J'avais quelques idées de drabbles après les cinq ans d'ellipse mais je ne voulais pas les mettre dans la première partie parce que celle-ci se concentrait sur les Aigles de Jais quand ils étaient étudiants à Garreg Mach. J'ai donc préféré les séparer et en faire une partie distincte, que j'ai mis plus de temps que prévu à écrire mais qu'importe.
Les Fils et Filles de l'Empire Adrestien
5 ans plus tard…
Tu n'es pas seule.
Edelgard s'était toujours attendue à mener cette guerre seule.
Elle s'était convaincue et préparée à ce que Byleth et les Aigles de Jais lui tournent le dos lorsque la vérité éclaterait. Pourtant, en ce jour fatidique dans le tombeau de la déesse, Byleth ne s'était pas dressé face à elle pour éliminer une bonne fois pour toute la menace que représentait l'Empereur des Flammes mais lui avait souri et s'était rallié à elle. Progressivement, les Aigles de Jais avaient fait de même, semblant lui pardonner ses mensonges et ses tromperies.
La mort présumée de Byleth avait ébranlé la confiance d'Edelgard concernant ses camarades. L'accompagneraient-ils toujours sans leur professeur pour les en convaincre alors qu'elle ne méritait pas leur soutien ?
Elle ne cessa d'y penser les mois qui suivirent le début de la guerre et pourtant pas un des Aigles de Jais ne revint sur sa décision. Quand bien même chaque bataille devenait plus dure et cruelle que la précédente, ils restèrent toujours.
Byleth lui avait dit une fois, alors qu'elle succombait à un moment de faiblesse et lui avouait ses craintes dans la discrétion de la nuit, qu'elle n'était pas aussi seule qu'elle le croyait. Après des années, Edelgard avait fini par comprendre ce que son professeur voulait dire.
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Retrouvailles.
Byleth avait dormi longtemps mais réalisait encore mal que cinq années étaient passées depuis la dernière fois que ses Aigles l'avaient vu.
Il s'attendait à ce que ses élèves aient bien changé depuis la bataille de Garreg Mach – et, malgré ce que lui assurait Edelgard, il ne pouvait s'empêcher de craindre les effets provoqués par la guerre sur ses protégés.
Ses craintes furent apaisées lorsqu'ils atteignirent le réfectoire où l'escadron de l'Aigle de Jais dînait. Il les vit tous attablés et discutant gaiement, devenus des adultes à part entière avec leur lot de batailles que trahissait leur attitude ou une cicatrice portée avec fierté, mais dans l'ensemble ils étaient restés ces étudiants bruyants et volontaires qu'il chérissait tant.
Byleth sourit, le coeur léger. Oui, ses Aiglons allaient bien.
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Le temps qu'il reste.
Tout ceci était de la faute de Linhardt. Ce n'était pas quelque chose qu'Edelgard comptait raconter à l'escadron de l'Aigle de Jais mais il avait fallu que Linhardt – trop curieux pour son propre bien – ait fait suffisamment de recherches sur les Emblèmes pour comprendre qu'en posséder d'eux représentait un grave risque pour la santé.
Depuis qu'elle avait été obligé d'admettre que le temps qui lui restait était court, tous ses camarades ne cessaient de la surveiller comme si elle risquait à tout instant de s'évanouir rien qu'en marchant dans la cour de Garreg Mach – même Lysithea et Hubert participaient à ce complot grotesque, alors qu'ils étaient les mieux placés pour comprendre sa situation.
Elle ne s'en plaignit cependant pas car, bien qu'elle ne l'admettrait pas à haute voix, elle appréciait que ses amis se soucient tant d'elle.
Même si elle apprécierait encore plus s'ils pouvaient arrêter de la harceler sans cesse concernant son bien-être…
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La méthode « Jeralt »
La tension était palpable tandis que les plus hauts dirigeants de Fódlan se faisaient face dans un des pavillons des jardins de Garreg Mach.
L'Impératrice, le Roi, le Duc et l'Archevêque se dévisageaient dans un silence pesant qui n'augurait rien de bon pour ces pourparlers de paix : Edelgard et Rhéa se jetaient des regards noirs, Dimitri gardait les bras croisés avec une mine renfrognée et Claude se balançait sur sa chaise avec un sourire paresseux pour cacher sa nervosité concernant une situation sur laquelle il n'avait aucun contrôle.
Cachés derrière des buissons, Ferdinand et Ingrid observaient la scène avec appréhension. Byleth, auprès d'eux, restait étonnamment calme.
— Êtes-vous certain que c'était une bonne idée de les réunir ici, professeur ? lui demanda Ferdinand. C'était une noble initiative de votre part mais elle semble vouée à l'échec.
Byleth hocha la tête avec conviction.
— Jeralt faisait toujours comme ça quand il y avait un désaccord entre ses mercenaires.
Ingrid jeta un coup d'œil inquiet vers le pavillon.
— Je ne suis pas sûre que ces situations soient comparables, professeur…
Si quelque chose de bon ressortait de cette rencontre, cela tiendrait du miracle…
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Ses élèves.
Pouvait-il toujours les considérer comme ses élèves ?
C'était ce que se demandait Byleth en assistant à une des réunions de l'escadron de l'Aigle de Jais. Ils avaient tous tellement grandi qu'il semblait injuste de continuer de les considérer comme ces étudiants insouciants ayant besoin d'être guidés plutôt que comme les meneurs de troupes et combattants aguerris qu'ils étaient devenus.
Il pouvait presque entendre Sothis le taquiner en disant que les Aigles de Jais n'étaient plus ses élèves, qu'il n'avait plus à être si surprotecteur envers eux et s'inquiéter sans cesse pour leur sécurité…
Il fut interrompu dans ses pensées quand Edelgard s'adressa à lui :
— Et vous, mon professeur ? Qu'en dites-vous ?
Tous les Aigles le fixèrent et, dans leurs yeux, Byleth vit cette lueur qui indiquait qu'ils n'iraient nulle part sans son approbation. Cinq ans après, leur confiance envers lui n'avait pas changé.
Il sourit intérieurement.
Même devenus des adultes accomplis, ils étaient et seraient toujours ses élèves.
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L'élite de l'Empire.
— Votre Majesté Impériale…
Edelgard soupira et leva la main, interrompant Ladislava.
Il ne se passait pas une semaine sans qu'une lettre d'un haut dignitaire quelconque de l'Empire lui parvienne pour remettre en doute ses décisions. À force, elle avait appris à ne pas y prêter attention mais parfois…
— Assez. Qu'il soit répondu au comte que son inquiétude est appréciée mais pas nécessaire : l'escadron de l'Aigle de Jais représente l'élite de l'armée impériale et…
Edelgard se tut en entrant dans le réfectoire, Ladislava sur ses talons.
Ce fut une grave erreur : elle fixa avec dépit le chaos assourdissant qui régnait dans la salle occupée par les Aigles de Jais, qui ressemblaient plus à un rassemblant d'enfants en bas âge qu'à l'élite de l'Empire. Elle referma vivement la porte et reprit d'un ton ferme :
— Et que personne n'a à le remettre en cause.
Troublée, la générale opina de la tête sans faire le moindre commentaire…
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Doléances.
Ferdinand avait appelé cela une noble initiative. Hubert, lui, avait appelé ça une perte de temps.
Edelgard ne savait plus trop lequel avait raison mais elle était certaine d'une chose : elle regrettait d'avoir proposé que des doléances lui soient soumises, surtout à l'escadron de l'Aigle de Jais.
À cause de ça, elle se retrouvait avec une pile de papiers aux propositions farfelues :
Lysithea voulait que quelque chose soit fait concernant les fantômes qui hantaient le monastère.
Dorothea proposait de peindre les pierres car elle les trouvait ternes et sordides de nuit.
Caspar était enthousiaste à l'idée de construire une arène de combats dans la plaine de Gronder.
Linhardt demandait à ce que soit instauré une heure de repos quotidienne après le déjeuner.
Ingrid se plaignait de l'inefficacité des troupes impériale et appelait à une réforme militaire immédiate.
Appuyée contre son bureau, Edelgard se frotta les tempes en se maudissant intérieurement.
Ces doléances étaient certes une noble initiative mais une sacrée perte de temps…
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La volonté du coeur.
— Ce jour là, dans le tombeau de la déesse… Pourquoi vous êtes-vous opposé à la décision de l'Archevêque, mon professeur ?
Byleth n'y avait jamais réfléchi avant qu'Edelgard ne lui pose la question, d'une voix incertaine comme si elle redoutait sa réponse.
L'ordre de Rhéa se répétait dans son esprit et il songea à ce qu'il avait ressenti à ce moment précis. Il savait qu'il devait s'exécuter, qu'il devait le faire pour tout le mal causé par l'Empereur des Flammes et ses alliés mais il se rappelait aussi très bien combien son coeur s'était mis à le faire souffrir à l'idée de brandir son épée contre son élève…
Byleth sourit donc et posa une main sur sa poitrine.
— Mon coeur m'a dit de ne pas le faire.
Il ne comprit pas pourquoi Edelgard se mit à rougir furieusement.
Byleth pencha la tête, confus. S'était-il mal exprimé ?
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La saison des amours.
Byleth se rappelait comment Jeralt se mettait à rire quand il lui posait des question sur l'amour et lui parlait de choses qu'il ne comprenait pas, comme l'attirance réciproque entre deux personnes.
Bien qu'il n'ait jamais ressenti ce « sulfureux sentiment » dont parlait son père, il était capable d'en reconnaître les signes et ceux-ci étaient très présents chez ses Aiglons : les regards amourachés que s'échangeaient Dorothea et Petra, la délicatesse surprenante de Ferdinand à l'égard de Bernadetta et la façon dont Caspar et Linhardt ne se quittaient pas.
Une seule relation le laissait perplexe, au point qu'il l'évoqua avec Dorothea.
— Si seulement, professeur… se désola la chanteuse en soupirant. J'ai bien essayé de leur ouvrir les yeux à ce sujet mais je crains qu'elles soient des cas désespérés.
Byleth opina de la tête sans quitter des yeux Edelgard et Ingrid près des stalles des chevaux. Les deux femmes rougissaient en faisant tout pour ne pas croiser le regard de l'autre.
Décidément, l'amour était une chose bien plus compliquée que le prétendait Jeralt…
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Le Démon et le Macabre.
Edelgard se frotta l'arrête du nez, agacée.
Elle se dirigeait vers la cour d'entraînement, c'est-à-dire dans la direction opposée à celle du personnel du monastère qui, le visage transi de peur, se précipitait aussi loin que possible en s'écriant « sauve qui peut ! » et « Garreg Mach va être réduit en cendres ! ».
Elle ne fut qu'à moitié étonnée, en entrant dans la cour d'entraînement, d'y trouver Byleth et Jeritza, tous deux armés d'épées en bois.
— Peut-on savoir ce que vous faites ? demanda-t-elle, exaspérée.
Les deux épéistes s'arrêtèrent en pleine action et se tournèrent vers elle.
— Nous échangeons quelques passes, dit laconiquement Jeritza.
— De manière non mortelle, ajouta Byleth en la fixant, perplexe. Il y a un problème ?
Edelgard soupira. Peut-être lui faudrait-il interdire aux deux bretteurs les plus dangereux de tout l'Empire de s'entraîner ensemble, histoire de ne pas mettre le monastère en alerte à chaque fois…
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Le champ de bataille.
Le fracas des épées et les cris de rage résonnaient tout autour de lui mais il s'en moquait bien.
Dans ce désordre de combats et de morts, Byleth brandit son épée et élimina ses ennemis sans la moindre hésitation jusqu'à sa cible. À l'instant où Caspar allait se faire poignarder dans le dos, son assaillant fut transpercé par la lame du Démon Cendré.
— Belle intervention, professeur !
Byleth s'efforça d'effacer l'image de son élève en sang succombant dans ses bras pour sourire à Caspar et repartir à l'assaut.
Il vit du coin de l'œil Dorothea être abattue d'une flèche en plein coeur. Le temps se figea alors et il ferma les yeux. Une fraction de secondes plus tard, la bataille avait repris son cours et Byleth lança l'Épée du Créateur à temps pour qu'elle brise la flèche qui tuerait son élève.
Épuisé, il ploya un genou à terre. Il entendit la voix inquiète de Shamir lui conseiller de battre en retraite pour se reposer et secoua la tête.
— Non… souffla-t-il.
Byleth se releva tant bien que mal et repartit à l'attaque.
Il ne laisserait aucun de ses Aiglons mourir sur le champ de bataille. Il les protégerait tous.
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Une amère victoire.
Leur souffle se coupa en voyant le corps titanesque du dragon qui était autrefois l'Archevêque vaciller et s'effondrer dans un cri d'agonie. Il leur fallut de nombreuses secondes pour réaliser qu'Edelgard et Byleth l'avaient emporté sur l'Immaculée.
Caspar fut le premier à réagir et dressa un poing en l'air, s'écriant :
— Ils l'ont fait !
Ils coururent rejoindre les vainqueurs, juste à temps pour voir leur professeur s'effondrer et leur impératrice se précipiter vers lui.
L'escadron de l'Aigle de Jais se figea.
Ferdinand écarquilla les yeux et dit d'une voix étranglée :
— Il est… mort ?
Dorothea posa une main sur sa bouche pour étouffer un sanglot tandis que Petra la serra dans ses bras, Bernadetta essaya en vain s'essuyer les larmes qui coulaient le long de ses joues, Linhardt détourna le regard et Hubert contempla la scène avec morosité. Caspar fit un pas en avant mais Ferdinand posa une main sur son épaule pour l'en empêcher, secouant la tête avec tristesse.
Impuissants, ils ne purent que regarder Edelgard se mettre à pleurer sur leur corps sans vie de leur professeur bien-aimé.
Jamais la victoire ne leur sembla aussi amère qu'en ce jour. Ils avaient vaincu l'Immaculée… mais à quel prix ?
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Devenir humain.
Il se réveilla au son de sanglots.
À ses oreilles parvenaient le crépitement des flammes d'une ville en ruines et d'ordres aboyés au loin par des officiers mais ce furent les pleurs qui attirèrent son attention.
Edelgard pleurait. Pourtant l'Immaculée avait été vaincue. Ne devrait-elle pas être heureuse, plutôt que de le serrer dans ses bras avec la force du désespoir ? Sans doute cela devait-il être lié avec son évanouissement mais ce n'était pas le moment de s'en préoccuper.
Byleth l'enlaça et murmura avec douceur :
— Nous l'avons fait, El.
Il ferma les yeux, envahi par une félicité qu'il ne ressentait qu'en présence de ses Aigles de Jais.
Pour la deuxième fois de sa vie, il se mit à pleurer mais ce ne fut pas de tristesse cette fois-ci. Il comprit que les lames qui coulaient le long de ses joues étaient des larmes de joie. Il pleurait parce qu'il était heureux.
Byleth sourit. Qu'il était bon d'enfin se sentir humain.
