Soif de vie

Disclaimer : Tout l'imaginaire de JK Rowling lui appartient, sauf Sophia et son entourage.

Merci pour vos reviews et bonne lecture !

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Chapitre III : C'EST AU MOINS ÇA

Il fait noir. J'ai froid. Est-ce que je suis encore dans la forêt ? Que s'est-il passé ? Est-ce que…?

Je sens l'odeur du propre. La rugosité des draps lavés. Mais je ne sens plus mon corps. Je devrais avoir mal, non ? Au moins à la tête, là où j'ai heurté cette fichue pierre. Au lieu de ça, j'ai l'impression de flotter dans du coton, du coton froid, glacial même.

Des voix. Les parents ? Mais où suis-je donc ?

J'émerge petit à petit et les voix se précisent. Ils sont trois, mais qui est le troisième ?

Ils parlent à voix basse, ils n'ont pas remarqué que j'étais réveillée. Peut-être parce que je ne bouge pas, parce que je ne parle pas, parce que je n'ouvre pas les yeux. J'essaye de comprendre ce qui se passe.

- Mais co…comment ? ce n'est pas possible !

Maman. Je rêve où j'entends comme des sanglots dans sa voix ? M'est-il arrivé quelque chose de terrible ? Remarquez, avec maman, je ne sais jamais. Elle agit toujours comme si tout…

- Les Aurors ne savent plus où donner de la tête, répond la troisième voix. Un voix qui se veut douce et tranquillisante. Une voix comme un cachet qu'on prend pour ne plus avoir mal. Mais je n'ai pas mal, justement, je veux savoir.

- Il semble que le contrôle de tout ça leur échappe par moment. L'homme n'est pas infaillible, vous savez.

Ça veut dire quoi cette philosophie de placard ? C'est un Auror qui m'a attaquée ! Il croyait quoi, que j'étais une encagoulée masochiste ?

- Mais co…comment ce… cet…comment s'est-il retrouvé là ? demande mon père avec un mélange de douleur et de colère. Ça fait bizarre, tout à coup, de voir mon père s'inquiéter pour moi. Peut-être parce que je n'ai pas l'habitude. Ma mère pleure. J'entends ses reniflements. Un peu pitoyable et mélodramatique quand même, si c'est juste un …

-… vampire égaré probablement.

Ce mot me frappe avec une violence inouïe. Les possibilités qu'il entraîne sont si innombrables et si sombres que j'en ai le vertige. Un machinal froncement de sourcils et je gémis de douleur. Je ne sais pas, du mot ou du geste, lequel a été le déclencheur mais le mal est fait : la souffrance se répand en moi comme un vent glacial dans un couloir. Un vent glacial comme des lames de métal qui entaillent la chair. Ma tête me fait mal, mes bras me font mal, ma poitrine me fait mal, mon ventre, mes jambes, mes pieds me font mal. Et pire que tout, cette brûlure atroce sur ma… gorge !

Les voix se sont tues lorsqu'elles m'ont entendue. Le médicomage se lève. Bruit de chaise et des pas qui se rapprochent de mon lit. Puis il retourne s'asseoir et reprend ses explications. Est-ce que je veux les entendre ? Je crois que non mais je n'ai pas le choix. Il continue et je prends sa voix en horreur. Un cachet contre le mal… plutôt un poison, oui ! Mais tais-toi, tais-toi donc, je ne veux rien savoir, je ne veux rien entendre ! Je m'échauffe en moi-même mais rien ne sort. Une frustration m'envahit tandis que mes tympans captent contre mon gré ce dont je ne voudrais jamais avoir entendu parler.

- Ils fuient tous l'Angleterre. Il n'a pas encore été retrouvé et je ne vous cache pas que ce sera difficile. Les Aurors n'ont aucun indice et… pour le moment… ils sont toujours très occupés.

Bien sûr. La sûreté des citoyens passent par quelques sacrifices mineurs. C'est pareil dans toute société bien organisée. Bien sûr… sauf que le sacrifice aujourd'hui, c'est moi.

- Mais… et ma fille ! s'exclame ma mère en sanglotant de plus belle. J'ai bien envie de faire pareil, tiens, mais je n'ose pas ne serait-ce que bouger un cil de peur de voir revenir la douleur au grand galop.

- Votre fille vit, répond le médicomage de sa voix apaisante. On dirait qu'il répète un discours.

J'ai envie de hurler. Lui hurler que j'en ai rien à faire de son empathie simulée. Je le vois bien qu'il a surtout envie de sortir, aller fumer sa cigarette et plaisanter avec ses collègues en parlant de sa dernière soirée. Mais c'est tombé sur lui. Si ça se trouve ils ont même tiré au sort celui qui allait devoir se farcir "la pauvre fille mordue et ses parents éplorés".

- Beaucoup perdent trop de sang pour survivre. Votre fille a eu de la chance d'être retrouvée très vite.

- Elle a eu de la chance, répète mon père, peu sûr de ces paroles, et je ne le comprends que trop bien.

- Au moins elle est vivante.

Mes yeux s'ouvrent d'eux-mêmes. Il assène ça sans prévenir, lui. Alors c'est ça ! Je devrais être contente de mon sort ! Après tout c'est vrai, quoi ! Je me suis fait mordre par un monstre sanguinaire, j'ai de grandes chances d'en devenir un, mais par contre, je ne suis pas morte. C'est au moins ça de pris ! Mais par Merlin, pourquoi n'y ai-je pas pensé plutôt ! Je devrais bénir ma bonne étoile au lieu de me lamenter.

Pauvre con.

- Elle s'est réveillée, annonce-t-il inutilement.

J'en viens à penser que sa présence même est inutile ici. Avec le tact dont il fait preuve, il pourrait tout aussi bien nous laisser seuls.

- Sophia, ma chérie, tu m'entends ? demande ma mère en se penchant sur moi.

Son visage baigné de larmes a un air maternel que je ne lui ai jamais vu. Le genre d'air qu'une mère a quand elle est au chevet d'un enfant malade, quand elle soigne une petite blessure, ou quand elle borde son lit le soir. C'est la première fois que je le vois. Pourtant Morgane sait que je les ai guettés les signes sur ce visage maternel, et pas une fois je ne les ai aperçus. Mais voilà, tous mes efforts étaient vains puisqu'il fallait tout simplement me faire à demi tuer par un être assoiffé de sang pour qu'il manifeste une compassion maternelle. J'en pleure de tristesse. Une vraie tristesse, comme celle qui prend quand on se rend compte qu'on a raté un pan de sa vie. Moi, c'est quinze ans de ma vie qui ont été ratés et, honnêtement, je ne pense pas que ce fut entièrement de ma faute.

Son regard s'est détourné alors que je la fixais sans rien dire. Peut-être pense-t-elle que je lui reproche ce qui m'arrive. Ou peut-être suis-je maintenant une pestiférée ? Peut-être qu'elle va encore plus s'éloigner de moi à présent ? Instinctivement je remue la main pour saisir son bras tout proche. Pour la retenir. Mais la douleur revient s'emparer de moi et cette fois-ci, je crie.

- Ne bougez pas, mademoiselle ! Vous avez de nombreuses contusions et coupures, intervient le médicomage. Elles ne sont pas encore guéries même si nous faisons notre possible.

- Et moi, je vais guérir ?

Son visage devient livide. Papa réprime un hoquet. Maman sursaute. Est-ce ma voix rauque qui leur a fait peur ? Ou est-ce la peur que j'exprime à voix haute… La peur que je ne sois plus jamais la même. La peur que tous ressentent ici, sauf le médicomage incompétent.

Incompétent mais pas lâche. Il répond quand même :

- Comme je le disais à vos parents, mademoiselle, il n'existe … aucun traitement vraiment efficace. Mais nous allons faire notre possible pour vous aider.

- Qu'est-ce qu'il va se passer ? demandai-je de ma voix encore rauque.

Le jeune homme hésite, regarde de droite et de gauche comme s'il cherchait un appui silencieux de mes parents, et puisque personne ne dit rien, il m'explique :

- Après tout, ça ne sert à rien de vous le cacher… D'après les études, vous allez vous sentir un peu mal durant les premiers temps, mais ça va se calmer. Il faudra vous habituer à … ne pas sortir, tout au moins pendant la journée…

- Et le sang ?

A noter qu'à ce moment-là je hais ma voix : on dirait une petite fille apeurée alors que je voulais juste paraître… décontractée….

- Ah ça ! fait-il avec un petit sourire avant de le perdre très vite (je crois qu'il a compris que personne ici n'était d'humeur à se réjouir). Le changement de… heu… le changement de régime alimentaire, c'est ce qui pose le moins de problème, enfin… heu…

- Pourquoi ? le coupe mon père.

- Eh bien, je…heu… En fait, Ste-Mangouste prend en charge gratuitement cet aspect de la… maladie.

La maladie… quoi de plus ridicule ? Mais je me tais. Je me sens impuissante face à tout ce qui s'abat sur moi. Un vrai raz-de-marée. Il ne me reste que la force de murmurer la seule chose qui occupe mes pensées :

- Pourquoi ne m'a-t-il pas tuée… tout simplement.

- Tu es vivante, ma chérie, réplique maman en pleurant sur mon visage. C'est au moins ça.

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A la semaine prochaine pour la fin...