SORTIR DES TENEBRES
DISCLAIMER : Le monde de Harry Potter appartient à JK Rowling.
RATING : M
Je rappelle que cette histoire parle d'homosexualité alors si vous avez de quelconques réticences à ce sujet, ne lisez pas ce qui va suivre.
Note de l'auteur : Voici enfin le tout dernier de cette fic. Il est vraiment très long, j'espère qu'il ne sera pas trop ennuyeux.
Un grand merci à tous les gens qui ont posté des messages pour le chapitre 16 et auxquels je ne peux pas répondre directement, en particulier LadyNush, qui avait pris le temps de rédiger une review détaillée. Merci à tous et bonne lecture.
CHAPITRE 17 : NE REVIENS PAS.
O
Un juron étouffé sortit Harry de son précieux sommeil réparateur. Il murmura un très élégant « merde » contre l'oreiller avant de se retourner et d'allumer la lumière d'un geste de la main.
« J'ai horreur quand tu fais de la magie sans baguette, ça me fait flipper, » lança Justin Finch Fletchley en boutonnant nerveusement sa chemise.
Harry poussa un soupir agacé et il se hissa sur ses coudes pour mieux observer le jeune homme.
« On peut savoir quelle est l'urgence ? Demanda Harry d'un air détaché. Il est trois heures du matin.
- L'urgence, Harry, c'est que tu as recommencé, siffla Justin en enfilant rageusement son jean. C'est la deuxième fois depuis qu'on sort ensemble, c'est inadmissible ! »
Harry haussa les épaules, ignorant de quoi Justin voulait parler, mais plutôt ravi à l'idée qu'il veuille mettre un terme à leur relation…Si on pouvait parler de relation dans la mesure où, ils se voyaient surtout pour passer le temps ensemble depuis deux mois. Il n'y avait aucune complicité entre eux, parce que Harry ne le souhaitait pas. Il s'assit au bord du lit, le drap blanc recouvrant sa nudité, puis il passa lentement sa main dans ses cheveux. Décidément, Justin aimait les tragédies et, quand il n'y en avait pas, il était très fort pour en improviser.
C'est ainsi qu'il était parvenu à faire un scandale chez Ron et Hermione pour une histoire de regard trop insistant de la part de Ron. Au final, les deux meilleurs amis de Harry s'étaient disputés parce que Ron avait sèchement remis Justin à sa place et que Hermione lui avait ordonné de se comporter correctement devant les invités. Depuis, Ron saluait Justin du bout des lèvres et il le surnommait très peu affectueusement « Rita Skeeter. » Hermione, quant à elle, ne voulait plus voir Justin chez elle mais elle restait polie et civilisée en sa présence.
« Qu'est ce qui est inadmissible, Justin ? Questionna Harry avec une mine agacée. J'ai pris toutes les couvertures ?
- Tu n'es pas drôle ! Bon sang, Harry, tu as encore murmuré le nom de Draco Malfoy dans ton sommeil ! Comment tu veux que je supporte ça ! Mon copain est encore amoureux de son ex !
- Je me fous royalement de Malfoy, soupira Harry. Ça fait plus de trois ans que je ne l'ai pas vu, tu crois vraiment que je pense encore à lui ?
- Alors pourquoi tu l'appelles quand tu dors ! Ne te fous pas de moi, Harry, je mérite mieux que ça. Je ne suis pas là pour remplacer Malfoy. Je ne suis pas lui et, tu sais quoi ? J'en suis foutrement fier, parce que ce mec est un sale con.
- Je ne te contredirai pas sur ce point, lança Harry en faisant apparaître un verre d'eau qu'il but d'une traite. Draco Malfoy est effectivement un sale con. Ecoute, je n'étais pas en train de rêver de lui. Je ne sais pas, peut être que tu as mal entendu.
- Vas-y, prends moi en photo et placarde moi dans ton musée des imbéciles aussi ! Tonna Justin en cherchant fébrilement la plaque de chocolat qu'il laissait toujours sur la table de nuit en cas de fringale nocturne. Et merde, Harry ! On pourrait être heureux tous les deux si tu te lâchais au lieu d'être toujours fermé comme une huître. Tu veux que je te dise ? »
Non, pensa Harry. Je veux que tu te taises et que tu me laisses dormir. J'ai un match important après demain soir et tu ne m'aides pas à me relaxer en me parlant de l'autre siphonné.
« Explique moi, dit-il tout haut.
- Tu perds ton temps à te lancer dans des relations sans lendemains parce que Draco Malfoy t'as salement abîmé, alors que lui, il s'en fout. Tu n'as pas marqué sa vie autrement que pour le pousser dans les bras d'un mec bien.
- De quoi tu parles ? Demanda Harry soudain très intrigué.
- Ton cher et tendre Héritier va épouser Declan Payton la semaine prochaine. Ça a fait la une de Sorcière Hebdo. Si tu le lisais au lieu de te moquer de moi parce que je l'achète toutes les semaines, tu serais au courant. Alors, qu'est ce que ça fait de savoir que le mec sur lequel on bloque est amoureux d'un autre ; tellement amoureux qu'il va l'épouser ?
- Ça ne me fait ni chaud ni froid, rétorqua Harry en observant sa coupe du meilleur joueur de l'année qui traînait sur une chaise. Je suis navré Justin. Je suis sûr que tu voulais me faire mal, mais ce n'est pas avec Malfoy que tu vas toucher la corde sensible.
- Oh vraiment ? Interrogea Justin en venant s'asseoir à côté de Harry pour souffler dans son cou. Savoir qu'un mec torride comme Declan Payton pose les mains sur le corps nu de Draco, ça ne te dérange pas ? Il embrasse son cou. Il caresse ses cheveux. Il s'empale sur lui. Imagine les, Harry. Peux tu entendre les gémissements de Draco ? Je suis sûr que tu ne les as pas oubliés.
- C'est là que tu te trompes. Ecoute, Justin, je trouve très touchante ta façon de vouloir me blesser parce que ta fierté en a pris un coup, ou alors est-ce parce que tu veux me faire réagir. Toujours est-il que je n'ai pas de temps à perdre en bavardages inutiles, et parler de Malfoy, pour moi, c'est une pure perte de temps. Declan Payton peut aussi bien le baiser jusqu'à l'encastrer dans le matelas, je m'en fous.
- Ok, je te laisse, Harry, lança Justin en se levant pour quitter la pièce. Je te laisse avec ton obsession pour cette pourriture, et avec ta vulgarité digne de Zabini. Je sais que tu trouveras quelqu'un pour me remplacer dans la journée, parce que tu es le héros, Harry Potter, la star du Quidditch, et que tu es vraiment bien foutu, mais sache que pendant que tu coucheras avec le suivant, je serai chez moi, j'aurai de la peine pour toi, puisque tu es et que tu resteras toujours pathétiquement seul. »
Harry haussa les épaules et il se recoucha avant même que Justin ait quitté l'appartement. Mais il ne parvint pas à trouver le sommeil. Comment aurait-il pu dormir après les idioties que son compagnon avait débitées ? Il s'était rarement autorisé à penser à Draco pendant ces trois ans, mais cette nuit, le blond semblait décidé à polluer son esprit. Harry se retourna et il enfouit sa tête dans son oreiller mais rien n'y faisait. Il voyait derrière l'écran de ses paupières closes, le visage attirant de Draco lorsqu'il faisait l'amour. Il entendait les sons adorables qu'il produisait, entre le souffle et le gémissement.
« Ta gueule Malfoy. » Implora Harry en maudissant Justin d'avoir mis ce sujet sur le tapis.
Il avait adoré ces sons à la seconde où il les avait entendus. Ils étaient tellement loin de l'habituel ton cassant de Draco. Ils auraient pu être une définition auditive de la sensualité. Le corps et le visage de Draco en auraient été la définition visuelle, Harry devait bien lui reconnaître ça. Declan Payton se rendait-il compte de cette élégance dans les mouvements de Draco ? Ecoutait-il ces sons avec la même inspiration que s'il écoutait une musique sensationnelle ? Voyait-il au-delà de son apparence, son extraordinaire intelligence, son sens de l'humour bien particulier et sa douleur ?
Harry se retourna à nouveau et il fixa le plafond. Il se concentra sur les innombrables côtés négatifs de Draco, en commençant par sa manière écoeurante d'avoir fui trois ans plus tôt, sans même avoir eu le courage de parler à Harry en face à face. Il pensa ensuite à son snobisme, à la manière dont il abordait les gens avec hauteur et suffisance. Mais presque aussitôt, il songea à ces qualités qu'il cachait si bien pour se protéger…Ou tout simplement parce qu'il n'avait pas envie d'en faire profiter tout le monde.
Son rire cristallin résonna longtemps dans les oreilles de Harry alors que la vision de son sourire semblait illuminer la chambre entière. Ce sourire en coin, un brin moqueur, qui était devenu sa marque de fabrication ou ce sourire franc, qui adoucissait considérablement les traits de son visage, jusqu'à le rendre presque angélique…Presque.
Harry se leva en soupirant, il enfila un jean et il fit chauffer du thé au citron. Il ne voulait plus y penser. Il ne voulait pas savoir ce que devenait Draco.
Pourtant, il était au courant.
Lorsqu'il avait invité Blaise au restaurant deux ans plus tôt, avec Hermione, Ginny, Neville et Sirius pour fêter son entrée dans l'équipe vedette des Canons de Chudley ainsi que celle de Ron, la conversation avait tourné autour de ce qu'ils allaient tous faire maintenant qu'ils avaient réussi leurs ASPIC. Blaise et Hermione avaient annoncé qu'ils souhaitaient étudier ensemble la politique tout comme le droit sorcier afin de combattre la corruption au Ministère. Ron et Harry avaient plaisanté un peu sur le sujet et c'est Ginny qui avait mis les pieds dans le plat en questionnant Blaise au sujet de Draco. L'ancien Serpentard avait eu la décence de ne pas agir comme s'il était gêné face à Harry et il avait répondu que Draco était inscrit en psychomagie dans la même école qu'eux. Puis il avait habilement changé de sujet.
Blaise était passé champion dans l'art de changer habilement de sujet…Et de faire bonne figure. Jamais il ne parlait de sa famille décimée lors de la guerre ou du professeur Lupin. Il se montrait toujours de bonne humeur, même lorsqu'une ombre passait sur son visage ou que ses yeux étaient cernés de noir. Harry et ses amis tentaient parfois de l'aider à s'ouvrir, mais Blaise se contentait de leur répondre que le passé était derrière lui et qu'il n'avait aucune envie de déterrer ses morts. Impuissants face à Blaise, ils ne pouvaient qu'espérer que le jeune homme se confiait à Draco ou à Charisma.
Harry souffla sur son thé et il en but une gorgée, laissant le chaud liquide brûler sa tension interne. Il avait tout ce dont il rêvait : un parrain qu'il aimait, des amis formidables, un grand appartement à lui, une brillante carrière en tant qu'attrapeur vedette dans les Canons de Chudley ainsi que dans l'équipe d'Angleterre pour laquelle il devait jouer deux jours plus tard devant un public de fans en délire. Pourtant, ses plus belles réussites avaient souvent un goût amer. Il refusait de chercher pourquoi.
Il le savait très bien.
Comme l'avait dit Justin, il était seul. Il était entouré des hommes les plus séduisants possibles et il n'hésitait pas à en profiter. Il était lui-même considéré comme un des vingt joueurs les plus sexy de la planète Quidditch. Il lui arrivait souvent de poser pour des affiches publicitaires, de défiler pour de grands couturiers sorciers, de donner des interviews pour les journaux les plus prestigieux, et les sorciers élevés dans le monde Moldu aimaient l'appeler « le David Beckham du Quidditch. » Harry ne se formalisait pas. Cette sur médiatisation ne le dérangeait pas vraiment, parce qu'elle se rapportait uniquement à ses talents au Quidditch, et pas à sa vie de héros national.
Ron faisait également partie de ces joueurs dont l'image se vendait bien, et il adorait ça. C'était ce qu'il avait toujours voulu, et il appréciait chaque seconde qu'il passait en vol ou sur le sol à se prendre pour un top model. Il en avait la carrure, et l'amour d'Hermione le transportait, le rendait plus sûr de lui, donc plus séduisant. Il avait souvent exhibé son tatouage, un dragon coloré, en posant avec des chemises ouvertes, mais personne à part Hermione, Blaise et Harry ne savait que c'était lorsqu'il jouait au Quidditch qu'il se sentait le plus proche de son défunt frère Charlie, qu'il avait choisi de représenter par un dragon aux yeux bleus intenses apposé sur son cœur. Il ne s'était jamais vraiment remis d'avoir perdu Charlie et tout ce qu'il faisait était un hommage à ce frère qu'il aimait tant, qui fut en son temps un attrapeur vedette à Poudlard.
Harry le comprenait car l'image de Remus, de son doux sourire, le hantait constamment. Il avait créé la fondation Lupin, qui finançait les recherches sur la lycanthropie, en particulier sur l'amélioration de la potion Tue Loup, qui rendait moins douloureux les effets de la transformation à chaque pleine lune. Sirius était un des plus fidèles donateurs et, même s'il ne parlait jamais de Remus, Harry savait que son parrain souffrait encore de la mort de son meilleur ami, à tel point qu'il ne parvenait plus à changer d'apparence. Son statut d'Animagus était trop lié à son adolescence, à Remus. Inconsciemment, il avait bloqué ses transformations et, malgré ses efforts pour retrouver ce don, il n'y arrivait pas. Cela avait aussi certainement un rapport avec le décès de Minerva Mc Gonagall, que Sirius avait toujours grandement appréciée. Le fait d'avoir été nommé professeur de Métamorphose à sa place avait choqué l'Animagus bien plus qu'il ne voulait l'admettre et, comme il était incapable de retrouver sa forme canine, Albus Dumbledore lui avait rendu sa place d'enseignant de Défense Contre les Forces du Mal. Mais tout était différent sans Remus.
Severus essayait de lui faire accepter ces morts injustes, mais lui-même ne croyait pas à ses propres discours. La guerre était idiote, révoltante, et rien de bon n'avait émergé de la victoire puisque rien n'avait changé. Le Ministère était plus corrompu que jamais et parfois, Severus se surprenait à penser que la mort d'Arthur Weasley n'était pas une si mauvaise chose car le père de famille aurait détesté travailler parmi des gens prêts à tout par appât du gain.
Le professeur de Potions restait égal à lui-même, constant. Sa relation avec Sirius était parfois amicale, souvent conflictuelle, mais il n'aurait cédé sa place auprès du dernier descendant des Black pour rien au monde. Il aimait le voir évoluer dans l'école, sourire aux élèves et rire aux éclats. Il avait mal lorsque Sirius se montrait conscient de son problème de transformation ou qu'il semblait songeur, loin de tout et de tout le monde, en sécurité dans ses souvenirs.
Si Harry détestait toujours autant Severus Rogue, il reconnaissait néanmoins son rôle majeur dans l'équilibre de Sirius. Les deux hommes ne se comportaient pas comme les meilleurs amis du monde, loin de là, et Severus avait toujours tendance à rembarrer sèchement Harry, ce qui lui valait de nombreuses disputes avec Sirius. Cependant, Severus était un élément stable dans la vie de Sirius ; il était resté le même à cela près qu'il ne cherchait plus systématiquement le conflit avec l'Animagus et qu'il leur arrivait parfois de connaître de grands moments de complicité. Harry était toujours choqué d'avoir, un jour, vu les deux hommes partir dans un grand éclat de rire suite à une phrase anodine qu'il avait prononcée. Elle avait certainement rappelé à Sirius et Severus un évènement particulièrement drôle, et ils avaient donné libre cours à leur hilarité.
Autant dire que, même après quelques mois, Harry était toujours sous le choc d'avoir vu Severus Rogue rire ! A présent il en était sûr et certain : il avait absolument tout vu et plus rien ne pourrait le surprendre…Pas même l'annonce du prochain mariage de Draco avec un des meilleurs joueurs de Quidditch après Harry.
« Ça ne m'étonne pas de toi, Malfoy, marmonna Harry en se levant sans lâcher sa tasse de thé fumante. Tu as toujours aimé te servir des autres pour te mettre en avant. Tu t'es surpassé en choisissant un mec aussi populaire que Declan Payton. »
Il poussa un soupir exaspéré et il secoua la tête pour tenter d'en chasser Draco. Il ouvrit la porte vitrée de la grande terrasse fleurie de son loft et il avança pieds nus afin de venir s'accouder à la rambarde blanche. L'air frais de cette fin du mois d'octobre lui fouetta le visage ainsi que le corps et il but une gorgée de thé brûlant pour se réchauffer un peu. La rue était sombre et silencieuse, uniquement rythmée par le son des feuilles mortes poussées par le souffle léger du vent.
Harry réalisa que Draco avait fêté, à peine une semaine plus tôt, ses vingt ans. Il s'autorisa un sourire amer en levant les yeux vers la lune. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas pensé à Draco et il en voulait à Justin d'avoir tout fait remonter à la surface. Peut être que Harry murmurait parfois le prénom de Draco dans son sommeil, mais pour être honnête, il ne rêvait jamais de lui et il ne se rendait pas compte qu'il lui arrivait de l'appeler.
Bien entendu, son comportement méfiant envers les hommes était étroitement lié à la gifle qu'il avait reçue avec Draco, mais il ne se disait jamais : « tiens, je ne vais pas m'attacher à lui parce que Draco m'a fait trop mal pour que j'aie envie de retenter un jour de faire confiance à quelqu'un d'autre. » Il se contentait juste de ne plus se dévoiler et de rester le plus détaché possible.
Il ne le vivait pas mal, même s'il se sentait très seul par moments. Il prenait son temps pour guérir de sa blessure. Après tout, il n'avait que vingt ans et il n'avait pas besoin de trouver le grand amour dans l'année. Si parfois, il se sentait vieux d'avoir vu et vécu autant de drames, il gardait en tête qu'il était jeune et que c'était une erreur de vouloir aller trop vite.
L'année qui avait suivie le départ de Draco, Harry l'avait attendu malgré lui. Il y avait eu tant de choses inachevées entre eux et Harry avait tant à lui dire…Mais Draco n'avait pas donné de nouvelles, et il n'était pas réapparu. Alors tout l'amour que Harry avait pu éprouver pour lui s'était transformé en mépris, en colère si envahissante qu'à chaque fois qu'il avait entendu le prénom de Draco, il s'était senti gagné par la hargne la plus totale. Il n'avait toujours pas accepté la manière dont Draco s'était enfui comme un voleur et maintes fois, lors de la première année, Harry avait imaginé des dialogues au cours desquels Draco s'excusait alors que Harry lui disait enfin ce qu'il pensait de sa lâcheté.
Car c'était surtout cela qui empêchait Harry de considérer Draco comme une ancienne relation. Il n'avait pas pu dire ce qu'il voulait, il n'avait pas pu jeter au visage de Draco le mépris qu'il éprouvait suite à son départ. Il ne supportait pas d'avoir été quitté d'une manière aussi impersonnelle, à l'aide d'une simple lettre. Il aurait voulu une discussion franche, les yeux dans les yeux. Mais il n'avait jamais pu avoir cette discussion et cela lui restait encore en travers de la gorge trois ans après.
Cette nuit, avec l'évocation du mariage de Draco et de Declan, des souvenirs plus agréables du blond étaient remontés à la surface, ce qui surprenait Harry autant que cela le révoltait. Il ne comprenait pas comment, après ce que Draco avait fait, il pouvait encore lui trouver la moindre qualité. Il but une dernière gorgée de thé avant de retourner s'allonger dans son lit bien chaud et, alors qu'il songeait qu'il ne dormirait pas cette nuit, ses yeux se fermèrent. Il plongea lentement dans une douce torpeur, trouvant enfin le sommeil tant attendu.
Il fut réveillé quelques heures plus tard par la lumière du soleil sur son visage. Il se retourna péniblement avec l'impression que sa tête baignait dans du coton. Il poussa un juron en voyant que la matinée touchait à sa fin et qu'il ne s'était pas présenté à son entraînement de Quidditch. Il sauta du lit en marmonnant quelque chose à propos de son entraîneur et de sa manie de caser tous les entraînements aux aurores ou tard dans la soirée.
Il prépara le café avec des mouvements lents, cherchant sans arrêt quels gestes effectuer ensuite, dans le bon ordre, afin d'économiser le peu d'énergie qu'il avait et de regagner son siège le plus vite possible. Il alluma la radio magique et il grimaça en entendant la dernière chanson des Bizzar'Sisters. Pour une fois, c'était un air doux et langoureux, aux paroles dégoulinantes d'amour. Tout ce que Harry n'avait pas envie de supporter aujourd'hui. Il avala distraitement quelques toasts et il alla ensuite stagner sous la douche dans l'espoir de sortir de cet état semi comateux.
Il enfila un costume haute couture noir finement rayé de blanc qui, selon Hermione, aurait dû être fourni avec un extincteur tellement il allait bien à Harry. Il se rendit enfin dans un salon de thé sur le Chemin de Traverse, où Ron l'attendait impatiemment, élégamment vêtu d'un costume gris sombre.
Un très célèbre journaliste et ami, Colin Crivey, devait les rejoindre un peu plus tard afin de les interviewer sur la façon dont l'équipe d'Angleterre appréhendait son prochain match contre l'équipe d'Australie.
« Colin n'est pas arrivé ? Demanda Harry en faisant signe au serveur de lui apporter un café.
- Non, mais je suis content que toi, tu sois arrivé…Une demie heure que je poireaute ! Tonna Ron sans grande conviction.
- Désolé, je me suis loupé ce matin.
- Tu as une sale tête.
- Merci, c'est gentil. J'ai eu du mal à dormir cette nuit.
- Tu iras dire ça à Olivier, plaisanta Ron en buvant une gorgée de jus de goyave. J'ai cru qu'il allait faire une syncope lorsqu'il a compris que tu ne viendrais pas à l'entraînement. Si seulement Colin avait été dans le coin avec son appareil photo. Comment ça se fait que tu sois aussi crevé ? Justin t'a tenu éveillé toute la nuit pour te lire les derniers ragots en date dans Sorcière Hebdo ? Avec qui sort Dumbledore cette semaine ? La chanteuse des Witch'n'famous ? »
- Je croyais qu'elle sortait avec Lockhart, rétorqua Harry avec un sourire amusé. Pour être honnête, Justin m'a effectivement gonflé avec un ragot de Sorcière Hebdo…Et puis il m'a plaqué. »
Ron observa son ami quelques secondes, sans pouvoir déceler la moindre émotion sur son visage. Il se concentra pour ne pas arborer un air triomphant, cela aurait probablement été mal venu de sa part. Au lieu de cela, il secoua lentement la tête en soupirant.
« Je suis navré que les choses n'aient pas marché avec lui. Il ne sait pas ce qu'il perd en te quittant.
- Tu es très fort pour masquer ta joie, décréta Harry en remerciantd'un bref hochement de tête le serveur qui lui avait apporté sa boisson chaude. Je sais très bien que tu ne peux pas le supporter.
- Je ne vais pas mentir, tu sais effectivement ce que je pense de Justin. Il a beaucoup changé depuis la dernière bataille, on dirait qu'il veut systématiquement provoquer des conflits et c'est usant.
- Beaucoup sont ceux qui ont changé après les affrontements, remarqua Harry pour justifier le comportement parfois irritant de Justin. Regarde Hermione, elle est beaucoup plus détendue, elle relativise plus…
- On voit que tu ne vis pas avec elle, rétorqua Ron avant de croquer dans un biscuit à la cannelle. Je ne l'ai pas trouvée très détendue tout à l'heure, lorsqu'elle m'a menacé de me mettre son pied au cul si je ne rangeais pas mes affaires de Quidditch.
- Tu marques un point. J'avais presque omis qu'il y a semaine, elle m'a dit d'arrêter de jouer les durs et que ce n'étaient pas mes trois poils au cul qui allaient faire de moi un ours.
- Je vais tuer Blaise…Il a fait de ma copine son double féminin, et pendant ce temps, il se tape Miss Elégance ! »
Harry esquissa un léger sourire. Il n'avait pas souvent côtoyé Charisma Malfoy, mais leurs brèves rencontres l'avaient marqué. La jeune femme était effectivement d'une élégance troublante. Cela ne venait pas des vêtements de grande qualité qu'elle portait mais plutôt de sa façon de se tenir, de se mouvoir. Elle correspondait parfaitement à ce que Ron appelait sur le ton de la plaisanterie « la Malfoy Touch. » Elle avait le même port altier, la même grâce, la même froideur apparente, le même nez pointu que Draco, mais elle ne lui ressemblait pas assez pour totalement déranger Harry. Le visage de son cousin était fin alors que celui de Charisma était plutôt rond. Si Draco avait les yeux gris des Black et les cheveux d'une blondeur telle qu'ils en étaient presque blancs, Charisma avait les yeux bleus des Malfoy et de longs cheveux dorés qui retombaient en vagues gracieuses sur ses reins.
« Tu viendras à leurs fiançailles ? Interrogea Ron, sortant ainsi son ami de ses songes.
- Je ne sais pas, avoua Harry en observant le va et vient des sorciers dans la rue. Je ne connais pas beaucoup Charisma, et puis…
- Tu n'as pas spécialement envie de voir la famille de la fiancée, termina Ron en faisant signe au serveur de lui apporter un beignet.
- Tu ne manges jamais chez toi ou quoi ? Interrogea Harry en voyant son ami se jeter sur la pâtisserie comme un désespéré.
- Merde Ron, on dirait que tu n'as jamais vu un beignet de ta vie, fit remarquer Colin en s'installant à leur table. Faut-il que je titre mon article « entretien avec un boulimique ? »
- Hm, t'es bien un journaliste toi, rétorqua Ron la bouche pleine. Tu débarques d'on ne sait où. On ne sait pas comment tu es entré, on ne t'as pas vu, mais tu es bien là…
- Excuse moi, Ron, je pensais que tu étais sorcier pourtant, remarqua Colin avec un sourire amusé. On appelle ça « transplaner » dans le monde magique.»
Harry éclata de rire…La journée n'allait finalement pas être si mauvaise.
L'interview fut plutôt réussie. Colin avait considérablement mûri et il riait à présent de bon cœur lorsque Ron évoquait les années à Poudlard, lorsque Colin se comportait en véritable « Pottermaniac. » Il avait toujours son précieux appareil photo avec lui, mais il ne mitraillait plus ses sujets, au contraire. Il prenait le temps de réaliser les photos les plus justes possible pour illustrer ses articles. Il prit congé de Ron et Harry en leur promettant de venir les voir jouer contre l'Australie. Il ajouta qu'il prendrait la plus belle photo de Declan Payton, en larmes, lorsque Harry lui aura ravi le Vif d'Or.
Les deux joueurs de Quidditch se rendirent ensuite dans une boutique de sport pour une séance de dédicaces où était présente toute l'équipe d'Angleterre. Olivier Dubois accueillit Harry avec un geste du doigt sur son cou qui signifiait « je vais t'égorger. » Le Survivant répondit par un sourire radieux, nullement impressionné par son capitaine et ses tentatives d'intimidation. Les joueurs passèrent plusieurs heures à signer des autographes, et Harry ne fut pas mécontent de sortir de la boutique car la chaleur générée par la foule avait fini par l'assommer.
Il mit les mains dans les poches de son pantalon et il marcha en regardant les passants d'un air distrait, offrant son visage à la caresse du vent frais.
« J'ai cru que de la fumée allait sortir des narines d'Olivier tellement il était énervé par notre retard, plaisanta Ron en s'arrêtant pour signer un autographe à une adolescente qui le fixait avec béatitude.
- C'était plutôt amusant, confessa Harry. Je le suspecte de se bourrer de tranquillisants pour ne pas nous sauter à la gorge.
- Il se dope surtout à la victoire, et c'est parce qu'avec toi, il est sûr de gagner qu'il ne nous a pas encore trucidés. Vivement demain soir. On va leur faire manger leurs balais. »
Harry acquiesça sans grande conviction. Son attention venait d'être attirée par Blaise qui arrivait en courant, traînant littéralement Charisma par la main. Perchée sur de hauts talons, la jeune femme trébuchait presque à chaque enjambée, mais cela ne l'empêchait pas de scanner toute la rue avec une mine catastrophée sans se soucier de son équilibre précaire. Dès qu'il les vit, Ron se mit également à regarder frénétiquement autour de lui.
« Vous l'avez encore paumé ? Demanda-t-il lorsque le couple arriva à sa hauteur.
- Paumé quoi ? Interrogea Harry en saluant Charisma d'un hochement de tête.
- Cet infâme chiard, répondit Blaise à bout de souffle. Putain, ce n'est pas plus haut de trois bites à genoux et ça se prend déjà pour un aventurier ! Draco va m'éplucher les couilles à vif si je ne le retrouve pas.
- Vous remarquerez que ce n'est pas pour son élégance que je l'épouse, » lança Charisma en montrant Blaise du doigt alors que Ron et Harry s'esclaffaient bruyamment. « Le voilà ce petit c…Ce petit turbulent ! »
Le cœur de Harry fit un bond dans sa poitrine. Il ne voulait pas tourner la tête en direction de l'endroit indiqué par Charisma. Il ne voulait pas voir à quoi ressemblait l'enfant de Cho Chang et de Draco Malfoy. Ses yeux se rivèrent néanmoins à la vitrine de la pâtisserie devant laquelle Kieran se tenait presque en transe. Harry n'avait aucune envie de se trouver en sa présence et pourtant il s'approcha de lui - suivant ainsi ses amis qui sprintaient vers le petit fugueur – comme s'il était mû par une force magnétique qui l'attirait contre son gré. Il se sentait écoeuré et fasciné à la fois, refusant de voir mais observant quand même le moindre détail, comme ces gens épouvantés par un accident, qui ne peuvent pourtant pas détacher leurs regards. Et Kieran était un accident percutant dans la vie de Harry.
Il se tenait devant Harry, du haut de ses trois ans et demie, le nez collé à la devanture de la pâtisserie, les deux mains plaquées sur la vitrine. Ses cheveux noirs semblaient briller sous le soleil d'octobre et quelques mèches retombaient devant ses yeux en amande. Il ressemblait beaucoup à Cho, mais on devinait la finesse des traits de Draco cachée sous les rondeurs de l'enfance, et l'expression de défi qu'il affichait sur son visage venait incontestablement de Draco. Malgré lui, Harry fit un pas en avant, et les yeux marron de Kieran rencontrèrent les siens.
Son cœur explosa dans sa poitrine, englué dans des sentiments totalement contradictoires à l'encontre de Kieran. Il attirait et repoussait Harry tout à la fois. Le Survivant l'aimait car c'était un enfant, mais il le détestait avec force car c'était le rejeton de Draco. Il ne savait que faire, il ignorait quoi dire à ce garçon qu'il fixait d'un air dur sans s'en rendre compte.
Il avait chaud. Il avait froid. Un étau comprimait sa cage thoracique.
Il haïssait ce gosse autant qu'il haïssait son père, exactement comme Rogue l'avait haï parce qu'il était le fils de James Potter. Et pourtant, il restait planté là, à observer le moindre de ses gestes, exactement comme l'avait fait Rogue, même si, selon Harry, la rancœur de Rogue était injustifiée. Kieran tenta un sourire forcé et, comme Harry ne lui renvoya qu'une mine écoeurée, il reporta son attention sur Blaise.
« J'en veux, dit-il en pointant du doigt un gâteau au chocolat orné de souris dansantes en sucre.
- Et moi je veux que tu arrêtes de te sauver sans prévenir, à la moindre occasion, rétorqua Blaise d'un air maussade. Comme quoi, on n'a pas toujours ce qu'on veut dans la vie.
- J'en veux, » insista Kieran en tapant du pied.
La ressemblance avec Draco était tellement frappante à présent que Harry eut envie de rire malgré son état proche de la crise de nerfs. Un sourire amusé se dessina sur son visage pendant que Kieran répétait inlassablement « j'en veux » et que Blaise invoquait tous les saints et leurs stagiaires pour rester calme. Ron semblait à deux doigts de courir se faire faire une vasectomie et Charisma avait l'air de trouver tout cela assez drôle.
L'arrivée de Draco rendit la situation moins cocasse pour Harry.
Son sourire s'effaça progressivement pour laisser place à une grimace crispée lorsque Draco accourut vers eux, accompagné d'un séduisant homme Noir aux cheveux courts qui n'était autre que Declan Payton.
« Tenez, voilà le couple de l'année, marmonna Harry.
- Quoi ? » Demanda Ron sans quitter Kieran des yeux.
Harry haussa les épaules et il tenta de reporter son attention sur Kieran afin d'éviter le regard de Draco. Il se sentait mal, un peu nauséeux et surtout, envahi par la colère.
Colère contre Draco de l'avoir lâchement quitté et de trouver l'amour dans les bras de Declan Payton.
Colère contre lui-même parce son cœur battait la chamade, que son cerveau semblait plongé dans la brume et qu'il ne pouvait s'empêcher de détailler Draco de la tête aux pieds. Si cela était possible, il était encore plus attirant que dans les souvenirs de Harry, les larges cicatrices sanguinolentes ayant laissé place à des fines marques blanches qui donnaient à son visage une expression encore plus froide, presque fascinante. Il portait une seyante robe de sorcier noire ouverte sur un jean qui mettait en valeur ses longues cuisses affûtées. Harry le détestait de paraître aussi sûr de lui et il espérait que personne ne remarquerait l'ouragan qui sévissait en lui à la simple vue de Draco Malfoy.
« Tu ne dois pas partir sans dire aux adultes où tu vas, tonna Declan à l'encontre de Kieran qui regardait son père avec la même crainte que celle de Draco face à Lucius quelques années auparavant, ce qui déstabilisa totalement Harry.
- J'en veux, insista Kieran en montrant la vitrine du doigt.
- Certainement pas, répliqua sèchement Draco. Tu restes ici et surtout, tu ne bouges pas. »
Kieran tapa du pied sur le sol une fois de plus, mais il s'abstint de tout commentaire. Harry leva la tête et il se noya dans les yeux gris de Draco, rivés sur lui. Le temps s'arrêta et plus personne ne dit un mot, dans l'expectative des retrouvailles entre Harry et Draco. Le blond semblait surpris, et Harry retint un sourire triomphant. Il avait gagné quelques centimètres et à présent, il était de la même taille que Draco, ce qui avait l'air de décontenancer ce dernier. Il s'était peut être attendu à retrouver Harry tel qu'il l'avait laissé, mais tout avait changé, même la différence de taille entre eux.
« Bonjour Harry, » déclara Draco en avançant la main vers lui, une lueur indéfinissable au fond des yeux.
Harry le fusilla du regard et il prit tout son temps pour prendre la main tendue et la serrer aussi fort que possible, en espérant lui broyer au passage quelques phalanges.
« Salut Malfoy, lança froidement Harry.
- Tu as l'air en forme.
- Je le suis, en effet, répondit Harry en se demandant comment sa voix pouvait paraître si posée alors qu'il brûlait intérieurement. Alors Declan, es-tu prêt pour le match ?
- Plus que jamais. Et toi ?
- Il y a des chances pour que le Vif d'Or dans ma main soit la dernière chose que tu voies avant de te mettre à pleurer. »
Declan éclata de rire, bientôt suivi par les autres. Seul Kieran ne comprenait pas la conversation et il s'interrogeait sur les motivations de ce grand bonhomme aux cheveux noirs. Pourquoi voulait-il faire pleurer son copain Declan ?
« Declan est gentil, affirma-t-il soudain.
- Arrgh, il fout en l'air ma réputation de tueur ! Gémit Declan.
- Pas besoin de lui pour ça, je vais laminer ta réputation demain, promit Harry avec un sourire éclatant malgré son envie de frapper Draco. Si vous voulez bien m'excuser, j'ai à faire. »
Il serra les mains de ses amis et il manqua s'étouffer de stupeur lorsque Draco emprisonna ses doigts plus longtemps que de raison. Il y avait de la douceur mêlée à de la tristesse dans ses yeux, et Harry se demanda quand il avait cessé de porter ce masque d'indifférence qui, à bien y réfléchir, était moins déstabilisant. Il écrasa les doigts de Draco et ne les lâcha que lorsque le blond retint sa respiration pour ne pas vocaliser sa douleur. C'était un coup bas indigne de lui, mais Harry avait besoin de lui faire mal d'une manière ou d'une autre, juste pour être à égalité avec lui. Il pouvait sentir son regard le suivre et brûler sa nuque alors qu'il tournait au coin de la rue.
Le soir du match, les choses dégénérèrent entre Harry et Declan. Harry avait passé la journée à tenter par tous les moyens possibles d'éviter de penser à sa rencontre avec la joyeuse famille Malfoy-Payton, et cela avait plutôt bien fonctionné dans l'ensemble. Mais dès qu'il fut sur le terrain de Quidditch et qu'il vit Declan survoler la foule à la recherche d'une tête blonde bien connue, Harry perdit pied. Il s'en voulait de ressentir autant d'émotions contradictoires et incontrôlables à propos de Draco. Il aurait souhaité être indifférent, mais la simple vision de ses cheveux blonds se démarquant dans la foule le rendait fou de rage.
Peut être sa colère était-elle due au tee-shirt de l'équipe d'Australie que Draco arborait fièrement, comme il avait exhibé son stupide badge « Potter stinks » quelques années auparavant. Peut-être Harry était-il simplement contrarié parce qu'après trois années passées sans lui, il était jaloux de voir que Draco portait le numéro du maillot de Declan Payton et pas le sien.
Harry et Declan aimaient se chambrer lors des matchs, et ils ne dérogèrent pas à la règle ce soir là. La différence tenait au fait que cette fois Harry était sérieux et qu'il pensait chaque mot qu'il prononçait, contrairement à Declan. Au cours de la partie, Ron dû intervenir auprès de Harry pour qu'il commence à chercher le Vif d'Or au lieu de jouer à celui qui lancerait la plus grosse méchanceté.
Alors Harry fit ce pour quoi il était grassement payé. Il attrapa le Vif d'Or et, quand il vit Draco applaudir, il se sentit singulièrement satisfait. Il était en train de rentrer dans les vestiaires en se disant qu'il devait se ressaisir car il n'aimait pas son propre comportement - c'était comme si un étranger avait pris possession de ses réactions - lorsqu'il entendit Declan s'entretenir avec un journaliste.
« Vous savez, disait-il avec un sourire resplendissant, j'aurais pu battre Potter sans problème si je n'avais pas été aussi malade.
- Quelle est cette maladie ? Questionna Harry en s'approchant d'un pas rapide. La maladie des mecs qui ne seraient pas foutus de toucher un arbre même s'ils étaient en plein milieu d'une forêt ? »
Declan éclata d'un rire sonore en prenant Harry par l'épaule.
« Elle est pas mal celle là, avoua-t-il. Cependant, il faut reconnaître que je suis un bien meilleur joueur que toi, même si je n'ai pas gagné ce soir. Toi, tu as surtout de la chance. »
Harry avait l'impression d'être un spectateur de ses propres mouvements. Il sentit les vannes céder suite à cette remarque anodine, parce que lui, il ne se considérait pas comme chanceux, bien au contraire. Il fut incapable de se raisonner et lorsqu'il poussa Declan, il était déjà trop tard, il le savait. Son poing s'abattit violemment sur la mâchoire de l'australien qui fit un pas en arrière avant d'étouffer un juron. Le journaliste tenta de s'interposer mais il ne faisait pas le poids face à un Potter et un Payton enragés. Alors il courut chercher de l'aide.
Bientôt, un attroupement entoura les deux hommes qui se battaient sans trop savoir pourquoi. Harry cognait avec force, comme si sa vie en dépendait et plus il frappait, plus il se sentait libéré d'un poids. Malheureusement pour lui, Declan n'était pas en reste et il lui décrocha quelques puissants uppercuts. Le goût métallique du sang envahit la bouche de Harry qui s'essuya d'un revers de manche. Au moment où il allait rétorquer par un magistral coup de tête, quelqu'un le ceintura. C'était Olivier Dubois.
« Lâche le, Dubois ! S'écria Declan. Laisse le prendre sa raclée !
- Declan arrête ! Ordonna Draco en le tenant par le bras.
- J'arrêterai quand je lui aurai fait bouffer son râtelier à ce connard !
- Va te faire foutre, Payton ! S'exclama Harry en se débattant.
- Vous êtes ridicules, » siffla Draco en tirant Declan en arrière.
Ron mit tout le monde d'accord en stupéfixant Harry et Declan. Il fit transplaner Harry chez lui pendant que Draco accomplissait la même chose avec Declan.
Dès que Ron le libéra du sortilège, Harry se laissa choir sur son canapé, jambes écartées, les coudes en appui sur les genoux, la tête entre les mains. Il avait l'impression d'avaler du sang à chaque déglutition, son œil était anormalement fermé et ses doigts lui faisaient très mal. Il avait surtout terriblement honte de son comportement mais il n'avait pas pu s'en empêcher. L'étranger en lui avait pris le dessus ; le Harry adolescent avait étouffé l'adulte en lui.
« Tu veux une pommade pour ton œil ? » Demanda Ron en prenant le chemin de la salle de bains.
Harry acquiesça en grognant. Il savait que cette pommade, même si elle était d'une efficacité redoutable, était aussi très douloureuse. Ron la lui appliqua sans ménagement, mais sans poser de questions, ce qui soulagea Harry. Il n'avait aucune envie de s'expliquer. D'ailleurs, il ne s'expliquait pas à lui-même comment les choses en étaient arrivées là. Il serra les poings, attendit que la brûlure causée par la pommade cesse et au bout de quelques minutes, il parvint enfin à ouvrir totalement son œil.
« Merci de ne rien me demander, lança-t-il en ôtant son tee-shirt.
- De rien, rétorqua Ron avec un sourire amusé. De toutes façons, dès que Hermione saura ce qui est arrivé, elle va vouloir comprendre…Je me contenterai d'écouter tes réponses à ses questions. »
Harry émit un léger rire en regardant son ami partir, puis il se jeta sous le jet apaisant d'une douche chaude. Il avait l'impression de sentir la sueur mêlée au sang, et que jamais cette désagréable odeur ne partirait. Tous ses muscles étaient tendus, son cœur cognait bien trop fort dans sa poitrine et sa tête semblait sur le point d'imploser. Qu'allait-il bien pouvoir dire à Hermione ? Et à Blaise ? Et aux media ? Ils allaient forcément vouloir des explications mais comment leur expliquer qu'il n'avait aucune idée de ce qui était arrivé ?
Tout ce qu'il s'avait - et il se l'avouait avec une colère sourde au fond du cœur - c'était que quelque part en lui, sournoisement tapi, il y avait toujours un relent d'amour pour Draco. Cela le rendait malade de rage, parce que Draco ne méritait au mieux que son indifférence, au pire que sa haine.
Il sortit de la douche et, au moment où il se séchait les cheveux à l'aide d'une serviette, on sonna frénétiquement à la porte d'entrée. Harry poussa un juron entre ses dents et il enfila un pantalon de jogging noir sur ses jambes encore mouillées. Il ouvrit la porte à la volée et les mots moururent dans sa gorge dès qu'il vit Draco, extraordinairement arrogant face à lui. Il se tenait droit, comme s'il était un chef d'état en visite officielle. Au passage, il avait eu la bonne idée d'ôter son tee-shirt de supporter de Declan Payton et Harry l'en remercia mentalement car il n'était pas d'humeur à casser la figure de qui que ce fut d'autre ce soir.
Draco semblait trop sûr de lui, mais Harry perçut son malaise dans sa façon de secouer sèchement la tête afin de faire retomber une mèche blonde devant ses fines cicatrices.
« Qu'est ce que tu fous là, Malfoy ? Demanda-t-il néanmoins, bien décidé à ne plus jamais laisser Draco entrer dans sa vie pour y semer la confusion.
- Un ami ne peut pas passer dire bonjour à un autre ami ? Interrogea Draco en retour avec son éternel sourire goguenard.
- C'est ce que font les amis, oui…Alors pourquoi toi, Malfoy, tu es là ? »
Si l'insinuation de Harry lui fit mal, Draco ne laissa aucune émotion transparaître. Il se contenta de laisser errer son regard sur le torse nu de Harry, pour finalement s'arrêter sur l'épaisse cicatrice qui courait le long de son bras.
« Nous avons tous nos blessures de guerre, constata Harry d'une voix neutre. Tes chirurgiens ont fait du bon travail avec les tiennes. Et maintenant, trêve de politesses, qu'est ce que tu veux ?
- Savoir pourquoi tu as agressé Declan de la sorte.
- On va dire que j'ai pété un câble sans raisons particulières, ça te va ? A présent, retourne auprès de ton fiancé et fais moi l'immense faveur de rester loin de moi.
- Mon…Fiancé ? »
Draco passa de la stupeur à l'amusement en quelques secondes et, avant que Harry ait eu le temps de comprendre ce qui arrivait, le blond éclatait de son rire si agréable et donc, si crispant pour Harry.
« Je ne t'imaginais pas lisant les ragots de Sorcière Hebdo, reprit Draco en entrant dans le salon comme si les lieux lui appartenaient. Pour ta gouverne, Declan et moi ne sommes pas fiancés, loin de là. Tout d'abord, Declan est hétérosexuel…Une sacrée entrave à notre idylle, tu ne trouves pas ? » Harry haussa les épaules comme si cela lui importait peu mais en réalité, il se maudissait d'avoir été aussi crédule. « Cela dit, j'ai pour habitude d'obtenir tout ce que je veux, alors si je ne suis pas avec Declan, c'est surtout parce que je n'en ai pas envie.
- Tu es difficile.
- Il est extrêmement séduisant, c'est vrai, mais ce n'est pas lui qui m'intéresse…Ce serait plutôt toi. »
En disant ces mots, il s'était dangereusement rapproché de Harry, une lueur de désir dansant dans ses prunelles grises. Ses doigts frôlèrent son épaule et descendirent jusqu'à son poignet qu'ils emprisonnèrent tendrement. Il tira doucement Harry vers lui mais ce dernier se dégagea brusquement de cette étreinte.
« Tu m'avais à ton entière disposition, Draco, siffla-t-il en saisissant un tee-shirt pour l'enfiler le plus rapidement possible. Tu as choisi de me tenir à l'écart et il est trop tard pour revenir en ayant l'incroyable prétention de croire que je vais retomber dans le panneau, comme si j'avais passé trois ans à t'attendre !
- Je sais que tu ne m'as pas attendu, rétorqua sèchement Draco. J'ai mis le nez une fois ou deux dans Sorcière Hebdo moi aussi, ton tableau de chasse semble impressionnant. Sache que de mon côté, je n'ai pas pu t'oublier, je ne suis sorti avec personne.
- Pour mon tableau de chasse, il ne faut pas croire tout ce que les journaux racontent. Quant à ton désert affectif, je m'en fous royalement. Tes propos n'ont plus aucune valeur à mes yeux, j'ai tiré un trait sur toi et sur ton départ digne des plus grands minables.
- Mais putain Harry, j'essaie de te dire que je n'ai pas cessé de penser à toi pendant tout ce temps ! Laisse moi au moins une chance ! »
Il passa nerveusement la main dans ses cheveux avant de fixer Harry avec une telle intensité qu'il semblait chercher à sonder son âme. Le sang de Harry ne fit qu'un tour. Il n'arrivait pas à croire que Draco pouvait se permettre d'arriver en terrain conquis sans même prendre la peine de s'excuser. Et le battement sourd de son cœur l'énervait au plus haut point.
« Tu m'as laissé une chance de te retenir lorsque tu as voulu partir ? Demanda-t-il en faisant un effort colossal pour ne pas sauter à la gorge de Draco.
- Je devais partir. Près de toi, j'aurais cédé à la facilité et je t'aurais laissé tout gérer. Je n'arrivais pas à sortir la tête hors de l'eau, entre mon amnésie, Kieran, la guerre et Blaise qui avait besoin de mon aide. Je pensais que tu comprendrais, que tu accepterais de me laisser du temps.
- C'est toi qui ne comprends pas, Draco, répliqua Harry en soupirant. J'étais prêt à patienter aussi longtemps qu'il le fallait pour que tu mettes de l'ordre dans ta vie, et je connais les motivations qui t'ont fait partir. Ce que je n'accepte pas, ce que je ne pardonne pas, c'est la façon dont tu t'es sauvé. Je méritais mieux qu'une simple lettre. Je méritais une explication en face à face bon sang ! La dernière fois qu'on s'est vus, tu savais déjà que tu ne reviendrais pas à Poudlard, mais tu as préféré attendre pour écrire ta saloperie de lettre, je ne peux pas oublier ça. Sincèrement, je regrette chaque seconde que j'ai passé à te prendre pour quelqu'un de bien.
- Je regrette aussi que tu te soies trompé à ce point. Je suis vraiment désolé d'avoir manqué de courage en te quittant de cette manière.
- C'est trop facile de prendre tous les torts à ta charge, de simplement acquiescer pour me faire plaisir, de sortir un « je suis désolé » régurgité un million de fois par jour par des gens comme toi, qui n'en pensent pas un mot. Tu imaginais réellement que j'allais retomber dans tes bras ?
- A dire vrai, oui, je le pensais. Après tout, ta crise de jalousie avec Declan signifie bien que tu n'en as pas fini avec tes sentiments pour moi. Il y a quelque chose de fort entre nous, Harry, tu ne peux pas le nier. C'est quelque chose qui nous dépasse totalement. Malgré le fait que je n'ai aucun souvenir de nous avant mon retour du Manoir, je n'ai jamais pu oublier le peu que je savais, je n'ai jamais pu tirer un trait sur ce que tu m'as fait ressentir, à tel point que je n'ai pas vécu pleinement durant ces trois ans. Je me suis contenté de m'accrocher à ce bracelet magique que tu m'avais offert. »
Harry observa longuement Draco. Il était un peu haletant, comme s'il venait de sprinter, et Harry se demanda si cela venait du fait que Draco en disait plus qu'à l'accoutumée. Il avait d'ailleurs du mal à concevoir que c'était bien Draco Malfoy qui s'ouvrait ainsi à lui. Il avait surtout des difficultés à accepter ces déclarations qui, selon lui, étaient beaucoup trop tardives. Pourtant, il savait exactement de quoi parlait Draco. Il le vivait de l'intérieur.
Il poussa un long soupir résigné et son regard rencontra les prunelles grises dans lesquelles il s'était si souvent volontairement perdu. Même si Draco avait l'air sincère ; même si ses yeux ne mentaient pas, Harry se méfiait de lui comme de la peste.
« Ok, articula-t-il lentement en sortant un récipient du placard. Tu vas connaître toute l'histoire.
- Une Pensine ?
- Cadeau de Dumbledore. »
Harry mit tous ses souvenirs concernant Draco dans la Pensine. Il n'en oublia aucun, de leur première rencontre à l'instant maudit où Lucius avait enlevé Draco.
« Tout ce que tu veux savoir se trouve là dedans, déclara ensuite Harry en désignant la Pensine avec sa baguette magique. Tu ne m'en voudras pas de ne pas faire le voyage avec toi…Je connais l'histoire, elle termine mal. »
Draco ouvrit la bouche pour lancer une remarque cinglante mais il la referma aussitôt. Harry émit un rictus satisfait en se servant une vodka tonique. Il s'installa confortablement dans son canapé et il attendit patiemment que Draco termine sa visite au pays des souvenirs. Il lui fallut des heures pour tout redécouvrir et Harry décida de vaquer à ses occupations. Il se rendit chez Olivier qui lui hurla dessus avant de lui expliquer que Declan et lui avaient écopé de cinq matchs de suspension pour en être venus aux mains. Il alla ensuite chez Ron et Hermione. Cette dernière le sermonna comme elle seule savait si bien le faire, une cigarette à la main, sous les hochements de tête approbateurs de Vincent Crabbe qui mangeait chez eux – ou plutôt, qui pillait tout ce qui pouvait être comestible chez eux.
Lorsque Harry leur expliqua que Draco se repassait le film de leur histoire, Ron lui conseilla à juste titre de prévenir Blaise et Charisma qui gardaient Kieran pour la soirée.
« Ils vont devoir s'en occuper demain aussi au train où vont les choses, » lâcha-t-il d'un air pince sans rire.
A l'annonce de l'absence prolongée de Draco, Blaise protesta pour la forme. En réalité, il adorait garder Kieran avec lui. Il comptait sur l'enfant pour donner à Charisma l'envie d'être mère, plan qui pour le moment, ne fonctionnait pas du tout étant donné que la jeune femme refusait catégoriquement qu'on « squatte » son utérus.
Harry avait envie de discuter avec Sirius mais, vue l'heure tardive, il préféra remettre cette conversation au lendemain. Il rentra chez lui et il se coucha sur le canapé du salon. Alors qu'il remontait la couverture sur ses épaules, il pensa au comique de la situation et il s'autorisa un rire nerveux. Son ex copain était chez lui, assis à la table du salon, la tête dans un bol…L'image était risible. Plus risible encore était Harry qui dormait à deux mètres de lui, incapable de se coucher dans sa chambre, respirant à pleins poumons l'odeur agréable de Draco, savant mélange d'eau de toilette, de tabac, du cuir de sa veste trois quart et de quelque chose de particulier, d'envoûtant…Sa peau.
Le lendemain, il eut le temps de prendre une douche, un petit déjeuner, de lire le journal – son altercation avec Declan faisait la Une. Draco n'avait pas bougé et Harry se demanda s'il ne s'était pas tout simplement endormi. L'après midi était déjà bien entamée lorsque l'ancien préfet des Serpentards releva lentement la tête. Ses yeux étaient cernés, son visage reflétait un trouble immense, mais ce qui inquiéta vraiment Harry fut la difficulté avec laquelle Draco se releva. Il était clair qu'il avait très mal au dos, même s'il ne s'en plaignait pas. Il déglutit avec difficulté et Harry lui tendit un verre d'eau qu'il but d'une traite.
« Je comprends mieux le lien qui nous unit, déclara enfin Draco d'une voix rauque. Tout ce que nous avons traversé…Tu ne peux pas tirer un trait aussi facilement.
- Ça n'a pas été facile, il m'a fallu plus d'un an, » ironisa Harry, hypnotisé par la manière dont Draco avançait vers lui, comme au ralenti.
Il ne s'arrêta que lorsque leurs corps se touchèrent presque, trop loin pour que Harry puisse sentir sa peau contre la sienne, mais assez près pour que sa chaleur se diffuse dans tout le corps de Harry qui réprima difficilement un frisson. Son cœur s'affolait encore, l'infâme traître. Draco était le seul capable de semer une telle confusion dans les émotions du Survivant, et il semblait prêt à user de ce don pour arriver à ses fins. Harry se sentait comme l'animal pris dans les phares d'une voiture…Terrorisé et fasciné à la fois, immobile, tant pis si cela devait lui être fatal.
Le souffle de Draco caressa sa joue alors que ses mains se posaient délicatement sur les hanches de Harry.
« Rien n'est fini entre nous, Harry, » murmura Draco avant d'effleurer la joue de Harry avec ses lèvres. Il traça un sillon de baisers légers le long de sa joue et, lorsqu'il arriva au coin de la bouche de Harry, la pression de ses lèvres s'accentua. Il resta là, sans rien faire d'autre, attendant un signe du brun. Ses mains remontèrent dans son dos et elles pressèrent doucement, pour l'amener à effacer les quelques centimètres qui les séparaient. Harry était troublé au-delà des mots, déstabilisé de ressentir aussi violemment le manque de Draco alors que ce dernier était contre lui, dans l'expectative d'un geste de Harry.
Le Survivant saisit la tête de Draco entre ses mains et il écrasa ses lèvres contre les siennes. Harry s'en voulait de désirer aussi puissamment celui qui l'avait fait souffrir au point de se perdre dans les bras d'hommes qui ne comptaient pas pour lui. Il entrouvrit la bouche et sa langue se mêla à celle de Draco.
Rien n'avait changé.
Draco exerçait toujours le même pouvoir sur lui, et réciproquement. Cette constatation fit redescendre Harry sur terre et il recula en susurrant :
« Tu te trompes Draco. Tout a été fini au moment où tu as envoyé cette lettre. Je ne t'ai pas montré notre histoire pour te rendre la mémoire et ainsi, reconstruire quelque chose de solide entre nous. Je te l'ai montrée pour que tu te souviennes bien de ce que tu as gâché avec ta lâcheté. Va t'en. »
Il ne pouvait contrôler le tremblement rageur dans sa voix, c'était au dessus de ses forces à lui, qu'on considérait comme le plus grand sorcier de sa génération. Il était hors de question qu'il retombe dans une relation aussi destructrice même si, paradoxalement, elle avait été magnifiquement belle. Il vit le visage de Draco pâlir, et en une seconde, il redevint glacial.
« Je ne suis pas responsable de tout, siffla-t-il en allumant une cigarette sous le regard courroucé de Harry. Putain, j'aurais voulu t'y voir, avec une mémoire pleine de trous et un gamin sur les bras !
- J'y étais, Draco ! Contra Harry en éteignant la cigarette d'un claquement de doigts. On était censé partager les expériences ensemble ! Ton amnésie, c'était aussi la mienne. Ton gamin, il était aussi sur mes bras !
- Oh je t'en prie arrête ! Tu parles de relation fusionnelle là. C'est malsain ! Tu réagis vraiment comme un gosse !
- Alors ça c'est la meilleure ! Dis moi, Draco, lequel de nous deux est en train de courir après son amour d'adolescent ? Tu crois que le fait d'être père fait de toi un adulte ? Tu te fourres le doigts dans l'œil jusqu'au coude là. En particulier quand on voit à quel point Blaise est ce qui se rapproche le plus d'une image paternelle pour ton fils. Alors oublie le couplet de l'homme mûr et responsable, ça ne te va pas. Toi tu joues au papa…Si ce n'est pas un jeu de gamin ça…A présent dégage, j'en ai assez entendu.
- Tu ne sais rien de ma relation avec mon fils, alors ne parle pas sans savoir ! Eructa Draco, poings serrés, dardant sur Harry un regard furibond. Mais tu as raison sur un point : toi et moi, c'est une erreur colossale. Merci de m'en avoir fait prendre conscience.
- Si je peux aider, ironisa Harry en ouvrant la porte pour inciter Draco à sortir.
- Tu regretteras de m'avoir balancé comme ça.
- C'est toi qui m'as balancé, avec une lettre à la con, tu te souviens ? »
Sans attendre la réponse, il referma la porte avec, au fond de lui, une immense sensation de manque doublée d'une sensation de gâchis. Mais faire sortir Draco de son appartement et de sa vie était la seule décision possible pour lui, parce qu'il avait trop donné au blond et qu'il ne se sentait plus capable du moindre effort pour le moment. Il lui semblait que sa confiance en Draco était irrémédiablement détruite.
Il retourna dans le salon, se servit un verre de crème de whisky et s'installa sur le canapé, le regard fixé sur le vide. Il passa plus d'une heure ainsi, prostré, sans vraiment réaliser ce que lui arrivait. Il ne toucha pas à son verre, il se contentait juste de s'y accrocher comme si, sans lui, son corps risquait de se disloquer. La pénombre de cette cauchemardesque fin de journée avait déjà envahi l'appartement lorsque Harry sortit de son état comateux, encouragé en ce sens par un hibou qui lui picorait douloureusement la main. Harry prit le message qu'il transportait puis il lui caressa distraitement la tête. Le mot provenait de Sirius, et il était on ne peut plus concis.
Si tu as envie d'en parler, tu sais où me trouver. Disait-il.
Harry esquissa un sourire triste. Il était ironique que la personne la plus importante pour lui, Sirius, ait été ramenée par deux personnes qu'il n'avait plus envie de voir, à savoir Draco Malfoy et Severus Rogue…
Il prit cependant le risque de croiser Rogue en se rendant à Poudlard. En théorie, il ne devait pas tomber sur lui puisque Sirius, en tant que responsable de la Maison rouge et or, avait remplacé la défunte Minerva Mc Gonagall dans ses appartements de la Tour Gryffondor. Harry transplana jusqu'aux grilles de l'école, puis il marcha d'un pas pressé, les mains dans les poches, jusqu'aux vieux bâtiments. L'air était empli de la douce odeur des feuilles mortes après la pluie, c'était assez difficile à supporter pour Harry qui se remémorait avec un pincement au cœur tous les mois d'octobre passés à Poudlard. A cette époque, Minerva Mc Gonagall, Remus Lupin et bien d'autres respiraient encore alors qu'aujourd'hui, leur présence manquait cruellement à tous ceux qui les avaient aimé.
Même avec les yeux ouverts et la conscience de leur mort, Harry pouvait les voir déambuler dans le grand Hall, Remus Lupin avec son visage doux, ses vêtements élimés, Minerva Mc Gonagall avec son air guindé, sévère mais toujours juste. Harry se demanda comment Sirius pouvait vivre en ces lieux sans être hanté par ses fantômes. Il grimpa quatre à quatre les marches de la Tour, faisant taire Peeves d'un simple sortilège de silence. Il frappa ensuite à la porte de Sirius qui lui ouvrit avec une brosse à dents dans la bouche. Il fit signe à Harry d'entrer et il se dirigea dans la salle de bains. Il revint rapidement, vêtu d'un pantalon noir sur lequel flottaient les pans de sa chemise blanche.
« Tu as un rendez vous ? Demanda Harry en s'asseyant sur le canapé en cuir noir.
- Dans deux heures, ça nous laisse du temps, répondit Sirius en rejetant sa longue chevelure noire en arrière. Tu veux parler de l'incident avec Declan Payton ?
- Non, ça n'a aucune importance…Et puis ça nous mènerait immanquablement à parler de Draco, ce qui te mettrait dans une position inconfortable. »
Sirius observa Harry sans dire un mot, puis il servit un whisky Pur Feu à son filleul avant d'enfin s'asseoir en face de lui, son propre verre à la main.
« Ma position a toujours été claire, Harry. Je suis de ton côté, quoi qu'il arrive. Je comprends que tu n'aies pas envie de parler de tout ça avec moi, sachant que je suis aussi proche de Draco. Mais je peux t'assurer que jamais ton nom n'a été prononcé dans nos conversations.
- Je m'en doutais, admit Harry en buvant une gorgée.
- Ça a été dur de le revoir ?
- Plus que je l'avais imaginé, oui. Alors, tu sors encore avec Apollonia ce soir ? » Interrogea Harry pour couper court. Il n'avait besoin de rien d'autre que de la présence de son parrain pour se sentir mieux. Les mots avaient toujours été superflus entre eux. Sirius acquiesça silencieusement. « Depuis combien de temps êtes vous ensemble, trois mois ?
- Cinq mois, rectifia Sirius. On s'entend bien, c'est une femme très intelligente.
- Elle a de qui tenir, » souffla Harry pour lui-même.
Apollonia Mc Gonagall était la nièce de l'ancien professeur de Métamorphose et, si elle était physiquement très différente de sa tante de par ses formes généreuses ainsi que son air jovial, elles avaient la même intelligence mêlant l'intuition et les connaissances livresques. Mais ce qui plaisait le plus à Harry chez Apollonia, c'était le simple fait qu'elle ne soit pas Severus Rogue. Voyant à quel point le professeur de Potions avait été amoureux de Sirius, Harry avait craint que son parrain commette l'irréparable en se laissant séduire. Cette peur avait beau être égoïste, Harry ne parvenait pas à passer outre. Il détestait l'idée même que Sirius et Severus puissent avoir une relation amicale, aussi étrange et bancale qu'elle fut.
« Tu penses que c'est le genre de femme que tu pourrais épouser ? » Questionna Harry.
Un rictus amusé apparut sur les lèvres ourlées de Sirius, comme s'il avait lu dans les pensées de son filleul.
« Je n'ai jamais dit que je voulais me marier. Et Severus ne m'a jamais demandé de l'épouser si ça peut te rassurer. En parlant de lui, il faut que j'aille le voir pour lui piquer des fringues. Apollonia adore le tee-shirt que j'ai offert à Severus pour Noël…Tu sais, celui avec le puma sur le côté.
- Tu l'as acheté pour Rogue ou pour toi ce tee-shirt ? Tu n'arrêtes pas de le lui piquer.
- Ce cadeau était pour lui, mais il ne le met jamais, » grogna Sirius en ignorant que si Severus ne portait jamais ledit vêtement, c'était parce qu'il ne voulait pas abîmer ce cadeau si précieux qui provenait de Sirius Black.
« Je ne t'accompagne pas chez Rogue, déclara Harry avec une moue écoeurée. Je dois y aller de toutes façons, j'ai rendez vous avec Hermione, Ron et Vincent pour régler quelques détails concernant les fiançailles de Blaise et Charisma.
- C'est le mois prochain si je ne m'abuse.
- Oui, fin novembre. On peut oublier le banquet en plein air, plaisanta Harry.
- Je suis content que tu viennes, même si la fête a lieu chez Draco. » Sirius s'arrêta net en voyant le regard étonné de Harry. « J'en conclus que tu ignorais ce dernier élément d'information.
- Oui, je suppose que c'est de ça dont Herm' et Ron voulaient m'entretenir. Je ne vais pas fuir Draco comme un gamin, je peux très bien passer une soirée chez lui sans lui démonter les chicots…Pour Blaise.
- Quelle abnégation, taquina Sirius.
- Toi aussi tu as remarqué ? Je suis un vrai saint. On devrait donner mon nom à un orphelinat rien que pour ça. »
Sirius éclata de son rire tonitruant qui réchauffa instantanément le cœur de Harry. Le jeune homme quitta les appartements de son parrain avec l'esprit plus léger pendant que Sirius descendait dans les cachots. Il surprit deux élèves de Serpentard qui flirtaient dans les couloirs et cela le fit sourire, surtout quand il vit la terreur dans leurs yeux à l'idée qu'il puisse en référer au professeur Rogue. Il les laissa partir avec un avertissement oral, il n'avait pas envie de punir les élèves ce soir.
Dès qu'il frappa à la porte, la voix grave de Severus lui ordonna d'entrer.
Il pénétra dans le grand salon plongé dans la pénombre. Seule une bougie était allumée et fournissait à la pièce un pâle éclairage. Severus était allongé tout habillé sur le canapé, le visage caché par son avant bras. Sirius avança de quelques pas pour s'asseoir sur la table basse proche du canapé.
« Ça ne va pas ? Demanda-t-il en faisant apparaître un verre d'eau qu'il tendit à Severus.
- Migraine, lâcha Severus en serrant les dents.
- Encore ? Il faut vraiment que tu ailles voir Pomfrey. Il te reste de la potion contre les maux de tête ?
- Si j'en avais, Black, je n'aurais plus la migraine, susurra Severus, incapable de contenir sa mauvaise humeur. Pomfrey est aussi en rupture de stock. Je reviens de ma salle de potions où j'ai tenté d'en préparer une, mais je n'arrive pas à me concentrer. Ça ira mieux demain. Que puis-je faire pour toi, Sirius ? Tu veux encore m'emprunter ton tee-shirt pour un rendez vous galant avec Apollonia Mc Gonagall ?
- Apollonia est une vraie perle, ne prends pas ce ton méprisant lorsque tu parles d'elle !
- Tu devrais déjà être content que j'aie cessé de l'appeler 'l'hippopotame.'
- Pauvre minable, siffla Sirius. J'espère que ton cerveau va imploser. »
Il se leva d'un bond et sortit en claquant la porte aussi fortement que possible, juste pour que le bruit résonne des heures durant dans la tête du professeur de potions. Ce dernier prit appuis sur les accoudoirs du canapé pour se hisser et il s'élança derrière Sirius malgré le battement douloureux qui lui déchirait les tempes à chaque pulsation cardiaque. Il s'en voulait d'être aussi désagréable et insultant avec Apollonia, car il appréciait ses qualités. Il ne pouvait cependant pas lui pardonner le fait qu'elle soit la première relation sérieuse de Sirius. Il sentait que l'Animagus lui échappait inexorablement et cela lui faisait mal, bien plus mal qu'une migraine, même s'il n'avait jamais rien attendu de la part de Sirius.
Il parvint à le rattraper au moment où il s'élançait dans l'escalier. Il enroula ses longs doigts autour du poignet du Gryffondor pour l'immobiliser et le simple contact de sa peau sur l'étoffe qui recouvrait le bras de Sirius le mit au supplice. Il préféra le lâcher, au risque de le voir repartir. Pourtant Sirius ne bougea pas. Il se contenta de toiser Severus d'un œil assassin.
« Je n'aurais pas dû injurier ta copine, admit Severus d'une voix morne. Viens, je vais te donner le tee-shirt et j'espère sincèrement que vous passerez une bonne soirée tous les deux. »
Sirius hocha la tête, peu convaincu, mais il suivit tout de même Severus dans ses appartements.
Une fois le vêtement en mains, Sirius aurait pu partir…Il l'aurait fait si sa conscience ne lui avait pas hurlé de rester pour s'assurer que tout allait bien pour Severus. Le maître des potions se tenait difficilement debout devant lui. Il prenait appuis sur la table du salon pour ne pas tomber, ses yeux étaient plissés parce que, même avec une unique bougie pour éclairage, la luminosité de la pièce était trop importante pour lui et cela entretenait sa migraine.
Sirius soupira. Il ne pouvait pas s'en aller et laisser Severus dans cet état, cela ne lui ressemblait pas. Alors il passa un bras autour de la taille de Severus et il l'accompagna dans la chambre.
« Tais toi si tu ne veux pas que je te hurle dans le cerveau, Servilo, » maugréa Sirius en entendant les protestations de son collègue.
Il l'aida ensuite à ôter sa robe de sorcier et sa chemise, puis, aussi délicatement que possible, il l'allongea sur le lit, dans l'obscurité totale.
« Ne bouge pas d'ici, je vais te préparer une potion contre les migraines, » annonça Sirius en refermant la porte de la chambre.
Il passa par la volière d'où il envoya un message à l'attention d'Apollonia, dans lequel il s'excusait de devoir remettre à la semaine suivante leur rendez vous. Cela l'ennuyait beaucoup de tout annuler à la dernière minute mais il ne pouvait pas faire autrement. Lire la douleur sur le visage habituellement impassible de Severus lui faisait mal.
Il se rendit ensuite dans la salle de potions où il concocta une mixture rosâtre terriblement malodorante. L'idée de boire le mélange le révulsait au plus haut point, et il fut content de ne pas avoir de maux de tête en ce moment. Severus était un des seuls au monde à préparer une potion contre les migraines à l'odeur agréable et à l'efficacité instantanée.
« Tant pis pour toi, Severus, tu vas boire cette horreur et la prochaine fois, tu partageras peut être tes secrets de fabrication avec moi, » murmura Sirius en retournant dans les cachots.
Severus ne dormait pas, la douleur l'en empêchait. Sirius alluma une bougie et il lui tendit la fiole d'un air écoeuré. Il se dégageait du mélange un fort relent de pomme de terre avariée qui souleva le cœur de Severus.
« Navré, lança Sirius en croisant les bras sur son torse, je n'ai pas ton génie pour les potions. »
Severus se redressa avec difficulté, puis il but le contenu de la fiole en une seule fois. Son visage se tordit en une grimace presque comique, et il dû respirer profondément, la paume de la main collée sur le front, pour ne pas vomir.
« Tu as fait de l'excellent travail, dit-il enfin en serrant les dents. Mais fais moi quand même penser à te donner la liste de mes ingrédients secrets, je ne boirai pas deux fois une telle ignominie.
- La prochaine fois, Servilus, je te laisse te débrouiller tout seul.
- En bon crétin de chez Gryffondor, tu ne pourras pas t'empêcher d'aider ton prochain…Même s'il s'agit de moi.
- Fais moi plaisir et ferme la, ordonna Sirius d'un ton sec. Tu es tellement plus intéressant quand tu la mets en veilleuse.
- Je vais prendre ça comme un compliment.
- Tu ne devrais pas, non. »
Malgré l'hostilité entre eux, Sirius fit signe à Severus de lui laisser une place dans le lit et il s'allongea face à lui, le bras gauche soutenant sa tête, la main droite caressant le front du professeur Rogue.
« Ne prends pas ce geste pour de la drague, prévint Sirius.
- Si je prenais ce geste pour de la drague, je serais bien désespéré, parce qu'il n'est en rien agréable, » aboya Severus en le regrettant immédiatement car le haussement de sa propre voix constituait une violente agression pour son crâne encore douloureux.
« Alors si cela n'a rien d'agréable, je vais peut être continuer. Ça va à l'encontre de ma mentalité de crétin de chez Gryffondor mais c'est tellement drôle. »
Une ébauche de sourire se dessina sur les lèvres de Severus qui ferma les yeux, se laissant emporter par le bien être que lui procurait la caresse de l'homme qu'il aimerait jusqu'à la fin. Il ne savait pas pourquoi Sirius faisait cela. Sirius ne le savait sûrement pas lui-même, mais ce geste était le plus doux, le plus affectueux que Severus ait connu depuis son enfance. Il ne s'était jamais autorisé à se rendre compte à quel point la caresse d'autrui lui avait manqué.
Cette nuit là, lorsque la bougie s'éteignit, Severus Rogue - le professeur le plus sévère de Poudlard, l'homme le plus froid que Sirius ait jamais connu – pleura en silence sur tout ce qui était bon et dont il manquait cruellement. Et pourtant, il était prêt à revivre chaque seconde de sa vie pour en arriver à ce moment unique, ce moment où Sirius effleurait son front de ses longs doigts.
Si Sirius se rendit compte de l'instant d'égarement de son singulier ami, il eut la délicatesse de ne pas le faire remarquer.
Le soir des fiançailles arriva beaucoup trop vite pour Harry. Il n'était pas prêt à revoir Draco.
En un mois, il n'était pas parvenu à se blinder totalement, à entièrement verrouiller son cœur, à ne plus se sentir agacé dès que le nom de Draco Malfoy était prononcé. Il avait toujours cet affreux doute lorsqu'il essayait de se dire qu'il avait bien fait de rejeter Draco aussi durement et ce doute finissait par l'obséder jusqu'à le rendre agressif, en particulier quand il jouait au Quidditch.
Il avait revu Draco une seule fois en un mois, la semaine suivant leur altercation.
Harry et Hermione entraient dans une boutique de lingerie fine afin de trouver un cadeau de fiançailles pour Blaise et Charisma (Blaise avait fait une liste de cadeaux des plus étranges.)
« Je n'ai aucune envie de leur offrir ce genre de truc, marmonna Harry en voyant une nuisette à dentelle rose. C'est dingue, je ne veux pas savoir ce que Charisma portera quand ils vont faire l'amour.
- Oh ça va Harry, contra Hermione en s'approchant d'une guêpière en cuir de dragon. Tu n'es pas obligé d'imaginer Charisma qui tirlipote le zigouigoui de Blaise non plus !
- Qui quoi ? Demanda Harry en éclatant de rire.
- Oui, bon, tu as compris l'idée générale…Oh merdasse ! Harry ne te retourne pas. »
Alors Harry s'était retourné, comme on peut le faire presque immanquablement dans ces circonstances.
Draco entrait dans la boutique, accompagné de son précieux ami Declan Payton qui tenait dans la main la fameuse liste de Blaise. L'australien salua Harry et Hermione d'un signe de la tête, comme si jamais il ne s'était battu avec le Survivant. Lorsque les yeux de Harry s'arrêtèrent enfin sur Draco, ce dernier le fusillait du regard. Il articula malgré tout un « bonjour Potter, bonjour Granger » d'une voix monocorde, puis il se détourna pour observer un boxer en côte de maille avec un froid détachement. Le Survivant et son amie décidèrent d'acheter autre chose que de la lingerie fine pour les futurs époux Zabini étant donné que les parents de Charisma risquaient de peu apprécier la plaisanterie. Ils sortirent sans un regard en arrière et ils décidèrent de manger une glace avant de se remettre à la recherche du cadeau parfait.
Même si la glace était délicieuse, Harry gardait un goût amer dans la bouche.
C'était pourtant ce qu'il avait voulu : que Draco le laisse tranquille. Cependant, son attitude l'avait blessé et il détestait le fait d'être encore atteint aussi facilement. Il n'aimait pas non plus passer de "Harry" à "Potter" dans l'esprit de Draco. En résumé, il avait du mal à savoir ce qu'il voulait réellement, son indécision lui portait sur les nerfs, et il en était toujours à ce stade le soir des fiançailles de Blaise et de Charisma au moment où Hermione sonnait à la porte de l'immense Manoir Malfoy.
"Plus prétentieuse comme baraque, tu meurs," railla Ron.
La remarque fit sourire Harry. La maison était effectivement imposante, entourée du gazon et des jardins les mieux entretenus possible. Il ne s'agissait pas de la demeure familiale des Malfoy car Draco en avait fait don au Ministère pour qu'il le transforme en orphelinat (et pour s'attirer les faveurs du Ministre, Harry n'était pas dupe) mais la ressemblance était frappante.Harry s'attendait à voir un elfe de maison leur ouvrir la lourde porte en chêne, aussi resta-t-il interdit lorsque Draco leur fit face, un sourire de circonstance placardé sur son visage à moitié caché par ses cheveux blonds. Lorsqu'il salua mentalement l'élégance de Draco, à qui le costume noir seyait parfaitement, Harry eut envie de se gifler, ou de s'auto proclamer roi des crétins, au choix. Il eut également un pincement au coeur en réalisant que le blond ne portait plus le bracelet révélateur d'émotions.
"Granger, Weasley, bonsoir, articula Draco avec emphase. Entrez."
Il les précéda dans un grand hall dont la simplicité tranchait en tous points avec la sophistication de la façade de l'immense bâtisse. Assis sur un tabouret, veillant sur une impressionnante pile de manteaux, se tenait un vieil elfe au sourire édenté. Draco fit signe au trio de déposer leurs affaires auprès de l'elfe et, le temps que Harry se retourne, il avait disparu.
"Merci, Harry Potter Monsieur, déclara l'elfe d'un air exalté lorsque Harry lui tendit son pardessus.
- Ça m'étonnait aussi de ne pas voir d'esclaves chez Malfoy, marmonna le Survivant.
- C'est une blague Harry ?" Interrogea Hermione, stupéfaite, alors que Ron faisait de grands gestes désespérés en direction de Harry. "Tu ne sais pas que Draco est l'un des plus fervents membres de la S.A.L.E. ! Tous les elfes qui travaillent chez lui sont payés. Je crois que je m'avance à peine en disant qu'il a plus de respect pour les elfes que pour les hommes...À ce propos, tu ne t'es toujours pas inscrit à la S.A.L.E.
- J'ai encore dû oublier de le faire, mentit Harry. N'empêche qu'il est extrêmement impoli de la part de Malfoy de ne pas m'avoir salué ce soir. C'est lui l'hôte, merde !
- Mais tu avais dit que tu ne viendrais qu'à la condition qu'il ne t'adresse pas la parole, soupira Ron.
- Tu n'as pas été lui répéter ça quand même ! Questionna Harry en haussant le ton. Je vais passer pour quoi moi ? Le gamin de service !
- Je ne lui ai rien dit, assura Ron. Mais j'en ai parlé à Blaise. Il voulait tellement que cette soirée se passe bien qu'il a dû briefer Draco."
Harry fit une grimace de désapprobation mais il n'exprima pas sa colère. Il se contenta de suivre ses amis dans la salle de bal, décorée pour l'occasion de centaines de bougies et de petits coeurs ailés roses qui virevoltaient autour des convives à la manière de papillons gracieux. Connaissant les goûts de Blaise et de Draco, il était certain que la partie décoration de la fête avait été prise en charge par Charisma. Les tables du banquet étaient disposées en U, laissant place à une piste de danse au centre. Les elfes s'affairaient pour servir du champagne aux invités pendant qu'un orchestre jouait une musique douce en fond sonore. La fête promettait d'être réussie, si Harry parvenait à éviter Severus Rogue qui, pour le moment, semblait aussi à l'aise qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Plus loin, Sirius, Apollonia et Draco riaient alors que Kieran tentait d'attraper les coeurs volants.
"J'ignorais qu'on allait devoir se coltiner la marmaille, grommela Harry.
- Voyons, ce n'est qu'un gosse, il ne t'a rien fait, sermonna Hermione. Il n'est pas responsable du comportement de Draco.
- C'est vrai, reconnut Harry, il est déjà génétiquement assez malchanceux, n'en rajoutons pas. Mais il n'est pas censé dormir à cette heure là ?
- Si, admit Ron en regardant Blaise et Charisma approcher, et je doute que Draco le laisse veiller toute la nuit. Ne t'en fais pas, il ne restera pas longtemps. C'est moi ou Blaise a l'air tendu ?"
Ron ne se trompait pas, Blaise était effectivement au supplice depuis plus de deux heures, et cela faisait beaucoup rire sa fiancée. Tous deux accueillirent chaleureusement le trio même si Blaise semblait peser chaque mot avec précaution.
"C'est quoi l'embrouille ? Demanda Ron lorsque Blaise l'appela par son prénom plutôt que "petite bite" comme il avait l'habitude de le faire.
- Un homme n'a pas le droit de surveiller son vocabulaire le jour de ses fiançailles ? Rétorqua Blaise avec un large sourire. Par la barbe de mes c...De Merlin, je fais ce que je veux.
- La vérité, déclara Charisma en pleurant de rire, c'est que Blaise ne peut pas dire la moindre vulgarité pendant vingt quatre heures. Severus Rogue en a eu marre de l'entendre jurer comme un charretier. Il lui a balancé un sortilège de son cru et si Blaise dit le moindre gros mot, il se fait pincer le cul. Apparemment c'est douloureux, n'est ce pas Nounours ?
- Déjection canine ! S'exclama Blaise alors que les autres riaient à gorge déployée. Votre manque de solidarité me ruine les parties génitales ! Harry, toi qui es le sorcier le plus puissant du monde et de sa périphérie, tu n'as pas un contre sort ? J'ai le c...Le postérieur en feu moi !
- Désolé, j'ignorais même qu'un tel sortilège existait. Je trouve ça plutôt drôle pour être honnête.
- Je n'arrive pas à croire que vous vous payez ma tête pendant que je subis un grave traumatisme ! Vous êtes une bande de sadiques de la pire espèce.
- Et nous sommes fiers de l'être, rétorqua Hermione. Fais péter le champagne au lieu de te lamenter, Nounours.
- Vous croyez que Rogue pourrait jeter le même sort à ma copine ?" Interrogea Ron avant que Hermione lui donne un coup de coude dans les côtes.
Harry se mêla à la foule, en faisant tout son possible pour ne jamais avoir Draco dans son champ de vision, ce qui était chose aisée étant donné que les convives étaient relativement nombreux. Il rejoignit Sirius lorsque ce dernier fut seul et ils burent quelques verres ensemble en commentant les derniers résultats de Quidditch. Sirius désigna ensuite le couple qui jouait avec Kieran et il lui expliqua qu'il s'agissait des parents de Cho. Ils s'étaient toujours battus contre Voldemort et ils restaient très marqués par les circonstances de la mort de leur fille. Ils tentaient de réparer sa trahison à leur manière, en s'investissant dans l'éducation de leur petit fils. Ils étaient devenus assez proches de Draco au fil des mois et Harry se surprit à penser qu'il était bénéfique pour l'héritier des Malfoy d'avoir l'exemple d'un couple uni et solide sous les yeux. Il aurait volontiers passé toute la soirée aux côtés de Sirius si Severus Rogue ne s'était pas joint à eux, toisant Harry avec tout le mépris dont il était capable. Harry lui renvoya un regard haineux avant de retourner auprès de Blaise, lequel s'était lancé dans un concours de tequila frappée avec Hermione et Vincent Crabbe.
"Entre dans la compétition avec nous, l'invita Vincent. Les anciens de Poudlard contre les loqueteux de Durmstrang !
- Vous allez être totalement bourrés avant de passer à table, prévint Harry.
- Wow, tu as le troisième oeil façon Trelawney toi maintenant ? Railla Hermione en resservant les garçons. A cela près que tes prédictions risquent bien de s'avérer exactes.
- A n'en point douter, très chère. A n'en point douter, lança Blaise avec un sourire rayonnant. La nourriture épongera ce qu'on a cuvé de toute façon. Faut bien que je boive pour anesthésier la douleur physique et morale liée aux pincements quand je m'égare verbalement...Parce que dans l'idée, c'est comme si ce bon vieux Rogue me pinçait le cul lui même ! Ah sa mère !" Hurla-t-il lorsque le sortilège se mit en marche.
"L'alcool va surtout t'aider à oublier de faire attention à ce que tu dis, expliqua Harry en s'esclaffant. Vous avez vu Ron ?
- Il est aux chiottes...Aïe !
- A ce propos, où sont les toilettes ? Demanda Harry.
- Premier étage, deuxième porte à droite," répondit Blaise avec un rictus sardonique.
Harry haussa les épaules et il se dirigea dans l'escalier, appréciant le calme relatif qui y régnait. Il se demandait combien de temps il allait devoir rester dans le Manoir Malfoy avant de partir sans paraître impoli envers Blaise et Charisma. Lorsqu'il arriva devant la porte ouverte, il comprit l'amusement de Blaise. Il n'était pas devant les toilettes mais devant la chambre de Kieran, dans laquelle Draco bataillait pour coucher son fils.
"Je veux la fête ! Cria Kieran.
- Ça suffit La Crevette ! Il est temps de dormir alors tu te tais et tu obéis ! Ordonna sèchement Draco.
- Méchant, je veux la fête !
- Pousse le bouchon encore plus loin et je vais vraiment devenir méchant, siffla Draco.
- Je veux une histoire !
- D'accord." Céda Draco en fouillant dans la bibliothèque et en sortant un livre qu'il tendit à l'elfe. "Alf va te raconter l'histoire du petit sorcier et du chat tigré.
- Toi tu racontes, commanda Kieran en repoussant ses couvertures.
- Je n'ai pas que ça à faire."
Il embrassa distraitement le front de Kieran qui se mit à pleurer.
"Je te conseille d'arrêter ça tout de suite, susurra Draco en marchant vers la porte. Tu es un Malfoy et les Malfoy ne pleurent pas."
Il fit quelque pas, puis il s'arrêta net, le corps apparemment parcouru d'un frisson. Son visage se radoucit alors et il retourna auprès de son fils. Il s'allongea sur le lit et il caressa les cheveux de l'enfant.
"Tu veux que je te dise ? Demanda-t-il d'une voix grave et calme. Tu es un Malfoy, et même les Malfoy pleurent. Ne laisse jamais personne, surtout pas moi te bourrer le crâne avec ce qu'on fait ou pas dans la famille (Kieran hocha la tête bien qu'il était évident qu'il ne comprenait pas ce que disait son père.) Je vais te raconter une histoire mais pas plus de dix minutes, les invités m'attendent."
Harry fit demi tour pour redescendre dans la salle de bal. Il avait du mal à voir où Blaise avait voulu en venir en l'envoyant dans la chambre de Kieran. Croyait-il que le fait de voir Draco avec son fils allait l'attendrir au point de se jeter sur lui, sous les yeux de Kieran ? Il rejoignit les autres convives, passablement irrité, et lorsqu'il aperçut Sirius et Severus qui plaisantaient avec Apollonia, son agacement ne fit que croître. Son parrain ne pouvait-il pas roucouler tranquillement avec sa compagne sans que Rogue soit dans le coin avec son effrayant sourire ?
Il s'installa à table, près de Blaise qui s'amusait à inventer les périphrases les plus délirantes pour parler de sexe sans vulgarité, provocant ainsi l'hilarité de ses amis. Peu à peu, Harry parvint à se mettre dans l'ambiance et il finit par trouver le repas agréable. Draco se tenait loin d'eux et il lui arrivait parfois de lancer des regards torves à Harry, mais il évita soigneusement tout autre contact, ce qui allait très bien au Survivant qui, après quelques verres, n'était plus très sûr de pouvoir contrôler ses réactions, ni même ses émotions.
Après le dessert, le groupe si mit à jouer des musiques entraînantes et les invités envahirent la piste de danse. Comme Harry était persuadé de ne pas avoir le sens du rythme et qu'il ne voulait pas se donner en spectacle, il préféra s'éclipser un moment. L'alcool lui donnait chaud aux joues et il songea qu'un peu d'air frais lui ferait le plus grand bien. Il fit quelques pas dehors, suivant distraitement un petit chemin de pierres qui descendait au milieu du gazon impeccable, jusqu'à une aire de jeux.
La marche sous le froid sec de novembre l'aida à se dégriser un peu, mais elle lui offrit également un cadeau inattendu. Draco était assis sur une balançoire, penché en avant, les deux pieds sur le sol, les coudes posés sur les genoux, une cigarette à peine allumée entre ses doigts fins. Il avait ôté sa veste de costume, détaché sa cravate et sorti les pans de sa chemise de son pantalon noir. Il ne semblait pas souffrir du froid et ses joues étaient roses, probablement à cause de l'alcool. Il n'avait pas vu Harry qui approcha sans vraiment savoir ce qu'il faisait ni pourquoi il le faisait. Il s'installa sur une balançoire à droite de celle de Draco.
"Tu ne danses pas ?" Demanda Harry en se maudissant de poser des questions aussi idiotes.
Draco ne daigna pas lever les yeux. Il tira longuement sur sa cigarette, puis il secoua la tête. Un lourd silence tomba entre eux et cela mit Harry mal à l'aise. C'était lui qui voulait chasser Draco de sa vie et pourtant, il tentait de briser la glace pendant que Draco se plongeait dans la contemplation du bout incandescent de sa cigarette.
"Tu penses que Rogue lèvera le sortilège de Blaise avant demain ?
- J'en doute, répondit enfin Draco. Ecoute, Potter, ça va être dur pour moi de ne pas te parler si tu me mitrailles de questions.
- Je suis désolé. J'ai dit ça à Ron sous le coup de la colère.
- Aussi étonnant que cela puisse paraître, je comprends ta réaction même si elle m'énerve, admit Draco en expirant un mince filet de fumée. Si quelqu'un doit s'excuser ici, c'est moi et pourtant tu sais certainement à quel point j'ai horreur de ça. Ma visite chez toi m'a fait réfléchir à m'en coller la migraine. Je n'avais jamais pensé que tu puisses m'en vouloir à cause de ma façon d'avoir mis notre relation entre parenthèses et je réalise qu'en effet, te quitter par le biais d'une lettre méritait bien ta rancune. J'ai agi comme un gros con.
- Comme un lâche plutôt...
- Oui, je le reconnais. Cela dit, reconnais que tu m'aimes toujours. Tu ne réagirais pas de manière aussi épidermique autrement. Je me trompe ?"
Il écrasa soigneusement son mégot avant de se tourner vers Harry et plonger ses yeux dans les siens. Harry était troublé, c'était indubitable mais ses réticences perduraient malgré les battements sourds de son coeur. Il était temps pour lui de regarder la réalité en face et d'admettre l'inadmissible, ce qu'il fit à voix haute.
"C'est vrai, admit-il, je t'aime toujours. Mais ça passera...Il faut que ça passe.
- Je ne vais pas te supplier, lança Draco en allumant une seconde cigarette, mais je voudrais savoir pourquoi tu refuses d'écouter tes sentiments. Pour ce que j'en ai vu dans la Pensine, tu es plutôt du genre à faire taire la voix de la raison et à foncer, alors pourquoi tu ne fonces pas avec moi ?
- Parce que je l'ai déjà fait et que je suis allé droit dans le mur. Je n'ai plus aucune confiance en toi et, pour moi, c'est une entrave majeure, expliqua Harry en maîtrisant tant bien que mal le tremblement dans sa voix. Je ne vais pas te mentir, je te trouve encore plus séduisant qu'avant si c'est possible, et j'ai toujours envie d'en savoir plus sur toi mais je m'interdis de céder à la tentation. Tu m'exaspères au plus haut point, Draco.
- Tu as le mérite d'être franc. Il y a tout de même une chose qui me dérange largement chez toi, Harry Potter. C'est ta manière de tirer un trait sur quelque chose de beau, juste parce que tu veux te protéger. D'accord j'ai fui en te laissant une lettre, ce qui, effectivement, est infecte. Mais c'était il y a trois ans et j'ai pris du plomb dans la tête depuis, mais tu ne m'accordes même pas le bénéfice du doute. Tu as une drôle de façon d'envisager l'amour...Comme une maladie dont on guérit avec le temps. Ou alors c'est un traitement de faveur que tu me réserves.
- C'est un traitement de faveur que je te réserve, confirma Harry. Je sais qu'aimer, c'est aussi accepter les défauts de l'autre, mais toi tu m'en as trop fait.
- C'est sûr que tu es une vraie oie blanche comparé à moi, petit Saint. Si je ne m'abuse, tu as quand même couché avec mon père sans te rendre compte qu'il ne s'agissait pas de moi...Tu ne m'en as pas fait peut être ?
- Cesse de retourner la situation à ton avantage ! Tu ne savais pas ce qui c'était passé entre nous avant le mois dernier !
- Ok, tu as raison, j'arrête les frais. Je me suis assez aplati devant toi. Je te souhaite une longue et paisible vie, avec un mec tout lisse, qui dira "amen" à tout.
- Ce n'est pas ce que je veux.
- Alors qu'est ce que tu veux, bon sang ?
- Je veux que tu sortes de ma tête ! S'écria Harry en se levant d'un bond. Je veux pouvoir t'oublier et passer à autre chose mais depuis ton retour, tu accapares la moindre de mes pensées ! Tu fais chier Malfoy !
- Bienvenue dans mon monde, ironisa Draco. Moi ça fait trois ans que je ressasse ce que je ressens pour toi, tu ne crois pas que ça m'épuise aussi ?
- Je m'en fiche." Lança Harry en faisant demi tour pour remonter le chemin en direction du Manoir.
Il ne pouvait pas rester avec Draco. A chaque seconde, il sentait sa volonté faiblir et le désir de serrer Draco contre lui se faisait pressant. Il ne pouvait pas céder, il avait bien trop peur de ce qui pourrait arriver s'il se laissait aller. Il marcha rapidement jusqu'à la maison et, au moment où il se croyait hors d'atteinte, Draco lui attrapa le bras. Il le força à lui faire face puis il le plaqua sans ménagement contre le mur extérieur, les deux mains pesant sur les épaules de Harry.
"Si mes mots n'ont aucun sens pour toi, haleta Draco, peut être que ça, tu le comprendras."
Malgré la pression presque douloureuse de ses mains sur les épaules de Harry, ses lèvres se posèrent avec délicatesse sur celles du Survivant qui, à leur contact, sentit un courant électrique le traverser de part en part. C'était un baiser chaste et léger, aucunement intrusif, un baiser pour dire "je t'aime" et surtout pas "j'ai envie de toi." Cela faisait longtemps que personne n'avait embrassé Harry de cette manière...Si Harry était complètement honnête avec lui-même, Draco avait toujours été le seul à l'embrasser de cette manière et à faire ainsi flancher toutes ses résistances. Au bout d'à peine quelques secondes, Draco éloigna son visage de celui de Harry et il posa la main sur sa joue.
"Donne moi une seule occasion de te montrer qui je suis devenu, plaida-t-il avec une fierté immense dans les yeux. Accepte un dîner avec moi, dans un restaurant, sans aucune intimité possible. Je ne tenterai rien, je souhaite juste qu'on puisse se parler."
L'esprit de Harry hurla "NON !" mais son coeur chantait une chanson tout à fait différente.
"D'accord pour une soirée, souffla-t-il.
- Mardi ?
- Impossible, j'ai entraînement de Quidditch. Vendredi soir me conviendrait mieux.
- Alors je passerai te chercher vendredi à dix neuf heures," déclara Draco avec un sourire plein de tendresse, un sourire qui rappela à Harry tous les bons moments qu'il avait pu connaître avec le blond.
Ils retournèrent dans la salle de bal où ils se séparèrent. Draco rejoignit Sirius avec qui il discuta longuement pendant que Harry retrouvait Blaise, plus hilare que jamais, alors que Charisma, Hermione et Vincent usaient du vocabulaire le plus vulgaire possible pour le pousser à la faute verbale.
« Elle est classe ma Hermione, hein ? Demanda Ron avec une moue écoeurée.
- Ses profs de fac ne la reconnaîtraient pas s'ils étaient là, railla Harry sans pouvoir s'empêcher de chercher Draco du regard. En attendant, je constate que Blaise et Charisma se sont bien trouvés, elle est très inventive. C'est quoi exactement « bite à dents crochues ? »
- Aucune idée, reconnut Ron avec un sourire amusé. Probablement un synonyme de « Blaise. »
- Je ne nous savais pas pourvus de dents à cet endroit précis de notre anatomie, intervint Dumbledore avec un sourire indulgent. On en apprend tous les jours. »
Harry et Ron éclatèrent de rire, se tenant l'un à l'autre comme deux ivrognes à l'équilibre précaire et cette nuit là, lorsqu'il rentra chez lui, Harry se sentait heureux. Il avait passé une excellente soirée et il avait commencé à découvrir une facette de Draco qu'il ne connaissait pas.
Ce que Draco semblait prendre pour de la faiblesse, pour une perte de sa fierté constituait, pour Harry, une preuve irréfutable de sa force. Selon lui, Draco ne s'était aplati à aucun moment devant lui depuis son retour, au contraire. Il affrontait les conséquences de ses actes précédents, il savait ce qu'il voulait et il n'hésitait pas à se battre avec dignité pour recoller les morceaux d'une relation qu'il avait lui-même brisée. Harry l'admirait pour ça.
C'était comme si toute la rancœur et la haine qu'il pensait éprouver s'étaient envolées à la seconde où Draco s'était enfin excusé ; comme si Harry avait passé ces trois années à attendre ces excuses. Il en avait besoin pour avancer et pour pouvoir regarder Draco autrement que comme celui qui avait mis son cœur en miettes.
Harry se surprit à penser qu'avec le temps, il finirait peut être par lui faire confiance à nouveau et il attendit vendredi avec une certaine curiosité, mêlée à de la fébrilité. Sa curiosité fut loin d'être satisfaite car vendredi soir, Draco ne vint pas. Harry était dans une rage telle qu'à deux heures du matin, il lança à distance un sortilège de boutons purulents au visage de Draco. Il ne vérifia pas si cela avait fonctionné en se rendant chez Draco, il savait pertinemment qu'il était l'un des seuls capables de lancer avec succès un sortilège à distance.
Il passa la nuit à ressasser sa déception et sa colère, les dents serrées, le cœur battant, les mains tremblantes, en se jurant que cette fois, tout était bel et bien terminé entre Draco et lui. Il se souvint que lors de leur première fois ensemble, il s'était dit que jamais il ne pourrait toucher ou goûter un autre homme et pourtant, il l'avait fait, avec un nombre considérable de partenaires et il n'avait jamais pu retrouver les mêmes sensations qu'avec Draco, comme si la texture et la saveur de sa peau étaient gravées en Harry et qu'aucune autre peau ne pouvait soutenir la comparaison. Harry poussa un long soupir dans le noir. Cela signifiait-il qu'il était condamné à ne se contenter que d'à peu près sans Draco ? Il se sentait maudit en amour et cela le déprimait totalement.
Le samedi suivant les fiançailles, Severus Rogue était paisiblement installé dans son fauteuil en cuir, un livre de psychomagie à la main. Il cherchait toujours un moyen de rendre à Sirius son précieux pouvoir d'Animagus, et il préférait largement faire des recherches plutôt que d'imaginer Sirius enlaçant Apollonia Mc Gonagall. Cette vision le détruisait peu à peu, et il ne parvenait pas à trouver une solution acceptable pour ne plus aimer Sirius en silence. La seule chose qu'il pouvait faire, c'était se montrer plus distant et encore plus froid avec le dernier des Maraudeurs, lui en vouloir parce qu'il ne l'aimait pas en retour. Après tout, tout était de la faute de Sirius. Avait-il besoin d'être supérieurement intelligent, prodigieux en tant que sorcier, plein d'humour, désespérément beau ? En tout cas, il était tout ça pour Severus.
Une nouvelle migraine pointait à l'horizon et Severus préféra prendre une potion pour la contrecarrer au plus vite.
Il avait menti à Sirius lorsqu'il lui avait dit qu'il n'était pas allé voir Mme Pomfrey. Il s'était rendu à l'infirmerie, et il savait parfaitement de quoi il souffrait. Une tumeur maligne s'était installée dans son cerveau. Il n'y avait rien à faire, l'issue était inévitable. Il lui restait un an à vivre, tout au plus. Seules les potions contre la migraine mêlées à des infusions spéciales lui permettaient d'en ralentir la progression ainsi que les effets. Mais aucun sortilège, aucune potion ne le soignerait totalement et, le jour venu, il s'éteindrait.
A l'annonce du verdict, il n'avait même pas cillé. Il s'était contenté de demander à Mme Pomfrey de garder le secret absolu, puis il était retourné dans les cachots afin de préparer son cours du lendemain. Il réalisait pleinement ce qui lui arrivait mais puisqu'il n'y avait rien à faire, il refusait de dépenser son énergie à se battre contre la fatalité. Après tout, il n'avait jamais vraiment vécu pleinement alors à part pour Draco et Sirius, il n'avait pas raisons particulières de se raccrocher à la vie. Il avait juste projeté qu'avant de mourir, il embrasserait Sirius, il lui laisserait deviner à quel point il l'aimait. Et même s'il détestait le savoir avec Apollonia Mc Gonagall, cela le rassurait de se dire que Sirius ne serait plus seul.
Il était en train de nettoyer la fiole lorsqu'une succession de coups se firent entendre à sa porte. Il se promit que s'il s'agissait d'un élève, il le collerait en retenue jusqu'à la fin de l'année scolaire. Il ouvrit la porte en prenant son air le plus glacial mais il ne put masquer sa surprise en voyant Sirius. L'Animagus semblait totalement dépassé.
"Quelle est l'urgence, Black ? Demanda posément Severus.
- Il me faut une potion de sommeil au plus vite, répondit Sirius en rejetant en arrière sa longue chevelure, geste que Severus trouvait d'une sensualité presque indécente.
- C'est pour toi ?
- Non, pour c'est pour le petit cafard beuglant qui sert de fils à Draco. Il va me rendre dingue avec ses miaulements désespérés.
- Dis moi que je ne suis pas victime d'hallucinations auditives...Tu veux te servir une potion pour faire taire un enfant ? Toi, monsieur "je suis le copain de tout le monde" tu n'arrives pas à venir à bout d'un gamin de trois ans ?
- Sache, Severus, que je me passerais volontiers de tes commentaires désobligeants. Ce môme est une plaie, il ne fait que pleurer depuis que Blaise l'a déposé chez moi tout à l'heure.
- Normal, c'est un mini Serpentard et dormir chez les Gryffondor a de quoi le traumatiser à vie. Oublie la potion, je vais me charger de lui. J'ose espérer que tu ne l'as pas laissé tout seul là haut.
- Je ne suis pas stupide à ce point, remarqua Sirius en précédant Severus dans les escaliers, j'ai puni un élève de Poufsouffle qui traînait dans les couloirs. Il garde Kieran en ce moment même."
Severus hocha la tête et il suivit Sirius sans ajouter un mot. Il se rendit compte de l'étendue du problème en approchant des appartements du Directeur de la maison Gryffondor. La cacophonie qui en provenait était impressionnante.
"Je veux rentrer ! Entendit Severus. Je veux mon papa ! Et toi t'es pas beau !"
Il pénétra dans le salon où Kieran sautait à pieds joints sur le canapé, les yeux pleins de larmes de rage. Sirius remercia l'élève qui fila sans demander son reste, trop heureux de rejoindre ses camarades dans les dortoirs de Poufsouffle. Sirius se tourna alors vers Severus, attendant visiblement que Severus subisse la même débandade que lui avec l'enfant. Le professeur de Potions croisa les bras sur son torse et il toisa Kieran en silence avec un self control qui impressionna Sirius. Le dernier des Malfoy jeta un livre à terre pour défier Severus mais déjà, ses cris avaient cessé et il se tint bientôt calme, effrayé par le visage impassible qui scrutait la moindre de ses actions. Il connaissait ce genre de comportement glacial, son père avait le même et cela l'intimidait au plus haut point. Il descendit du canapé et, contre toute attente, il vint se blottir contre les jambes de Severus qui le prit dans ses bras afin de le porter dans la chambre. Il l'allongea sur le lit et aussitôt, Kieran se mit à sucer son pouce, les paupières lourdes, fatigué d'avoir tant hurlé.
"Je veux mon papa," gémit-il.
Le regard de Severus s'emplit alors d'une tendresse que Sirius n'avait jamais vue auparavant, parce qu'il ne s'apercevait jamais de la manière dont Severus le fixait parfois. Il passa ses doigts dans les fins cheveux bruns de l'enfant en soupirant.
"Ton papa ne t'as pas abandonné, Kieran, et tu le sais autant que moi. Tu es là parce qu'il ne peut pas faire autrement pour l'instant mais tu retourneras vite chez lui, promit Severus d'une voix grave et douce qui fit tressauter le coeur de Sirius. A présent, je voudrais que tu te reposes. Tu n'es pas obligé de dormir, ferme juste les yeux et repose toi.
- Moi j'ai pas sommeil," murmura Kieran en obéissant néanmoins à Severus.
Au bout d'à peine quelques minutes, la respiration de Kieran se fit régulière et il lâcha la main de Severus. S'il n'avait pas eu peur de réveiller Kieran, Sirius aurait applaudi à tout rompre. Il fit signe à Severus de le rejoindre dans le salon et, une fois la porte de la chambre fermée, il remercia Severus.
"Il n'y a pas de quoi, répondit Severus. Le coup du "ferme les yeux et repose toi si tu ne veux pas dormir" est imparable. Je le faisais tout le temps à Draco quand il était petit.
- J'ai du mal à t'imaginer en nounou bienveillante mais je dois avouer que ton truc est d'une efficacité redoutable. On boit un verre ?
- Voilà une proposition qui ne se refuse pas, plaisanta Severus en prenant place sur le canapé. Mais s'il te plaît, évite tes cocktails moldus étranges et contentons nous d'un Whisky Pur Feu."
Sirius acquiesça avec un sourire entendu et il servit les boissons, accompagnées de biscuits à l'aspect douteux. Severus reconnut les pâtisseries qu'Hagrid affectionnait tant et il éclata d'un rire discret.
"Je viens de te sauver la mise avec le gamin et toi, tu cherches à me tuer ?
- Non, rétorqua Sirius avec son rire tonitruant, j'essaie juste d'écouler le stock qu'il m'a refilé cet après midi."
Il ôta sa robe de sorcier pour être plus à l'aise et Severus eut du mal à ne pas détailler avec trop d'insistance son corps moulé dans un jean noir et tee-shirt gris qui l'avantageaient beaucoup trop à son goût. En trois ans, Sirius avait repris du poids, juste assez pour passer de "squelettique" à "trop mince." Son visage n'était plus émacié mais il restait marqué par les années passées à Azkaban. Severus toussota pour masquer son trouble et il tourna la tête sur le côté pour ne pas voir Sirius s'asseoir à côté de lui. Il ne portait pas d'eau de toilette mais il sentait pourtant divinement bon.
"Si tu veux, je peux garder Kieran pendant que tu vas voir ta dulcinée, déclara Severus en buvant une gorgée de Whisky.
- Tu as un wagon de retard, Sev', fit remarquer Sirius avec détachement. Apollonia et moi avons rompu le soir des fiançailles de Blaise.
- Je l'ignorais, en effet," dit Severus sans vraiment savoir ce qu'il ressentait à l'annonce de cette nouvelle. Un peu de joie, certainement, mais aussi de l'abattement, parce que cela ne changeait rien à la situation. "En tout cas, je suis désolé que ça n'ai pas marché.
- Désolé...Mon oeil. Tu ne supportais pas Apollonia.
- Je n'avais pas d'affinités particulières avec elle mais de là à affirmer que je ne la supportais pas...Une fois encore, tu tires des conclusions hâtives. Que s'est-il passé ? Elle n'en pouvait plus de tes aboiements nocturnes ?
- Comment quelqu'un d'aussi intelligent que toi peut-il se montrer aussi con ? Interrogea Sirius en se resservant un verre de Whisky. Pour tout te dire, c'est moi qui l'ai quittée, tout simplement parce que ce n'est pas avec elle que j'ai envie d'être.
- On ne fait pas plus concis comme explication. J'espère que tu ne lui as pas dit ça.
- Si, en fait, et depuis, elle me déteste un tout petit peu.
- Tu m'en vois ébahi, ironisa Severus avec un rictus moqueur.
- Que voulais tu que je fasse ? Je n'allais pas lui mentir quand même ! C'est une femme formidable, cela va sans dire, mais je ne suis pas amoureux d'elle.
- Peut être qu'avec le temps...
- ça suffit, coupa Sirius hors de lui. Je ne comprends pas pourquoi soudain, tu prends sa défense alors que tu ne t'es pas gêné pour la traiter d'hippopotame !
- Je ne veux pas que tu aies à regretter un jour ta décision, c'est tout. Tu es quand même doué pour agir sans réfléchir.
- Tu as quoi dans le coeur, une pierre ? L'amour ne se réfléchit pas, Severus, il se vit, il se ressent et je ne ressentais rien pour Apollonia. Elle est jeune, elle est charmante, elle mérite mieux que quelqu'un qui pense à toi quand il la serre dans ses bras.
- Pardon ? Demanda Severus d'un air stupéfait. Que viens tu de dire ?"
Sirius ouvrit la bouche, puis il la referma immédiatement, réalisant à peine ce qu'il venait de faire. Il tenta de trouver une parade le plus vite possible, mais rien ne vint. Severus plongea ses yeux noirs incrédules dans les siens.
"Que viens tu de dire ? Réitéra Severus.
- Je...Je viens de dire "dans ses bras."
- Avant, Sirius. Qu'as tu dit avant cela ? Insista Severus avec le sourire le plus tendre que Sirius avait jamais vu.
- Tu as très bien entendu, Severus. Ne me force pas à le répéter, c'est humiliant. Qu'est ce qu'on fait maintenant ?
- Toi, je ne sais pas, murmura Severus d'une voix rauque, mais moi..."
Il laissa sa phrase en suspend alors que ses mains prenaient celles de Sirius. Pour la première fois, il s'autorisa à laisser tomber son masque en permettant à Sirius de lire sur son visage tout l'amour qu'il éprouvait pour lui. Il voulait agir comme s'ils avaient un avenir ensemble, comme si la tumeur n'existait pas, même si c'était elle qui le poussait à agir avant qu'il ne soit trop tard. Il approcha lentement ses lèvres de celles de l'Animagus et lorsqu'elles se touchèrent, un feu d'artifice explosa dans sa tête. Il ne pouvait pas croire ce qui lui arrivait, mais il refusa de se poser des questions. Il s'en était bien trop posées. Il était tenté de serrer Sirius contre lui aussi fort qu'il le pouvait, de le toucher partout, juste pour s'assurer que c'était bien lui qui l'embrassait mais, au lieu de cela, il entremêla ses doigts à ceux de Sirius et il ouvrit un peu la bouche pour laisser la langue de l'Animagus jouer avec la sienne.
C'était comme si toutes ces années passées à rêver de Sirius s'envolaient et que l'homme qu'il aimait se matérialisait pour la première fois devant lui. C'était une sensation tellement douce, tellement bonne, qu'il aurait pu se contenter de ce baiser et être heureux. Il avait peur aussi. Peur de ce qui allait arriver par la suite. Peur que Sirius le laisse accéder au bonheur de le toucher pour ensuite revenir sur sa décision.
Sirius lâcha ses mains pour prendre son visage en coupe et il mit fin au baiser pour plonger son regard gris directement dans l'âme de Severus.
"Je ne suis pas doué en matière de relations humaines," murmura-t-il d'une voix rauque.
Severus esquissa un sourire amusé alors que la saveur de Sirius perdurait sur ses lèvres.
"Moi non plus, tu l'auras remarqué." Répondit-il.
Il se garda bien d'ajouter : "tout ce que je sais, c'est que je t'aime."
Sirius lui renvoya un sourire éclatant, balayant ainsi ses craintes. Il embrassa à nouveau ses lèvres en exerçant cette fois, une pression sur les épaules de Severus afin de l'allonger sur le canapé. Ce n'est qu'à ce moment là que Severus s'aperçut à quel point son désir était vibrant, presque douloureux. Il agrippa la nuque de Sirius pour le tirer vers lui, jusqu'à ce que son corps recouvre le sien.
"Oh Merlin," Souffla-t-il, perdu dans les sensations nouvelles qui prenaient possession de lui alors qu'un autre homme se couchait contre lui. Jamais, même dans ses fantasmes les plus vivants, il n'avait imaginé qu'on puisse perdre pied pour si peu.
Il reprit ses esprits lorsque la main de Sirius glissa sur la peau de son torse nu...Comment l'Animagus avait-il fait pour ouvrir sa robe et sa chemise sans que Severus s'en rende compte ? Enhardi par l'audace de Sirius, Severus poussa un léger gémissement de plaisir en sentant ses propres doigts s'insinuer sous le tee-shirt gris. La peau de Sirius était chaude, délicieuse au toucher et Severus préféra occulter le fait que ses os étaient encore bien trop saillants. Rapidement, il se débarrassa du tee-shirt et le torse nu de Sirius caressa le sien alors que leurs bouches restaient scellées en un baiser vertigineux.
Pressé d'en découvrir plus, Sirius prit l'initiative d'ouvrir le pantalon du professeur de Potions qui sentit son excitation atteindre un niveau supérieur. Sirius se releva pour faire glisser le pantalon le long des jambes de Severus et pour ôter le sien au passage. Il resta un instant debout à contempler son partenaire puis il s'allongea à nouveau sur lui, simplement vêtu de son boxer.
"Le gamin, chuchota Severus en essayant de ne pas penser à l'érection de Sirius qui frottait doucement la sienne.
- Hein ? Répondit Sirius en embrassant son cou.
- Kieran...Dans la chambre...Il risque de nous entendre.
- Et merde, lâcha Sirius en se relevant. Je l'avais totalement oublié ce pauvre gosse. Ne bouges pas d'ici."
Il saisit sa baguette magique et il quitta le champ de vision de Severus. Il revint au bout d'à peine deux minutes, un sourire charmeur aux lèvres.
"Où en étions nous ? Demanda-t-il en couvrant à nouveau le corps de Severus avec le sien.
- Qu'est ce que tu as fait ?
- J'ai jeté un sortilège pour insonoriser la chambre, et pour qu'une sonnerie nous prévienne si Kieran tente d'en sortir.
- Elémentaire, mais efficace," admit Severus en enfouissant ses doigts dans la chevelure de Sirius.
Combien de fois avait-il rêvé d'exécuter ce geste depuis qu'il connaissait Sirius ? A présent, il trouvait presque naturel de passer sa main dans les cheveux de l'homme qu'il aimait. Tout semblait couler de source, tout semblait si simple et si compliqué à la fois...Severus adorait ça mais ce qu'il aimait par dessus tout, c'était de lire la passion teintée de tendresse dans les yeux de Sirius. L'Animagus se mit à lentement onduler des hanches sur Severus qui dû se mordre la lèvre pour ne pas gémir de plaisir. C'était beaucoup trop pour lui qui était habitué à recevoir si peu. Sirius mordillait son oreille alors que le mouvement de son bassin provoquait des chocs électriques dans tout son corps. C'était beaucoup trop...
"Sirius, arrête, ordonna Severus en haletant. Je vais..."
Il était déjà trop tard. Sirius avait bougé une fois de trop et Severus se répandit en fermant les yeux, le rouge aux joues. Une main caressa ses cheveux, un souffle aux effluves de Whisky Pur Feu chatouilla ses lèvres. Sirius embrassa délicatement ses paupières closes.
"Ce n'est rien, Sev', murmura-t-il contre sa bouche. Regarde moi."
Severus ouvrit les yeux et Sirius lui fit un sourire dénué de toute moquerie.
"Ce n'est rien du tout, répéta-t-il en serrant Severus contre son torse. Nous avons tout le temps."
Severus huma longuement la peau de Sirius, ce qui l'aida à se détendre et à se donner l'illusion qu'effectivement, ils avaient tout le temps. Il restait pourtant affreusement gêné et il préféra s'éclipser dans la salle de bains pour se redonner une contenance. Il entra dans la cabine de douche, laissant le jet d'eau laver toute trace de son humiliation. Il se sentait un peu mieux lorsque Sirius le rejoignit, et au moment où l'Animagus l'embrassa, il oublia tout, s'abandonnant entièrement dans ses bras.
C'est là qu'ils firent l'amour pour la première fois. Severus, les mains plaquées sur les carreaux de faïence, les reins cambrés, la tête en arrière, le souffle court ; Sirius le torse collé au dos de Severus, les mains enserrant son torse avec force, sa bouche dévorant la nuque du professeur de Potions.
Ils s'enlacèrent ensuite sur le canapé, Sirius lové dans les bras de Severus, cédant lentement à la douce torpeur qui les enveloppait.
"Harry ne devra rien savoir, prévint soudain Sirius en gardant les yeux fermés. Il en serait malade s'il l'apprenait.
- Loin de moi le souhait de coller la nausée à ce petit dictateur prétentieux qui pense qu'il a son mot à dire dans tes relations.
- Tu peux parler ! Draco a passé son temps à jouer les entremetteurs entre nous !
- Mais lui, c'était parce qu'il savait que je t'ai...Que tu me plaisais. Bref, tu deviens toujours nerveux quand on ne couvre pas ton cher filleul de louanges alors contentons nous de dire que ce qui se passe entre nous ne regarde que nous."
Sirius hocha la tête en sachant que jamais ils ne seraient d'accord concernant Harry. Son filleul était et resterait un sujet de discorde, mais tant que Severus ne l'accablerait pas, tout se passerait certainement bien. Sans le savoir, Sirius et Severus s'endormirent avec la même pensée en tête : éviter de trop parler de Harry. Sirius, pour éviter le conflit, Severus parce qu'il n'avait pas de temps à perdre en discussions stériles. Il voulait vivre chaque instant auprès de Sirius, quitte à faire les plus de concessions possibles et à laisser de côté sa fierté.
Le lendemain, Severus ouvrit les yeux, un vide au creux des bras. Il chercha Sirius du regard et, voyant de la lumière émaner de la salle de bain, il s'y aventura. Il trouva Sirius ne portant rien d'autre qu'un jean, prostré devant le miroir, un air de dégoût sur le visage.
Si seulement il pouvait se voir avec mes yeux, pensa Severus
Il se posta à côté de Sirius, sans le toucher, sans dire un mot. L'Animagus ne se tourna pas vers lui, trop absorbé par l'image que lui renvoyait le miroir. Il avança lentement la main et il la passa sur le reflet de son visage. Au bout d'un long moment de silence, il articula d'une voix éteinte :
"J'étais beau avant.
- Tu l'es toujours, répondit Severus (Sirius haussa les épaules.) Tu sais ce que je vois ? Je vois un homme naturellement élégant, incroyablement doué pour la magie...Et pour le reste. Tu peux faire ce que tu veux, et penser ce que tu veux, Sirius, mais pour moi, tu es d'une beauté rare (Il parlait sèchement à présent, comme s'il tentait de faire entrer une formule dans le crâne d'un élève borné.) Je crois que tu perds ton énergie à tenter de retrouver le gamin que tu étais. Il n'est pas mort ce gamin, il a juste grandi et voici l'adulte que tu es devenu...Et il est beau cet adulte, parce qu'à l'intérieur, il est d'une générosité, d'une bonté, d'un altruisme rares. Ne me forces pas à partir dans une envolée lyrique et crois moi sur parole."
Le visage de Sirius se teinta d'un sourire sans joie.
"Tu sais qu'au fond, tu es un homme gentil, Severus ?
- Jamais de la vie, grogna Severus en se glissant derrière Sirius pour l'étreindre tendrement. Kieran va bientôt se réveiller.
- Oui, acquiesça Sirius en se retournant pour embrasser ses lèvres. Ses grands parents viennent le chercher à neuf heures. Nous avons donc toute la journée, si tu es libre.
- Je ne suis pas libre, j'ai rendez vous avec toi." Rétorqua Severus en enlaçant sa taille.
Lundi, alors que Sirius et Severus jouaient aux amoureux discrets en profitant d'un moment de solitude dans la salle des professeurs pour s'embrasser passionnément, Harry se rendait chez Blaise pour prendre le thé. Le jeune homme fraîchement fiancé voulait montrer à Harry les dépliants du voyage en Egypte qu'il comptait offrir à Charisma pour Noël.
"Hermione va te tuer si tu sèches les cours pour ça, remarqua Harry en pénétrant dans la maison.
- Elle peut causer, la semaine dernière elle n'est pas venue en cours de Diplomatie Sorcière simplement parce qu'elle avait envie de se taper son rouquin tatoué !
- Tu déteins sur elle, ça craint, plaisanta Harry en s'installant sur le canapé du salon où traînaient des jouets d'enfant. Je vois que ce n'est pas pour me faire baver devant ton futur voyage en Egypte que tu as manqué la fac. Tu es encore de corvée de baby sitting.
- Kieran est parti il y a une heure mais je n'ai pas rangé. Les parents de Cho me l'ont laissé, le temps de faire quelques courses parce que je te jure, les courses avec Kieran se résument à le traîner par le bras pendant qu'il se roule par terre en hurlant "je veux je veux je veux !" Il est dans sa période "je veux" en ce moment.
- Donc, ce sont les grands parents qui se coltinent le gamin de Draco, lança Harry avec mépris. On va l'élire père de l'année celui là. Il s'occupe de son gosse parfois ou la tâche est trop difficile pour lui ?"
Blaise soupira, irrité par les propos de Harry. Il sembla peser le pour et le contre avant d'exprimer malgré tout le fond de sa pensée.
"T'es un chieur, Potter. Je comprends que tu en veuilles toujours à Draco de t'avoir largué avec une lettre à la con. A ta place, je serais allé le sortir de Durmstrang et j'aurais bouffé ses couilles en salade, accompagnées d'huile d'olive et de mozzarella. Mais vous êtes adultes maintenant, il fait tout ce qu'il peut pour se montrer à la hauteur. Il faut vraiment que tu grandisses, Harry, et que tu admettes une bonne fois pour toutes que Draco n'est pas le monstre que tu vois en lui. Ce n'est quand même pas de sa faute s'il a chopé la mononucléose, merdasse !
- Il a quoi ?
- La mononucléose, répéta Blaise en servant le thé. Cette saloperie de maladie virale qui te colle une fièvre de cheval, qui te fait dormir toute la journée et qui te laisse fatigué pendant parfois plusieurs mois. C'est hyper contagieux, alors forcément, Draco ne veut pas que Kieran la chope...Tu as raison, quel salaud de père ! Il refuse que son gamin soit malade, dis, t'as raison, quel enfoiré !
- ça va, Blaise, j'ai compris. Je ne savais pas qu'il était malade.
- Il l'est, et pas qu'un peu. Ça fait une semaine qu'il dort. Depuis qu'il a été opéré par ces chirurgiens moldus, il est comme un moldu, il attrape toutes les couillonnades virales qui passent."
Harry n'eut pas besoin de faire le calcul. Si Draco était malade depuis une semaine, il était logique qu'il ne puisse pas venir le chercher comme convenu. Harry se sentait honteux de s'être immédiatement énervé sans avoir cherché à savoir si un problème avait empêché Draco de se rendre à leur rendez vous. Il baissa les yeux sur sa tasse en marmonnant :
"Il aurait quand même pu me prévenir...Ou l'un d'entre vous aurait pu me prévenir.
- Pourquoi donc ? Je croyais qu'il ne fallait pas parler de Draco.
- C'était le cas avant, mais depuis les fiançailles, on a mis les choses à plat. Vous auriez dû me le dire.
- Ah ben ouais ! Comment voulais-tu qu'on sache que vous aviez enterré la hache de guerre ? Samedi soir, vous étiez loin d'avoir passé votre temps à vous contempler comme des crapauds morts d'amour ! Vous aviez l'air de vouloir vous sauter à la gorge, pas au paf ! Draco ne m'a pas parlé de vos conversations secrètes - il nous vire de sa chambre dès qu'il émerge car il ne veut pas nous contaminer - et toi non plus tu n'en as pas parlé autrement Ron ou Herm' t'auraient prévenu. Ne nous reproche pas le fait que tu es encore monté dans les tours au lieu de te renseigner sur les raisons de l'absence de la Belle au Bois Dormant à votre rencart. Et puis franchement, vu la gueule qu'il se paie le pauvre, mieux vaut pas que tu le voies.
- Comment ça ? Demanda Harry de plus en plus intrigué.
- Il fait une poussée d'acné, ou je sais pas quoi, il a des boutons pleins la figure."
Harry poussa une exclamation avant de mettre la paume de sa main sur sa bouche. Blaise lui lança un regard outré en reposant lentement sa tasse de thé.
"Par mes Burnes Toutes Puissantes, Harry ! Ne me dis pas que c'est toi qui as fait ça !
- Si. J'avais totalement oublié ce petit détail.
- Petit détail ! Tu l'as défiguré gros débile ! Tu es mon ami, Harry, et par respect pour cette amitié, je ne vais pas te mettre mon pied au cul, ni t'ouvrir la boîte crânienne pour cracher sur ton cerveau...Par respect pour cette amitié, et aussi parce que je n'ai pas envie que tu t'en prennes à Ava et Rada.
- Ne t'en fais pas pour tes précieuses testicules, je n'ai aucune envie d'y toucher, même avec la magie, assura Harry sans pouvoir retenir un sourire amusé. Je mérite des coups de pied au cul, c'est clair.
- Oui, mais si tu arrêtais là le mea culpa et que tu retirais cette connerie de sortilège ?"
Harry hocha la tête et il fit tournoyer sa baguette magique quelques secondes.
"C'est fait.
- Par toutes les vaches constipées de la planète, tu es trop fort comme sorcier !
- Oui, mais je suis trop minable comme mec parfois, précisa Harry avec une mine contrite.
- Ne sois pas trop dur avec toi même. Tu as été échaudé, et Licorne échaudée craint l'eau froide paraît-il.
- On dit ça pour les chats.
- Ouais, ben t'es pas un chat, vieux."
Harry éclata de rire, bientôt suivi par Blaise. Il resta encore une heure chez lui, puis, n'y tenant plus, il prit congé pour se rendre chez Draco où il fut accueilli par Alf, l'elfe qui s'occupait de Kieran le soir des fiançailles.
"Draco Malfoy est très malade, gémit Alf en conduisant Harry dans le salon. Il ne veut voir personne mais vous allez le sauver, Harry Potter ?
- Il n'a pas ce pouvoir, Alf," déclara Declan en entrant, une tasse de café fumante à la main.
Alf poussa un autre gémissement désespéré en sortant de la pièce.
"Il a du mal à comprendre que Draco n'est pas à l'article de la mort, plaisanta Declan en tendant sa tasse à Harry qui déclina l'offre. Il a raison sur un point cependant. Draco ne veut pas de visites, mais sommes nous obligés de lui obéir aveuglément ? Je ne crois pas.
- Ecoute Declan, pour ce qui est arrivé la dernière fois, je suis vraiment...
- Je sais, coupa Declan avec un petit sourire entendu. Je ne te blâme pas pour ça, rassure toi. On m'a dit que tu avais tenté de faire lever les sanctions contre moi, j'apprécie. Mais je comprends que tu ais pété un câble, moi aussi j'aurais fait pareil si j'avais entendu une rumeur disant que ma copine allait se fiancer avec un autre mec, super sexy de surcroît."
Harry émit un rire discret en acquiesçant. En le regardant bien, Harry ne pouvait nier que Declan était effectivement bel homme.
"Puisque tu es là, je vais me retirer et essayer d'expliquer à ma copine que Draco n'est qu'un ami, poursuivit Declan avec un rire communicatif. Elle s'est foutue en tête que si je m'inquiète pour lui, c'est parce que je suis amoureux et que je m'évertue à nier mes sentiments. Elle est folle, mais adorable ma Luna."
Harry sursauta, et un large sourire apparut sur son visage.
"Luna ? Luna Lovegood ?
- Oui, Blaise nous a présentés l'année dernière. C'est un sacré petit bout de femme.
- Elle est...Etonnante, en effet. Passe lui le bonjour de ma part.
- Je n'y manquerai pas, promit Declan en serrant la main de Harry. Je ne suis pas censé te le dire, mais tu lui manques beaucoup, tu sais.
- A Luna ?
- Non, à Draco. A la prochaine, Potter. Et cette fois, c'est sur le terrain de Quidditch que je t'atomiserai.
- Dans tes rêves, Payton."
Harry le regarda partir en soupirant. Il se sentait presque heureux. Heureux d'apprendre qu'il manquait à Draco. Heureux de ne plus vivre avec cette rage et ce sentiment de non dit au fond du coeur. C'était comme s'il émergeait enfin d'une longue hibernation, comme s'il avait fini par se remettre de cette lettre qu'il avait tant lue qu'il en connaissait la moindre virgule. A présent, restait à savoir s'il aurait la force de reconstruire avec Draco ou s'il préférait se reconstruire sans lui. Draco lui avait expliqué sommairement qu'il avait passé ces trois ans et demie à se mettre entre parenthèses, à ne pas vouloir de relations avec d'autres. Harry avait connu des hommes pendant ce temps, mais il réalisait à présent que le résultat était sensiblement le même. Il n'avait pas vécu pleinement non plus. Peut être avait-il attendu Draco sans s'en rendre compte ; peut être avait-il simplement attendu ses excuses pour aller de l'avant.
Il aimait toujours Draco, c'était limpide, mais était-il prêt pour autant à reprendre les choses où elles s'étaient arrêtées entre eux ? Pouvait-il retrouver la confiance qu'il avait eue en Draco ?
Trop incertain, trop effrayé à l'idée de prendre des décisions hâtives, il opta pour un retrait stratégique et il rentra chez lui, dans le cocon de solitude qu'il s'était aménagé au fil du temps. Il passa trois jours à ressasser les mêmes pensées, ne sortant que pour les entraînements de Quidditch. Le vendredi soir, après son match contre les Undertakers de Londres, il n'y tint plus et il retourna chez Draco. Il fut accueilli par la tante de Draco, Andromeda Tonks, qui le conduisit dans la chambre en lui expliquant que Draco était très fiévreux aujourd'hui et qu'il valait mieux éviter de le réveiller. Harry lui promit de ne pas faire de bruit.
Elle le laissa devant la porte et il entra en retenant son souffle. La chambre était grande, dans le style colonial, baignée dans la douce clarté lunaire. Une veilleuse était allumée sur la table de chevet en bois d'ébène, éclairant un plateau repas auquel Draco n'avait pas touché. Harry esquissa un sourire en voyant qu'une cigarette avait été allumée et aussitôt écrasée dans le cendrier. Draco n'avait pas essayé de manger, mais il avait voulu fumer, ça lui ressemblait bien. Le sol était jonché de livres de psychomagie et de parchemins de cours dont l'écriture n'était pas celle du blond. Une photo de Kieran qui agitait la main trônait sur la commode, en face du grand lit blanc où Draco dormait d'un sommeil agité.
Il était allongé sur le dos, en diagonale sur le lit. Il avait rejeté ses couvertures et avait par dessus son boxer, en guise de pyjama, un tee-shirt noir auréolé de sueur. Ses cheveux étaient humides et quelques mèches s'étaient collées sur son visage. Il régnait dans la pièce une forte odeur de maladie, une odeur de potions mélangée à celle du surplus de chaleur corporelle et Harry se surprit à être attendri par la vulnérabilité de Draco. Il était aussi inquiet pour lui, il aurait voulu pouvoir faire quelque chose car apparemment, les potions sorcières n'étaient pas d'une grande utilité.
"Saloperie de Complexe du Héros," murmura-t-il dans la pénombre.
Il approcha le plus discrètement possible et il s'assit sur le lit. Il écarta délicatement les mèches qui barraient le visage de Draco et il suivit le trajet de ses cicatrices avec un doigt. La peau était brûlante sous la sienne. Harry scruta la pièce et il trouva rapidement ce qu'il cherchait. Il devina une salle de bain derrière la porte du fond et il s'y rendit. Là, il fit couler de l'eau fraîche pour en imbiber une serviette qu'il passa ensuite sur le front de Draco. Il ne pensait pas le réveiller mais les paupières du blond se mirent à papillonner. Il ouvrit ses yeux gris profondément cernés de noir en passant sa langue sur ses lèvres sèches afin de les humecter.
"Salut, murmura Harry sans parvenir à contenir l'émotion dans sa voix. Il paraît que tu nous joues le remake gay de la Belle au Bois Dormant.
- Et le prince est en retard, articula péniblement Draco avec un faible sourire. Tu devrais partir, je suis contagieux.
- Il faudrait plus qu'une mononucléose pour me terrasser.
- Je sais que les sorciers sont rarement atteints par les maladies virales moldues, mais ça arrive. J'en suis la preuve vivante.
- Mon petit doigt m'a dit que tu étais plutôt sensible à ce genre de maladies justement.
- Il ne s'appellerait pas Blaise ton petit doigt ? Demanda Draco en étouffant un bâillement. Ce con est persuadé que le fait de me faire opérer chez les moldus m'avait transformé en l'un des leurs, tout ça parce que j'ai eu la grippe il y a deux ans et la mono cette année.
- Effectivement, ta version change de la sienne.
- J'ai trop chaud, tu voudrais bien ouvrir la fenêtre ?"
Harry hésita un instant car l'air était glacial à l'extérieur. Il consentit malgré tout à aérer quelques minutes en se perdant dans la contemplation du parc boisé sur lequel donnait la chambre. Lorsqu'il quitta son poste d'observation, Draco s'était rendormi. Harry déposa un baiser sur son front, puis il sortit, le coeur battant la chamade.
Il revint le dimanche, écoeuré de trouver Severus Rogue au chevet de Draco. Ce dernier était réveillé et cette fois, ses cheveux étaient mouillés car il venait visiblement de prendre une douche. Harry réprima une grimace en imaginant que Severus l'avait aidé à se laver puisque Draco paraissait encore bien trop faible pour tenir debout si longtemps. Il avait quand même la force de tenir sa cigarette allumée entre ses doigts et de la fumer, tranquillement assis sur son lit, sous le regard désapprobateur du professeur de Potions.
"Les moldus ont des spécialités bien plus intéressantes que ces cigarettes malodorantes ou ces voitures que tu achètes à la pelle, grommela Severus.
- J'en conviens, rétorqua Draco en envoyant sa fumée au visage de Severus, mais ces deux spécialités sont justement les plus drôles. En tout cas, merci pour la potion, je me sens déjà beaucoup mieux.
- C'est naturel. A présent, si tu n'y vois pas d'objections, je vais m'en aller. J'ai un rendez vous important."
Un rictus satisfait apparut au coin des lèvres de Draco et il hocha la tête.
"Encore merci, Severus, et bonjour à ce cher Sirius."
Severus haussa les épaules et il quitta la pièce sans un regard pour Harry, ce qui convenait parfaitement au Survivant. Il était soulagé de voir que Draco semblait se porter mieux, même si les cernes étaient toujours aussi prononcés sous ses yeux.
"Tu as l'air plus en forme, remarqua tout haut Harry en s'installant sur le lit.
- La fièvre est retombée grâce à Severus, mais j'ai toujours autant sommeil et du coton dans les jambes. Comment vas-tu ? J'ai lu que ton équipe était encore première du championnat, toutes mes félicitations.
- Merci. Ecoute Draco, je voudrais m'excuser car le soir de notre rendez vous, j'étais tellement contrarié...
- Je sais, coupa Draco avec un sourire las. J'espère juste que le fait de me miner la gueule de boutons t'as aidé à te sentir mieux.
- Tu savais que c'était moi ?
- Evidemment. La maladie a fatigué mon corps, pas mon cerveau. Tu me le paieras, bien entendu, ajouta-t-il en écrasant sa cigarette dans le cendrier.
- Je m'attends au pire venant de toi, plaisanta Harry.
- Tu peux...Quoiqu'il en soit, c'est gentil de ta part de venir me voir."
Ses yeux se fermèrent un moment et Harry se demanda s'il s'était endormi. Il se leva, prit Draco dans ses bras pour mieux l'allonger sur le lit et il caressa doucement ses cheveux.
"J'en ai marre, murmura Draco d'une voix éteinte, plus traînante que jamais. Depuis deux semaines, je ne fais que somnoler.
- Je te laisse te reposer, répondit Harry à voix basse. Je pars pour une semaine avec mon équipe, mais je repasserai dès que je serai rentré. Prends soin de toi."
Il prit sa main et, sans réfléchir, il en embrassa la paume, comme il avait l'habitude de le faire lorsque Draco et lui étaient ensemble. Draco dormait déjà, mais Harry fut troublé au delà des mots. Il avait exécuté ce geste comme si c'était la chose le plus naturelle du monde ; comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. Il quitta la maison en courant, pour fuir cette chambre où Draco l'attirait comme un aimant.
Il passa la semaine à se demander ce qu'il devait faire concernant Draco. Il tenait à lui et sa présence lui manquait déjà beaucoup, mais l'amour était-il suffisant pour effacer tout le reste ? Ron, voyant son stress quasi permanent, essaya de lui changer les idées mais cela ne fit que renforcer son envie de voir Draco et de le repousser tout à la fois. Les choses étaient simples et compliquées : lorsque Harry était avec Draco, il voulait être avec lui ; dès qu'il se séparait de lui physiquement, il craignait d'être avec lui. Finalement, il décida de se protéger et il envoya un message à Draco dès son retour, pour lui expliquer qu'il ne pouvait pas aller le voir pour d'obscures raisons. La réponse de Draco fut brève, cinglante :
Cher Harry,
A lâche, lâche et demi...
D.A Malfoy.
Harry ne savait pas s'il devait en rire ou en pleurer, aussi resta-t-il de marbre en lisant le mot. Puis il se rendit à une soirée organisée en l'honneur de son équipe, certain qu'il trouverait quelqu'un avec qui passer la nuit et se rassurer, quelqu'un qui lui donnerait le déclic pour arrêter de penser à Draco. Il flirta avec un jeune homme très agréable mais, au moment de quitter les lieux en sa compagnie, le regard que lui lança Hermione lui glaça le sang. Dans les yeux de son amie, il lut clairement : "tu n'assumes pas, Harry. Tu fais n'importe quoi."
Il la rejoignit aussitôt en lui ordonnant d'exprimer le fond de sa pensée.
"Continues comme ça, Harry, et tu perdras le seul homme que tu aies jamais aimé. Ce n'est pas Draco qui te rend malheureux en ce moment, c'est toi même," se contenta-t-elle de répondre avant de tourner les talons.
Harry observa alors le jeune homme qui l'attendait et il réalisa qu'il n'avait pas envie de lui. Sans même lui donner une explication, il transplana devant chez Draco. Il passa de longues minutes à observer la porte en cherchant le courage de sonner. Finalement, le froid et la neige qui commençait à tomber eurent raison de lui et il actionna le carillon. Blaise lui ouvrit en boxer.
L'air courroucé qui s'afficha sur son visage en voyant Harry n'augurait rien de bon. Il le fit néanmoins entrer, plus pour échapper au froid que par envie de parler à Harry.
"Merde, Harry, il est deux heures du matin ! Aboya-t-il.
- Je sais, mais je dois voir Draco.
- Il dort et je ne vais pas le réveiller pour toi, pas après ce qui s'est passé aujourd'hui. Je ne sais pas ce que contenait ton message, j'ai juste reconnu Edwige et j'ai su que le parchemin venait de toi, mais j'ai vu la réaction de Draco. Il était glacial et, le connaissant, ce n'est pas bon signe. Je peux te dire qu'il a passé la soirée à serrer les dents pour ne pas exploser. Qu'est ce que tu lui as fait, nom d'une blénoragie !
- Rien, et c'est peut être ça le problème, rétorqua Harry. Ecoute Blaise, on peut passer la nuit à en parler, ça ne changera pas le fait que je me soies défilé aujourd'hui. A part ça, comment va-t-il ?
- Bien mieux. Il n'a pas retrouvé toutes ses forces, il est fatigué mais il parvient à garder les yeux ouverts. Repasse demain, et vous mettrez tous vos griefs à plat.
- Laisse moi le voir maintenant, je ne le réveillerai pas.
- Vous allez me coller la gastro avec vos conneries. J'ai le cul entre deux chaises et crois moi, c'est inconfortable. Si je t'empêche de le voir, tu vas me pustuler la gueule et si je te laisse faire, Draco va m'arracher les intestins pour me pendre avec !
- Je dois le voir, Blaise. J'ai besoin de savoir.
- Laisse le monter, intervint Charisma en entrant dans le couloir alors que Harry passait nerveusement la main dans ses cheveux. Tu ne vois pas qu'il est encore plus mal que Draco ?"
Blaise poussa un soupir résigné et il s'écarta. Harry planta une bise sonore sur la joue de Charisma et il monta les escaliers quatre à quatre sous l'oeil amusé de la jeune femme et de son fiancé qui lui, demeurait perplexe. Il ouvrit la porte sans faire de bruit et il avança jusqu'au lit où Draco sommeillait, entouré de ses livres et de ses parchemins de psychomagie. Harry les rassembla pour les déposer ensuite sur le sol, puis il s'installa à côté de Draco. Le coeur du Survivant s'emballait dangereusement alors que son esprit le mettait en garde.
Il se mit alors à penser à ses parents alors que ses doigts caressaient les cheveux blonds de Draco. Que lui auraient dit James et Lily s'ils étaient encore en vie ? Harry avait une idée de ce qu'ils lui auraient conseillé...De suivre son instinct, de se fier à ce qu'il ressentait. Après tout, ils avaient donné leurs vies par amour pour lui, sans perdre leur temps à réfléchir. Draco avait risqué la sienne pour Harry en refusant de devenir l'Héritier de Voldemort. Harry pouvait-il occulter cela à cause d'une rupture par lettre ? Draco lui avait fait confiance en mettant sa vie entre ses mains, Harry ne pouvait-il pas croire en la force de son amour sans imaginer le pire ? Le pire était derrière eux à présent, pourquoi ne pouvait-il concevoir que le meilleur soit à venir ?
Il tourna la tête et son regard tomba sur la photo de Kieran.
C'était une partie non négligeable de l'équation. Harry ne pouvait s'investir dans une relation avec Draco sans prendre en compte Kieran. Pour le moment, il n'éprouvait rien pour lui, mais que se passerait-il s'il s'attachait à l'enfant et que les choses tournaient mal ? Il n'avait aucun droit sur Kieran et il perdrait tout, le père comme le fils.
"Arrête de tout mélanger, Harry, murmura-t-il dans la pénombre. Prends les choses l'une après l'autre ou tu vas devenir dingue."
Sa main frôla la joue de Draco. Il la retira comme s'il risquait de se brûler. Il se contenta de contempler le visage éreinté de Draco tout en écoutant le doux son de sa respiration profonde et régulière. Au bout de quelques minutes, il se sentit totalement apaisé, bercé par le souffle de Draco, irrémédiablement attiré par ses lèvres entrouvertes.
"Comme je t'aime, connard, lança Harry d'une voix douce. Tu as le pouvoir de me foutre en l'air si tu le veux."
Il se pencha lentement afin de déposer un baiser sur la bouche de Draco. Ses lèvres étaient chaudes, agréables même si les semaines de fièvre les avaient asséchées. Ce simple baiser fit voler en éclat les réticences de Harry. Sa tête tournait, son coeur cognait trop fort dans sa poitrine...Il savait.
Il se releva avec l'impression d'être plus fort, plus sûr de lui. Après un dernier regard en direction de Draco, il transplana chez lui. Il se coucha sans se déshabiller et il s'endormit rapidement, un léger sourire aux lèvres. Le lendemain, il se rendit à une séance de dédicaces le coeur léger, et il annonça fièrement à Ron :
"Je sais enfin ce que je veux.
- Génial, répondit Ron avec entrain. Moi aussi, je sais ce que je veux et ce que je veux, c'est une tarte aux myrtilles."
Harry éclata de rire. Ron savait exactement ce qu'il avait voulu dire, il n'y avait aucun besoin d'épiloguer sur le sujet, il passerait le message à Hermione. Après la séance, ils burent un café ensemble, puis Harry retourna chez lui. Il fut stupéfait de voir Draco, assis sur les marches de son immeuble, une expression indéfinissable dans ses yeux encore cernés. Ils montèrent les escaliers dans un silence uniquement rompu par les halètements de Draco.
"La cigarette aura raison de toi, commenta Harry en ouvrant la porte alors que Draco lui lançait un regard effaré.
- Je ne suis pas venu pour parler de ma capacité pulmonaire," trancha sèchement Draco en se tenant au mur pour reprendre son souffle.
Harry haussa les épaules, nullement impressionné par la froideur de l'ancien Serpentard. Il versa de l'eau dans un verre qu'il tendit à Draco. Ce dernier en but une gorgée, puis il le posa sur le bar.
"Je ne veux plus que tu viennes chez moi quand je ne suis pas en état de te foutre dehors, déclara Draco d'un ton sans appel.
- D'accord."
Draco ouvrit la bouche mais, trop intrigué par l'attitude d'Harry, il la referma en le toisant avec hauteur. Il prit ensuite une cigarette qu'il alluma à l'aide de la magie sans baguette.
"C'est tout ce que tu étais venu me dire ? Demanda Harry avec un sourire indulgent.
- En gros, oui. J'en ai assez de ton indécision, Harry. Tu fais les choses comme tu l'entends, mais arrête de me montrer que tu tiens à moi pour me repousser juste après ! Explosa Draco en tirant nerveusement sur sa cigarette. Puisque tu sembles considérer que je suis une ordure indigne de ta confiance, agis en conséquence et fous moi la paix ! Chaque visite que tu me rends me donne l'espoir que tu vas changer d'avis et accepter de me donner une chance. Mais tu sais quoi ? Garde la ta chance, garde ton manque de courage en continuant à dire que le lâche, c'est moi. Garde les putains de procès d'intention que tu me colles dès que je fais un pas et avance mollement jusqu'au prochain mec dont tu tomberas amoureux. Trouve toi en un sur mesure, qui te récitera des poèmes jusqu'à plus soif, j'en ai ma claque d'être moi et de me prendre dans la gueule que moi, c'est tout ce que tu ne supportes pas.
- Draco, tu délires. Ce que je ne supporte pas, c'est que les autres mecs susceptibles de me plaire ne soient pas toi...
- Qu'est ce que tu racontes ? Tu veux un homme comme moi, qui ne soit pas moi ? Il te faut vraiment des flèches pour te retrouver dans ce que tu ressens, Harry.
- Excuse moi de vouloir être sûr de moi, Draco ! S'exclama Harry. Excuse moi d'avoir pris un mur et de tenter d'éviter un second impact !
- Oui tu as pris un mur ! Oui, j'ai eu besoin de partir et de te dire tout ça par lettre, parce qu'en face à face, je n'aurais pas pu me résigner à te quitter mais achète toi une autre paire de binocles si celles ci ne sont plus adaptées à ta vue ! Tu es aveugle ou vraiment con ? Je t'aime, merde ! Je n'ai aucune envie de te blesser alors arrête deux minutes de tendre la joue !
- Où tu as vu que je tendais la joue ! T'as encore la fièvre ou quoi ?
- Ok, on n'arrivera à rien, tu te sens trop persécuté. Ne viens plus chez moi, c'est tout ce que je te demande...Tu peux faire ça ?
- Non. C'est toi qui es venu me chercher, Draco. C'est toi qui voulais qu'on se remette ensemble. Tu ne peux pas me balancer que tu m'aimes et m'ordonner ensuite de rester loin de toi. Je ne l'accepte pas.
- Je...ça suffit." Décréta Draco d'une voix dans laquelle se mêlaient la lassitude et la tristesse.
Il fixa longuement Harry en silence puis il jeta sa cigarette dans le verre d'eau et il tenta de transplaner, sans succès.
"La totale, grommela-t-il en se dirigeant vers la porte. Pourtant j'ai transplané jusqu'ici tout à l'heure...
- Tu es encore trop faible pour te payer le luxe de faire des prouesses magiques, déduisit Harry en posant sa main sur la sienne pour l'empêcher d'actionner la poignée de la porte. Laisse moi t'aider."
Draco secoua la tête avec véhémence, mais Harry ne céda pas. Il l'entoura de ses bras et ils transplanèrent jusqu'à la chambre de Draco.
"Merci, soupira Draco en se dégageant de l'étreinte du Survivant. Tu peux y aller à présent, je ne voudrais pas t'imposer ma présen...
- Draco, ferme la."
Le blond resta interdit et son regard révélait l'incompréhension la plus totale.
"Pardon ? Articula-t-il lentement.
- J'ai dis, ferme la." Répéta Harry en s'approchant de lui.
Draco recula, jusqu'à ce que le mur l'empêche d'aller plus loin.
"Qu'est ce que...? Bredouilla-t-il.
- Tais toi, mon coeur." Murmura Harry en passant un bras autour de sa taille pour le serrer contre lui.
Leurs regards se rencontrèrent et Draco pencha la tête sur le côté en humectant ses lèvres. Ils savaient qu'Harry allait l'embrasser avant même que sa bouche ne s'écrase contre celle de Draco. Leurs langues s'entremêlèrent immédiatement, passionnément. C'était un baiser empli d'un sentiment d'urgence, le baiser de deux hommes qui avaient attendu trop longtemps pour se retrouver. La main de Draco se perdit dans la chevelure rebelle de Harry qui poussa un gémissement rauque dans la bouche de Draco. Leurs gestes étaient fébriles, leurs corps se collaient l'un à l'autre et leurs hanches ondulaient de manière incontrôlable. Les lèvres de Harry descendirent dans le cou de Draco qui frissonna.
"J'ai tellement envie de toi, murmura Harry contre sa peau.
- Idem," répondit Draco en passant ses mains sous le pull de Harry afin de l'ôter le plus rapidement possible.
Ils ne prirent pas le temps de s'effeuiller, tous deux recherchaient désespérément le contact de leurs peaux nues l'une contre l'autre. Une fois déshabillés, la frénésie qui les habitait laissa place à une exploration plus douce, plus sensuelle. Les doigts de Draco redessinèrent lentement chaque muscle du dos de Harry, puis de son ventre.
"Même si j'ai vu dans la Pensine à quel point c'était chaud entre nous, c'est comme si c'était une première fois pour moi, souffla Draco en baissant les yeux.
- Je sais, chuchota Harry en plaçant son index sous le menton de Draco afin de le pousser à le regarder. Je ne brusquerai pas les choses, fais moi confiance."
Draco esquissa un sourire engageant et Harry embrassa ses lèvres avec délicatesse alors que ses mains caressaient ses cuisses. Draco ferma les yeux et il se laissa emporter dans le torrent de sensations exquises que lui procuraient les mains de Harry. Lorsque ses doigts se refermèrent autour de son érection, il poussa un hoquet de surprise qui se transforma en bâillement.
"Fatigué ? Interrogea Harry en effleurant sa joue.
- Non, mentit Draco. Mais je n'ai pas récupéré toutes mes forces, j'ai peur de ne pas pouvoir...
- Pour l'instant, tu es en forme, plaisanta Harry en entourant sa virilité de ses doigts agiles. Ne t'en fais pas, de la force, j'en ai pour deux."
Draco émit un rire étouffé et il s'abandonna à la caresse divine que lui prodiguait la main de son amant. Avec la montée du plaisir, ses jambes se dérobèrent sous lui et il préféra entraîner Harry sur le lit. Il s'allongea sur le brun et embrassa fougueusement son cou. Ses lèvres descendirent sur son torse pour tracer une ligne brûlante jusqu'à son nombril. Harry contracta les muscles de son ventre et Draco s'amusa à en redessiner les contours avec sa langue. Harry savait qu'ils étaient tous les deux pressés d'emboîter leurs corps l'un dans l'autre aussi prit-il les devants pour que cessent les préliminaires qui ne faisaient que retarder le moment tant attendu.
Il regarda autour de lui et choisit de transformer la lampe de chevet en pot de lubrifiant. Un rictus charmeur apparut au coin des lèvres de Draco qui fit mine d'applaudir.
"Si les choses vont trop vite, surtout dis le, prévint Harry avec un sourire si doux que Draco sentit son coeur fondre.
- C'est parfait," le rassura Draco en plongeant les doigts dans le pot.
Harry écarta lascivement les jambes, laissant ainsi accès à son amant qui inséra un doigt, puis deux en lui. Harry rejeta la tête en arrière en se mordant la lèvre inférieure. C'était si bon de sentir Draco à nouveau contre lui, ses doigts allant et venant en lui pour le préparer au mieux. La bouche du blond entoura le membre gorgé de désir de Harry alors qu'il faisait pénétrer un troisième doigt en lui. Le plaisir était si puissant que Harry craignit de se répandre trop tôt.
"Maintenant, murmura-t-il. Si tu es prêt."
Draco hocha la tête et il lubrifia son désir tendu. Harry se coucha sur le côté, dans une position qu'il pensait plus confortable et moins fatigante pour Draco. Ce dernier s'allongea derrière lui et il entra en lui avec une telle douceur que Harry sentit les larmes lui monter aux yeux. Il lui avait tellement manqué, comment Harry avait-il pu douter à ce point ? Comment était-il parvenu à croire qu'il ne ressentait plus rien pour Draco ?
"Je t'aime, Draco. Je t'ai toujours aimé," articula-t-il sans qu'un son ne sorte de sa bouche.
Draco entama un lent mouvement de va et vient alors que sa bouche dévorait la nuque du Survivant. Harry tendit la main en arrière pour bloquer le bassin de Draco et il bougea à son tour pour imprimer un rythme sensuel à leurs ébats et, surtout, pour éviter à Draco de faire trop d'efforts. Draco produisit le son que Harry avait toujours adoré, ce son entre le souffle et le gémissement. Une vague de plaisir intense s'empara de tout le corps de Harry qui laissa échapper un râle de satisfaction.
A son tour, Draco immobilisa les hanches du brun et il accéléra un peu la cadence en haletant. Harry ferma les yeux et il s'abandonna entièrement aux sensations exquises que lui offraient la virilité de Draco en lui et son bras entourant son torse pour le plaquer contre lui. Il atteignait les portes de la jouissance lorsque Draco s'immobilisa. Il sentit son souffle devenir plus profond, plus régulier et il ne put s'empêcher de pouffer de rire.
"Draco, mon coeur, tu t'endors.
- Non," se défendit le blond d'une voix éteinte.
Il tenta de reprendre son mouvement de va et vient mais il fut obligé d'admettre avec horreur qu'il était effectivement en train de s'endormir.
"Excuse moi, dit-il alors en enfouissant son visage dans les cheveux de Harry.
- Ce n'est pas grave," assura Harry en caressant sa main.
Il avança un peu le bassin mais Draco le retint et il le plaqua contre lui.
"Je voudrais rester en toi, si ça ne te dérange pas." Expliqua-t-il sans parvenir à ouvrir les yeux.
Harry était plus qu'heureux d'acquiescer et ils s'endormirent scellés l'un à l'autre. Dans la nuit, ils se séparèrent et Harry posa sa tête sur le torse de Draco, écoutant les battements réconfortants de son coeur, la plus douce des musiques qu'il connaisse. Il resta là durant des heures, à se laisser bercer par la respiration de Draco et à le regarder dormir. Il ne savait pas comment aborder cette nouvelle relation avec Draco. Devaient-ils la laisser s'épanouir aux yeux du monde ou, au contraire, devaient-ils rester le plus discret possible ? Après avoir bien réfléchi à la quetions, Harry opta pour la discrétion. Pas à cause des journalistes qui le suivaient partout, mais à cause de Kieran. Il préférait prendre son temps, faire connaissance avec l'enfant et apprendre à l'aimer avant de s'imposer à lui comme le compagnon de son père. Pour être honnête, Harry n'était pas prêt à s'investir émotionnellement avec Kieran, seul Draco comptait pour l'instant.
Lorsque le soleil d'hiver baigna la chambre de sa lumière aveuglante, Harry quitta les bras de Draco, il se leva et il se rhabilla.
"Qu'est ce que tu fais ? Demanda Draco en ouvrant difficilement les yeux.
- Je rentre chez moi, déclara Harry en déposant un baiser sur les lèvres de son amant.
- Pourquoi tu ne restes pas ?
- Je ne veux pas qu'on me trouve ici, expliqua-t-il en enfilant son pull. Nous avons peut être passé la nuit ensemble, mais ça ne signifie pas que je vais m'installer chez toi. Tu vas devoir ramer pour regagner ma confiance.
- Ne compte pas là dessus, Potter, rétorqua Draco en faisant mine de se renfermer.
- On va jouer selon mes règles, Malfoy," lança Harry en ouvrant la porte de la chambre.
Une fois qu'il eut le dos tourné, il s'autorisa un sourire amusé, sachant que Draco était allé au bout de ce qu'il pouvait faire en matière de communication.
"Personne ne dicte sa conduite à un Malfoy !" Répliqua Draco alors que la porte se refermait derrière Harry.
Il ne put s'empêcher de rire en entendant le ton de sa propre voix et il ferma les yeux, encore submergé par le sommeil. Rien ne pressait pour lui, il avait tout le temps d'attendre. Harry reviendrait rapidement, il en avait la certitude.
Et demain serait un autre jour...
C'était également ce que se disait Sirius ce matin là, après une autre dispute avec Severus...
Fin.
Merci à vous d'avoir lu cette histoire jusqu'au bout. Elle va me manquer. Bisous et à bientôt.
