Chapitre 4

Remus Rupin

o

o

Une narration négligente a récemment omis de mentionner ce qu'il advenait d'un magicien désargenté nommé R. J. Lupin...

Que le lecteur nous pardonne, et réparons cette erreur sans plus tarder.

Dans la salle de bains d'un appartement londonien, immergé dans une baignoire d'une circulaire conséquence, le dit Remus Lupin s'ébrouait dans la mousse, euphorique et chantant. N'ayant jamais eu à sa disposition autant de produits moussants depuis qu'il avait quitté la préfecture au terme de sa dernière année à Poudlard, l'ancien professeur s'amusait à sentir puis essayer tous les flacons de sels de bain, tel un cocaïnomane.

Puis, lavé et frictionné, il sortit du bain d'un bond, saisit sa serviette d'un geste sautillant, et entreprit de se sécher vigoureusement en poursuivant ses vocalises...

« Oui, I love you and only youuu... »

Le beau loup-garou s'aspergea copieusement d'eau de toilette.

« ..Hou hou, houhou houhouhouuuuuu... » [NDLA : On ne se moque pas... !]

Oh, qu'il était heureux ! La veille, Dumbledore lui avait appris que sa tournée allait pouvoir se faire, et qu'il serait accompagné pendant un mois par l'homme de ses rêves, le Vampire Sensuel qui hantait ses nuits, le Serpentard aux yeux brûlants et aux capes enveloppantes, la Voix douce comme le velours aux répliques cinglantes comme le fouet... « Hum hum, Moony calme-toi sinon tu vas encore... »

Ah, Severus..., songea-t-il en un ultime soupir, cela faisait un an qu'il ne l'avait pas vu... Avoir de l'argent lui était superflu, mais le regard que Severus posait sur lui, cela, lui était « vital ». Et maintenant que sa pauvreté ne faisait plus pitié, peut-être que son ancien camarade ne le regarderait plus avec mépris ? Peut-être verrait-il enfin l'être humain derrière le loup-garou, derrière le Maraudeur, derrière l'ancien professeur de DFCM qui lui avait pris la place convoitée et derrière le sorcier sans le sou ? Lorsqu'on y réfléchissait, cela faisait beaucoup de choses tout de même. Lupin souffla, brusquement découragé.

oOoOo

Severus Rogue sortit de la bouche de métro et jeta les trois journaux qu'il avait terminés dans la première poubelle qu'il rencontra. Pour s'occuper dans les transports en commun une fois sorti du Chemin de Traverse, il avait fait l'achat de tous les magazines moldus qu'il avait trouvés pouvant parler du « jeune magicien qui monte ». Les photos montraient un Lupin rajeuni, souriant. La pauvreté avait aggravé le vieillissement précoce dû à ses transformations et aux soucis... Oui, il fallait bien le dire, aux soucis. Mais enfin, il n'allait pas commencer à le plaindre non plus. Quoiqu'il en soit, l'aisance semblait avoir résorbé les conséquences des longues années de gêne qui avaient fini par rendre le professeur Lupin apte à faire concurrence aux célèbres vaches maigres.

Étonnamment, remarqua d'ailleurs Severus Rogue en poursuivant sa lecture, Lupin attirait la presse autant pour ses performances magiques que pour son apparence physique. Ici, on parlait de son « charme juvénile », là de « sa classe façon Belle époque » ; on titrait : « Le Gentleman Magicien qui séduit l'Angleterre », « Lupin rafle tout ! ». Les femmes l'ayant interviewé notaient la politesse et la délicatesse de cet « homme tout à fait charmant », et ce fut en se demandant s'il n'y avait pas là un lien de cause à effet que le noir professeur s'aperçut, en ouvrant une double page scabreuse de la revue du dimanche, que la presse à scandales avait commencé à en faire ses choux gras. La légende « Lupin le Magicien aperçu dans une boîte gay ! » donnait le contexte d'une photo que Severus Rogue jugea calamiteuse.

L'homme évita un réverbère et ricana. Sûr que la célébrité était monté à la tête du loup-garou, tête qu'il devait avoir maintenant aussi grosse que celle de Feu Potter. « Cette moustache ne lui va vraiment pas en tout cas », songea le Maître des Potions. « Cela lui donne un genre, certes, mais il est mieux sans ». Il pénétra dans la résidence dont on lui avait indiqué l'adresse. C'était un bâtiment bien entretenu construit au siècle dernier, dans un quartier plutôt chic. À présent qu'il était intégré dans le monde non-sorcier, Lupin avait jugé plus prudent de s'installer dans un véritable appartement moldu. Comme son emménagement était récent, il n'avait pas fait installer de portail magique dans la cheminée.

Le professeur Rogue s'arrêta devant la porte et sonna. Elle s'ouvrit quelques secondes plus tard, en même temps qu'une forte odeur d'eau de toilette prenait d'assaut ses narines.

oOoOo

Remus Lupin inspecta une dernière fois le salon. Son collègue devait arriver d'une minute à l'autre.

« Hum… Il sera habillé en Moldu comme la dernière fois », songea le loup-garou en allant rendre visite au strangulot qui se trouvait dans sa chambre. D'ailleurs, ces vêtements moldus ne seyaient pas beaucoup à Severus... Ce pantalon de velours et ce gilet de laine... cela n'avait rien de comparable avec ces magnifiques robes qu'arborait le Maître de Potions en terrain sorcier. Enfin, il allait falloir s'y faire, et Severus serait toujours irrésistiblement angoissant malgré l'emballage... Il pourrait toujours lui suggérer de revêtir une tenue plus répandue par la suite.

On sonna.

Le sorcier se dirigea lentement vers l'entrée puis ouvrit.

- Bonjour, Lupin.

Severus Rogue se tenait sur le seuil, vêtu d'un pantalon noir à la coupe parfaite, d'une veste du même coloris ouvrant sur une chemise blanche tout aussi fine, déboutonnée de deux crans (cette fois il n'avait pas laissé Minerva l'habiller et avait tenu à faire lui même ses achats).

- Pourquoi ouvrez vous la bouche comme cela ?, ajouta-t-il.

- Je... euh... Bonjour Severus.

- Tiens, vous avez rasé cette horrible moustache.

- La dernière fois que nous nous sommes vus, vous avez prétendu me préférer sans...

- Au fait... Je vous rends votre carte.

- Gardez-la.

- J'y pense, pourquoi me l'aviez vous faite donner ?

- Au cas où vous auriez eu envie de me rendre visite..., répondit Lupin, les oreilles rouges. Mais entrez, entrez... Je n'habite pas là depuis longtemps...

Ce ne fut pas sans appréhension que le directeur de Serpentard pénétra dans l'appartement de Remus Lupin, appartement qu'une fée du logis semblait avoir traversé de part en part en une formidable tornade récurative - ou alors il détenait en esclavage une batterie complète d'elfes de maison -. Le parquet, lustré, requérait le port de chaussures à crampons. Un général aurait pu entrer et passer un doigt, deux doigts, trois doigts, qu'il n'eut rien trouvé à redire.

Rogue quitta le vestibule ainsi que cette métaphore douteuse pour entrer dans un salon assez vide pour qu'il sentit son coeur se serrer malgré lui. Une table, un sofa, des fauteuils tout juste achetés... Aucune de ces choses accumulées par les années d'une existence normale.

Lupin lui sourit.

- Installez-vous Severus, dit-il en lui montrant le canapé. Où sont vos bagages ?

Le professeur s'assit et montra sa poche.

- Vous aimez le thé n'est-ce pas ?, fit la Créature d'un ton enjoué.

Rogue acquiesça, retira sa veste et la posa près de lui, tandis que le lycanthrope s'élançait vers la cuisine au mépris de la dangerosité du parquet. Il en revint avec un plateau dans les mains, déposa le service à thé sur la table sans accident. « Doux Merlin », songea-t-il alors en effleurant des yeux le Maître de Potions en cet estival appareil. La chemise suggérait avec un mélange d'élégance et de grâce la virile minceur du corps ténébreux...

Alors, les iris noirs pivotèrent soudain, vinrent se fixer sur le visage rose et pur de l'ancien Maraudeur, sur ses larges yeux bleu clair et dorés... Rogue constata que les mèches blanches qui parsemaient naguère sa chevelure avaient disparu. Il ressemblait vraiment au jeune homme qu'il avait connu avant la chute de Voldemort.

- Hum, vous prenez du sucre ?, demanda Remus Lupin en baissant la tête.

- Oui, merci.

La main tremblante et le regard fuyant, l'homme aux cheveux châtains versa le breuvage brûlant dans la petite tasse fleurie. Sa main tremblait tant qu'une partie du contenu de la théière se renversa sur la table et les genoux du Serpentard.

- Je suis désolé Severus, excusez-moi, débita Lupin à toute vitesse en tendant les bras pour essuyer le pantalon de son invité – mais celui-ci le repoussa immédiatement.

- Ne me touchez pas, siffla Rogue avec une expression d'horreur.

- Excusez-moi, répéta Lupin, très pâle. Vous n'êtes pas brûlé j'espère ? Je peux nettoyer votre pantalon.

- Non merci, ça va aller, dit Rogue en sortant sa baguette.

Il prononça une formule et la tâche s'évanouit.

- Et puis, je vous en prie Lupin, tutoyez-moi donc, comme au « bon vieux temps ».

Le lunatique devint encore plus pâle.

- Nous partons quand ?, demanda Rogue.

- Demain.

- Je vais préparer de la potion dès ce soir, c'est plus prudent.

- Tu pourras utiliser la cuisine.

Ils finirent leur thé en silence. Passer un mois avec ce monstre, cette idée rendait Rogue malade. C'était certes moins éprouvant que ce qu'avait été son travail d'agent double chez les Mangemorts, mais Voldemort, lui, ne l'aurait pas mangé après l'avoir tué, voire croqué... tout cru. C'était très perturbant, cette façon que Lupin avait de fuir son regard, tout en le « dévorant » des yeux par instants.

- Bon, je vais faire ta potion, dit le professeur, brisant le silence.

Il fit apparaître sa valise, son armoire à ingrédients de voyage et son chaudron. Lupin se chargea du bagage tandis que Severus mettait en place son nécessaire dans la cuisine. Il se rendit alors compte de la présence d'un paquet sur la table et lut la carte qui l'accompagnait – « Merci pour tout Severus ».

Le Maître des Potions hésita un instant, puis éleva la voix : - Lupin ?

- Oui ?, répondit ce dernier, du salon.

- Le paquet... est pour moi ?

- C'est écrit dessus.

Rogue défit le papier cadeau, découvrant un tablier, un de ces tabliers que les Moldus portent quand ils préparent leurs mixtures. Celui-ci était néanmoins d'une belle facture, rouge profond. Sur ce rouge, des lettres noires, sympathiques comme un slogan de bienvenue, affichaient : « Home, sweet home ».

« Un tablier moldu, il se fout vraiment de moi », songea Rogue en le revêtant pour voir de quoi il avait l'air dans cet oripeau.

Le désormais Maître de Potions Personnel ignorait que ce tablier était en réalité un objet magique : dès qu'il eut détourné les yeux de la glace où il se mirait (finalement, ce rouge lui allait plutôt bien), le tablier n'indiqua plus « Home sweet home » mais « My sweet potion master ».

o

o

à suivre