- Et donc ? Que faisons-nous ?

Cette question était le point central de la discussion. Plus que cela, elle était la raison pour laquelle ils étaient tous rassemblés dans le salon de Harry. Le rythme du débat varié, passant de profond silence de réflexion à des explosions devant l'incapacité de tous à trouver une solution à un problème monstrueux.

Ce n'était pas le premier, mais le troisième qu'ils tenaient, tous ayant un point commun bien précis, l'afflux de plus en plus nombreux de réfugiés. Cela décourageait Harry, non pas de voir des peuples comme les centaures, gnomes ou nain affluer de jour en jour, mais de voir que ce qu'il avait craint devenir vrai. Personne, que ce soit de l'enfant au chef de clan, n'avait cru en la puissance de la Reine. Tous se croyaient à l'abri et non concernés par l'Histoire qui se déroulait. Chacun d'entre eux regardait la Reine avec grande crainte, oubliant que cette même personne n'avait rien contre eux.

Ils avaient longtemps craint les sorciers, considérant les moldus comme de simples humains faibles et inférieurs à eux. Maintenant, alors qu'ils voyaient leurs petit monde s'écrouler devant un nouveau joueur sur le plateau, ils étaient perdus, perdus dans la peur par ce nouveau joueur, qui non seulement était plus fort, mais maintenait une cadence de guerre sans rien perdre en contrepartie.

Harry avait envie de pleurer, pleurer devant tant de stupidité. Pour l'énième fois, il se demanda comment la situation était devenue aussi critique. De sa position, il regarda chaque personne autour de la table, se demandant combien d'entre eux avaient encore l'objectif premier en tête, combien d'entre eux voulaient réellement protéger le Domaine. C'était encore la même…

- Harry ? Harry ? Ça va ? lui parvint la voix de Neville.

C'était ça. Encore ce regard. Le même sur tous ces visages. Une demande, le souhait qu'encore une fois, il règle le problème. Rien n'avait changé depuis Voldemort. C'était vers lui qu'on se tournait encore et encore. Pourquoi lui ? Pourquoi ne pouvaient-ils pas régler leurs histoires eux-mêmes ? C'était toujours à lui de faire des sacrifices, de mener les combats, de tout perdre pour le bien de tous.

- Je… je dois y aller, dit-il en voyant tous les regards sur lui.

(*_*)

Neville partagea un regard avec Luna, une fois Harry parti. L'acquiescement de Luna fut tout ce qu'il fallut pour que ses pires craintes se réalisent, Harry s'était remis à boire. Quelles idées pouvaient bien traverser la tête de son ami dans cet état ? Brièvement, il se rappela son ami après son départ du monde sorcier, et se remémora la promesse qu'il s'était faite, d'empêcher Harry de replonger dans une telle détresse. Comment n'avait-il pas vu les signes ? Les enfants, réalisa Neville. Harry maintenait une apparence sûre pour eux.

Silencieusement, il se leva et quitta la table pour suivre Harry. Il devait le faire, car si Harry craquait, tout était perdu. Il savait que c'était mettre beaucoup de pression sur les épaules de son ami, mais sans lui, il redoutait ce qui pourrait se passer dans le futur proche.

Doucement, se jetant des sortilèges pour être plus discret, il sortit à la poursuite de Harry. Ce n'était pas correct de faire ça, il le savait, mais il savait aussi qu'interrompre Harry avant qu'il ne soit plus calme était inutile. Bien entendu, il ne fallait pas attendre trop longtemps, car Harry tomberait dans une dépression encore plus grande. Il ne savait pas comment aider Harry, il peinait déjà à consoler ses filles quand elles avaient un chagrin quelconque, alors Harry ? Sois juste là, c'était ce que Luna et sa femme disaient, qu'il lui suffisait d'être là. C'était une charge de connerie pour lui, car non seulement cela n'aidait qu'un court moment, mais n'offrait aucune réelle solution aux problèmes. Il reconnaissait que le soutien était important, que cela pouvait aider à remonter la pente, mais encore fallait-il que cette dernière ne soit pas trop raide.

C'était ce qu'il craignait qu'il arrive à Harry. Pendant des années, ce dernier avait connu une paix qu'il avait eue le temps de connaitre. Peut-être même la seule qu'il ait jamais eue. Et maintenant qu'il s'y était fait, qu'il avait appris à vivre en paix après tout ce qu'il avait vécu, on venait la lui retirer. C'était pour cela qu'il ne venait que rarement au Domaine, tout comme il n'avait jamais emmené sa famille rencontrer Harry. Il était peut-être son ami, un des rares qui lui étaient encore fidèles, mais il était aussi un rappel de ce que Harry avait perdu.

Mais, et c'était un grand mais, il ne regrettait nullement les décisions qu'il avait prises. Peut-être qu'elles n'étaient pas toujours bonnes, ou peut-être mal faites ou que le moment n'était pas toujours le bon. Peut-être que s'il avait amené sa famille, il aurait donné envie à Harry de fonder la sienne et d'avoir une raison de plus pour aimer vivre. Le passé était rempli de si, mais cela ne servait à rien d'y réfléchir, car en ce moment, Harry avait besoin de lui plus que jamais.

Cherchant autour de lui, il essaya de trouver Harry du regard. Ce dernier l'avait semé près du domaine des Vampires, un endroit qui le faisait frissonner par l'impression de froid et de danger qui y régnait. Il n'avait jamais osé y pénétrer, même avec l'assurance de Harry qu'il ne craignait rien. Mais il n'avait pas le choix aujourd'hui, il devait y aller.

- Ne fais pas un pas de plus Neville, fit une voix derrière lui.

Nathan. Il aurait dû s'en douter. Le vampire était l'ombre de Harry. Partout où allait son ami, le vampire n'était jamais loin derrière. Cet homme était une énigme pour Neville, car il savait que Harry n'était qu'un pion dans la tête du vampire. Il n'avait aucune preuve bien sûr, mais il s'était toujours demandé pourquoi le vampire était là, semblant en permanence analyser Harry pour une quelconque raison. Il se doutait que la raison n'était pas « mauvaise », mais était-elle dans l'intérêt de Harry ? Cela il n'en était pas convaincu.

- Il a besoin de moi, dit Neville sans se retourner. J'y vais.

- Et si tu n'aimes pas ce que tu vas trouver ? demanda le vampire en venant se placer devant Neville. SI ce que tu trouves est hors de ta portée ?

- Alors je ferai face, répondit Neville sans hésiter. Harry a besoin de moi, je dois y aller.

- Sais-tu seulement ce que tu dis ? répliqua le Vampire en se rapprochant. Sais-tu seulement ce que le Gardien endure ?

- Non, avoua Neville. Bien sûr, que je l'ignore. Mais qui serais-je si je fermais les yeux à la souffrance de mon ami ? Je suis son ami Nathan, pourquoi essaies-tu de m'empêcher d'y aller ?

- Parce que quelques fois, il y a des choses qu'on préfère ignorer. Des réponses qu'on ne veut pas connaitre, parce qu'elles font peur, parce qu'au fond de toi, tu les tais de peur de voir tes pires crainte se réaliser. Et à ce moment là, tu commences à prier. Prier pour les oublier, tu plonges dans le déni, le désespoir, où la folie pour retourner dans ce monde ou tu ignorais ces réponses. Car comme tous les humains, tu as peur de la vérité, de ce que tu devines mais que tu tais et enferme dans un coin de ton esprit.

- Alors c'est une bonne chose que je ne sois pas comme tous les humains Nathan. Contrairement à la plupart, je suis l'ami de Harry. Et par ce fait, je ne vais pas l'abandonner parce que j'ai peur. Si comme tu dis j'ai peur de la vérité, alors je l'affronterai le moment venu. Parce que je suis moi, je ne vais pas rester à ne rien faire.

Sur cette déclaration, Neville se remit en marche, tournant le dos au Vampire sans même lui prêter un seul regard. Il se retrouva devant un escalier qui descendait sous une tour et, pour une raison quelconque, il savait que Harry était en bas. L'endroit suintait de magie qui le faisait frissonner, mais après avoir pris une profonde inspiration, il posa le pied sur la première marche.

- Neville ? Dit le vampire derrière lui. Aide-le, car moi je ne sais pas comment faire. Mais fais attention en bas, et ne fais aucun geste menaçant, tu pourrais y laisser plus que ta vie.

Neville hocha la tête, ne comprenant pas tout mais reconnaissant le ton sérieux du vampire. Doucement, il plongea dans les ténèbres, celle qu'il précède la pire de toute.

Les ténèbres de Harry, son ami.