Chapitre 3 Part II Pour quelques heures

SGC : 14H30 PM

Niveau 27 – Salle de Conférence

- Bien. Quelle est la situation exacte lieutenant-colonel Sheppard ? s'enquit le général Landry.

- L'un de mes hommes a disparu depuis environ seize heures, commença Sheppard.

- Et, est-ce que vous avez la certitude que cet homme n'a simplement pas profité de votre séjour sur terre pour vous fausser compagnie et échapper aux Wraiths ? poursuivit le général.

- J'en suis sûr oui ! s'énerva John en hachant les mots entre ses dents. Ronon n'aurait jamais fait ça. Il lui est forcément arrivé quelque chose de grave et on doit le retrouver. Vite de préférence.

- Sauf votre respect général Landry, se permit d'intervenir l'Athosienne, je partage l'avis du colonel Sheppard. Ronon n'avait aucune raison de prendre la fuite, ni même de disparaître. Je le connais bien. Et ça ne lui ressemble pas. C'est un homme loyal, sur lequel on peut compter. Je remettrais ma vie entre ses mains s'il le fallait.

- On le connaît tous très bien, la reprit Sheppard.

- Pas tant que ça tout de même, osa Rodney McKay sous le regard assassin de son voisin de table.

- Alors vous suggérez quoi ? les interrogea Landry tandis que Teyla hochait la tête à l'intention de John.

- À votre avis ! Ragea Sheppard. Je viens de vous dire qu'il est sans doute arrivé quelque chose de grave à Ronon, et plutôt que de tout mettre en œuvre pour le retrouver, on perd notre temps à discuter. Par conséquent mon Général, je suggère que vous placiez quelques-uns de vos hommes sous mon commandement et qu'on lance enfin les recherches. On a déjà trop attendu, et vous savez aussi bien que moi que dans les cas de disparitions les premières heures sont les plus critiques, renchérit le lieutenant-colonel.

- Négatif lieutenant-colonel ! On est sur terre ici, et mes hommes ne répondent qu'à mes ordres.

- Donc quoi ! se mit à crier John en repoussant sa chaise pour se lever et cogner des poings sur la table.

- Lieutenant-colonel, du calme ! intervint Carter.

- John… tenta Teyla en posant l'une de ses mains sur l'avant-bras de ce dernier. Je suis certaine que Ronon va bien et qu'on va très bientôt le retrouver. Il suffit de se montrer patient, tempéra-t-elle sur un ton qui se voulait rassurant. Et puis, il sait se défendre. Il doit y avoir une explication logique à tout ça

- Patient ? Il n'y a peut-être pas de Wraiths sur terre, mais ça ne veut pas dire que Ronon ne court aucun danger !

- Le danger, ce serait surtout d'essayer de s'en prendre à lui. Je plains les pauvres imbéciles qui auraient eu cette brillante idée, ajouta Rodney en grimaçant.

- McKay, ça suffit maintenant ! brailla un peu plus fort Sheppard.

- Ben quoi, c'est vrai non ? demanda le scientifique avec un petit air innocent.

- Pour l'instant, ça ne fait que quelques heures à peine que votre homme est porté disparu. D'ici quarante-huit heures, et si nous n'avons toujours aucune nouvelle, je réviserai ma position. En attendant, je vous interdis de quitter le SGC lieutenant-colonel Sheppard. C'est un ordre ! Est-ce que je me suis bien fait comprendre ? s'assura le général Landry sur un ton sans appel, avant de se lever à son tour pour sortir de la salle de Conférence.

- Et c'est tout !? tonna John Sheppard, en se passant les mains dans les cheveux.

- Qu'est-ce qu'on peut faire de plus ? le questionna l'Athosienne aussi démunie que lui.

- J'ai peut-être une solution, avança avec prudence le colonel Carter.

- Laquelle si ce n'est pas trop indiscret ? L'interrogea McKay fortement intéressé.

- Rien qui ne vienne faire appel à votre génie Rodney, lui rétorqua Carter avec un sourire.

- C'est vrai ? Quel dommage, moi qui me réjouissais de sauver la situation une fois de plus.

- Colonel Carter, l'interpella Sheppard.

- Voilà, j'ai un ami qui travaille pour la police criminelle. Peut-être que je pourrais prendre contact avec lui, et qu'il sera en mesure de nous renseigner sur ce qui est arrivé à Ronon. Avec son signalement, il pourra lancer un appel à témoin. Quelqu'un l'a forcément vu, d'autant plus qu'il ne passe pas vraiment inaperçu.

- Ah ça… gémit McKay.

- Pourquoi pas, ça se tente. Et au moins, je n'aurais plus l'impression de ne servir à rien… quand on a quitté la base hier, Ronon portait une chemise blanche et un jean. Puis son manteau, celui avec l'encolure en cuir. Une ceinture à la taille… et ses rangers aux pieds. Qu'est-ce que j'oublieréfléchit le lieutenant-colonel à haute voix.

- Le cordon pour coiffer ses dreadlocks en arrière, lui vint en aide Teyla.

- Oui, c'est vrai. Le cordon...

- D'accord. Je m'en occupe et je vous tiens au courant dès que j'ai du nouveau, conclut Carter en se levant elle aussi de sa chaise pour regagner ses quartiers et contacter son ami.

Son regard n'en finissait plus de se balader le long des murs. De flâner, pour mieux se couler dans les recoins de la pièce. Jusqu'à disparaître. Curieux. Rien qu'un invité de passage dans cet appartement au style un peu démodé. Du moins, il essayait de s'en convaincre. Pour se rassurer. En tout désespoir de cause, au point critique. Une petite voix dans sa tête le gardant en éveil. Les sens en alerte. Mais pour combien de temps encore ? Il l'ignorait. Chaque minute qui passait creusant davantage le fossé entre lui et ses amis. Ou John… tel un repère contre l'oubli. Rebuté par l'idée perturbante et destructrice de s'attarder ici, de s'incruster, puis de s'effacer au creux d'une existence qui ne lui appartenait pas. Dans l'ombre d'un autre. Il le sentait. Alors il se braquait, dans un dernier sursaut avant de perdre son chemin et de passivement regarder la situation lui échapper. Cerné par la puissante aura d'un démon vieux de quatre siècles. Un objet sans grande valeur marchande, c'est vrai. Et pourtant. Une étoile morte. Que l'on gardait précieusement, échoué d'une galaxie lointaine en plein milieu de ce décor à échelle humaine et qui tout d'un coup, lui paraissait toucher aux limites de la démesure. Beaucoup moins fonctionnel que les infrastructures ou les équipements conçus à partir des technologies anciennes, certes. Il n'empêche. Un cadre de vie ordinaire en somme, dont toute la beauté résidait dans la simplicité qui en découlait. Chaque chose occupant une place bien particulière. Un espace élaboré sur mesure. Le plus infime détail ayant été pensé et imaginé pour créer un ensemble harmonieux. Un refuge à l'abri duquel Ronon se sentait à présent comme dans un cocon. Pris au piège. Un pancake dans la bouche, et une tasse de café entre les doigts. Assis sur une chaise aux pieds en compas qui glissaient sur le parquet à cause de leurs patins en feutre. Pas tellement stable. Ses coudes cherchant un appui contre le plateau en marbre de la table rectangulaire. Les cils qui battaient, qui batifolaient, et puis qui papillonnaient. Il s'évaporait. Pendant que ses joues se remplissaient de caramel et de beurre salé.

Les paupières qui clignotaient, quelque peu ensommeillé. Cotonneux. Malgré l'heure qui tournait, qui avançait, et qui perçait le temps plus rapidement qu'il n'aurait pu espérer courir pour le rattraper. Ses yeux rampant, et gisant à la manière d'un frisson auquel on s'abandonnerait. Titubant aussi mortellement qu'un soldat blessé. À la recherche d'un point d'ancrage. De quelque chose de concret qui le ramènerait aux abords de la réalité. Trop tard. Sa vision commençait déjà à se lézarder à la surface trop lisse du mobilier. Il se projetait. Tout en se disant pour lui-même que le tableau qu'il gardait accroché au-dessus de son lit irait bien avec le papier peint en relief. Les trois guerriers qui brandissaient leurs armes sur un fond carmin s'accordant dans son esprit à la perfection avec les motifs en arabesques de ce dernier. Dans un état second. Il s'enfonçait. Il s'enlisait, son niveau de conscience s'altérant dangereusement. Il divaguait. Errant çà et là, plus du tout en possession de ses moyens.

Lorsque l'effervescence d'une aspirine qui se fragmentait dans un verre au contact de l'eau, venait le surprendre. Une douce mélodie s'élevant de la cuisine. Et en se penchant, il voyait le poste de radio sur le plan de travail

DESERT ROSE STING [BANDE-SON]

- Qu'est-ce qu'il dit ? L'homme qui chante au tout début, demanda alors Ronon le plus naturellement du monde.

- Il dit : "Cela fait longtemps que moi je cherche mon âme sœur." Lui répondit le vampire.

- Oh… toi aussi tu la cherches ? se risqua-t-il à le questionner.

- Peut-être. Pourquoi, tu penses que ça pourrait t'intéresser ? s'amusa ce dernier en constatant avec une certaine satisfaction que le Satedien venait de le tutoyer pour la première fois depuis la veille au soir.

- C'est quoi comme dialecte ? Je le reconnais pas, se mit à marmonner l'ex-coureur la bouche pleine. Le regard fuyant. Préférant encore se focaliser sur le lait et les céréales qu'il versait dans un bol.

- C'est de l'arabe. Ma langue maternelle, et pas que je veuille plomber l'ambiance mais je crois toujours qu'on a des choses à se dire toi et moi. Poursuivit Elijiah, déterminé dans son entreprise et certain de son emprise.

- Je t'écoute !

- Je vois, on a pas froid aux yeux. Très bien. Je vais commencer, mais après, ce sera ton tour et je veux tout savoir. Je m'appelle Elijiah, ça tu le sais déjà. J'ai quatre cent ans. Je suis né à Bagdad, en Irak. Comme toi, j'étais humain. Je respirais, et mon cœur battait. Je me suis même marié avec une femme que j'aimais profondément, et pour laquelle j'ai renoncé à ma liberté. Pour avoir le droit de l'épouser, j'ai repris le commerce d'épices de ses parents alors que j'étais charpentier de métier. Puis elle est morte. Depuis, j'ai remporté quelques victoires et perdu de nombreuses batailles. Certaines plus importantes que d'autres. J'ai aimé, trahi et trompé. Et on me l'a chèrement fait payer. Qu'est-ce que je pourrais encore ajouter ? Le plus important sans doute, l'homme qui m'a infanté était cruel, et pour survivre à ses côté il a rapidement fallu que j'apprenne à m'adapter.

- Infanter ?

- C'est le nom qu'on donne au processus de transformation.

- Et… est-ce que ça va maintenant ?

- Oui. Je crois que ça va, avança le vampire sans réelle conviction, pas tellement habitué à ce qu'on lui pose ce genre de question. Bien, c'est à ton tour. Ajouta celui-ci en tirant une chaise pour s'asseoir en face de Ronon.

- Euh… Ronon Dex. Ma planète s'appelait Sadeda et elle a été détruite par les Wraiths. Pendant sept ans, j'ai couru. Pour les fuir. C'est un peu compliqué à expliquer en fait. Ils m'ont implanté un mouchard et je suis devenu leur gibier. Aujourd'hui, je vis sur Atlantis. C'est une Citée vaisseau qui se trouve dans la Galaxie de Pégase. Mais je devrais pas te parler de tout ça, j'en ai pas le droit. C'est classé secret défense, ici. Sur terre. Je sais pas pourquoi je... s'interrompit-il sans arriver à enrailler le flot de paroles qui sortait de sa bouche.

- T'inquiètes pas… donc, tout ce que j'ai lu dans tes pensées hier soir existe vraiment. Approuva le vampire. Est-ce que je peux te poser une question ? C'est quoi un Wraith et un cocon Wraith… hier, tu en as parlé. Et promis, tout ce que tu me dis restera entre nous. Je serai muet comme une tombe, t'as rien à craindre.

- C'est de la saloperie tout juste bonne à être exterminée, trancha le satedien.

- Mais encore ?

- Ils sont les ennemis de l'humanité toute entière, parce-qu'on est leur seule source de nourriture. Ils sélectionnent les mondes qu'ils visitent et ensuite, ils nous vident de nos forces vitales. Pour eux, on est que du bétail. Ce sont des espèces d'hybrides entre l'être humain et un insecte qu'on appelle "ectoparasite" . Puis les cocons, comment te dire… ils conservent leurs victimes vivantes, en attendant de se faire dévorer. C'est là qu'ils nous enferment dans leurs vaisseaux ruches. C'est comme… en fait, la coque d'un vaisseau ruche, c'est en matière organique. On le construit pas, ça pousse… McKay saurait mieux expliquer que moi

- En tout cas, ça donne pas envie

- Nonmâchouilla Ronon en attrapant du pain grillé pour croquer dedans à pleines dents. Je voudrais savoir moi aussi, tu lis vraiment dans les pensées ? Et je t'ai vu décapiter des hommes avant qu'ils tombent en poussière, comment c'est possible ? J'avais jamais vu ça nulle par ailleurs.

- Vraiment oui ! Là par exemple, t'es en train de te dire que t'es complètement cinglé de taper la discute avec un mec qui t'a vu à poil, et que tu ferais mieux de déguerpir aussi vite que possible.Mais tu ne peux pas…

- Pourquoi… souffla le Satedien en refaisant surface un court instant, pour aussitôt replonger. Je veux plus qu'on parle de ça, d'accord ! Rapport à sa nudité et à sa vulnérabilité, pas un surhomme. Puis ça prouve rien...

- Très bien. Ne parlons plus de… ce qu'on sait. Je ne t'ai jamais vu nu, et je n'ai jamais trouvé la vue agréable. Donc. Les hommes que j'ai décapité étaient des vampires eux aussi. C'est l'une des façons les plus efficaces de nous tuer. La décapitation, le feu et la lumière du soleil. On vit la nuit, et on dort le jour. Hier, j'ai voulu venir en aide à cette gamine qui s'est fait prendre au piège, et sans ton intervention… appuya l'immortel, pour le conforter dans l'idée que leur rencontre n'était que le fruit du hasard, et providentielle. Peut-être que si l'occasion se présente, je pourrais te montrer. Et en profiter pour te prouver que je lis réellement dans les pensées et que je peux aussi m'incruster dans tes souvenirs, lui suggéra Elijiah avant de se lever pour aller ouvrir la porte à laquelle quelqu'un frappait.

Un gamin haut comme trois pommes apparaissant alors sur le palier de la dite porte avec un sac de courses trop lourd pour lui entre les mains « T'as ma monnaie ? » se renseigna aussitôt le vampire sur un ton suspicieux devant le sourire effronté qu'affichait son petit livreur « Je vois. Vas-y montre, j'attends ! » Le montant du délit s'élevant à une bonne poignée de bonbons en tout genre. Bonbons qui traînaient au fond des poches de son manteau.

- C'est qui lui, ton nouvel amoureux ? l'interrogea le môme en désignant Ronon d'un signe de tête.

- Si on te demande, tu répondras que tu n'en sais rien ! Retourne chez ta mère tout de suite ou je te botte les fesses, t'as compris. Le menaça-t-il. Le garçon riant aux éclats et fichant le camp en courant.

- C'est qui ce môme ? l'interrogea à son tour le Satedien une fois la porte refermée, un peu embarrassé.

- Le fils cadet de mes voisins. Un petit arnaqueur à la semaine qui croit pouvoir me racketter.

- Et c'est pas le cas ? poursuivit celui-ci avec un rictus railleur peint sur la figure.

- Chut ! Ne parlons plus de ça non plus. Et puis qu'est-ce que tu veux, je peux pas lui résister… et soyons honnêtes, il me rend bien service. Conclut Elijiah en allant déposer le sac de courses sur le plan de travail de la cuisine. Tu aimes le poulet ? S'inquiéta-t-il, tout en terminant de vérifier ses quelques achats.

- J'aime tout, lui confirma-t-il en le rejoignant.

- Alors ce soir, je te fais la cuisine. T'as bon appétit de ce que j'ai vu. Ce serait grave selon toi si on prolongeait de quelques heures encore cette journée ? demanda le vampire, tout en connaissant déjà la réponse. Un sourire charmeur et envoûtant accroché aux lèvres. Une lueur mutine dans les yeux. En sachant que de toute façon, je ne peux pas sortir pour l'instant ni te raccompagner auprès de tes amis. Un simulacre parfaitement orchestré.

- Non… y'aurait rien de grave je crois, s'entendit-il répondre.