Disclaimers

- Les personnages et l'univers d'Harry Potter sont la propriété de JK Rowling. Je ne fais pas d'argent avec, et je suis hélas tout à fait moralement irresponsable.

- Black Dog est une chanson de Led Zeppelin.

Remarques diverses : désolée d'avoir mis tout ce temps, mais j'ai été débordée par les études, et aussi par le manque de motivation je l'avoue. Ceci est l'avant-dernier chapitre, on approche du dénouement !

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Chapitre 10

Splendeurs et misères d'un petit loup-garou timide

- partie 2 -

Ménage à trois

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Lorsque Remus Lupin, au terme de sa métamorphose, s'était endormi à l'aube, il avait à peine eu le temps de prendre conscience du poids d'un chien hirsute sautant sur le lit, lui léchant le visage avec enthousiasme, puis se couchant à ses pieds l'air bête. Aussi fut-il surpris de constater, le lendemain matin, que le cabot s'était transformé en homme de 70 kg nu comme un ver.

Dans les lagunes chimériques de son demi réveil, Lupin avait saisi avec ferveur le bras masculin qu'il sentait posé sur son dos, puis s'était mis à le caresser avec un sourire niais qui étirait ses fines lèvres roses d'une façon adorable entre ses joues piquantes. C'était sans nul doute ce bras qui l'avait tiré des profondeurs de l'océan de fatigue dans lesquelles il avait sombré quelques heures auparavant. Pâle et recouvert d'une pilosité sombre, ce bras contenait en effet l'essence d'un monde parallèle que le rêve avait alors déployé, en l'espace de quelques instants seulement, miettes de temps qui avaient valeur de mois entiers dans la durée subjective de son intériorité…

Un monde autonome et nécessaire où l'on sentait contre soi la chaleur d'un homme aux longs cheveux noirs, son souffle dans sa nuque, un monde où un bel homme aux yeux de braises et au noble organe olfactif particulièrement développé vous raccompagnait chaque soir dans votre chambre en vous faisant des baisers dans le cou – et cela était tout à fait normal et usuel en ce monde-là. Un monde où il était coutumier de discuter, de prendre le thé avec Severus Snape au sein d'une tendre complicité amoureuse, un monde merveilleux où les maîtres de potion préparaient leurs mixtures vêtus d'un seul tablier, et avaient un faible pour les bêtes à fourrure.

Un monde qui avait l'air si vrai que Lupin n'avait, de l'ancien magicien looser de la veille, que l'arrière conscience d'un être pulvérisé en infimes particules dans l'univers, tandis qu'il habitait pleinement son nouveau moi comblé et heureux.

« Severus… »

Le loup-garou se retourna et ouvrit des mirettes pleines d'amour, tant il s'attendait à retrouver, face au sien, l'anguleux visage au magnétique pouvoir d'attraction. Mais cette vision le fit sursauter si fort qu'il se retrouva hors du lit, son drap entre les mains.

Les Sept Sceaux de l'Apocalypse s'étaient invités sans prévenir, Remus Lupin venait de voir son nouveau monde s'écrouler en découvrant dans son lit son vieux pote Sirius Black, en train de fricoter avec un traversin, ses longs cils clos couverts de mascara.

« Par Merlin, mais il croit que c'est une jambe ? »

Lupin passa une robe de chambre et sortit, décidant qu'il valait mieux ne pas en savoir plus.

« Voyez-vous ça, le Grand Méchant Loup sort de son antre… », débita d'une voix sarcastique Severus Snape en levant les yeux de son grimoire. « Quoique, il n'est pas bien effrayant… Vous vous apprêtez à faire le tour du monde, Lupin ? »

Muet et interloqué, le grand méchant loup le dévisagea, la bouche ouverte ; Snape mit un doigt sur ses paupières inférieures.

« Oh. Tu parles de mes valises… », soupira Lupin en se laissant tomber dans un fauteuil crapaud orange. « Quelle nuit. »

La bouche de Snape tressauta.

« Je n'ai pas vu Black de la matinée. Je suppose qu'il est parti chez la manucure. »

« Non, il est dans ma chambre », répondit innocemment Lupin en parcourant du regard le coin cuisine.

« Il n'y a pas de croissants, si c'est ça que vous cherchez. »

« Je cherche un remontant… Pourquoi tu recommences à me vouvoyer ? »

« Après cette période d'essai, j'ai compris que le tutoiement était décidément trop intime entre nous. »

« Ce n'est pourtant pas comme si nous ne connaissions pas… », répliqua Lupin en se hissant hors de son fauteuil pour se diriger vers la machine à café.

Il l'ouvrit, fronça les sourcils : il n'y avait plus de filtres.

« On croit souvent connaître les gens, Lupin. D'où les déceptions. »

« Certes. Auriez-vous une chaussette, très cher ? »

« Pourquoi diantre avez-vous besoin d'une chaussette ? »

« Ne discutez point », répliqua le magicien, arborant un malin sourire.

Le Maître ès Potions se baissa et lui lança avec mépris sa chaussette droite.

« Merci mon ami », répondit Lupin.

Il lança un sortilège de désinfection à la chaussette, puis la plaça dans la machine à café, à la place du filtre manquant.

« Vous êtes définitivement fou Lupin. Si ça vous amuse de boire du jus de chaussette… »

Mais Lupin ne l'écoutait pas. Après avoir rempli la chaussette de café moulu, il referma le couvercle de l'engin d'un coup sec.

« Ce n'est pas n'importe quel jus de chaussette, Snape. C'est le jus de ta chaussette. »

Le visage du Serpentard devint rose.

« Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre… », murmura-t-il en relevant son livre devant ses yeux.

Aussitôt un grand bruit les fit se tourner vers la porte de la chambre. Sirius Black venait d'en sortir, vêtu d'un seul drap enroulé autour de sa taille. Il avait les yeux plissés d'un chiot aveugle et l'air amical d'un bouledogue nain.

« Par ici, Sirius », appela Lupin.

Black s'avança à travers le salon, comme un petit vers le pis de sa mère. Remus lui colla entre les mains un mug empli de la première coulée du breuvage opaque, et l'animagus le porta à ses lèvres pour en boire une gorgée… Qu'il recracha tout de suite sur le carrelage en ouvrant grand les yeux.

« Bon sang Remus ! Mais tu l'as fait dans une chaussette ce café ou quoi ?!! »

« Tu veux du pain ? »

« Non, merci, j'vais me démerder. Ça va bien ? J'ai veillé toute la nuit sur toi tu sais. »

De son lointain exil sur le sofa, Snape émit un petit bruit sifflant avec sa bouche.

« Je ne savais pas qu'il y avait un serpent à sonnette dans cette pièce. Tu le savais, Moony ? »

« Ne fais pas l'idiot, Sirius. »

Black but une gorgée de plus.

« En tout cas n'achète plus de ce café avec la vioque dessus, c'est vraiment dégueulasse. »

Les longues mains du Tortionnaire se crispèrent insensiblement sur son livre lorsque le loup en robe de chambre vint s'asseoir à côté de lui sur le canapé. Puis ses yeux insondables se détournèrent de leur lecture pour se poser un instant sur le profil, tout proche, de Lupin : si ses cheveux désormais teints arboraient un châtain profond, sa légère barbe mouchetée de blanc révélait son âge véritable. Mais Black, de sa position, n'avait pas raté ce regard furtif et il fixait maintenant Snape avec un sourire dément, les yeux devenus d'un bleu quasi phosphorescent.

« Moi j'ai plutôt bien dormi », lança l'animagus. « D'ailleurs je me suis réveillé avec une de ces triques. »

Lupin ouvrit grand les yeux ; Snape fit tomber son livre.

« Je vois que les années ne t'ont pas fait devenir adulte, Black. »

« Ni toi… Toujours mal à l'aise avec le sexe, Snivello ? » Snape sursauta ; Black s'était glissé à sa droite en un éclair et avait posé le bras de Lupin autour de son épaule. Le cœur commençant à battre à la manière d'une intro de swing, le Loup ôta son bras d'un geste vif comme s'il s'était brûlé – Black colla son nez contre celui de Snape, imperturbable.

« Alors ? »

« Ton maquillage a coulé pendant la nuit, minable Gryffondor. »

« Mais ça me va plutôt bien, tu ne trouves pas ? »

Il recolla l'autre main de son ami sur l'épaule de Snape.

« Lupin, ôte cette main tout de suite. »

« Hum, oui », acquiesça l'ex-pauvre au bord de la crise cardiaque.

« Tu sais Sevy, les poils de tes avant-bras sont tout d… »

Mais Black ne termina pas sa phrase, les yeux obstinément baissés, constatant avec incrédulité un phénomène digne de figurer dans Ushuaïa ou plutôt Mystères, et auquel Pierre Bellemare, chantre des Enquêtes Impossibles et autres Récits Incroyables, n'aurait pas manquer de s'intéresser pour vous en fournir une histoire… À Ne Pas Lire la Nuit.

Oui, Sirius Black était désormais prêt à croire que les assassins étaient près de chez vous et que la vérité était ailleurs, car il y avait à ce moment même une bosse conséquente sur le pantalon de Snivellus.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que vous regardez comme ça ?! », s'exclama le Maître ès Potions.

Ayant malheureusement suivi la trajectoire du regard de son camarade, le loup-garou était devenu plus pâle qu'un mort. Snape, comprenant alors que son ustensile le moins utilisé lui jouait un tour, bondit d'un coup, submergé par la honte, puis courut s'enfermer dans sa chambre.

« Partir, il aime bien ça… », commenta Black.

Lupin ne disait rien, fixant des yeux la moquette, toujours aussi blanc.

« Remus… Y'a pas de quoi te mettre dans cet état. Je sais que voir la virilité de Snape s'animer est traumatisant – Merlin mais qu'est-ce que j'ai dit on dirait que tu vas claquer ?! »

Il essuya d'un revers de main les gouttes de sueur glacée qui avaient perlé sur le front lupinien.

« Je… Ce n'est rien Sirius… »

« Ah la la, tu parles d'un roi des forêts, tiens ! Tu devrais te réjouir, tu sais. C'est abominable à dire, mais je crois vraiment qu'il en pince pour toi, Moony. »

« À ta place je n'espérerais pas trop. »

« Je n'espère pas, je constate avec dégoût. Il a une façon de te regarder vraiment spéciale. Comme un mec regarde une fille qui l'attire. Y'a qu'à voir son état quand je lui pose ta patte dessus ! Et puis il y a eu sa crise de jalousie au bar. »

« Parle moins fort ! »

« Il nous entend pas à mon avis vu ce qu'il est en train de faire », ricana Black. « D'ailleurs avec le succès qu'il remporte il doit déjà être à moitié sourd. …HEP SEVY T'AS BESOIN D'UN COUP DE MAIN ?? »

Pas de réponse.

« Au fait Moony, t'étais pas censé lui sauter dessus après la pleine lune ? Au vu de ton manque d'initiative tout à l'heure je me crois en droit de douter de l'intensité de ta motivation. »

« Hé bien… Il ne faut pas confondre motivation et précipitation Sirius… D'ailleurs je me demande s'il ne vaut pas mieux lui laisser l'initiative, tout en l'induisant à hum, venir vers moi… Enfin, tu vois ce que je veux dire ? »

« Oui, je vois même trop bien. Le problème avec toi Remus, c'est que tu vies trop dans tes rêves. C'est la meilleure façon de mourir avec plein de regrets. »

Lupin soupira et se laissa tomber à la renverse dans la moumoute.

Black se mit à chantonner un air de Led Zeppelin, tout entouré de nuées.

« C'est quoi cette espèce de brume autour de ta tête, Sirius ? »

« Je me souviens Moony… »

Il se redressa, l'air horrifié.

« En fait… Ton attitude avec Snivellus, à Poudlard… »

« Hé bien… »

« Ne me dis pas que… »

« Je dois l'avouer, oui. C'est amusant que tu ne t'en aperçoives que maintenant. Je me rappelle, j'avais toujours peur que ça se voit à l'époque. »

« Mais explique-moi… Parce que j'ai du mal à comprendre… Qu'est-ce qu'il avait de plus que les autres types de l'école ? »

« Justement… Il était différent. Il émanait de lui une force, un charisme, qui au fond étaient intensément masculins. »

C'était au tour de Sirius Black d'être tout pâle.

« Quoi ! Charismatique, LUI ? C'était un pou trouillard ! »

« Au début peut-être, mais après… »

« Bon, y'a pas trente-six solutions Moony. Tu l'aimes, il t'aime, mais vous êtes tous deux tellement névrosés que vous êtes incapables de vous déclarer l'un à l'autre. Donc tu le coinces dans un coin – un endroit duquel il ne peut pas s'échapper, et tu lui sautes dessus. Il sera obligé de laisser tomber le masque. »

« Un endroit sans issue ? Mais où ? »

Black fronça les sourcils, une main couvrant le bas de son visage.

« Ton prochain spectacle est dans combien de temps ? »

« Demain soir. »

« Bien. Alors j'ai peut-être une idée… », répondit-il en se grattant le menton, l'air songeur…

oo0o0o0oo

Sirius Black n'avait jamais été un amateur de jazz comme son ami Lupin, mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'il n'aimait pas swinguer.

En vérité, Sirius Black était même l'incarnation du balancement à lui tout seul. Vous auriez du le voir, encore adolescent, déambulant dans les couloirs de Poudlard, étrange et charismatique comme un tigre aux yeux bleus, effleuré par le rythme trépidant des Stooges, une guitare miaulante, une voix feulante.

Je connais un chien noir pervers comme un chat, avec un œil rouge qui cligne quand il voit de jolies pépées. Je connais un cerf dont la tête est si grosse que quand il fume de l'herbe à Merlin il monte jusqu'au ciel comme une nacelle rouge et or. Et tout cela, c'était la faute de la mesure qui jaillissait du pick-up moldu.

Hey hey, mama, said, the way you move
Gonna make you sweat, gonna make you groove !

Le chien noir trépidait sur le rythme démoniaque, tournait sur lui-même en essayant d'attraper sa queue. Le pote James, dont la récente boule afro avait réglé le problème d'épi, secouait la tête en cadence, en mimant des soli de guitare avec son balai. Flegmatique, Remus Lupin avait un petit mouvement de hanches.

Ah ah, child, the way you shake that thing
Gonna make you burn, gonna make you sting

Lupin dansait avec Sniffle en lui tenant les pattes, tourbillonnant comme une jeune fille qui s'amuse à faire bouffer sa jupe.

Hey, hey, baby, when you walk that way
Watch your honey drip, can't keep away

Un élève aux longs cheveux noirs traversait le cloître d'une démarche arachnéenne, serrant ses livres contre sa poitrine. Lui il ne dansait pas. Il ne chantait pas non plus.

I gotta roll, can't stand still
Got a flamin' heart, can't get my fill…

En cours d'histoire de la magie, les yeux de Lupin étincelaient tandis qu'il détaillait secrètement les longues mains de son voisin, faisant glisser sa plume avec une sorte de piété respectueuse, traçant sur le parchemin d'élégantes lettres féminines. Mais il finissait toujours par sentir le regard acéré de Snape le frapper, et détournait brusquement la tête pour revenir au fantôme en pleine leçon.

Eyes that shine burnin' red
Dreams of you all through my head !

Lui ne dansait ni ne chantait. Ses yeux noirs étincelaient de douleur tandis qu'il fixait son voisin qui venait de tourner la tête, une expression tellement frappée sur le visage que n'importe qui l'aurait interprétée comme de la haine.

I don't know, but I been told
A big-leg woman ain't got no soul

oo0o0o0oo

« T-t-t… A big-nose man », corrigea Sirius Black, en s'allumant une clope.

…And that's all for the time, folks !