Stiles avait l'intégralité de son matériel de tricot dans une boîte qu'il cachait, alors inutile de tout rassembler : ça l'était déjà. Le souffle tremblant, il rangea la boîte sous son lit. Il y arriverait, mais pas ce jour-là. Entre prendre une décision et l'appliquer, il y avait tout un monde. Tout un monde qui avait volé en éclat quelques jours plus tôt. Stiles aimait son père, sincèrement, mais il ne l'aurait jamais cru capable d'une telle étroitesse d'esprit. Intolérant. Noah était intolérant. Et pourtant… Stiles ne lui en voulait pas. Il ne lui en voulait pas pour toutes ces larmes qu'il avait versées, pour ces paroles qu'il peinait encore à digérer, pour son estime de soi qui, chaque jour, partait en fumée.
Stiles s'allongea dans son lit et se mit à regarder le plafond. Demain serait un autre jour, il irait mieux, sans doute. Peut-être que son père s'excuserait, ou bien qu'il lui pardonnerait ses… Excentricités.
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Jackson soupira. Cette journée s'annonçait vraiment nulle. Il avait mal dormi et s'était levé du mauvais pied. Chaque parole de ses parents l'agaçait, même la douce voix de sa mère. Il y avait des jours comme ça, où il valait mieux ne pas le croiser, ne pas lui parler et surtout, ne pas l'emmerder. L'idéal aurait été que cette mauvaise humeur tombe pendant le week-end. Si Jackson avait généralement tout ce qu'il voulait, ce ne fut pas le cas cette fois-ci. Nous étions en pleine semaine et il avait mathématiques. Avec Stilinski. Quel bonheur. Cet hyperactif était déjà généralement difficile à supporter alors, dans cet état-là… Et bien évidemment, ses messages de l'autre jour revinrent peupler les souvenirs du kanima, achevant d'empirer son humeur. Il ne comprenait toujours pas son attitude et ce besoin de l'éloigner avec cette excuse pourrie : « c'est juste mieux pour toi ».
- Mieux pour moi, mon cul ouais, siffla Jackson en enfilant sa veste.
Si Stilinski voulait juste changer de binôme, il n'avait qu'à lui dire directement, ce serait nettement plus rapide et honnête. Et puis, c'était quoi cette idée de le rabaisser ? Même s'il ne le portait pas dans son cœur, Jackson ne pouvait pas nier l'intelligence de l'hyperactif. C'était une sorte de petit génie qui ne se foulait pas trop. Pour cette raison, il avait toujours de bonnes notes, n'atteignant toutefois jamais le seuil de l'excellence. Il savait que Stiles n'en ressentait pas le besoin. Alors pourquoi ? Pourquoi lui avait-il dit ça ? Jackson pesta. Ne pas comprendre l'énervait d'autant plus.
Alors, il partit au lycée, une aura noire autour de lui. Personne n'avait intérêt à venir l'emmerder, ni même lui parler. Lorsqu'il en passa le portail, c'est à peine s'il salua Lydia qui lui avait fait un joyeux signe de la main. Son sourire se fana cependant lorsqu'elle vit l'humeur massacrante de Jackson, qui se lisait clairement sur son visage. Connaissant fort bien le personnage, elle n'intervint pas et le laissa tranquille.
Une fois dans la salle de classe, Jackson manqua de casser quelque chose lorsqu'il trouva la place à côté de lui, vide. Stiles était absent, encore. Comment pourraient-ils avancer ce fichu devoir de mathématiques ensemble si l'hyperactif ne faisait aucun effort ? Hors de question que Jackson se tape le travail tout seul ! Mais on toqua à la porte une bonne dizaine de minutes plus tard et Stiles apparut, la tête basse. Il s'excusa vaguement pour son retard et retint un soupir lorsqu'il dut s'installer à côté de Jackson. Alors qu'il sortait ses affaires, Jackson maugréa à voix basse :
- Cache ta joie de me voir, surtout.
S'attendant à une réponse acerbe de l'hyperactif qui l'avait forcément entendu, Jackson se prépara à l'avance à riposter mais la réponse en question ne vint jamais. Le blond tourna la tête vers l'hyperactif et vit qu'il était ailleurs, comme absent. La colère du kanima redescendit légèrement. Les cernes de Stiles étaient sacrément prononcés, comme si dormir n'était pas vraiment sa priorité. Le pire, c'était sans doute le fait qu'il ne lui accordait aucune attention. C'était à se demander s'il l'avait remarqué. Alors que le professeur écrivait quelque chose au tableau, Jackson se pencha légèrement vers l'hyperactif et lui glissa à l'oreille :
- Faut qu'on s'organise pour le devoir.
Cette fois, il ne pouvait pas ne pas l'avoir entendu. Le regard miel de Stiles sembla s'animer un instant et il se mit à écrire quelque chose sur une feuille, qu'il fit glisser en direction du sportif sans même le regarder.
« Je t'ai déjà dit de demander au prof de te mettre avec quelqu'un d'autre. »
Jackson fronça les sourcils et fit de son mieux pour minimiser la montée de sa jauge d'irritation. Stilinski était encore avec cette histoire de changement, sérieusement ? Avant de trop réfléchir à la question, de s'emmêler les neurones et de prendre le temps de s'énerver, Jackson écrivit à son tour un petit mot, juste en-dessous de celui de l'hyperactif.
« Je ne le ferai pas alors tu vas arrêter d'essayer de chercher à fuir et me dire comment on pourrait s'organiser. Je vais pas tout me taper tout seul, je te préviens. »
Les mots s'enchaînèrent avec rapidité et si Jackson laissa peu à peu son agacement se peindre sur son visage, celui de Stiles affichait juste une sorte de… De quelque chose qui ressemblait à de la lassitude.
« Si tu te débrouilles bien, tu peux te retrouver avec un bon binôme. Pas moi. »
« Je sais pas si t'as remarqué mais si le prof a choisi les binômes, c'est pas pour qu'on en change quand ça nous plaît pas. »
« Tu es un Whittemore. Avec toi, ça marchera. »
« Je ne le ferai pas. »
« Ecoute, tu ne m'apprécies pas. Ou plutôt, tu me détestes. Alors profite de ma gentille de ne pas t'imposer ma présence. »
« Je sais pas si t'as remarqué, mais t'es le seul à vouloir que je trouve quelqu'un d'autre. Entre les deux, c'est pas plutôt toi qui me détestes ? »
« Non. C'est juste mieux pour toi. Ne t'embarrasse pas d'un poids, Jackson. Tu n'es pas de ce genre-là. »
Jackson pesta le plus silencieusement qu'il le put pour ne pas attirer l'attention du professeur qui expliquait une nouvelle leçon. C'était quoi son problème, à l'hyperactif ? Qu'il veuille changer de binôme, c'était une chose qu'il avait juste à avouer. Qu'il se traite lui-même de poids, c'était une autre histoire. C'était quoi ce besoin qu'il avait d'éviter d'être avec Jackson ? Il s'agissait simplement d'un stupide devoir maison qui engageait simplement leur sérieux à tous les deux pour résoudre et rendre des exercices à leurs deux noms. Rien de plus. Pourquoi Stilinski en faisait-il tout un plat ? Et puis c'était quoi cette tristesse dans son odeur ? Elle était ténue, comme s'il la réprimait, mais Jackson n'était pas seulement un kanima. Du sang de loup-garou coulait dans ses veines. Il avait donc la vue supérieure, l'odorat et tout le pack qui allait avec la morsure qui l'avait transformé. Pour autant, il ne demanda pas à l'hyperactif ce qui pouvait potentiellement le rendre triste parce que ça ne le regardait pas, mais également parce qu'il doutait fortement qu'il se confie à lui. Si, pour un devoir de mathématiques, il refusait de travailler avec lui, alors il ne fallait pas compter sur de potentielles confessions.
Le cours de mathématiques passa fort lentement pour les deux jeunes hommes et à la fin de l'heure, Stiles fut l'un des premiers à se lever et à sortir de la salle. Jackson, étonné par sa rapidité, rangea vite ses affaires et partit à sa suite, sauf que c'était trop tard. Il ne savait pas où il s'en était allé.
Jackson ne revit pas l'hyperactif par la suite. Il fut absent aux autres cours et c'est plutôt décidé qu'il lui envoya un message lors de la pause. Message qui, bien évidemment, reçut seulement le silence comme réponse.
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- Il va m'entendre, il va vraiment m'entendre, pesta Jackson en claquant un peu trop fortement la portière de sa belle voiture de sport.
Non parce que, pour l'obliger à se garer devant la maison des Stilinski, il fallait le faire. Stiles ne lui avait rien demandé, bien sûr, il n'avait même pas répondu à son pauvre message quelques heures plus tôt. Cependant, Jackson préférait se dire que c'était de la faute de cet idiot qu'il était là, devant cette modeste maison. L'air de rien, le travail n'allait pas se faire tout seul alors si Stiles ne voulait pas faire le devoir, celui-ci viendrait à lui, parole de Whittemore. Il avait d'ores et déjà réfléchi à une répartition potentielle des tâches. Il y avait une bonne dizaine d'exercices plus ou moins longs, leur professeur s'était fait plaisir. Sans doute s'était-il dit qu'ainsi, ses élèves auraient quelques soirées intelligemment remplies. Il ne s'était probablement pas rendu compte que ce devoir lui prendrait des semaines de correction et encore, c'était s'il avait le courage de s'en occuper tôt. De ce côté-là, rien n'était moins sûr.
Ce qui l'était davantage en l'occurrence, c'était le fait que Jackson ne repartirait pas tant que Stiles n'aurait pas au moins commencé ce foutu devoir avec lui. Bien qu'étant un Whittemore et, par conséquent, une personne influente, le sportif avait appris à ne pas se servir de son nom pour des choses aussi futiles que cela. Avant de se défiler parce que, l'air de rien, Jackson avait envie de se poser chez lui à ne rien faire – et c'était bien plus tentant que de discuter avec Stiles, le blond toqua à la porte. Après avoir attendu plusieurs secondes dans le vent, il sonna. L'hyperactif ne pouvait pas faire semblant de ne pas être là : sa Jeep était garée dans la petite rue d'à côté, fait que Jackson trouvait un peu étrange étant donné qu'il y avait deux places pour se garer chez lui. Ainsi, il insista de longues minutes et montra ainsi sa patience toute relative lorsqu'enfin, on ouvrit la porte.
Si Jackson fut surpris par l'air débraillé et des yeux rouges de l'hyperactif, celui-ci parut sincèrement étonné de voir son binôme sur le pas de sa porte. Sans pouvoir s'en empêcher, le blond détailla la tenue de Stiles. Un pantalon de jogging lambda, un vieux t-shirt avec quelques trous et une veste trop grande pour lui et pas en très bon état. La peau du fils du shérif paraissait bien plus pâle que lorsqu'il l'avait vu en cours de mathématiques et ses yeux rougis n'aidaient pas à lui donner bonne mine.
- Que… Qu'est-ce que tu fous là ? Demanda l'hyperactif, hébété.
Jackson vit très clairement le regard de l'hyperactif balayer les alentours du regard.
- Je viens pour le devoir, lui répondit-il simplement en croisant les bras sur son torse d'un air un peu hautain, et j'en ai un peu marre de te courir après. Cette fois, tu peux plus fuir et je repartirai pas d'ici tant qu'on ne l'aura pas commencé. Hors de question que je le fasse seul, tu vas devoir y mettre un peu du tien.
Stiles se mordit la lèvre inférieure alors qu'un semblant de nervosité naquit dans son odeur. A nouveau, il regarda derrière Jackson et c'était comme s'il balayait tout le voisinage avec ses yeux fuyants. Il abandonna très vite toute tentative de résistance et ouvrit la porte en grand avant de s'engouffrer dans sa maison. Sans doute avait-il dû se demander ce qu'il aurait pu faire contre un kanima déterminé… Qu'il s'agisse ou non de Jackson, Stiles savait que la réponse était claire. Ledit kanima le suivit après avoir refermé la porte derrière lui et c'est ainsi qu'ils arrivèrent dans la cuisine. L'épisode aurait pu être simplement déplaisant si… Stiles ne commençait pas doucement mais sûrement à puer l'angoisse. Toutefois, Jackson ne lui dit rien, afficha juste son habituel air renfrogné et dégoûté devant tant de modestie à laquelle il n'était pas accoutumé. Il déposa son sac sur la grande table à manger toute propre et commença à sortir ses affaires. Stiles disparut puis revint vite, son propre sac de cours avec lui. Sans relever les yeux dans sa direction, il tenta toutefois :
- Tu veux pas faire ça un autre jour, autre part… ?
La réponse du kanima fut rapide, presque directe :
- Si on reporte, tu vas fuir, encore.
Son ton était acerbe, accusateur et pourtant, l'envie n'y était pas. Se retrouver face à un hyperactif aussi fade était troublant, perturbant. Où était passé son sarcasme légendaire ? Son arrogance de façade ? Ce côté tête-brûlée qu'il n'hésitait pas à mettre en avant durant les pires situations ? Stiles transpirait actuellement l'angoisse et son regard était si fuyant que Jackson se demanda s'il avait une seule fois posé ses yeux sur son faciès de mannequin.
C'est dans cette ambiance toute relative qu'ils commencèrent à travailler, l'un en face de l'autre. Pour la première fois de sa vie, Jackson n'entendit pas un mot sortir de la bouche pourtant adoratrice de paroles de Stiles. Bien sûr, il y avait une raison à cela. Et cette raison était en train de garer sa voiture sur l'une des deux places devant la maison.
