Chapitre 1 de Diamant Noir ! J'espère qu'il plaira ! Bonne lecture !
Deux ans plus tôt, Une nuit, en France.
Le pourtour des immeubles se dessinent au-delà de la nuit. D'étranges lueurs violettes enlacent les ombres des arbres et des bâtiments de béton. Fondue dans la lumière des panneaux publicitaires et des feux de signalisation, la ville s'est endormie. Un calme brisé de temps en temps par le bruit de pneus sur le bitume ou d'aboiements canin l'enveloppe. Le ciel est incrusté de brume et la pollution lumineuse empêche aux étoiles de parer la voûte céleste de perles nacrées.
Une brusque bouffée de vent fait se froisser les feuilles d'un platane. L'une d'entre elles se détache de l'arbre et s'engouffre dans le courant d'air. Elle se met à voltiger au-dessus de la ville, des rues, des feux rouges. Elle passe devant un chat aux yeux grands ouverts. Il tend une patte duveteuse pour essayer de l'attraper, mais la feuille, lancée dans sa course gracieuse tournoie et monte encore plus haut dans le ciel. Si elle avait des yeux, elle observerait à présent le panorama citadin qui s'éloigne. La nuit et la nature finissant par reprendre leurs droits au fur et à mesure de son parcours aérien.
Elle verrait à présent de petites tâches brillantes dans le ciel noir, car il n'y a rien de plus, à présent, qu'un vieux lampadaire, pour empêcher les étoiles de scintiller de toute leur robe de feu et de gaz. Plus de pneus qui crissent également. Aucun feu rouge. Juste une immense maison, plantée là, au bout d'une impasse goudronnée.
La feuille achève là son périple de feuille. Elle tombe, délicatement et sans un bruit devant le haut portail en acier noir et or, de la si grande bâtisse. Cette maison, c'est celles des O'Neil. Une famille de magiciens, ancienne est respectée dans tout le pays. Irlandais et Français, ils se sont dispersés entre ces deux pays depuis des générations entières.
Plus de pneus et de bruit de la ville. Mais une porte qui claque. Le portail qui grince. Une silhouette sombre qui sort de la demeure, suivit d'une autre. Et des voix qui grondent :
« - Tu ne peux pas faire ça.
- Bien entendu que si. Je le peux, et je le fais.
- Reviens, je te dis. Oublions tout ça, tout ce qu'il s'est passé. »
La première forme, c'est celle de Nayël O'Neil, la cadette de la famille. Elle se retourne lorsqu'elle a passé le portail, la lumière du lampadaire se reflète dans ses yeux d'un gris profond. Une colère non dissimulée y brille, plus ardente que des braises. Elle a un sac sur son dos. Ses cheveux châtains et ondulés sont attachés en chignon.
« - Je n'oublierais jamais. Je ne peux pas oublier ma vie entière. Et je ne veux jamais revoir l'un seul d'entre vous !
- Nayël ! »
La feuille s'effrite sous le pied de la concernée. Malgré les cris de hargne à son encontre, elle continue de marcher jusqu'à ne plus pouvoir observer les étoiles dans le ciel. Jusqu'à l'aéroport et à l'avion qui l'attendent pour l'emmener aussi loin que possible de cette rue et de cette maison.
Les paysages défilent de plus en plus vite. Appuyée contre la vitre du taxi dans lequel elle s'est réfugiée, Nayël observe avec nonchalance la nuit qui laisse place à l'aurore du matin. Un camaïeu de roses se dévoile au-dessus de sa tête. La ville a laissé depuis bien longtemps place à la campagne et à ses paysages sauvages.
La jeune femme est encore cotonneuse, à cause du vol de trois heures, qu'elle a plus subi qu'autre chose. Nayël a horreur des transports qui nécessitent roues, ailes ou rails. Elle a peur de tout ce qui n'est pas ses jambes. Et même de ses jambes parfois.
Elle touche son mollet gauche à cette pensée. D'anciennes douleurs viennent de se réveiller.
Le conducteur de la voiture freine brutalement, la faisant sursauter. Elle porte la main à sa poitrine, pour soulager son pauvre cœur qui se débat entre ses côtes. Elle a mal à la tête et froid :
« - Excusez-moi, je vous ai fait peur. Mais c'est parce que le GPS me dit qu'on est arrivé. Que c'est la bonne adresse et le bon lieu. »
La mage ne répond pas, elle ouvre la portière et descend de la voiture. Elle s'enroule dans sa veste, une écharpe beige autour de son cou, son haleine forme de petits moutons blancs de buées. Puis elle regarde autour d'elle. La route, longue ligne droite de bitume qui se fracasse dans un virage, quelques mètres plus loin, en direction d'une autoroute si on en croit les bornes de signalisation.
Nayël voit juste un minuscule chemin de terre et de béton à sa droite. Tout juste assez large pour faire passer une voiture, au ralentit. Il y a aussi un vieil abri de bus et un panneau salit par la poussière. Elle entend le chauffeur de taxi qui ouvre le coffre et le referme après. Nayël ne quitte pas des yeux le petit chemin :
« - Ça vous convient du coup ? Ou on fait demi-tour ? demande-t-il, le sac de Nayël dans la main. »
La jeune O'Neil pioche dans son manteau un paquet de billets sans faire attention à combien elle donne au conducteur. Puis elle récupère son sac :
« - C'est parfait, merci. Gardez la monnaie.
- Vous êtes sûr ? J'vois pas ce qu'il peut y avoir, à part des renards et des sangliers dans le coin… »
Elle sourit doucement en se dirigeant vers la petite route isolée tandis que le chauffeur se réinstalle dans sa voiture en la regardant avec inquiétude :
« - Ma tranquillité, voilà ce qu'il va y avoir. »
Elle arrive au bout du chemin, essoufflée, son pantalon est plein d'épines parce qu'elle s'est perdue entre temps. Elle a un sens horrible de l'orientation et elle le sait. Reprenant son souffle, les mains sur les genoux, elle regarde devant elle, un air satisfait sur le visage :
Une petite maison en pierres brunes, un jardin en perdition, entouré simplement d'une clôture haute en bois à la peinture défraichie. Le portail pend mollement hors de ses gonds. Les vitres de la maison sont fumées de poussière. Nayël observe la cheminée et se demande si c'est bien un nid qu'elle voit logé tout contre.
Un oiseau s'envole :
« C'est un nid… »
Ni numéro, ni boite aux lettres, ni meubles. Rien qu'une carcasse de pierres et de plâtre, avec un nid et des oiseaux en guise d'hôtes. Une route presque impraticable, des ronces et des pins tout autour d'elle. Elle est isolée de la prochaine ville de plus de trente minutes. Et pourtant, elle sourit de tout son cœur en pénétrant dans le jardin. Elle esquive un petit hérisson qui va se réfugier sous un tas de tuiles par terre. Et elle regarde ce qui va à présent lui servir de foyer et de refuge en se retroussant les manches :
« - Bien le bonjour petite maison, tu n'es pas très belle pour le moment. Mais tu vas le devenir. Tu vas être très importante pour moi à l'avenir. Pour moi et pour le vœu que je veux exaucer quand ça sera le moment. »
Le vent agite les arbres, mais il n'y a pas de feuilles qui virevoltent. Juste un oiseau qui chante lorsque se lève le jour.
