Chapitre 3

Votre mission si vous l'acceptez

20 ans auparavant.

« Remus... »

« Hé, Remus ! »

« Remus, je te parle ! »

Remus Lupin tourna la tête vers celui qui lui adressait ces paroles. Deux yeux bleu brillants l'observaient ; un sourire gracieux étira la bouche de l'adolescent aux cheveux bruns.

- Je te trouve bien rêveur ces derniers temps, Remus... Tu pensais à quoi ?

- À rien.

- Pff ! Tu souriais... Hum, je suis sûr que c'était une fille... Qui ça ?

- Arrête Sirius... ça n'a rien à voir avec ça.

- La lune n'a pas seulement de drôles d'effet sur toi, Remy... Tu es aussi souvent dedans en ce moment... Désormais je te surnommerai « Moony », le lunaire homme de la lune.

oOoOo

Lorsque le professeur McGonagall fit son entrée dans la chambre de Severus « Napkins » et Edward Shrubbery, ce fut pour les trouver assis autour de l'une des deux tables, occupés à feuilleter un album de timbres en compagnie du vieux Brutus. La sorcière jeta un regard méfiant sur le philatéliste, puis entraîna le professeur de potions dans la salle de bains sous l'oeil curieux des deux autres pensionnaires...

- C'est fait, j'ai envoyé l'hibou à Albus.

- Et Lupin ?, demanda Severus.

- Il est parti, répondit McGonagall.

- Comment ça ?

- Il n'avait plus rien à faire ici alors il est parti. Il était là par hasard.

La sorcière fronça les sourcils.

- Étrange. On dirait que vous semblez déçu...

- Déçu ? Pourquoi serais-je déçu ?, répliqua Rogue. Il n'est plus dans nos pattes, réjouissons nous. Black n'aura pas eu cette audace finalement.

- Curieux tout de même que nous nous soyons retrouvés tous trois ici. Lupin s'est demandé si le destin...

- Il aurait pu rester nous prêter main forte, ricana l'autre. Mais je vois que cela ne l'a pas préoccupé.

- Il aurait paru suspect qu'il circule cette nuit dans l'établissement une fois son spectacle achevé, expliqua McGonagall. Néanmoins, il a jugé bon de demeurer aux alentours afin de transplaner facilement en cas d'alerte. D'ailleurs, il m'a demandé de vous transmettre sa carte de visite, je ne sais pour quelle raison d'ailleurs...

Elle tendit à son collègue un carré de papier blanc sur lequel était écrit en lettres magiques :

Remus J. Lupin

Auberge du Petit Pont, pas très loin

- Je ne pense pas avoir besoin de cela, déclara Rogue.

Il repoussa la carte.

- J'espère que le message de Dumbledore arrivera vite, murmura McGonagall en la rangeant dans son sac à main. Nous aurions du mal à tenir cet homme durant toute la nuit...

- Nous devons pourtant le surveiller. Si les partisans de Vous-savez-qui...

- J'ai peut-être une idée pour le retenir... Ma camarade de chambrée affirme avoir déjà passé toute une nuit avec ses amies à jouer au poker.

- Vous voulez que nous jouions au poker avec eux ?

- Exactement. Nous donnerions un pourboire aux infirmiers et ils nous laisseraient tranquille.

- Mais, Minerva... je ne sais pas jouer à ça.

- Allons Severus, tout le monde apprend à jouer au poker dans son enfance avec ses amis...

Elle s'aperçut malheureusement qu'elle venait de prononcer une phrase de trop : les yeux du professeur Rogue, d'une habituelle perfection de froideur, exprimèrent un instant une douleur perçante.

- Oh, fit l'Ecossaise avec une moue peinée, allons rejoindre Brutus et votre voisin de chambre.

Ils s'exécutèrent, et leur retour fut salué par de petits rires complices.

- Qu'y a-t-il ?, questionna aussitôt Rogue, de très mauvaise humeur après qu'on lui eut rappelé son adolescence esseulée.

- Rien rien, fit M. Shrubbery.

- Nous ne voudrions pas déranger les amoureux, lança Brutus l'oeil pétillant.

Les longs yeux noirs du Maître des Potions s'écarquillèrent.

- Mais... vous ne nous dérangez pas, répondit McGonagall en retenant son collègue par le bras. Nous cherchions justement des partenaires pour jouer au poker...

« Elle lui prend le bras, comme c'est mignon », s'attendrirent aussitôt les deux vieux.

« Du poison pour ces fossiles, vite... », se dit intérieurement le directeur de Serpentard.

o

Ce ne fut que tard dans la nuit qu'un hibou se posa près de la fenêtre, une enveloppe dans le bec, et Brutus se mit à le dévisager, fasciné, comme si toute sa vie dépendait de cet oiseau. McGonagall s'empara alors de la lettre qu'elle commença à lire, sous les yeux étonnés d'Edward Shrubbery.

- Vous en êtes encore au pigeon voyageur ?, fit-il d'un air incrédule.

- Effectivement, et la partie est finie, conclut la directrice de Gryffondor en refermant le courrier. Brutus, nous allons vous raccompagner dans votre chambre... Venez, venez.

Comme assoupi, ce dernier se dirigea vers la sortie accompagné par les deux sorciers ; au dernier moment, Severus Rogue se retourna et braqua sa baguette magique sur le vieux Shrubbery : - OUBLIETTES !

Ils réussirent à transplaner sans encombres.

Brutus pleura en arrivant devant les portes de Poudlard, les Sombrals l'effrayèrent et il pleura de nouveau en traversant la cour.

À présent, de retour « à la maison », nos deux professeurs attendaient des explications dans le bureau du directeur. Albus Dumbledore leur avait prescrit de ne pas faire entrer le retraité moldu tout de suite, confiant celui-ci aux bons soins de Pom-Pom.

- Les événements des trois dernières années nous incitent à penser que Voldemort représente toujours une menace, déclara Dumbledore tout en s'efforçant de ne pas regarder dans la direction de Rogue pour ne pas rire, une menace qui peut à l'avenir se trouver décuplée. Le tournoi des Trois Sorciers qui aura lieu l'année prochaine rassemblera ici beaucoup de sorciers que nous connaissons mal, et certains que nous connaissons trop... Aussi ai-je engagé Alastor Maugrey comme professeur de Défense Contre les Forces du Mal pour l'année qui vient.

- Maugrey ? Cet ancien Auror que l'on dit devenu complètement paranoïaque ?, s'exclama McGonagall.

- Effectivement Severus, cet ancien Auror parmi les meilleurs... Et vous venez de rencontrer Brutus Barnum, un des plus grands sorciers de ce siècle.

- Cela n'est pas possible, Albus !, s'exclama Minerva. Brutus Barnum a été assassiné par Voldemort il y a plus de quinze ans !

- Brutus Barnum n'était pas mort mais disparu, il avait été laissé pour mort en défendant des Moldus. Les doloris l'avaient rendu totalement amnésique, si bien qu'apparemment la seule chose dont il se souvienne soit son prénom. Mais moi, je suis capable de récupérer sa mémoire perdue, et de le ramener la conscience de ce qu'il est... On ne peut vivre en occultant son passé, il finit toujours par revenir.

Severus Rogue eut la brève impression que le vieux magicien lui destinait tout particulièrement ces paroles, et il songea qu'il ferait bien de recycler son stock de maximes.

oOoOo

Un an plus tard, Harry Potter avait la surprise de sa vie en regardant la télévision chez les Dursley...

La chaleur plombait l'après-midi de ce début de juillet, mais l'oncle Vernon n'était pas homme à renoncer aux véritables priorités de l'existence face à l'adversité, aussi sa tondeuse à gazon parcourait elle, implacable et sautillante, l'onde verte du 4, Privet Drive, sous le joug de ses deux énormes mains poilues.

- « Magie », quelle arnaque !, s'exclama Dudley en vidant sa troisième cannette de coca-cola light. Quel intérêt y a t-il à voir un type sortir des cartes de sa manche ? J'en fais autant au poker.

- Mais c'est que mon Dudley-chou est un vrai petit filou, s'attendrit la tante Pétunia en lui offrant des glaçons.

« Un vulgaire voyou sans cervelle, oui », songea Harry en suivant négligemment des yeux la manoeuvre du prestidigitateur... Avec la magie qu'il connaissait, on pouvait faire des tours encore plus impressionnants que ceux-ci. Mais ce qui l'intéressait dans ce spectacle était que cet élégant Moldu en tenue de soirée lui rappelait confusément quelqu'un... « Si seulement la caméra pouvait faire un gros plan sur son visage... »

- Ce qui m'a toujours fait marrer c'est cette touche qu'ils ont... D'ailleurs y'a que les filles et les gamins qui s'intéressent à ça... Comme Harry par exemple. Maman regarde, Harry s'intéresse aux tours de magie !

Il s'effondra dans son fauteuil en riant comme une truie.

- « MAGIE » ? Qu'ai-je entendu ?, s'écria l'oncle Vernon, se ruant aussitôt dans la pièce.

Mais Harry s'en fichait, il venait de se coller à l'écran car ce qu'il voyait, il n'en croyait pas ses yeux : arborant désormais une fine moustache, Remus Lupin, son ancien professeur de Défense Contre les Forces du Mal, ce discret sorcier vêtu « comme un vieil elfe de maison », était devenu Arsène Lupin Gentleman Magicien, séduisant prestidigitateur se produisant à Londres et dans les plus grandes villes du Royaume Uni, capable de faire disparaître d'un coup de baguette la Tour Eiffel et l'Empire State Building.

Mais ce qu'Harry ignorait, c'était que quelques jours avant la fin de l'année et à la suite de la tragique issue du Tournoi des Trois Sorciers, son professeur de potion avait été convoqué dans le bureau de Dumbledore. Le directeur de Poudlard lui avait déclaré que l'ancien Maraudeur avait un service à lui demander.

- Vous n'êtes sans doute pas au courant que Remus est devenu un « magicien » célèbre dans le monde moldu, Severus, poursuivit le vénérable vieillard. On lui a proposé de voyager en Europe le mois prochain pour donner quelques représentations, et il a accepté. Ces voyages peuvent nous être en effet très utiles pour nouer des contacts avec les sorciers étrangers. Malheureusement, seul, Remus serait vulnérable ; de plus, son strangulot ne lui est pas une compagnie suffisante... Bien que Remus ait toujours aimé les créatures aux dents pointues.

Le professeur Rogue fronça les sourcils, se demandant comment il devait interpréter la sélection d'un tel détail.

- Et vous le devinez, poursuivit Dumbledore, sa « maladie » l'handicape pour ce long voyage. Par conséquent, il aurait une proposition à vous faire.

- Allez droit au but. Je suis prêt à entendre n'importe quoi...

- Pour être tout à fait exact, il m'a demandé si vous voudriez bien devenir son « maître de potions... hum... personnel ».

- Pourquoi cette hésitation ?, répliqua sèchement Rogue.

- Je ne fais que répéter ce qu'il m'a dit.

- Vous croyez peut-être que je vais accepter de l'accompagner pour lui préparer du Tue-loup ? C'est une plaisanterie de très mauvais goût. Je vous rappelle qu'il a failli me tuer il y a de cela dix-sept ans.

Dix-sept ans. Déjà. Cela lui fit peur. Il avait l'impression que c'était encore hier.

- Oui, Severus, dix-sept ans. Vous ne croyez pas que cela fait assez longtemps pour que vous tourniez la page ? De plus, je peux vous assurer que Remus n'y était pour rien. Et je suis persuadé que vous le savez aussi bien que moi. Mais vous cherchez une excuse.

- Une excuse à quoi ?

- Une excuse pour le haïr.

- Je n'ai besoin d'aucune excuse pour le haïr. Lui et ses petits crétins de...

- Justement. C'était le seul de la bande à ne pas s'attaquer à vous. Il vous défendait.

- Il était comme les autres !, s'exclama Rogue. Pff, comme si j'avais jamais eu besoin de sa petite pitié d'enfant gâté orgueilleux...

Il se dirigea vers la porte.

- Severus, vous êtes le seul qui puisse le faire. Je vous en prie. C'est moi qui vous le demande à présent.

- Si vous me le demandez, je le ferai. Mais ce sera contraint et obligé.

- C'est le cas Severus.

- Alors j'accepte, mais vous connaissez mon avis sur la question.

- Je préviens tout de suite Remus, conclut le directeur de Poudlard en souriant.

La carte de visite magique que le professeur McGonagall conservait dans un tiroir de son bureau indiquait déjà :

Remus J. Lupin

Londres, loin, mais pas pour longtemps

à suivre


Une nouvelle aventure commence pour Sevy, toujours chez les Moldus !

Prochain chapitre : « Remus Rupin » !