul le trône lui était important. Car oui, Morgane ne se préoccupait que du pouvoir, et seulement du pouvoir. Mais sais-tu comment elle voyait les choses ? Enfant, elle savait qu'elle avait moins de liberté qu'un adulte, alors elle en est devenue une. Puis elle s'est rendu compte que chez les adultes, il y avait une hiérarchie, qui réduisait sa liberté, alors elle est montée au sommet, s'aidant de son pouvoir, afin d'obtenir une liberté totale.
Contrairement à ce que tu peux penser, elle n'a pas commis de meurtre, elle a joué de ses forces. Séduction, démonstration de magie, duel, et c'est par cela qu'elle est montée, sans jamais devenir impitoyable. Mais Avalon est un sanctuaire, fait pour protéger ceux qui y résident. Protéger signifie de lourdes protections, être caché, s'assurer qu'aucune faille n'existe. Avalon est comme un château fort qui ne possède aucune porte, tu ne peux y entrer, mais tu ne peux en sortir. Pour Morgane, c'était une prison, elle avait soif de liberté, et ce qu'elle avait ne lui suffisait pas.
Jusqu'à mon arrivée, elle avait mis plusieurs plan sur pied, tous plus effroyables les uns que les autres. Sache-le Harry, à cette époque, il y avait de nombreux rituels sombres qui ont disparu à travers le temps, et beaucoup ont été créé par elle. Mais j'étais là, devant elle, un bouleversement dans ses plans, un outil qu'elle n'espérait pas, une personne naviguant entre les deux mondes, ni vivant, ni mort. C'est pourquoi j'ai pu passer les barrières de l'île, j'étais et je suis toujours une anomalie, une chose qui ne devrait pas exister. Car c'est ce que nous, vampire, nous sommes, des erreurs, un peuple qui ne devrait pas exister.
J'étais sa clef, mon existence était ce qui allait lui permettre de sortir, de faire son entrée dans le monde, celui qui allait lui donner sa liberté… celui qui allait l'amener à obtenir ce qu'elle désirait. Elle m'a façonné, les sorcières dans la forêt m'ont crée, mais elle m'a façonné. Elle supprima ma soif de sang, me donna la possibilité de vivre en pleine lumière et bien plus. Encore une fois, elle n'était pas cruelle. Tout ce qu'elle voulait, c'était vivre libre, rien de plus. Mais elle avait compris que ce qu'elle désirait demandait à être au sommet, et elle était prête à tout pour y arriver.
Cela prit longtemps. Les barrières d'Avalon étaient d'un niveau incomparable, et celles du Domaine ne sont qu'une pâle copie, fortes, certes, mais toujours inférieures. Mon rôle, comme je l'ai appris, était de faire exploser les barrières en me plaçant justes dessus. Pour cela, il fallait que les protections saturent à mon sujet. Parce que j'étais mort, je pouvais passer, mais si je devenais vivant ? Juste assez pour causer une brèche ? Comme je t'ai dit, il a fallu du temps, d'innombrables essais et échecs pour y arriver, mais elle a réussi.
Sache que je n'en ai pas douté une seconde depuis le jour où je l'ai rencontrée. Sa soif de liberté était telle, qu'elle n'hésitait pas à faire les choses les plus horribles qui puissent exister. Goules, Sombrals, vampires… toutes ces créatures sont le fruit de ses essais ratés. Si je devais faire une estimation, seule une trentaine d'enchanteresses sur la centaine qui vivaient sur l'île ont survécu à cela.
Mais j'ai aimé être près d'elle. Elle était magnifique, brillante, rêveuse. Elle avait des rêves Harry. Elle voulait voyager, découvrir de nouveaux lieux, entendre si toutes les histoires que les enchanteresses lui contaient lorsqu'elle était petite, étaient vraies. Quand elle s'occupait d'Avalon, elle prenait soin de chaque personne qui demandait de l'aide. C'était comme cela qu'elle était, ni plus ni moins, douce et aimante, tant que cela ne concernait pas son rêve.
Pendant tout ce temps, j'étais près d'elle, sans qu'elle voie qui j'étais. Pour elle, je n'étais qu'un outil. Oui elle me parlait, me racontait ses envies et pensées, mais pas comme je te parle en ce moment, plus comme une personne qui se confie à un journal intime. Malgré moi, au fil du temps, ma loyauté s'est transformée en amour pour elle. Encore aujourd'hui, je ne peux qu'admirer sa volonté d'atteindre son but et la femme qu'elle était. Je l'aimais… et la détestais en même temps. Car son rêve, qui était une lumière au loin, coûtait la vie de beaucoup, et surtout leur liberté. Mais plus que tout, je me mettais moi-même à désirer cette dernière. Grâce à elle, je pouvais mener une vie normale. J'étais bien sûr différent, mais je pouvais me fondre dans la masse sans soucis, si je faisais attention. Oui, plus que tout, je me mettais à désirer ma liberté perdue.
Puis c'est arrivé. Après un dernier rituel, les protections s'ébréchèrent, assez pour que Morgane puisse, elle et ceux qui voulaient la suivre, passer. Comprend qu'elle ne voulait pas briser les protections, elle respectait ceux qui voulaient rester sur l'île. Je crois, que d'une certaine manière, elle les enviait, ceux qui pouvaient vivre avec juste ce qu'ils avaient, sans vouloir plus. Je me souviens d'un vieil homme qui ne pouvait plus marcher à cause de son âge. Pour elle, ne plus marcher était un cauchemar vivant, et plus que tout, elle voulait le guérir. Elle le voulait, ardemment, et je ne sais pas combien de fois elle a tenté de le soigner, essuyant chaque jour un refus. « J'ai vécu mon temps, Morgane, disait le vieil homme. L'âge apporte ce droit de ne plus bouger, et l'incommensurable plaisir de voir ma famille s'épanouir. Je n'ai plus besoin de marcher, si je peux les regarder jusqu'à mon dernier souffle, alors je n'ai besoin de rien de plus. Et la douleur Morgane, la douleur me permet de sentir toujours vivant. Je suis vieux et fragile, mais je suis heureux et comblé. NE perd pas ton temps à vouloir me soigner Morgane, profite de la vie, elle n'est que trop courte ». Et à chaque fois qu'il finissait de parler, il rigolait à s'étouffer. Mais elle n'a jamais compris, ce n'était pas le même monde qu'elle partageait, la définition même du mot était trop différente entre eux deux, pour qu'elle puisse ne serait-ce que le comprendre un minimum.
Quand nous sommes sortis, Morgane pleurait, elle était libre. Elle était si heureuse ! Pendant un moment, j'ai cru qu'elle avait oublié Arthur, le trône et le pouvoir, j'ai cru qu'avoir le monde sous les yeux comblerait sa soif. Il n'en était rien, les yeux fixés au loin, elle me demanda vers où aller, et sur mon indication, nous nous mîmes en route.
Si j'avais su, si seulement j'avais su le monstre qu'elle pouvait devenir. Merlin est connu, surtout pour avoir enseigné à Arthur, mais la vérité, l'unique raison pour laquelle il est connu encore aujourd'hui est tout autre.
Il était le seul à pouvoir affronter Morgane.
