Thème : Cinq nuances de blanc
Personnages :
Les occupants du Devil's Nest
Série : FullMetal
Alchemist
Rating : PG
Spoilers : Légers.
°
Aujourd'hui, dans l'obscurité et la solitude étouffantes, Martel se rappelle.
Elle se rappelle à travers quelques flashes vacillants, de
vagues débris de son enfance morcelée par la
guerre.
Une chambre de petite fille, quelques jouets par terre, un
éclat de rire, une robe qui tournoie en une farandole de
dentelle qui se voudrait sans fin, comme si elle voulait laisser une
petite lueur d'espoir dans la grisaille qu'éclairent seulement
les explosions assourdissantes.
Il y a ces rideaux d'un blanc
éthéré aussi, qui flottent sous le brise de la
soirée, voiles vaporeuses d'un vaisseau qui peine à
sortir de la tempête.
C'est en déchirant ces faibles murailles que les bombes ont tué sa famille.
Elle se rappelle sa dernière mission en tant que soldat, en
tant... qu'être humain ? Non. Les derniers vestiges de
conscience ont disparu, engloutis par le comportement bestial qu'ils
adoptent pour ne pas craquer. Humains, monstres, elle ne sait plus
vraiment qui ils sont. Seule la survie importe.
Le soleil
d'Ishbal, avide et agressif, est aussi blanc que le sable brûlant
du désert. Il boit goulûment les larmes de sang qui se
déversent au milieu des cris et des râles d'agonie, sans
que sa pureté diabolique ne s'altère.
On se croirait
tout permis, pas de traces, pas de preuves, le blanc dévore
tout, gorgé jusqu'à l'excès.
C'est pourtant lui qui la fait condamner à passer une décennie entre les mains d'un Alchimiste à la santé mentale vacillante, et c'est la dernière chose qu'enregistre sa rétine avant de plonger pour les profondeurs de l'Enfer sur Terre.
Elle se rappelle les cellules grises, le silence, les corps
entassés comme du bétail. Ici, seuls les plus
résistants survivent. Elle s'accroche, pas par volonté,
mais seulement mûe par la rage qui l'habite, qui la déchire
de l'intérieur. Elle ne vit que pour mordre ou blesser
cruellement chaque fois qu'un de ses geôliers passe à
portée de ses dents acérées, réaction
animale et primaire à la privation forcée de sa
liberté.
Il ne fait jamais totalement noir entre les quatre
murs qui la retiennent, mais c'est tout comme. La folie guette, tapie
parmi les ombres qui rôdent dans les couloirs déserts,
et même les grondements les plus furieux qu'elle puisse
émettre, se rapproche inexorablement.
Et puis soudainement,
ce sourire éclatant de blancheur et de convoitise qui leur
promet sans ambages qu'ils seront sien, tout en leur offrant une
porte de sortie dorée.
C'est en suivant ces crocs aiguisés qu'elle rejoint la lumière libératrice qui exorcise toutes ses peurs, et sort enfin la tête de l'eau.
Elle se rappelle les néons à demi-brisés du
Devil's Nest, pâles imitations de lampes dignes de ce nom, et
pourtant si brillantes.
Un éclat de rire solitaire, des
verres qui s'entrechoquent faiblement, des corps relâchés
sur les sofas délavés du bar, et des sourires, des
sourires édentés, noirâtres, dangereux, mais
tellement sincères ; chaque élément éparpillé
se fait le reflet, agrandi un millier de fois, des éclats de
lumière d'un blanc fatigué tirant sur le jaune qui
enveloppent la pièce dans une aura chaleureuse, rassurante.
Oubliée la guerre, oubliées les humilations dans le laboratoire, une nouvelle vie se présente à eux, une dernière chance, et ils ne veulent pas la laisser, quitte à se faire dévorer par leur libérateur.
Martel a connu peu de nuances de blanc dans sa vie, et n'en
connaîtra probablement plus jamais.
Trop pur, trop blessant,
le blanc n'est pas fait pour elle songe la chimère
amèrement.
Il fait sombre dans l'armure d'Alphonse, trop
sombre. Et le faible rai de lumière crue qui effleure parfois
son visage n'a rien de la lueur au bout du tunnel qu'elle espérait
encore naïvement. Elle ressemble plutôt à la bouche
de l'Enfer, prête à la happer dans une puissante
étreinte.
Petite, elle voulait connaître le blanc doux et salvateur du
Paradis dont parle les livres et la religion, promesse éternelle
de sérénité. Elle l'avait souhaité de
toute la force de sa jeune et immature volonté.
Aujourd'hui
tout est tellement différent.
Un mince sourire
désillusionné étire ses lèvres
déssechées. Qui l'attendrait au Paradis ? Pas Dorchet.
pas Roa.
Et certainement pas Greed.
Personne.
Aucun regret à
avoir.
Et c'est presque les bras ouverts qu'elle accueille le couperet du fil étriqué de sa vie, emportant dans la mort cette nuance de blanc qu'elle ne connaîtra jamais.
